Reda Amalou, créateur d’expériences
La Secret Gallery située rue de Varenne à Paris et ouverte par Reda Amalou, propose plusieurs expositions par an

Reda Amalou, créateur d’expériences

Pour rencontrer Reda Amalou, il faut oser franchir le pas de la Secret Gallery, rue de Varenne à Paris. A l’intérieur, tout n’est que luxe, calme, volupté et sensation de plénitude. Une expérience à vivre, unique, renouvelée en septembre dernier lors de la Paris Design Week avec “Art & Design”. Une exposition de quelques mois imaginée comme un clin d'œil au centenaire des Arts Décoratifs, dans laquelle les créations du designer dialoguent avec une sélection de peintures, céramiques, photographies et sculptures.

Architecte, diplômé de la East London University, Reda Amalou conçoit principalement des hôtels de luxe de par le monde entier, aux Etats-Unis, au Vietnam, en Corée, dans les Émirats Arabes Unis ou à Dubaï, répondant aux exigences de clients prestigieux. Mais pour lui, « de la construction d’un hôtel à la fabrication d’un banc, l’intention est la même : porter l’émotion au cœur du trait, rendre hommage à la nature et sublimer la matière. »

En ces temps où le geste de la main, l’artisanat d’art et la valorisation des matériaux priment sur tout, ses créations, toutes pièces uniques ou séries limitées, affolent les amateurs. Créer un impact, animer l’esprit, mobiliser les sens, réveiller l’œil, c’est l’objectif de la maison Reda Amalou Design qu’il crée en 2013 en complément de l’agence d’architecture AW2, créée il y a plus de 25 ans avec Stéphanie Ledoux.

Paravent Panama en laque noire ©Reda Amalou

Hommage à l’artisanat

Cette ouverture lui permet d’étendre ses propositions aux meubles et aux objets, tous porteurs d’un récit, d’un souvenir d’enfance en Algérie, du tumulte londonien de ses études ou de l’incandescence de ses voyages. Toujours à l’affut d’une découverte, d’un nouveau matériau, d’un savoir-faire rare, son hommage à l’artisanat et au multiculturalisme s’impose sans heurter, dans les appartements parisiens de la rue du Bac ou du Boulevard Saint-Michel, dans des résidences privées à Londres, à l’Hôtel Six Senses Crans Montana en Suisse (cf article Intramuros 219), au Biba Social Club à Palm Beach en Floride, au Silversands à l’Île de la Grenade dans les Caraïbes, un hommage digne des grands décors des SAD, (Salons des Architectes Décorateurs) du 19e ou 20e siècle.

Il aime les matière texturées, riches et vivantes : le noyer, le bronze, le cuir, la laque, et les savoir-faire hérités des Arts décoratifs comme la coquille d’oeuf, le gainage de galuchat, et la marqueterie de paille qu’il fait travailler avec soin par les meilleurs artisans d’art comme les Ateliers Lison de Caunes ou la maroquinerie d’ameublement de la Maison Fey. Parfois grandioses, ses créations savent se glisser dans les espaces qu’il aménage avec une fluidité déroutante. En pièces uniques ou en éditions limitées, ces pièces d’exception ont trouvé leur public.

Bureau EDHA ©Reda Amalou

Une exposition pleine de nouveautés

Parmi les créations les plus emblématiques du designer, le paravent Panama, sorte de grande figure abstraite aux formes primitives, revient dans une nouvelle édition en laque noire. Un quatrième coloris, après le bleu céruléen dévoilé à Milan, la version rouge et celle orange présentée à Art Paris en début d’année. À ses côtés, la collection Babylone, composée de deux tables basses, d’une table d’appoint et d’une console, marie les courbes presque animales du bois sculpté aux lignes du marbre monochrome Nero Maquina. Un ensemble fort, entre matière brute et sophistication, qui célèbre la beauté des contrastes et la finesse des détails à l’image de la table Ooma. Dans un autre registre, et toujours en hommage aux Arts Décoratifs et aux savoir-faire qu’ils font résonner, le designer a dévoilé deux pièces limitées à huit exemplaires. D’une part, le bureau EDHA, fruit d’un travail précis sur les proportions, avec un plateau entièrement gainé de galuchat et un piètement en laiton finition bronze, et d’autre part, la table en noyer Lala, qui réintroduit l’usage de l’émail cloisonné dans le mobilier contemporain.

