Elliot Barnes : "J’aime avoir une extravagance calme et maîtrisée"

Elliot Barnes : "J’aime avoir une extravagance calme et maîtrisée"

Diplômé en 1985 d’un Master en architecture et urbanisme à la Cornell University de New York, collaborateur pendant près de seize ans d’Andrée Putman , Elliot Barnes a à son actif l’aménagement de plusieurs résidences privées, showrooms et bureaux dans le monde entier. Également contrebassiste, ce passionné de jazz signe le réaménagement du fameux club parisien Le Duc des Lombards en 2008 et le décor du siège social de Ruinart à Reims en 2010. À cette occasion, il développe, entre autres, un papier-peint dit Wine paper, mélange de peaux de raisin avec du chanvre et du lin ainsi que le sol Granito, réalisé à base de bouteilles de champagne concassées. Car l’architecte franco-américain, amoureux des Arts décoratifs, est toujours à la recherche d’expérimentation.


[Cet article est en complément de l’entretien paru dans le numéro 210 d’Intramuros : «  Elliot Barnes ou les Arts décoratifs à fleur de peau »]

© Julien Drach

Endless Summer, Pli, Starfish ou Onde … Le travail de la peau sous forme du cuir occupe une place importante dans vos créations. D’où vous vient cette fascination ?

Tout a commencé avec Onde en 2014. Je voulais considérer le cuir comme une structure et non comme un élément qui couvre. Je l’étudiais en le manipulant, en le pliant. J’ai aussi repensé à Franck Gehry : dans les années 1970, il a fait un énorme travail avec du carton ondulé, notamment avec sa fameuse chaise (ndlr : The Wiggle Side Chair). Pour moi c’est un chef-d’œuvre. J’aime beaucoup cette démarche de détourner les choses de notre vie courante. Ça offre tout de suite un autre langage aux objets. Cette notion de détournement fait partie de mes origines qui me lient avec Andrée Putman mais aussi avec mes débuts en architecture. Je n’ai pas une fascination proprement dite pour le cuir. Disons que je suis amoureux des finitions et j’aime bien avoir une sorte d’extravagance calme et maîtrisée. Cette notion de couvrir rejoint ce que nous, architectes d’intérieur, faisons, c’est-à-dire couvrir ou habiller des espaces. Il y a donc un lien conceptuel derrière tout ça. Mais en réalité, cette exploration du cuir a démarré en 2013, pour AD Intérieurs à l’hôtel de Miramion.  Au lieu d’habiller une pièce avec des boiseries traditionnelles, je voulais des matériaux souples comme le cuir. J’ai cherché à le plisser à la manière des origamis japonais. Je voulais des lignes droites disposées comme des éventails. Quand on commence à manipuler le cuir, toute une réflexion se met en place, les objets viennent peu après. Et puis cela dépend des collaborateurs rencontrés. Le tapissier Philippe Coudray a réalisé tous les panneaux pour ce salon. C’est toujours une question de dialogue.

Elliott Barnes, scénographie pour AD Intérieurs, 2017 © Francis Amiand

Effectivement, Pierre-Yves Le Floc’h, tapissier très discret, ne voulait pas seulement se cantonner au métier traditionnel, mais aussi explorer de nouvelles techniques. Vous êtes devenu un duo de choc.

C’est une sorte de génie. Il parle très peu, il écoute, il va dire deux ou trois choses et on se sent en confiance. Puis il revient avec des premières maquettes et je suis bluffé. Aujourd’hui des marques de luxe font appel à lui, car il leur apporte un savoir-faire, une expertise et surtout cette exigence que j’apprécie.

La table Écume, pièce unique, semble se démarquer de votre production.

C’est une pièce un peu extravagante qui fait une sorte de contrebalance à des pièces épurées, comme Endless Summer justement. Elle réunit beaucoup de techniques dont celle du cuir, la découpe, le placage de ce papier de sel, ainsi que la recherche de transparence du verre. Tout ça conçu, maîtrisé et assemblé par Pierre Yves, sans oublier le travail du verre par Judice Lagoutte avec cette loupe qui change l’échelle et crée un effet de surprise. Qui dit « cuir » dit « peau ». Je questionnais ce genre d’associations de manière assez libre au point de vouloir tatouer le cuir. Mais ça n’a pas abouti car le cuir, peau déjà morte, ne s’allie pas avec la technique du tatouage. Ce motif au fond de la table reprend des formes de la culture indoue notamment le yogi. Pour la forme, l’idée était de coucher le cuir sur la tranche de façon à créer une base solide sur laquelle repose la table. Écume est une pièce unique, mais elle rassemble des idées que nous ressortirons pour d’autres pièces. Elle sert de dictionnaire de matières, de formes et de détails.

