Café-Débat EquipHotel : vers la fin des standards ?
© EquipHotel

Café-Débat EquipHotel : vers la fin des standards ?

Du 6 au 9 novembre, durant EquipHotel, Intramuros a coanimé des cafés-débats avec l’Ameublement français, sur leur stand baptisé Interior Design Center. Ont été abordés des sujets liés à la conception d’espaces CHR, la mutation et le développement du marché. Retrouvez le résumé des échanges du 7 novembre autour de la fin des standards.


Pour débattre, neuf intervenants ont répondu présents :

  • Philippe Denavit, président du groupe Malvaux et membre du Conseil d’Administration de l’Ameublement Français
  • Flore-Anne de Clermont, responsable innovation, Valdélia
  • David Dalidec, architecte d’intérieur, agence David DALIDEC
  • Kelsea Crawford, architecte d’intérieur co-founder CEO, Cutwork Studio et son associé, l’architecte et designer Antonin Yuji Maeno
  • Laurent Maugoust architecte d’intérieur et directeur, agence Laurent Maugoust Architecture
  • Arnaud Berthereau, architecte d’intérieur et directeur, studio Briand&Berthereau
  • Alban Ruggiero, fondateur, groupe MELT
  • Frédéric Alzeari, directeur de création, RF Studio

Tandis que l’expérience client à l’hôtel est en constante évolution, peut-on aujourd’hui continuer de parler de standards à l’hôtel ou bien sommes-nous au contraire en train d’évoluer vers une déstandardisation ?

Réinventer la cellule traditionnelle de la chambre

Pour ouvrir ce débat sur les standards, Alban Ruggiero, président de MELT fondé en 2016, définit le concept défendu par son groupe comme étant de l’hôtellerie hybride non-standardisée. Pour expliquer cette idée, il évoque notamment son dernier projet mené avec le studio Briand&Berthereau, la marque Jost à Bordeaux : « Chez nous, aucun hôtel n’est fait pareil. On a fait le choix de ne jamais prendre les mêmes décorateurs et architectes sur nos projets afin d’avoir à chaque fois une nouvelle vision de l’hôtellerie. » Une vision fondée sur une programmation variée des services de l’hôtel, qui se ressent dans la conception même des espaces, puisque chez Jost, les espaces communs ont été pensés avant les chambres. Et pour cause : chez Jost, le rez-de-chaussée est un cabaret qui propose 4 à 5 événements par semaine sous différentes formes. La fonction d’hébergement est également revue pour accueillir une clientèle hybride : plusieurs types d’espaces sont proposés en fonction des moyens financiers, dortoirs, chambres familiales, suites de luxe… Cette idée d’accueillir un public diversifié répond aussi à une volonté de favoriser les échanges entre ces différentes populations.

Hôtel Jost à Bordeaux, studio Briand&Berthereau
Hôtel Jost à Bordeaux, studio Briand&Berthereau

L’architecte d’intérieur David Dalidec évoquera de son côté une recherche d’expérience à l’hôtel. « On sort petit à petit de la cellule traditionnelle dans laquelle on sait ce qu’on vient faire à l’hôtel. Aujourd’hui, on est plutôt dans une recherche d’émotions et de sensations. »

Hôtel Château de la tour, studio David Dalidec

Fort de son expérience de plus de 20 ans dans le domaine avec une soixantaine d’hôtels à son actif, l’architecte d’intérieur Laurent Maugoust connaît parfaitement les standards : « Le standard est universel en hôtellerie : on pousse la porte, on rentre dans un couloir, il y a une salle de bains à gauche, un placard à droite, une fenêtre en face avec un lit, une table de chevet et une télé. Malgré tout, en voyant comment les standards peuvent évoluer, cela nous pousse à être novateurs. » Il évoque une adaptation plutôt qu’une réinventation des standards.

