Servaire&Co, le designer, la marque et le produit
Dom Pérignon / Diptyque / Guerlain © Servaire & Co

Servaire&Co, le designer, la marque et le produit

La spécialité du designer Sébastien Servaire ? Le monde des marques et le packaging de luxe. Un univers passionnant, dès lors qu’on le regarde sous l’angle du design. Entre business et culture, au sens le plus noble du terme, consommation et conservation, contenus et contenants assemblés, questionnés, réinventés, forgent des icônes qui appartiennent autant à notre mémoire collective qu’à demain.

Sébastien Servaire est designer industriel. Un designer industriel qui met son savoir-faire au service d’une industrie particulière. Une industrie de l’excellence. Une industrie du détail. Du sens aussi. Une industrie des icônes. Du rêve. Une industrie où s’entremêlent business et culture, tradition et modernité, simplicité et complexité, ultra hightech et artisanat parfois vernaculaire, mémoires individuelles et collectives, terroir et monde globalisé. Une industrie des paradoxes, parfois. Celle du luxe, de la beauté et des spiritueux. Et de son incarnation dans des produits exprimant un art de vivre particulier. Le packaging, dont on comprend, en faisant parler Sébastien Servaire de son métier, toute la complexité, la pluridisciplinarité, les aspérités, le nombre de registres avec lesquels il faut composer. « Le sujet, rappelle-t-il, c’est la marque et le produit. »

© Servaire & Co

Depuis près de vingt ans – il fonde l’agence R’Pure en 2001, qui deviendra Servaire & Co en 2015 –, le designer s’immerge (avec passion, et c’est peu dire) dans des univers de marques, dont certaines font aujourd’hui partie intégrante de notre patrimoine collectif (Guerlain, Veuve Clicquot, Vuitton ou encore Moët & Chandon), les remue, les questionne. Y enquête aussi, à la manière d’un archéologue, étudiant leurs archives, en devenant parfois aussi la mémoire, pour raconter des histoires… avec des objets. La juste histoire. Presque comme un passeur. Un passeur créatif. Son métier, dit-il, consiste à « faire en sorte que les marques soient iconiques et mémorisables. Être capable de faire perdurer des icônes dans un monde où l’on surproduit ». Allier passé, présent et futur dans un monde en mutation permanente et face auquel se présentent des enjeux sans précédent. Sacré challenge. Et une question de design... Au sens le plus design de la discipline, si l’on peut dire : dessiner à dessein pour faire tenir ensemble et harmonieusement des paramètres complexes, et parfois hétérogènes. Faire perdurer le rêve et toute la beauté et la délicatesse qu’il tient en lui. En tout cas lui, c’est ainsi qu’il voit et fait les choses.

© Servaire & Co

Pérenniser, enrichir

« Au début des années 2000, analyse le designer, tout était très tourné vers la communication visuelle et la publicité, l’objet était mis au second plan. La campagne était presque plus valorisée que l’objet lui-même. Je me suis toujours opposé à ça. J’ai toujours cru à la valeur narrative d’un objet, au pouvoir de sa charge émotionnelle. Lorsque l’histoire est claire et que l’objet est bien exécuté, il reste. » Consumérisme et obsolescence plus que programmée versus durabilité au sens le plus large du terme : la question se pose avec d’autant plus d’acuité dans cette industrie. Une industrie qui cherche et qui innove. Qui est à l’aube d’un changement de paradigme, de multiples manières. Très concrète d’abord : elle s’interroge sur les ressources, les matières premières mises en oeuvre, ses procédés de fabrication, allège les produits, intègre les notions de recyclage, de réutilisation. Du contenant comme du contenu. D’autant que, comme le souligne Sébastien Servaire, « la notion de terroir est centrale aujourd’hui, dans le domaine des vins et spiritueux mais aussi dans celui de la beauté ».