Elliott Barnes, table Ecume.

Vous aimez intégrer un ornement dans vos pièces dont cette rosace marquetée sur la table Écume ou les sphères sur le piètement d’Endless Summer. Quelle est votre vision de la place de l’ornement ?
A vrai dire, je suis plutôt un moderniste dans le sens où j’aime les choses épurées. S’il y a de l’ornement, c’est en le faisant sortir de la matière, tel le galuchat ou le gypse, ou encore le veinage naturel des plaques des marbres par exemple. Disposé en frisage ou en « livre ouvert », il s’en dégage quelque chose de fort. C’est très « loosien ». J’entends par là Adolf Loos (1870-1933) qui, dans son opus Ornement et Crime (1908), parle justement de ne pas rajouter de choses. Mais comme il y a du bonheur dans la contradiction, il fallait quand même ajouter dans cette pièce tellement épurée une touche avec ces sphères en laiton poli. Aujourd’hui le banc existe dans une version sans sphères.

Elliott Barnes, Banc Endless Summer © Francis Amiand

Comment cherchez-vous l’inspiration ?

C’est un processus de laisser-aller. Me laisser porter par un mot, un bruit, une lumière et à partir de là, plonger dans ma tête et chercher des associations libres. L’intonation d’un mot peut faire penser à quelque chose et le rattacher à un objet, à l’image de la collection Poinciana avec la maison Delisle en 2017. Nous l’avions présentée à l’hôtel de la Monnaie au Salon AD la même année. Je devais décorer un salon en hommage à Jean Varin (1607-1672), un important graveur de la Monnaie sous Louis XIII. Or certains outils de graveurs me faisaient penser à ceux des tapissiers qui travaillent le cuir, ce qui m’a amené à chercher des rapports avec le cuir. Avec Jean Delisle et Pierre-Yves, on a cherché tous ensemble à gainer la structure des lampes. Comme source d’inspiration formelle, j’ai regardé les outils de graveurs dont les manches des poinçons. Je les ai alors retravaillés à la manière de l’art très élargi des œuvres des années 1960 de Claes Oldenburg (né en 1929). J’ai alors proposé à Jean Delisle de nommer cette collection Poinciana. Sa collaboratrice, Ornella, musicienne comme son mari, a à son tour fait le lien avec le tube Poinciana (1936) de Nat Simon. Cette association de poinçon /Poinciana et de renvois très libres m’amuse.

Elliott Barnes x Delisle, Poinciana Table Lamp © Vincent Leroux

Vous-même êtes contrebassiste. Est-ce que la musique vous inspire des formes ?

Pour moi c’est un processus. Je m’explique : quand on est contrebassiste dans un ensemble, surtout en jazz, on a un rôle de leader, mais qui reste en arrière-scène. Bien souvent on pense que c’est la batterie qui donne le tempo, mais en réalité c’est le contrebassiste. Quand j’ai monté mon agence, j’aimais justement être le gars en arrière-scène qui orchestre tout pour que mon équipe puisse à son tour créer des solos. On est ici et on travaille tous ensemble. Cette ambiance de musique et d’improvisations nourrit vraiment le travail. C’est une jam session. Lorsque je reçois des gens en entretien, je leur raconte souvent cette histoire qui était arrivée à Miles Davies quand il était en train d’enregistrer un disque dans les années 1950. Pendant la préparation, un de ses saxophonistes vient le voir en lui demandant « Miles tu veux que je joue quelles notes » et Miles Davies lui répond « play what the fuck you want! » (joue ce que tu veux bordel !). C’est vrai ! vous êtes musiciens, ne demandez pas quelles notes il faut jouer, jouez ! Il n’y a jamais de mauvaises notes comme disait Herbie Hancock. Donc ici, il ne faut pas venir au bureau me demander ce qu’il faut faire. Vous êtes professionnel, designer, architecte d’intérieur, alors proposez ! Et si vraiment ça ne marche pas, on en parlera. Personne ne peut vous apprendre à créer. Soit vous créez, soit vous ne créez pas. En revanche on peut vous enseigner le contexte dans lequel vous allez créer. Et ce contexte d’art et d’histoire a cinq mille ans. En tant que créateur, j’estime que c’est votre devoir de le connaitre. C’est ce qui nourrit votre vocabulaire, votre langage et qui vous donne le moyen d’improviser librement… donc de créer !