Hôtel Gare de Lyon Bastille, Laurent Maugoust Architecture
Hôtel Gare de Lyon Bastille, Laurent Maugoust Architecture

L’hôtel n’est plus un vase clos

La réadaptation de la chambre, la prise en compte de l’expérience client est une traduction directe des évolutions des usages. Pour Frédéric Alzeari, directeur de création chez RF Studio :  « Aujourd’hui, il est important de reconnecter l’hôtel au reste de la ville, on parle alors de Social Hub, et cela permet de créer des liens. Je ne pense pas que la déstandardisation soit simplement esthétique, elle passe aussi par l’expérience et les services proposés. » Un point de vue partagé par Kelsea Crawford, cofondatrice de l’agence d’architecture Cutwork, qui souhaite faire évoluer les espaces à travers l’expérience recherchée par les clients :« Le concept d’hybridation de l’hôtel est le futur selon moi. Il y a aujourd’hui de plus en plus de choses à prendre en compte, et il faut être le plus souple possible dans chaque opération. » En fonction de la durée de séjour du client, il faut pouvoir proposer une offre la plus complète possible, à travers l’intégration d’un espace cuisine dans les chambres par exemple. Autre défi qu’ils se sont lancé : proposer une multitude d’usages dans un seul espace, comme c’est le cas de leur projet avec Bouygues où une chambre de 20m2 pourra décliner cinq utilisations différentes.

Déstandardiser la chambre ?

Pour Frédéric Alzeari, « pour déstandardiser,  il faut vraiment sortir de la norme. » Pour autant, il évoque la nécessité de respecter certains standards sur le plan légal d’une part, mais surtout pour parfaire aux attentes du client. Il y a des contraintes matérielles pour les tailles de lit, la présence de certains meubles ou non. Ainsi, casser les standards peut s’avérer périlleux, comme l’explique Alban Ruggiero : « Pour tous nos projets, on définit dès le début une liste de fonctions de la chambre avec une vision précise de ce que l’on veut proposer au client. Mais finalement, ce qui est difficile, c’est de créer une chambre qui soit nouvelle et que lors du résultat final, on puisse se dire : oui, ça change et ça fonctionne. »

Nouveau Concept Novotel, RF Studio
Nouveau Concept Novotel, RF Studio

Si la plupart des chambres restent donc très ancrées dans les standards et respectent des chartes très précises (cf éléments précédemment cités par Laurent Maugoust), les architectes d’intérieur et designers considèrent l’évolution des usages dans cet espace : on y dort, on s’y détend, on y travaille, on y fait des visio, on s’isole… Comme l’exprime Arnaud Berthereau : « Je ne sais pas ce qu’est le standard, et je ne sais pas si le standard d’hier est celui d’aujourd’hui et vice-versa, mais ce qui me paraît certain, c’est qu’en tant que designer ou architecte d’intérieur, on doit être un peu le catalyseur des usages qui se trouvent dans les hôtels et particulièrement dans l’espace chambre. » Pour sa mission sur l’hôtel Jost, un travail a été fait sur la compacité de la chambre, afin de proposer un espace dans lequel le client se sente bien et qui puisse avoir différents usages qui sortent justement de ces « standards ». Pour Laurent Maugoust, l’objectif principal sera toujours de surprendre le client, en trouvant un équilibre entre ce qu’attend le client et ce qu’il découvre, un équilibre qui va nourrir son expérience.

Vers la chambre reconfigurable ?

Antonin Yuji Maeno du studio Cutwork rebondit en évoquant notamment les washitsu, les chambres standards traditionnelles japonaises : « Ces chambres n’ont pas d’usage prédéfini. Ce ne sont pas des chambres à coucher, des chambres à dîner, des chambres à travailler ou à faire la sieste. Il s’agit simplement d’une chambre qui est ouverte et dans laquelle on va déplacer des panneaux coulissants et y ajouter un futon et une table pour créer ensuite un espace chambre. » Un principe qu’ils ont repris dans certains de leurs projets, où la télé peut par exemple être nichée derrière un panneau ou se dévoiler grâce à un système de rétroprojecteur. Ces espaces s’adaptent donc aux usages de chaque client : « On pense que le nouveau standard, c’est le washitsu, qu’il est reconfigurable et adaptable » conclut-il.

Projet de coliving avec Bouygues Immobilier, CUTWORK studio

Dans cette logique, le travail de RF studio avec Ligne Roset pour Novotel propose un éclairage intéressant, comme en témoigne Frédéric Alzeari : « Nous avons pensé la chambre comme n’étant pas un objet figé mais capable d’évoluer pour s’accorder à l’esthétique de son temps, composée d’éléments qui puissent être remplacés plus facilement. » Cette pratique induit une démarche plus écologique, puisque la chambre n’est plus changée tous les cinq ans, mais elle évolue en continu.