© Servaire & Co

Et puis il y a évidemment la notion d’expérience. L’exclusivité passe par là. Par l’expérience des sens, par exemple. L’olfaction est un sujet central dans le monde du luxe actuel qui appelle de multiples réponses en termes de design. D’abord dans le dispositif qui le permet. L’agence a ainsi mis au point pour Vuitton un testeur permettant aux visiteurs de sentir exactement les notes composant un parfum sans être gênés par d’autres odeurs, ni que celles-ci se diffusent dans l’environnement immédiat. Sur le même thème mais dans un autre registre, le sablier conçu pour la marque Diptyque connecte deux flacons de parfum d’intérieur avec un système de diffusion. Ici, il s’agit de jouer tout en poésie sur l’écoulement d’un jus pour raconter une histoire du temps qui passe, et de la mémoire. L’expérience émotionnelle. La connexion avec un objet et ce qu’il contient. Sébastien Servaire va jusqu’à faire l’hypothèse suivante : quitter la possession pour aller vers l’expérience. Moins de matière, plus de sens. C’est peut-être bien cela, le designer, la marque et le produit… de demain.

© Servaire & Co

Retrouvez cet article dans le numéro 218 d'Intramuros, disponible dès maintenant.

Rédigé par 
Maëlle Campagnoli

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22/1/2025
Entrechoquer les univers à la galerie Philippe Valentin, « Et pourquoi pas... » ?

La galerie Philippe Valentin consacre jusqu'au 22 février une exposition sur les travaux des designers Patrick de Glo de Besses et Jean-Baptiste Durand. Un savant mélange d'univers que tout oppose, et pourtant habilement réunis sous les regards bienveillants des silhouettes de la peintre Camille Cottier.

Il fallait un brin de folie et surtout une vision affûtée pour oser présenter ce trio de créateurs. Un défi autant qu'une prise de position affichée dès le nom de l'exposition : « Et pourquoi pas... ». Loin de chercher à mettre en avant « un corpus d’œuvres autour d'un thème ou d'un propos spécifique », Philippe Valentin, a souhaité confronter deux designers, Jean-Baptiste Durand et Patrick de Glo de Besses, exposé à l'Intramuros Galerie lors de la PDW en septembre 2024.

Deux artistes dont les travaux jusqu'alors distincts, sont pour la première fois réunis. Une idée « à première vue presque absurde, tant elle est binaire, qui me permet néanmoins d’affirmer ma vision de l’art : un art qui prend en compte la diversité des pratiques et ne s’enferme pas dans un dogmatisme, au service d’un non-goût ou d’une étroitesse d’esprit » explique le galeriste.

©Gregory Copitet

Contraster pour mieux exister

Rarement une exposition de design contemporain n'avait eu pour parti-pris de réunir deux univers si éloignés. Ultra-techno, le monde de Jean-Baptiste Durand s'affiche de manière très prégnante dans la galerie en un ensemble de câbles, de vérins et matières polymères aux assemblages industriels. Un design particulièrement novateur et unique face auquel Patrick de Glo de Besses répond par une sélection de 19 chaises aux allures artisanales mais non moins contemporaines et techniques. Une confrontation dans laquelle les compositions aux matériaux industriels évoquent un univers organique, presque vivant, alors même que les assises en bois semblent figées avec grande précision par la rigidité des coupes sculpturales. Un paradoxe mis en exergue par la proximité entre les pièces. « Lorsque j'ai découvert le travail de Patrick sur Instagram il y a deux ans, j’avais en tête de lui proposer un projet, mais je ne trouvais pas la bonne idée. C'est en voyant celui de Jean-Baptiste que j'ai eu l'idée d'une confrontation » observe Philippe Valentin. Saisi d'un côté par « l'idée tenace et radicale de la déclinaison », et de l'autre par « l'exubérance et la liberté formelle », il voit dans cette rencontre une possible diversité de réponses aux besoins du monde dans lequel nous évoluons.

©Gregory Copitet

Des chaises en bois en passant par le lustre et le lampadaire en doudoune fabriquées par Jean-Baptiste Durand et son équipe peu de temps avant l'ouverture de l'exposition, chaque création a ici sa place. Complétée par un ensemble d’œuvres picturales plus sensibles et aux figures humaines signées Camille Cottier, la sélection de mobilier trouve aussi un écho chromatique sur les pièces murales. Une résonance discrète, mais grâce à laquelle le triptyque trouve indiscutablement son équilibre.