Sur le chantier de la maison Ruinart vous avez exploré de nouvelles matières à partir d’éléments authentiques tels le Wine paper. Comment vous est venue l’idée ?

En visitant le site, j’étais impressionné par le silence qui régnait sur ces 26.000 mètres carrés comprenant jardins, terres, bâtiments de productions, le tout accompagné d’une remise en question en tant que créateur : que pouvais-je apporter à la plus vieille maison de spiritueux du monde ? J’ai alors réalisé assez vite qu’il ne fallait pas apporter mais exporter les choses. J’en ai parlé au président de l’époque, Stéphane Baschiera, en lui expliquant que tout ce dont j’avais besoin existait déjà sur ce site. Pour le minéral, je pouvais extraire la pierre des crayères, remployer les anciens fûts pour avoir du bois ou me servir des bouteilles pour le verre. Mais à un moment, j’ai eu un souci budgétaire et esthétique pour recouvrir un mur. Je voulais faire du papier-peint, or dans mon esprit, qui dit papier dit plante, qui dit plante dit vigne, qui dit vigne dit raisin… Ainsi, par association libre d’idées, j’ai choisi de faire du papier à base de raisin. En effectuant des recherches on s’est rendu compte que ça n’existait pas. J’ai alors contacté un vigneron en Bourgogne qui a fait des essais avec le pressage des peaux de raisin. Il y a eu plein de problèmes avec les premiers échantillons. Le papier commençait à moisir, les pépins restaient collés… Puis j’ai rencontré un artisan en Bourgogne spécialisé dans la fabrication de papier avec du lin et du chanvre. Ce mélange entre le raisin et le lin donnait une consistance au papier mais faisait aussi un nouveau lien avec l’histoire des moines de Dom Pérignon. Leur gourde avait des bouchons en liège maintenus par des ficelles en chanvre. Donc mélanger le raisin des vignes de Ruinart m’a permis de faire un produit spécifique à cette maison, au point que l’on peut parler d’une cuvée de papier. Et ce qui m’enchante encore plus dans ce développement du langage, c’est qu’il y a une osmose entre les vignerons de Ruinart qui font leur champagne une fois par an et moi qui fait aussi un papier tous les ans.

Elliott Barnes, aménagement pour Ruinart © Francis Amiand

Vous considérez-vous comme un partisan de matériaux écoresponsables ?

Être écoresponsable est important bien sûr. On peut penser le mobilier dans cette optique-là, mais des gens bien plus spécialisés que moi travaillent sérieusement sur ces projets à tel point qu’ils sont déjà prêts à les industrialiser. Mais pour moi, être écoresponsable n’est pas suffisant. Il faut être créatif, rajouter une notion esthétique. Il faut inscrire tout cela dans l’Histoire des Arts décoratifs. Il y a une sorte de va-et-vient entre l’actualité et cette tradition française des Arts décoratifs qui m’est primordiale.

Vous semblez avoir un profond respect pour l’art classique français et italien. En 2013 par exemple, lors de l’exposition « Transposition », le musée Carnavalet vous a invité à établir un dialogue entre votre mobilier et les collections du musée. Comment avez-vous abordé cela ?

Être invité par le musée Carnavalet qui rassemble des objets fascinants était énorme. Mais je reste un enfant des années 1960. Même s’il y a des influences plus anciennes, je fais du mobilier d’aujourd’hui, donc je n’ai pas la prétention de mettre en rapport les boiseries extraordinaires du musée avec mon travail. Il faut juste arriver, poser ses œuvres, et les laisser comme ça, parfois en contrepoint avec des pièces historiques. Cette confrontation contemporain/historique est suffisante. Chaque pièce renvoie une lumière de façon à laisser le visiteur libre de tirer ses propres conclusions. C’était ça le but de « Transposition ».