La dimension écologique dans la conception d’hôtel : un passage évident ?

La question de l’écologie arrive au cœur du débat et permet de pointer les efforts qu’il reste encore à faire malgré quelques avancées. En effet, d’après Flore-Anne de Clermont, responsable innovation chez Valdélia, 90 000 tonnes de mobilier sont jetés dans les bennes chaque année. Un chiffre encore trop important, mais qui pourrait diminuer si l’on communique différemment concernant le sujet du réemploi. « Plus on anticipe les besoins des clients et plus on pourra faire durer les produis plus longtemps et ainsi éviter le gâchis de mobilier. Les industriels ont une expertise à apporter, car ils ont une réelle connaissance fine des matériaux, du mobilier. » Un aspect d’up-cycling que Philippe Nalivet prend également très à cœur en tant qu’industriel, mais qui nécessite un travail de sensibilisation auprès des clients et en amont, dès la conception du meuble.

En parallèle, David Dalidec expose un autre chiffre fort : 60 % des clients sont prêts à payer plus cher pour accéder à des hôtels plus responsables. Et cette responsabilité passe à la fois par la mesure de l’empreinte carbone de son travail, en collaborant avec des acteurs locaux, en utilisant le plus de matériaux recyclés et qui soient le plus pérennes possible. L’objectif : évoquer une prise de conscience chez le maître d’ouvrage et ainsi lui proposer des actions concrètes.

Penser l’hôtel dans un hypercontexte ?

Pour tous, l’hôtel est aujourd’hui pensé comme un lieu transversal dans les activités, hybride dans les rencontres, poreux à l’écosystème qui l’entoure. Nécessairement multi-programme, il fait face à une activité complexe, dans une temporalité qui doit être gérée avec des espaces qui s’adaptent. C’est un lieu de vie. Pour Frédéric Alzeari, RF Studio nourrit sa vision de l’hôtellerie, par la diversité de son expérience : « Travailler sur des projets autres que ceux de l’hôtellerie, permet d’avoir une vision holistique des différents domaines d’application de l’architecture d’intérieur. » Il conclut en revenant sur l’importance de connaître le contexte (économique, industriel, géographique), car la standardisation se pose de ce point de vue-là : « C’est en se posant ces questions liées au contexte que l’on arrive à obtenir de nouvelles réponses. »

Rédigé par 
Maïa Pois

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26/5/2025
Découvrez « In Talks » Saison 2, la série où Silvera donne la parole aux designers

Fort du succès de sa première saison, Silvera revient avec la Saison 2 de 'ln Talks', sa mini-série originale consacrée à l'univers du design, vu de l'intérieur.

Cette nouvelle édition s'ouvre avec quatre figures majeures de la scène contemporaine : Erwan Bouroullec, Sabine Marcelis, Patrick Jouin et Odile Decq. Chacun y partage, avec sincérité et singularité, sa vision de l'idée - ce moment d'émergence où intuition, matière et sens ne forment qu'un.

Retrouvez l'intégralité de la saison 1 dans notre article dédié.

Episode 1 : Erwan Bouroullec

Installé entre Paris et la Bourgogne, Erwan Bouroullec propose un design inspiré d'une certaine simplicité, et empreint d'une forme de poésie humaine. Dans un discours sensible, il évoque la place discrète mais non moins essentielle du geste créatif, comme une solution aux problématiques du quotidien. « Pour moi, il n'y a pas d'idée géniale » affirme le créateur qui partage ici son approche délicate de l'objet.

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23/5/2025
Studio Shoo : le design au cœur de l’aménagement

Créé à Yerevan, en Arménie, Studio Shoo développe depuis quelques années une branche de mobilier design. Un nouvel axe lié aux projets architecturaux de l'agence.

« Je n'aime pas les projets résidentiels. Ce sont trop de contraintes et pas assez de liberté de création » explique Shushana Khachatrian, à l'origine de Studio Shoo. Créée en 2017 à Yerevan, l'agence spécialisée dans l’hôtellerie et la restauration est aujourd'hui implantée dans bon nombre de capitales européennes. Motivée par la création d'espaces avant tout fonctionnels et vecteur de bien-être grâce à ses palettes douces rehaussées çà et là de touches pop, l'architecte signe des projets d'une ordinaire simplicité, empreints de son Arménie natale. « Il y a quelque chose de minimaliste dans beaucoup de nos créations, mais l'essentiel est ailleurs. Il y a, dans les formes et les schémas, des éléments constamment inspirés de ma culture » explique l'architecte. Outre la question d'individualité et de matérialisation de son identité, elle « souhaite surtout que les visiteurs puissent se rattacher à quelque chose. » A l'image du projet hôtelier Mövenpick Yerevan, Shushana Khachatrian détourne les arts et les matériaux de son pays, pour livrer des atmosphères contemporaines et typées, mais loin des stéréotypes.