L'exposition est visible jusqu'au 22 février à la Galerie Philippe Valentin, 9 rue Saint Gilles, 75 003 Paris. Retrouvez également les portraits de Jean-Baptiste Durand et Patrick de Glo de Besses et dans les numéros 221 et 222 d'Intramuros !

©Gregory Copitet
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21/1/2025
BIG-GAME dévoile la collection Niwar avec Phantom Hands

Le studio suisse BIG-GAME dévoilait à Paris la collection Niwar en collaboration avec l’éditeur indien Phantom Hands. Une collaboration entamée il y a plusieurs années, dont le nom Niwar, est fortement inspiré de la culture et de l’histoire de l’Inde.

Lancée en 2014 à Bangalore, la marque de mobilier indien Phantom Hands dévoilait sa nouvelle collaboration avec BIG-GAME sur la collection Niwar, pensée dans la tradition artisanale indienne, chère à Phantom Hands et à ses fondateurs Deepak Srinath et Aparna Rao. Une collection composée d’un sofa, le premier de l’éditeur, d’un fauteuil et d’un ottoman. Des pièces qui sont le résultat de quatre ans de travail, après une première rencontre en 2016. « Nous faisions un voyage en Inde pour découvrir la culture et l’artisanat et nous avons rencontrés Deepak et Aparna et nous avons tout de suite accrochés » raconte Elric Petit. Désireux de faire collaborer des designers au sein de leur collections, ils se sont rapprochés du studio 6 ans plus tard pour travailler sur cette ensemble de pièces.

Une collection en hommage à la culture indienne

Pour imaginer cette collection, le trio de designers de BIG-GAME composé d’Augustin Scott de Martinville, Elric Petit et Grégoire Jeanmonod a souhaité rendre hommage la culture indienne. Ils sont alors parti d’un élément central et très symbolique en Inde, le « diwan », que l’on peut communément associé à un divan, pour penser un sofa dont la coque serait rigide pour laisser place à une assise douce et enveloppante, avant de le développer sous forme de fauteuil et ottoman.

Fauteuil Niwar, design : BIG-GAME © Phantom Hands

Un nom inspiré d’un textile traditionnel

Le nom de la collection, Niwar, n’a pas été choisie au hasard. Celle-ci fait en effet référence à un type de tissu très répandu en Inde, qui fait penser à un ruban épais, à l’origine composé de coton. Dans la version de Phantom Hands avec BIG-GAME, le textile est conçu par Zanav Home, un fabricant également basé à Bangalore. Le textile utilisé associe le coton et le lin, pour arriver à un résultat plus élevé en termes de qualité. « Au moment de penser la collection, on voulait ajouter un détail pour rappeler l'Inde. C’est là que nous avons pensé à inclure du niwar au sein des produits » ajoute Elric Petit. Une collection d’autant plus significative pour la marque qui voit en cette collaboration le moyen de marquer un nouveau tournant en termes de développement de marques, notamment à l’international. Niwar est disponible en trois coloris - vert foret, bleu ombre et gris colombe - ainsi qu’en deux finitions de bois en teck naturel et teinté foncé.

Sofa et Ottoman, collection Niwar, design : BIG-GAME © Phantom Hands
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14/1/2025
Patrick Jouin édite une première collection de mobilier

Le designer Patrick Jouin a dévoilé en exclusivité au sein de son studio du 8e arrondissement, sa toute première collection de mobilier auto-éditée.

« L’auto-édition me permet de faire des pièces que je ne pourrais pas forcément faire avec les éditeurs. C’est un espace de liberté dans lequel je peux faire ce que je veux » déclarait Patrick Jouin lors de la présentation de sa première collection autoéditée. Une collection qui est le fruit de plusieurs années de travail pour arriver aux produits finis. Un ensemble composé de différents éléments singuliers, entre simplicité et complexité, et qui mêle différentes pratiques qui sont chères au designer, pour une ode aux détails et aux savoir-faire artisanaux.

Le fauteuil Olo, tout en simplicité

Le premier élément de la collection est un fauteuil en cuir intitulé Olo. Une pièce qui semble technique, mais que le designer a au contraire souhaité la plus simple possible. « C’est notre première collection, on s’est donc contraint nous-même à faire quelque chose qui ne soit pas trop complexe » explique le designer. Un fauteuil habillé d’un cuir non traité volontairement, pour laisser à la matière la possibilité de se transformer avec le temps et les épreuves rencontrées au fur et à mesure pour offrir un caractère spécifique à la pièce.