Vous présentiez ces pièces sous le nom d’Elliott Barnes Sessions…

Quand le musicien va enregistrer on appelle ça  une session. C’est le concept de sortir une collection, un disque. J’y présentai Onde, Pli, Petal, Replis I et II, Orbite et aussi d’autres pièces que j’avais dessinées pour Ecart International entre autres.

L’actualité évoque une nouvelle collection de luminaires Iqanda.  Pouvez-vous nous en parler ?

Iqanda est le résultat d’une rencontre avec Antoine Tisserant. Il avait dans son showroom des œufs d’autruche qu’il m’a envoyés. Je les ai gardés pendant pratiquement un an, comme si Antoine avait semé dans ma tête des graines d’idées qu’il laissait germer.  Je l’ai recontacté pour en faire des luminaires. Il y a réellement une tradition séculaire de l’œuf d’autruche dans l’histoire des Arts décoratifs. De ces cadeaux rapportés d’Orient, on en faisait  des objets d’art en les gravant. Mais je voulais partir dans le travail de la forme et mettre en valeur le métier de bronzier d’art de Tisserant, notamment avec ce travail de cannelure  qui leur est propre. Dans le langage sud-africain, Iqanda signifie œuf. Ils ont été coupés avec une lame diamantée et l’intérieur a été poncée pour retirer la peau. Quand elle pond, l’autruche ne fait jamais des œufs de même dimension. Chaque œuf est donc unique.

Elliott Barnes, lampe de table Iqanda © Elodie Dupuis

Avez-vous ressenti une différence dans le travail de la décoration lors de votre passage des Etats-Unis en France ?

Ma dernière expérience dans une agence américaine remonte à plus de 15 ans maintenant, donc ça a certainement bien changé depuis, mais j’ai le souvenir que lorsqu’on avait besoin d’une porte par exemple, on choisissait simplement dans un catalogue la forme, les poignées, les charnières etc. Alors qu’en France, à mon arrivé chez Ecart International, il fallait complètement dessiner les portes des maisons !  Du coup, j’ai appris à les dessiner avec leur structure, leurs éléments… Puis sur les chantiers, j’ai rencontré les vrais artisans : Je voyais les staffeurs en train de travailler le plâtre avec leurs mains, faire des moulures, les compagnons façonner sur place les éléments. J’étais stupéfait. C’est vraiment là où j’ai développé cette appréciation pour l’artisanat d’art français. C’est vraiment unique au monde. Aujourd’hui, je m’appuie beaucoup sur la créativité des artisans et des fournisseurs avec qui je collabore. J’adore Martin Berger, Manon Bouvier, ou Phillipe Hurel par exemple, mais aussi les gens que je rencontre sur les chantiers.

Quels sont les savoir-faire qui vous enthousiasment le plus ?

Sans hésiter la marqueterie et les coloristes. La couleur me fascine réellement. Elle est compliquée, je l’étudie pour mes collections de tapis avec Tai Ping. En ce domaine, Tai Ping sont vraiment des maîtres avec ce travail de laine et de soie. Discuter de la couleur avec eux c’est vraiment impressionnant. J’ai dû étudier les travaux de Joseph Albers (1888-1976) pour aller un peu plus loin. Il me reste encore beaucoup de travail à faire.

Vous avez été l’un des principaux collaborateurs d’Andrée Putman. Comment s’est passée votre rencontre ?

J’avais déjà un projet de venir habiter en France depuis l’âge de 15 ans environ. J’étais dans un lycée français aux Etats-Unis et j’étais profondément marqué par le cubisme et par les personnalités comme Gertrud Stein, Hemingway, Picasso et toute cette époque-là. J’y faisais déjà plusieurs voyages pour rencontrer des architectes, de façon à comprendre la vie parisienne et voir comment je pouvais m’y insérer. Puis j’ai découvert le travail d’Andrée Putman dans la presse. Avant de faire de la création, le studio Ecart d’Andrée Putman consistait à rééditer du mobilier moderniste tombé dans l’oubli à l’époque. Sa connaissance de l’Histoire pour faire de la création faisait sens pour moi. C’est pourquoi je suis allé la voir.