CourtYard by Marriott à Yerevan ©Studio Shoo

Le design dans chaque projet

Imaginée selon les codes de l'agence et les influences de l'architecte, chaque architecture intérieure trouve son individualité dans le choix du mobilier qui la compose. « Chez Studio Shoo, nous avons toujours mêlé des produits du marché à nos propres créations. » Une manière de solutionner des problématiques, mais également d'apporter une identité particulière aux espaces. Une double approche qui pousse l'agence à créer un nouveau secteur entièrement dédié à la création de mobilier design. « Régulièrement, nous avions des personnes qui nous demandaient où elles pouvaient acheter nos objets. Mais ce n'était pas possible. Et comme j'ai horreur de refaire deux fois la même chose, nous avons décidé de créer une branche spécifique en interne, pour concevoir des objets disponibles à la vente, que ce soit à des particuliers, ou dans nos projets. » Une diversification du travail de l'agence, mais complémentaire à son activité architecturale poursuit Shushana Khachatrian. « Je pense que ce sont deux domaines très perméables où l'échelle est différente. Les architectes pensent davantage l'expérience client et les formes globales, les plus grosses, tandis que les designers réfléchissent surtout aux détails, aux formes plus petites. » Réunissant une petite dizaine d'objets, principalement des luminaires, Studio Shoo explore également des thématiques connexes telles que le développement durable, avec la réinterprétation de « déchets » pour fabriquer de nouveaux objets, ou l’intelligence artificielle régulièrement utilisée pour donner vie à des esquisses. « A mes yeux, l'essentiel, c'est que les personnes retiennent les espaces qu'elles visitent. Et c'est souvent grâce à un objet inattendu, une nouvelle expérience, d’où l'importance du design » admet l'architecte dont l'agence travaille en ce moment sur un prototype de chaise.

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TUFF Pencil cabinet, premier ambassadeur du Studio Shoo à Milan

Présent pour la première fois à ISOLA dans le cadre de la Milano Design Week 2025, Studio Shoo présentait le TUFF pencil cabinet. Imaginé en deux formats, l'un jaune pâle avec une ouverture sur le haut, et le second rose bonbon agrémenté d'un tiroir coulissant sur la partie basse, ce petit meuble est un véritable condensé de la vision de l'agence. Inspiré de la pierre volcanique rose caractéristique de Yerevan, il rend hommage à l'écriture grâce, outre son utilisation première, au petit tableau à craie intégré à l'intérieur. « En me baladant dans les rues de Yerevan, j'ai remarqué les notes qui ponctuent chaque mur. Les habitants écrivent et dessinent partout. C'est ce qui m'a inspiré pour cette pièce qui reflète l'intersection entre l'héritage matériel et l'expression artistique » résume la créatrice qui explique d'ailleurs avoir vu des gens se mettre à dessiner sur sa pièce lors du salon italien. Fabriqué à partir de feuilles de MDF et de métal recyclé, ce meuble, créé à l'origine pour l'usage personnel de Shushana Khachatrian, est un premier pas pour l'agence dans le secteur du meuble international, où le design arménien est encore trop peu représenté.

TUFF pencil cabinet ©Katie Kutuzova
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11/5/2025
Euroluce 2025 : et la lumière fût !

De retour après deux ans d’absence, Euroluce a mis en lumière de nombreuses nouveautés, au sein d’installations soignées et des stands parfois impressionnants, pour des réalisations de toute envergure et surtout, pour notre plus grand plaisir.

Logé dans les halls 2, 4, 6 et 10 du Rho FieraMilano en périphérie milanaise, Euroluce faisait son retour, après avoir laissé sa place l’an dernier à EuroCucina. Avec plus de 302 500 visiteurs recensés pour cette 63e édition, le Salone del Mobile continue de confirmer sa légitimité et son importance en tant que manifestation majeure du design au niveau international. Sur les 2 103 exposants présents, Euroluce en comptait 306, avec des éditeurs établis et incontournables, mais également de nouvelles marques qui faisaient leurs débuts sur le salon. Zoom sur les marques et réalisations qui ont retenu notre attention.

