
À la galerie BSL, Jimmy Delatour brouille les lignes du temps
Le designer Jimmy Delatour expose Pompeii-x à la galerie BSL jusqu’au 20 décembre. Une collection mêlant pièces de mobilier et œuvres numériquement modifiées, inspirée par l’esprit de la cité italienne.
C’est pendant l’enfance que se construisent les plus vastes imaginaires, ceux bercés par l’histoire, quelle que soit la taille du H. Pour le designer Jimmy Delatour, les plus beaux contes viennent des objets, « ceux qui racontent des histoires par eux-mêmes ». Aujourd’hui davantage entouré d'antiquités que de pièces design, le créateur se rappelle avoir visité Pompéi lorsqu’il était enfant. Un séjour mémorable dans une ville « marquée par la disparition et les instants de vies figées », mais plus généralement dans un cadre architectural fort. Un souvenir revenu comme une évidence lorsqu’à la suite d’un salon, au cours duquel il rencontre les Marbreries de la Seine, celles-ci lui proposent une carte blanche artistique. « C’est une entreprise implantée entre la France et l’Italie, originellement spécialisée dans les projets architecturaux d’envergure. Lorsqu’elle m’a proposé de co-produire une collection, j’ai immédiatement pensé à Pompéi. Quel meilleur matériau que la pierre pour évoquer la civilisation romaine que j’avais découverte enfant ? » Une rencontre entre un médium et un souvenir dont les premières esquisses jouent avec les frontières de l’art et du design. Deux univers représentés par la galerie BSL, devenue partie prenante de cette collaboration.

Des micro-architectures hors du temps
« Je n’aime pas vraiment le décoratif », contextualise Jimmy Delatour, qui a débuté en tant que directeur artistique dans l’univers de la 2D. « Ce qui m’a attiré vers le volume, c’est l’architecture. Celle de Jean Prouvé, mais aussi la simplicité formelle, les lignes fortes et les jeux d’ombres et de lumière qu’on peut retrouver chez Tadao Ando. » Des codes architecturaux dont Pompeii-x est largement imprégnée. Des volumes qui semblent flotter, des masses très visuelles desquelles se dégagent des perspectives, le tout dans des superpositions équilibristes surplombées de discrets demi-cercles. « Un hommage à l’ornement et à l’idée de confort du mobilier romain, ramené ici de manière simplifiée et dépouillée. » Une réinterprétation contemporaine, certes, mais pas nécessairement faite pour s’inscrire en 2025. C'est du moins ce que suggère le nom de la collection : Pompeii-x. « Dans cet ensemble, l'inconnu temporel est noté par le x, ce qui suggère qu’on ne saurait pas la dater. C’est une projection de ce qu’aurait pu être la ville si l'événement n’avait pas eu lieu », relate le designer. « On imagine souvent le futur comme étant très épuré. J’ai donc imaginé cette collection avec ce prisme. » Un univers constitué de huit « micro-architectures » où le marbre italien vert Verde Alpi, le rosé Breccia Pernice et le travertin blond Albastrino font écho aux dernières couleurs pompéiennes. Un clin d'œil aux vestiges, inscrit jusque dans le traitement des pierres, sablées, à l’origine « des couleurs fanées ».

De l’antique au numérique
Mais derrière l’apparente simplicité formelle de la collection, permettant à l’artiste de perdre le spectateur entre les époques, Jimmy Delatour évoque également un second pan. « Il y a d’un côté le design, plutôt collectible, et de l’autre la conceptualisation de la conception, ce qui va au-delà du mobilier classique et utilitaire. » Cette idée, le designer l’a eue lors d’une visite d’exposition dédiée à Louise Bourgeois en Australie. « Ce jour-là, j’ai vu des pièces qui pouvaient faire vibrer tout le monde, et je me suis dit que c’était ce qu’il fallait faire en établissant des liens. » Une réflexion à l’origine de quatre Artéfacts imaginés pour soutenir les pièces de mobilier. Mis en scène dans des cadres différents, tous rendent hommage à Pompéi. Rassemblant des images du lieu, le petit manifeste du futurisme italien, une composition graphique contemporaine représentant l’éruption ou un détournement du célèbre tableau Madame Récamier de Jacques-Louis David intégrant la méridienne de Jimmy Delatour, chaque œuvre est issue d’un « petit twist ». La manipulation, qu’elle soit numérique ou photographique, questionne le spectateur quant au contexte de création. « Je voulais que les pièces interrogent. Je ne voulais pas emprunter le chemin du collectible uniquement décoratif et exceptionnel sur le plan formel. Cette collection est une sorte d’uchronie. On revisite le passé pour changer la direction de l’histoire et créer une réalité alternative dans laquelle ça aurait pu exister. Et en même temps, elle est un hommage à la cité disparue, comme si elle était constituée de fragments simplement réassemblés. » conclut-il.
Ci-dessous à gauche Artifact B, Portal, et Artifact A, Madame Récamier. A droite Artifact D, Excavation treasures, et Artifact C, Views of the future past. ©Galerie BSL