Quel est l’aspect qui vous a le plus marqué dans son travail et qui vous influence encore ?

La curiosité. Ce refus d’être enfermé dans une catégorie. Andrée a côtoyé toute sa vie des artistes incroyables. Elle a atteint dans son travail une véritable liberté d’artiste. Andrée ne voulait jamais se répéter. Je me souviens des séances de travail avec elle où il fallait saisir cette chance de créer et aller toujours plus loin et se remettre en question. Tout le personnel de l’agence était d’ailleurs très jeune. Cette jeunesse lui donnait des idées. C’est ce que je fais exactement ici dans mon agence. Comme elle, je cultive cette sorte d’échange, de master class.

Vous consacrez une part de votre temps à la transmission. Vous enseignez en effet à l’Ecole des Arts déco. Quelle discipline y enseignez-vous ? Quels sont les enseignements les plus précieux que vous voulez transmettre à vos élèves ?

Je donne des cours d’architecture d’intérieur. A l’intérieur de ça, j’essaie de donner des outils à mes élèves qui leur permettraient de confronter différents types de problèmes. Encore une fois, je ne peux pas leur enseigner la créativité, ce n’est pas mon domaine. Mais je peux leur montrer différents outils qui leur permettraient de nourrir leur propre créativité et apporter des solutions à des situations. Concernant la transmission, ce sont les élèves qui m’apportent quelque chose. Depuis mes tous premiers cours à l’université, quand on doit expliquer quelque chose à quelqu’un, on apprend à organiser ses idées et à se mettre en arrière, en toute humilité. Il n’y a que les étudiants qui peuvent vous apporter cela. C’est une grande leçon. Ce qui est important ce n’est pas mon projet mais le leur et je les aide à faire de leur mieux.
Ensuite, qu’ai-je à leur apporter ? Tout d’abord l’Histoire et la théorie de l’architecture pour connaitre sa gamme et ses accords. Comme je le disais tout à l’heure, ça mène vers cette possibilité d’improviser, de créer. Enfin, il est toujours important de prendre un crayon avant de prendre un clavier d’ordinateur. Notre métier est avant tout de dessiner et de communiquer des informations à travers un dessin, sans quoi vous compromettez vos idées.

Quel est votre regard sur la jeune génération d’artisans qui s’installent ?

Ça doit être très compliqué. Mais aujourd’hui on a une meilleure appréciation du travail artisanal qu’il y a trente ans. On apprécie les choses faites à la main, d’autant plus que dans ce « fait main » il y a ce geste de faire quelque chose pour quelqu’un d’autre. Je pense que dans cette société où l’on vit à travers nos portables, on a tendance à perdre cette notion de « quelqu’un a fait ça pour moi ». C’est ce que préservent les chefs avec cette notion basique de nourrir quelqu’un. C’est une chance, un honneur et une véritable responsabilité. L’engouement des jeunes artisans qui rentrent dans ce contexte est merveilleux, on a donc bien progressé.

Elliott Barnes, Paravent Blue Ondes © Francis Amiand

Rédigé par 
François Reutin

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14/2/2022
Z Ⓢ ONAMACO, the Mexican show is becoming a must

Z Ⓢ ONAMACO, a hub of art in Latin America, has just closed its doors. From February 9 to 13, this event, which is now one of the most important on the world stage, came back in force for its 18thE editing. By using its quadripartite format combining antiques, contemporary art, modern art, design and photography, from all continents.


Au Citibanamex Center from Mexico City, Z Ⓢ ONAMACO has returned to its quarters, after more than a year of absence due to the pandemic. Welcoming more than 200 galleries and exhibitors from more than 25 countries around the world, the fair with the stylized skull logo, founded in 2002, offers amateurs, museums, curators, architects, national and international collectors the best of contemporary and modern art, as well as design, photography and antiques. For this last edition, it therefore returned to a broad and international formula that had proved its worth before the crisis, thus abandoning the “Zona Maco Art Week” which urged, between April 27 and May 2, 2021, local galleries to offer unique or collaborative exhibitions, in the heart of the gigantic megalopolis.