La plus complète : Flos

C’est au sein d’un stand de plusieurs centaines de mètres carrés, niché dans le hall 10 et scénographié par Formafantasma, que Flos a pris place pour y présenter ses nouveautés. Intitulée « The Light of Mind », l’installation, divisée en plusieurs pièces, plaçait les luminaires au centre de l’espace — et c’est peut-être finalement le seul élément qui compte ?

Collection Nocture, design : Konstantin Grcic © Gianluca Bellomo

Parmi les réalisations présentées, Luce Sferica et Luce Cilindrica, imaginées par Ronan Bouroullec, mêlent savoir-faire industriel et élégance. Le designer allemand Konstantin Grcic dévoilait Nocturne, un ensemble d’éclairage modulaire et sculptural, disponible en deux formats, avec des versions à poser, en suspension et en applique. Michael Anastassiades signe quant à lui une réalisation aussi énigmatique que poétique avec Linked, un système de suspension à crochets qui se révèle comme une sorte de chaîne lumineuse suspendue. Enfin, Erwan Bouroullec présente Maap, une « toile lumineuse » qui peut être façonnée à la main, pour offrir toujours plus de créativité et de modularité.

Linked, design : Michael Anastassiades pour Flos © Gianluca Bellomo

La plus célébrée : Martinelli Luce

Pour sa participation à Euroluce, Martinelli Luce présentait ses nouveautés, mais arrivait également avec deux grandes actualités. En parallèle du Salone, la marque inaugurait son premier showroom milanais, en plein cœur du centre-ville. Mais ce n’est pas tout : la marque de luminaires célébrait également les 60 ans de l’iconique Pipistrello de Gae Aulenti. À cette occasion, une version blanc mat a été éditée, avec une gravure spéciale et numérotée sur les 200 premiers exemplaires de chacune des trois versions — classique, moyenne, mini.

Lampe Pipistrello, design : Gae Aulenti déclinée en une version blanche mat pour célébrer les 60 ans de la lampe iconique © Diego Laurino

En parallèle, la marque dévoilait plusieurs nouveautés, comme Grammoluce de Min Dong et Habits Design, qui pose une question : « et si la lumière avait un poids ? » Une réalisation en verre borosilicaté recouvert de tissu Lycra®, qui, une fois déformé par des sphères en verre posées dessus, offre une intensité lumineuse différente. Côté outdoor, on retiendra la collection Brim d’Andrea Steidl, déclinée en version simple ou double à poser, ou en applique. Enfin, Dud de ZPStudio joue sur les formes avec des appliques dynamiques.

Lampe Grammoluce, design : Min Dong et Habits Design © Martinelli Luce

La plus rythmée : Vibia

Sur un stand aux allures de palais de sable, la marque espagnole Vibia s’est démarquée par la diversité et l’ingéniosité de ses produits. Autour de son programme « Shaping Atmospheres », la marque présentait des réalisations réparties selon plusieurs concepts : Lumière dynamique, Conductivité, Expérience intérieure et extérieure, et Matérialité & lumière chaude. Parmi les réalisations marquantes de cette édition, on retient : Duna de Cecilie Manz, Asia d’Antoni Arola Aray Lineal, ou encore Offset de Xuclà. Il est évidemment que le virage créatif pris par la marque, reconnue pour son savoir-faire technique de la lumière, porte clairement ses fruits.

Collection Duna, design : Cecilie Manz © Vibia

La plus inattendue : Marset

La marque catalane Marset s’est offert un stand riche en nouveautés. Parmi elles, la lampe modulable Fragile de Jaume Ramírez, déclinée en version suspension et applique. Autre coup de cœur : la lampe colorée Gambosa de Mathias Hahn, en acier, qui apporte une touche vive et une diffusion homogène de la lumière. Pour l’extérieur, on retiendra la collection Domus de Joan Gaspar, très géométrique, disponible en trois tailles pour jouer sur les effets lumineux.