Fauteuil Olo, Patrick Jouin éditions © C.Seuleusian

La table Drop, la touche colorée

Passionné de peinture à laquelle le designer aime s’adonner dans son temps libre, la table drop allie avec précision les peintures « coulées » avec précision sur le plateau en tôle d’acier. Un travail en plusieurs étapes pour arriver à des associations de couleurs à la fois vives et singulières. Un modèle disponible sous forme de table, de guéridon et de table basse.

Table à manger, table basse et guéridon Drop, Patrick Jouin éditions © C.Seuleusian

Le service de table Flip, tourné, retourné

« La première pièce de l’agence était une chaise et la seconde était une assiette pensée pour Alain Ducasse » racontait Patrick Jouin. Un objet que le designer affectionne particulièrement, car il lui rappelle des souvenirs d’enfance où lorsqu’après avoir fini sa soupe étant enfant, il fallait retourner l’assiette pour prendre son dessert. Un set de trois assiettes en grès pensées de cette façon, en tourné retournée, qui peut en laisser entrevoir six et laisser place à plusieurs possibilités d’assemblage et de présentation de la nourriture. Réalisées par une céramiste, les assiettes sont sublimées par des émaux coulés et colorés par des palettes de couleurs utilisant le même principe de coulage que pour la table Drop.

Service de table en trois pièces Flip, Patrick Jouin éditions © C.Seuleusian

Le tabouret transportable Mate

Inspiré des reposes sacs imaginés dans le restaurant Louis XV du Chef Alain Ducasse, Mate est un tabouret nomade pliable, en bois et cuir. À la manière d’un origami, il se plie et se déplie en un mouvement, pour se transporter à la main, comme un sac.

Tabouret pliant, Patrick Jouin éditions © C.Seuleusian

La chaise pliante Monk

En adoration des chaises pliantes, Monk se situe entre l’objet purement fonctionnel et le raffinement d’une pièce d’ébénisterie haut de gamme. Une pièce dont la structure est en chêne massif, dont le savoir-faire en termes d’usinage offre des subtilités au niveau du dossier notamment, pour offrir un confort précis.

Chaise pliante Monk, Patrick Jouin éditions © C.Seuleusian


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27/12/2024
Not A Hotel : Fusion élégante de tradition et de modernité

Not A Hotel propose un nouveau modèle de résidence secondaire, alliant luxe et flexibilité. Conçue comme une signature architecturale unique, chaque propriété est située dans des emplacements exceptionnels à travers tout le Japon, qu’il s’agisse de montagnes, de littoraux ou de campagnes paisibles.

NIGO®, Not A Hotel, Tokyo, Japon © Courtesy of Not A Hotel
NIGO®, Not A Hotel, Tokyo, Japon © Courtesy of Not A Hotel
NIGO®, Not A Hotel, Tokyo, Japon © Courtesy of Not A Hotel
NIGO®, Not A Hotel, Tokyo, Japon © Courtesy of Not A Hotel
Toji, Not A Hotel, Minakami, Japon © Courtesy of Not A Hotel
Toji, Not A Hotel, Minakami, Japon © Courtesy of Not A Hotel
Toji, Not A Hotel, Minakami, Japon © Courtesy of Not A Hotel
Toji, Not A Hotel, Minakami, Japon © Courtesy of Not A Hotel
Toji, Not A Hotel, Minakami, Japon © Courtesy of Not A Hotel
Irori, Not A Hotel, Kitakaruizawa, Japon © Kenta Hasegawa
Irori, Not A Hotel, Kitakaruizawa, Japon © Kenta Hasegawa
Irori, Not A Hotel, Kitakaruizawa, Japon © Kenta Hasegawa
Irori, Not A Hotel, Kitakaruizawa, Japon © Kenta Hasegawa
Irori, Not A Hotel, Kitakaruizawa, Japon © Kenta Hasegawa

Retrouvez l'article complet dans le numéro 222 d'Intramuros, disponible en kiosques et sur notre boutique en ligne.

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