Courtesy of Z Ⓢ ONAMACO

Z Ⓢ ONAMACO: Four for one

Its specificity? Offer four fairs in one, namely “Zona Maco Arte Contemporaneo”, “Zona Maco Arte Contemporaneo”, “Zona Maco Disěno”, “Zona Maco Salon” and “Zona Maco Foto” -, coupled with rich satellite events, such as its “Conversations” program inviting discussions on current issues and the establishment of parallel activities in a number of institutions and galleries in the city.

Most important of all, the general sector of “Zona Maco Arte Contemporaneo” this year housed around 70 leading international galleries offering pieces using all mediums, with global signatures. Among these brands, the Italian Continua with two addresses in France, but also Gagosian Gallery, the American one with two galleries in Paris, which is no longer presented. Loyal among the faithful, the Mark Hachem gallery, which specializes in the modern art scene in the Arab world and in kinetic art, is, this year, the only Frenchy to be part of the general section. Indeed, leading companies, such as the Lelong Gallery, present in 2019, which was joined, in 2020, by Perrotin Gallery, Almine Rech, Italian Gallery, Opera Gallery, seem to have, for the time being, deserted Mexican territory.

Courtesy of Z Ⓢ ONAMACO

A new section created by the fusion of “Nuevas Propuestas” and “Foro”, “Zona Maco Ejes” welcomes around thirty young or established galleries that are particularly sensitive to current challenges. Within it, the Franco-Peruvian Younique, known for defending, among other things, the South American scene, has returned for the second time. A new exhibitor, the very young 193 Gallery, dedicated to multicultural contemporary scenes (Southeast Asia, Africa, Caribbean, South America, Europe, Oceania), in Paris, defended its artists there. Once again this year, on the stands of Hispanic galleries — many of them from South America —, the section entitled “Zona Maco Sur” highlights dialogues between two visual artists, where “art, nature and imagination meet”. With around sixteen brands, including Diptych Fine Arts and the prestigious Marlborough Gallery, “Arte moderno” celebrates the art of the first half of the 20th century.

Courtesy of Z Ⓢ ONAMACO
Courtesy of Z Ⓢ ONAMACO

The French Touch of Design celebrated in Mexico City

For its part, the twenty-five galleries of “Zona Maco Disěno”, a show active since 2011 and organized this year by the curator, artist and industrial designer, Cecilia León de la Barra, offer furniture, jewelry, textiles, textiles, textiles, decorative objects, but also limited editions and historical pieces. For its first participation, the Mobilier National, a symbol of French excellence since the 17th century, responsible for the conservation and restoration of national collections, presents “On a pixel cloud”, one installation composed of a carpet, a sofa, two armchairs and a table, created by the French artist, a pioneer of virtual and digital art Miguel Chevalier, and the Franco-Japanese Design Studio A+A Cooren (Aki and Arnaud Cooren). A very metaphorical work evoking “the quantitative explosion of digital data forcing us to find new ways to store data and to see and analyze the world”, and therefore combining new technologies with the refined forms of minimalist design.

“On a cloud of pixels”, by Miguel Chevalier and Studio A+A Cooren @ Thibaut Chapotot

Made by the Manufacture de la Savonnerie, the rug represents a refined and graphic alphabet of black, gray and white pixel patterns. The sofa and the two armchairs were made by the Atelier de Recherche et de Création (ARC), upholstered by the tapestry decoration workshop, and covered with a Dedar cotton fabric cover, printed by the Prelle company. As for the coffee table made of polymethyl methacrylate (PMAA) by the company Dacryl, in association with ARC, it is in the shape of a magnifying glass and tinted and polished.

Photographs and antiques for a complete offer

Finally, the ten Latin American galleries of the “Zona Maco Salon”, a fair created in 2014 and specialized in art before 1960, as well as the fifteen “Zona Maco Foto”, including the Parisians Lou & Lou Gallery and Gregory Leroy Photographie, have completed a resolutely complete and diversified offer of 2022 art. Despite a global context still febrile by health uncertainties and a European scene shaken up by the arrival, next autumn, of the Swiss juggernaut Art Basel, in the country of Fiac, the one that is purposely nicknamed “Hispanic Art Basel” will, we hope, be able to reinvigorate the market at the beginning of the year. And to attract visitors again through the quality of its exhibitors, the plurality of its proposals, such as the promotion of a local scene, rich, although still too confidential on a global scale.