Gambosa, design : Mathias Hahn pour Vibia © Intramuros

La plus colorée : Foscarini

Présente à la fois dans le off et au sein d’Euroluce, la marque vénitienne Foscarini a proposé son lot de nouvelles réalisations dans un stand aussi coloré que ses créations. Elle présentait quatre nouvelles suspensions : Allumette de Francesca Lanza, Asteria d’Alberto et Francesco Meda, Étoile de Dordoni Studio et Tilia de Francesca Lanzavecchia.

Chandelier Tilia, design : Francesca Lanzavecchia pour Foscarini © Intramuros

Francesco Meda signe une seconde collaboration avec la série de lampes Alicudi, Filicudi et Panarea, équilibrant artisanat et production industrielle. Dordoni Studio propose également l’applique Torche, qui, comme son nom l’indique, prend la forme d’une lampe torche, laissant passer la lumière aux deux extrémités pour une diffusion élargie.

Torche, design : Dordoni Studio pour Foscarini © Intramuros

La plus poétique : Lasvit

La marque tchèque Lasvit, spécialisée dans le luminaire en verre, a offert un spectacle visuel et artistique avec son installation « Soaked in Light », explorant le lien entre l’eau, la lumière et le bien-être humain. L’impressionnante Splash de Martin Gallo fascine autant qu’elle surprend, presque comme une stalactite lumineuse. Patrick Jouin, avec Vera, propose une œuvre brute qui traduit la nature à travers deux techniques de verrerie artisanale : le verre technique et le verre fusionné.

Splash, design : Martin Gallo © Lasvit

La plus architecturale : Genuit

Lancée par le designer italien Alessandro Zambelli, Genuit propose des installations lumineuses alliant design, technologie et architecture. À Euroluce, elle présentait entre autres Vertigo, un système de connexion ludique et technologique inspiré des combinés téléphoniques des années 1980. Par la lumière, l’installation symbolise la transmission des émotions et la communication.

Neon Vertigo, design : Alessandro Zambelli © Genuit

La plus industrielle : Davide Groppi

Avec l’installation « Il Bianco, il Nero e lo Specchio » (Le Blanc, le Noir et le Miroir), Davide Groppi explorait ce qu’il appelle les trois âmes de la lumière : la lumière elle-même, l’obscurité et la magie. Les luminaires sont souvent fixes et intimes, comme Mia ou TaO, mais parfois ludiques, à l’image de Race of Lights, qui évoque un circuit automobile où la lumière se déplace librement selon les envies. Enfin, la série Set offre des jeux de lumière intéressants grâce à des spots orientables verticalement.

Lampe à poser Mia © Davide Groppi

Une chose est sûre : cette édition d’Euroluce n’a pas manqué de nous surprendre, révélant des installations ambitieuses à la hauteur des nombreuses nouveautés présentées. Derrière ces réalisations, entre design et innovations lumineuses, se dessine une tendance de fond : celle d’une lumière plus modulable, plus expressive, et surtout plus consciente de son rôle au quotidien. Les marques l’ont bien compris : le futur de l’éclairage devra conjuguer connexion, émotion et durabilité.

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13/5/2025
Des fibres artistiques réunies aux Ateliers de Paris

Les Ateliers de Paris présentent, jusqu'au 28 mai, l'exposition « Fils et filiations ». Un rassemblement d'artistes célébrant à travers leurs œuvres, la pluralité de l'art textile, désormais en pleine renaissance.

S'il est un médium longtemps délaissé qui fait aujourd'hui son grand retour sur la scène artistique, c'est bel et bien le fil. Réhabilité à la Fondation Cartier pour l'Art contemporain avec une vaste exposition dédiée au travail d'Olga de Amaral ou au Grand Palais avec les installations de Chiharu Shiota, l'art textile semble enfin considéré à sa juste valeur, tant pour sa qualité plastique que pour la diversité esthétique qu'il offre. À l'occasion des Journées Européennes des Métiers d'Art, Les Ateliers de Paris présentent « Fils et filiations ». Une exposition imaginée comme une exploration à travers les styles et les techniques de 16 créateurs français recrutés çà et là pour leur diversité et leur approche contemporaine des matériaux.

Issu d'un « travail de détournement de la matière première », ce projet témoigne d'une approche à mi-chemin entre l'artisanat et le design. Portée par le concept de « transfert technologique », l'artiste « réinterprète des gestes ancestraux dans des échelles souvent inattendues. » Un univers souple et néanmoins empreint d'une certaine rigidité visuelle faite de trame et de maillage. En d'autres termes, une approche architecturale semie instinctive.