Table basse Babylone ©Reda Amalou

Une présence internationale

Présent au showroom Argile depuis mars 2025, lors du London Design Festival en septembre dernier et au salon Decorex, prévu à la mi-octobre. Reda Amalou s’est récemment exporté outre-Manche. Une décision qui ne s’est pas faite au détriment de la France, avec notamment une présence à Art Paris en début d'année. L’occasion pour le designer de présenter ses dernières éditions, mais aussi certaines créations dévoilées l’an dernier.

À Milan, en avril 2024, il exposait au Labo Project à la Fondation Rodolfo Ferrari, Gabriela, un fauteuil généreux au tissu de velours ; le bureau Tara en noyer massif et plateau laqué vert brillant, aux deux tiroirs intérieur cuir ; la chaise Brooklyn en noyer et laiton brossé ; la table Ooma, marie marbre Emperador et noyer américain dans des dimensions rectangulaires et carrées, en version haute ou basse. Enfin, la chaise Eileen, aux courbes enveloppantes et sensuelles en noyer américain, sublimée par la fabrication artisanale, avait troublé par sa sensualité. Fidèle du salon Collectible à Bruxelles, ses tables d’appoint et sellettes Inlay sont réalisées à partir de marbre Bambou et Balsatina, au piétement encastré dans le plateau pour créer un jeu subtil d’effets mat et brillant. La majestueuse table basse X ORO, avec son plateau en verre orné de feuilles d’or 22 carats appliquées en sous-face, évoque une matière vivante en fusion comme de la lave sur un bronze massif.

Chaise longue Kimani, Design Reda Amalou © Mikael Benard

Le bureau SOA, en noyer américain avec bandeau en laque brillante et grand tiroir intérieur cuir (de 120 à 180 cm) connaît un grand succès,  tout comme la console de 35 cm de large. La console Tara, au piétement en noyer américain, chêne naturel ou hêtre teinté noir sous un plateau laqué brillant jaune, est réalisée à la main. La console Mina, sur son piétement en laiton finition bronze, porte un plateau en marbre Emperador, Sky Grey, Carrare blanc, Noir Marquina ou Noir Sahara….

Bureau Soa, design Reda Amalou © Mikael Benard

Plus discrète, la bibliothèque Steeltop, (en 110 ou 150 cm), étagère en acier noir en porte à faux et noyer américain surprend par sa simplicité et ses angles droits, comme le poème de l’angle droit de Le Corbusier. La console LALA se distingue par un décor précieux en émail cloisonné, autrefois réservé à l’usage impérial, et ici réinterprété pour être appliqué aux carreaux. Ce procédé revisité permet de créer un meuble singulier mêlant art ancestral à un dessin géométrique contemporain. Les grandes marques contemporaines lui ont aussi fait confiance : Véronèse, Hugues Chevalier, Toulemonde Bochart, Roche Bobois, Baguès, Baccarat…

Bibliothèque Lala, design Reda Amalou © Mikael Benard


Retour à la nature

Début octobre, il participait à la prestigieuse foire internationale de design, PAD London, avec la Secret Gallery Paris installée à Berkeley Square, dans le quartier de Mayfair ; ainsi qu’à Decorex, le salon de design et d’intérieurs avec sa collection Reda Amalou Design à Olympia London. Certains y ont retrouvé l’esprit de son adolescence londonienne à travers une collection de mobilier qui n’a rien à envier à l’euphorie des sixties. Pour plus de sérénité et de retour à la nature, quatre nouvelles cabanes viennent d’intégrer le site Coucoo Cabanes de Chassey-lès-Montbozon en Franche-Comté.

Cabane Coucoo par AW2 © Mikestravelbook

Sur 150 hectares, choisissez votre confort aérien et engagez-vous pour une architecture durable. Posées sur des pilotis, elles sont ouvertes à la vue et à la brise. La terrasse du premier niveau permet de vivre à l’extérieur. Le second niveau abrite une chambre avec une ventilation naturelle et une vue panoramique. Au dernier niveau, un bain nordique permet un moment de détente unique. Le tout fabriqué avec du bois issu de forêts locales, sourcé à moins de 30 km du site. L’occasion de tester l’excellence artisanale locale et les savoir-faire d’exception.