ZMONACO, Centro Citibanamex, Av. del Conscripto 311, Lomas de Sotelo, Hipódromo de las Américas, Miguel Hidalgo, 11200, Mexico, Mexico.

www.zsonamaco.com From February 9 to 13, 2022.

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10/3/2022
Zineb Sedira représente la France à la 59e Biennale de Venise

Dans le pavillon français au sein des Giardini de la Serénissime, « Les Rêves n’ont pas de titre, Dreams have no titles » de l’artiste franco-algérienne Zineb Sedira va évoquer des questions actuelles et politiques, sous couvert de propos éminemment personnels.


Après Xavier Veilhan et son « Studio Venezia » en 2015, Céleste Boursier-Mougenot et sa proposition poétique et environnementale « Rêvolutions » en 2017, Laure Prouvost et son projet très aquatique « Vois ce bleu se fondre » de 2019, c’est au tour de Zineb Sedira de s’emparer des divers espaces du pavillon français pour cette nouvelle édition. Soutenu par l’institut français, curaté par Yasmina Reggad commissaire indépendante et directrice de la Bienal das Amazônias de Belèm, au Brésil, ainsi que Sam Bardaouil et Till Fellrath, commissaires de la Biennale d’art contemporain de Lyon 2022 et fondateurs de la plateforme curatoriale artReoriented, son projet s’envisage comme une installation protéiforme mêlant parcours de vie familiale et interrogations multiples associant la France, l’Algérie à l’Italie.

Yasmina Reggad © Lola Reboud
Sam Bardaouil et Till Fellrath © Blandine Soulage

Installation immersive axée sur le cinéma et la famille

« Etant une plasticienne vidéaste, le fil de mon projet s’articule autour du cinéma à travers une coproduction algéro-franco-italienne et se veut un petit clin d’œil à la Mostra de Venise », explique-t-elle, lors de la présentation presse au cinéma Jean Vigo qu’adolescente, elle fréquentait, à Genevilliers.  Toutefois, « Les Rêves n’ont pas de titre, Dreams have no titles » est une installation plus large, rassemblant au sein de l’architecture néoclassique du pavillon – avec laquelle il peut être parfois complexe de négocier -, des films, des objets, des archives et meubles personnels de l’artiste, un peu à l’image de son exposition « L’espace d’un instant » présenté au Jeu de Paume, en 2019, qui reconstituait une partie de son salon, à Londres. Un projet à la fois intime et universaliste, qui parle de sa famille mais aussi de racisme, de solidarité, de colonisation et décolonisation, d’identités multiples, à travers la présentation de « films significatifs, issus du répertoire du cinéma militant algérien des années 1960 ».

Pavillon français ©DR

Le cinéma militant algérien comme point de départ pour Zineb Sedira

Pour mener à bien ce projet, Zineb Sedira a travaillé pendant plus de deux ans, durant lesquels elle a retrouvé, en Italie, le film « Les Mains libres (ou Tronc de figuier) », réalisé en 1964 par l’italien Ennio Lorenzini. Restauré en partenariat avec la Cineteca di Bologna, avec laquelle Zineb Sedira a beaucoup collaboré, ce premier long métrage algérien « post indépendance », véritable « autoportrait d’un jeune Etat qui vient de gagner sa liberté » sera projeté dans les espaces pavillonnaires.

Les rêves n'ont pas de titre © Thierry Bal et © Zineb Sedira

En complément et conférant une trace écrite à ses recherches multiples, trois journaux portant le nom de ses trois villes de cœur pour le projet – Alger, Paris, Venise –  y seront présentés. « Ils synthétisent toutes les longues heures de discussion et de travaux que j’ai pu mener en Italie, en France, bien que je n’aie pu me rendre en Algérie à cause de la crise sanitaire » explique-t-elle. « Ils relatent tout le cheminement vers cette production finale et informent de ce qui se passe au sein du pavillon. »