Un médium sorti de l'ombre

Exposées pour être observées sous toutes leurs coutures, les œuvres trouvent leur place dans une scénographie de Véronique Maire, où les portants en bois évoquent les métiers à tisser. Une évocation sans doute un peu lointaine pour les visiteurs, qui traduit dès lors la volonté d'initier un dialogue entre les époques ; entre celle où le travail du fil n'était pas encore considéré comme un art, et aujourd'hui. « Le fil a longtemps été considéré comme une activité domestique pratiquée par les femmes pour répondre à des besoins. Il n'y avait aucune dimension créative, explique Audrey Demarre, commissaire de l'exposition. Avec Fils et filiations, il y avait donc cet enjeu de mêler un univers amusant, redevenu tendance, et un aspect historique, presque didactique. Car s'il semble simple, le fil demeure relativement inconnu du grand public. » Des tapisseries contemporaines en volumes, en passant par la retranscription filaire d'images, l'exposition interroge les manières dont les fibres, dans leurs diversités, lient les souvenirs et les récits, qu'ils soient personnels ou collectifs.

Née d'une rencontre entre Lucile Viaud et Aurélia Leblanc, cette « matière d'art » est née d'un quatre mains et trois années de développement. Véritable fusion de deux savoir-faire – d'un côté le verre et de l'autre le textile -, les deux designers ont imaginé ce voilage léger et souple aux reflets iridescents. Un défi technique et artistique où « les matériaux aux temporalités et aux comportements très différents » se conjuguent habilement.

Des approches diverses en résonance avec notre époque

Nouées, tressées, cousues, entrelacées ou tissées... Riche d'une grande diversité technique, l'exposition interroge plus largement la fibre. Car si elle est souvent d'origine végétale, elle est aussi bien plus que cela. Artificielle comme dans le travail de Jeanne Goutelle, technique dans l'univers de Lucile Viaud et Aurélia Leblanc ou plus prospective avec Antonin Mongin, chaque longueur est surtout l'occasion d'ouvrir de nouvelles perspectives. Fruit d'une rencontre entre deux créatrices particulièrement douée pour se réinventer, le tissage du verre est un travail « situé à la croisée du design et de l'Art, expliquent Lucile Viaud et Aurélia Leblanc à l'origine du “géoverre”, un textile intégrant de fins filaments de verre. Il est à la fois un repère technique – il structure, oriente les capacités de la matière – mais aussi un vecteur sensible et territorial, car il est fabriqué à partir de matières premières locales. » Un parti-pris partagé par Jeanne Goutelle dont la démarche débute par la récupération de chutes de tissu auprès d’industries notamment stéphanoises. « L'Upcycling est au cœur de ma démarche. Le fil est au cœur de nos vies, car on le retrouve dans nos vêtements, nos habitats, nos doudous, nos linceuls... C'est une histoire de femmes qui mérite le même statut que la pierre ou le bois. »

Fruits d'une collaboration avec le teinturier naturel Clément Bottier, les cinq monochromes présentés à la galerie « rendent hommage à la rencontre du chanvre et du cheveu au XVIe siècle. » Derrière l'anecdote historique, Antonin Mongin dresse le portrait d'une fibre « mésestimée de nos jours », pouvant malgré tout s'illustrer comme une alternative à la fourrure ou à l'ambre selon le traitement appliqué.

Pour Antonin Mongin, s'emparer du cheveu – sa fibre de prédilection – revêt également un intérêt éthique. « On prend souvent pour acquis la plupart des fibres qui constituent nos objets, sous forme de fils tissés ou tricotés sans s'interroger sur leur origine. Nous avons parfois tendance à davantage considérer la valeur attribuée aux résultats plutôt qu'à l'origine des matières premières qui les composent. Cela ne devrait plus être le cas. La matérialité des produits qui nous entourent pourrait compter autant que les formes et les usages, et la qualité du fil, sa provenance sous forme de fibres avant qu'il soit un fil et sa façon de le réaliser pourraient participer à déplacer notre attention. Nous pourrions ainsi identifier quelles fibres - jusqu'à présent peu considérées - pourraient prendre davantage la lumière dans les différents domaines de la création. »

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