Rédigé par 
Bénédicte Duhalde et Tom Dufreix

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21/11/2025
Retour sur les talks Intramuros au salon EspritContract

Pour sa troisième édition, EspritContract, organisé en parallèle d’EspriMeuble était de retour à la Porte de Versailles du 15 au 18 novembre. Un moment de rencontres et d’échanges entre les marques et les professionnels mais également l’occasion pour Intramuros de prendre part à la médiation de plusieurs conférences thématiques.

Hôtels, bureaux, lieux hybrides : la mutation des espaces de vie

Invités :

Pierre-Alexandre Pillet, fondateur et CEO - Sowen
Valentin Moubèche, directeur de programmes - Galia Groupe
Patrick Jouin, co-fondateur - Jouin Manku
Yann Brossier, architecte - Jouin Manku


[Vision de marque] Upcycling : le design vertueux

Invitée :

Karin GINTZ, Directrice générale VITRA France

[Vision de marque] Le sur-mesure : nouvelle excellence

Invité :

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[Vision de marque] Réinventer le récit hôtelier

Invité :

Jean-Philippe Nuel, architecte designer

Ergonomie - le design au service du bien être

Invités :

Frédéric SOFIA, designer
Karin GINTZ, directrice générale - VITRA France
Jason BRACKENBURY, président - FLOS France

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17/11/2025
EspritContract : le contract nautique, une part majoritaire chez CELIO

Depuis plus de dix ans, le secteur nautique structure l’activité de l’entreprise CELIO. Un domaine à part, dans lequel l’innovation du bureau d’étude joue un rôle primordial. Rencontre avec Thomas Liault, responsable de la branche contract de la marque.

Pour sa troisième édition, EspritContract se tiendra du 15 au 18 novembre au Parc des Expositions de la Porte de Versailles.Plus d’informations sur : https://www.espritmeuble.com/le-salon/secteurs/secteur-contract.htm

Comment le contract structure votre activité ?

Aujourd’hui, le contract est un secteur important dans notre entreprise puisqu’il représente entre 15 et 20 % de notre activité totale, avec une croissance constante sur les quatre dernières années. C’est aussi une branche plurielle, qui se divise en quatre segments : le nautisme, par lequel nous avons commencé il y a dix ans et qui représente toujours plus de 80 % de notre activité ; les établissements de santé, comme les cliniques et les EHPAD ; l’hôtellerie, principalement l’aménagement de chambres dans des structures quatre étoiles ; et enfin un segment plus divers, comme le projet d’une école de gendarmerie sur lequel nous travaillons actuellement.

Vous parlez du domaine nautique, comment êtes-vous entré dans ce secteur ?

C’est par là que nous avons commencé le contract. Une entreprise travaillant avec Les Chantiers de l’Atlantique a été liquidée il y a une dizaine d’années, et comme il s’agissait d’amis, mon père, Alain Liault, aujourd’hui directeur de CELIO, a proposé de continuer leur activité au sein de notre société. Nous avons donc recruté la personne à la tête de leur bureau d’étude, le chargé d’affaires et le dirigeant de l’entreprise. C’est ainsi que nous avons mis le pied à l’étrier en 2014. Ce secteur reste extrêmement porteur pour nous : nous venons de signer un accord pour la réalisation de six navires de 2 000 chambres chacun, qui devraient être livrés au cours des trois prochaines années.

Quelles sont les différences entre ce domaine et l’hôtellerie classique ?

Pour les navires, nous travaillons uniquement sur les chambres de l’équipage et des passagers, tandis que dans l’hôtellerie, nous pouvons intervenir sur l’ensemble des espaces. La principale différence entre les chambres pour navires et celles pour hôtels réside dans le gain de place et la fonctionnalité : les modules doivent être légers. La culture du poids est particulièrement importante aux Chantiers de l’Atlantique, car elle implique moins de consommation d’énergie. Par ailleurs, la volonté de diversifier les intervenants et les entreprises sur des projets d’une telle envergure reste forte : il n’est pas possible de tout réaliser seul.

CDA Celebrity-edge ©CELIO

Comment votre bureau d’étude accompagne-t-il cette activité ?

Notre bureau d’étude compte six personnes sur les 180 présentes sur le site de La Chapelle Saint-Laurent. Nous avons choisi de ne pas le spécialiser afin de conserver une diversité d’approches. C’est souvent cette vision élargie et l’expérience acquise sur différents projets qui nous permet de trouver des solutions à des problèmes complexes. Notre bureau d’étude joue également un rôle important en termes de créativité, en étant force de proposition vis-à-vis des architectes avec lesquels nous travaillons.