Les rêves n'ont pas de titre © Thierry Bal et © Zineb Sedira

Au-delà de cette vision intime et universaliste du monde qui montre combien des propos personnels peuvent avoir une résonnance internationale, l’on peut se poser la question du choix de la plasticienne et de son projet pour représenter la France. Si la franco-algérienne soutenue par le galeriste Kamel Mennour se défend d’avoir imaginé une proposition aux accents politiques, alors que le 18 mars 2022 marque le 60e anniversaire de la signature des accords d’Evian mettant fin à la guerre entre l’Algérie et la France, la coïncidence reste troublante. « La biennale a été reportée d’une année, ajoute-t-elle, je n’ai pas pris cela en compte… » Et Yamina Reggad d’ajouter : « son propos est plus en continuité avec celui de Laure Prouvost pour le pavillon. »

Zineb Sedira, Les Rêves n’ont pas de titre/ Dreams have no titles, Pavillon Français, Giardini dell’Arsenale, Venise,  du 23 avril au 27 novembre 2022.

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20/4/2022
Zanotta fête les 50 ans de la série Quaderna

Pour fêter les 50 ans de la série Quaderna designée par Superstudio, Zanotta sort trois nouvelles pièces inédites : un bureau, une table basse, et surtout un tapis surprenant.


Reconnue comme un manifeste du « design radical », à travers des formes et lignes géométriques qui en ont fait une collection iconique, la série Quaderna a été imaginée par le groupe Superstudio entre 1969 et 1972 avant d’être éditée à partir de 1972 par l’italien Zanotta.

Zanotta, bureau Quaderna © Simone Barberis

Quaderna : des pièces inédites de la série Misura M de Superstudio

De fait, la table basse et le bureau qui viennent d’être édités sont des pièces inédites de la série Misura M de Superstudio. Zanotta a en effet sélectionné ces deux projets dans le catalogue original de la série et les a relookés en modernisant leurs dimensions, en ajoutant un tiroir au bureau, tout en veillant à rester en accord avec la philosophie Superstudio. Le tapis est tufté à la main avec un fil 100 % laine de Nouvelle-Zélande : la conception reproduit fidèlement une esquisse d’un des histogrammes d’architecture, qui ont marqué la vision de Superstudio. Il a été fourni pour les archives de l’un des cofondateurs, Cristiano Toraldo di Francia (décédé en août 2019).

Zanotta, tapis Quaderna © Simone Barberis
Zanotta, collection Quaderna © Simone Barberis

La collection Quaderna comporte ainsi huit pièces : trois tables (carrées ou rectangulaires), un bureau, une console et une table basse auxquels viennent s’ajouter le nouveau bureau, la nouvelle table basse et le tapis.

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12/11/2024
Z24 : la collection Zanotta anglée sur la couleur

Zanotta présente Z24, un ensemble de cinq pièces nées de la collaboration avec le duo belge Muller Van Severen.

Difficile de dire si la couleur sert la forme ou bien si c'est l'inverse. Une chose est sûre, Z24 passe difficilement inaperçue. À l'image de son éditeur, l'italien Zanotta, la collection s'illustre par sa forte présence visuelle. Présenté lors de la Design Week de Milan, cet ensemble composé d'un buffet, d'une table de chevet et de deux meubles de rangement bas, a été dessiné par le studio de design belge Muller Ven Severen fondé en 2011.

Le Z24 Cupboard 726 ©Zanotta

Au rythme de la lumière

« Pour ce projet mené avec cette entreprise emblématique depuis les années 60, nous avons décidé de concevoir une série de meubles de rangement où l'interaction avec la lumière et l'ombre est l'aspect le plus important » expliquent Fien Muller et Hannes Van Severen. Réalisée en MDF laqué, la collection joue l'éclairage environnant au rythme de ces façades saillantes. Les portes constituées d'une répétition de triangles créent, au-delà du rythme qu'elles imposent, un jeu d'ombres et de lumières animant le meuble de forme, en elle-même très basique. Un comportement induit notamment par une palette de neuf couleurs très diversifiée du vert gazon pop au cire passe-partout. Une sélection sans aucun doute inspirée par le passé artistique des designers et leur vision à mi-chemin entre le design et l'art. À noter que les meubles peuvent également être agrémentés d'un système LED entre les étagères de rangement en verre trempé.

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