Finalement, comment l’entreprise a-t-elle évolué depuis sa création ?

Quand mon grand-père a créé la société, elle fabriquait des lits de coin, des cercueils et de nombreux autres objets. Progressivement, elle s’est transformée et industrialisée. Lorsque mon père est arrivé, nous nous sommes spécialisés dans les armoires et les dressings, puis dans l’univers de la chambre. Nous sommes restés dans ce domaine jusqu’au milieu des années 2000, lorsque l’univers du salon a fait son apparition, suivi du contract une dizaine d’années plus tard. Cela nous a permis de nous diversifier.

Par opportunité, nous avions déjà réalisé ponctuellement des établissements de santé, mais nous avons décidé de miser sérieusement sur ce segment, à la fois en interne et en participant à des salons comme EspritContract. Il y a quatre ans, nous avons lancé un important projet d’investissement de dix millions d’euros : nous avons agrandi l’usine de 3 000 mètres carrés supplémentaires et mis en place un équipement industriel automatisé. Ce renouveau nous a permis d’entrer sur un nouveau type de marché, avec une capacité de production de petites séries rentables à partir de 15 ou 20 modules. Un nouveau champ des possibles s’est ainsi ouvert à nous !

Okko hôtel ©CELIO
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13/11/2025
Studio 5.5 : Designer à dessein

Designer à desseinCo-fondateurs emblématiques « et de plus en plus radicaux » du Studio 5.5, Jean-Sébastien Blanc et Claire Renard évoquent les enjeux qui émaillent le monde du design et les contradictions qui y sont liées.

« Quand j'étais étudiant, j'avais toujours une forme de déception à toujours créer sans jamais réparer les objets. La forme était généralement davantage valorisée que le concept. Je crois qu'avec les 5.5, on avait besoin de prendre le contre-pied » analyse Jean-Sébastien Blanc, co-fondateur du studio. Alors l'aventure a commencé. Avec « La médecine des objets » d'abord, un projet manifeste et inattendu au début des années 2000, suivi de « Réanim », sa version sérielle à l'origine d'un ouvrage intitulé « Sauver les meubles ». « On a été les premiers à concevoir le design sur la base de l'upcycling, et à l'époque nous avons été très médiatisés pour cette approche. »  

Mais le véritable projet « structurant » du studio, a été la revente de vaisselles en plastique faite par Arc. « La marque est venue vers nous pour faire une collection 100 % plastique. À cette époque, nous avions dit oui, mais en proposant une alternative qui réinventait les invendus de la marque. Ils ont réalisé la première collection avant de nous annoncer sa destruction pour des raisons de réorganisation de la société. On a donc décidé de récupérer les 42 000 pièces et elles ont été vendues en seulement quatre ventes en France et en Italie » explique Claire Renard. Une prise de position qui a permis au groupement de designers de se faire connaître au-delà de la sphère design.

Une chaise réparée grâce au projet Réanim ©5.5

Interroger la contradiction

« Charlotte Perriand disait que le design doit servir l'humain. Or, l'humain a déjà tout ce qui lui faut et il n'y a, de fait, plus de nécessité de créer. On doit vraiment se questionner sur notre rôle » avoue Jean-Sébastien Blanc, selon qui les 5.5 sont les premiers designers de la décroissance. « Aujourd'hui, un bon designer fait décroître la consommation. Ça paraît contradictoire, mais c'est notre vision. Notre place en tant que créateur ne doit plus être de proposer de nouveaux objets, mais de questionner notre rapport à eux. Et c'est ce qui nous a fait connaître quand on a commencé à réparer des objets du quotidien en 2002. » Un paradigme en place depuis longtemps, à associer avec la question du design démocratique. « Notre démarche a toujours été de faire du design pour tous. Le problème, c'est qu'aujourd'hui cette notion est souvent associée à celle du consumérisme. Pour nous, l'enjeu ne concerne pas tant les utilisateurs que les créateurs. C'est l’idée que nous avions en travaillant avec les artisans de chez Bernardaud pour la série 1 000 tasses. L'enjeu était de redonner du pouvoir et de la liberté de création aux ouvriers. En fait, la démocratie dans le design, c’est surtout s'interroger sur la manière de valoriser toutes les classes sociales » explique Claire Renard.

Le projet Bernardaud ©5.5

Mais outre l'humain se pose aussi la question environnementale éminemment centrale dans l'histoire du studio. « Aujourd'hui, nous ne voulons plus être au service de, mais exprimer notre opinion. Le design doit être politique avant d'être esthétique. » C'est sur le fond de cette perception que le studio a présenté à l’exposition universelle d’Osaka son projet Muji-Muji, une matérialisation de notre vision, à l'échelle de la micro-architecture. Initiée pour repenser l'image de Muji, cette construction est un véritable lieu de vie basé sur les objets de la marque japonaise. « On s'est dit que pour incarner la marque, il fallait la vivre et c'est pour ça qu’on a créé un meuble à habiter qui répond à des fonctions simples comme se nourrir, se laver ou dormir. » Un bâtiment imaginé en six modules comme six tranches de vie, conçu dans la lignée d'autres constructions réalisées il y a quelques années par Jasper Morrison, Konstantin Grcic et Naoto Fukasawa. Un projet « au design universel » qui propose une relecture de l'habitat en phase avec les exigences de notre époque et la volonté du studio de ne plus créer de nouveaux objets mais d’inviter à décroitre en repensant les acquis. Un changement de paradigme, où l’objet cède progressivement du terrain à la parole, de nouveau illustré lors de la Paris Design Week 2025, ou « 577 chaises : l’hémicycle citoyen », a été présenté dans la cour d’honneur du musée des Archives nationales pour dénoncer « la mise en danger de la démocratie ».

La Manifesto House réalisé avec Muji ©5.5

Un retour personnel au design manifeste

En parallèle de son activité au sein du studio, Jean-Sébastien Blanc développe son propre univers, en rupture totale avec les conventions. Du diffuseur AIRWICK à la lampe iJobs en passant par l’haltère Red bull, les formes « se rapprochent du design froid et aseptisé des premières créations du studio. » Plus personnel et dans une certaine mesure poétique, chaque objet trouve un écho dans l'approche globale des 5.5 : sobre et upcyclé, radicale et engagée. Réalisée comme des pièces uniques, ces créations invitent l'utilisateur – ou le spectateur – à questionner son rapport à l'objet, à sa propre consommation. « L'idée n'est pas de créer pour créer, mais d'initier des changements » affirme le designer. Bien loin des créations à succès des 5.5 comme la clé USB en forme de clé, écoulée à cinq millions d'exemplaires, et du design sériel auquel il a été formé, Jean-Sébastien Blanc propose une approche alternative, où le sens remplace le besoin, et la réflexion, l'acte d'achat.

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13/11/2025
L'Orient Express de Maxime d'Angeac, un voyage dans l'Art déco

Pour célébrer les cent ans de l’Art déco, le Musée des Arts Décoratifs de Paris rend hommage à ce style majeur. Au cœur du parcours, les wagons signés Maxime d’Angeac offrent une relecture contemporaine du luxe et du voyage selon l’esprit Art déco.

Dans le cadre de l’exposition « 1925-2025. Cent ans d’Art déco » visible au Musée des Arts Décoratifs de Paris jusqu’au 26 avril 2026, l’architecte et designer Maxime d’Angeac dévoile le futur Orient-Express. Un véritable hommage à ce train mythique, mais également aux savoir-faire d’excellence et au raffinement stylistique de ce mouvement. À cette occasion, nous lui avons posé cinq questions sur sa démarche, ses inspirations à l’origine de ce projet hors du commun alliant au patrimoine, la création contemporaine.

Depuis quand travaillez-vous sur ce projet et combien d’ateliers ou d’artisans vous accompagnent ?

Je travaille depuis janvier 2022 sur ce projet. Ce qui est exposé au Musée des Arts Décoratifs représente près de 180 000 heures de conception. Nous avons travaillé avec de nombreux savoir-faire qui ont nécessité une trentaine de maîtres d’art et d’artisans de haute facture.

© Alixe Ley

En quoi l’imaginaire autour de ce train mythique vous a-t-il inspiré ?

La marque Orient-Express est source de curiosité, de développement, de richesses… Elle est en réalité plus riche d’imaginaire que de matérialité. Elle est porteuse de légendes et convoque la géographie, l’histoire, la littérature et le cinéma. C’est une marque culturelle qui a marqué son temps par la vision du voyage au début du XXᵉ siècle, et dont je me suis inspiré.

© Alixe Ley

Justement, comment avez-vous travaillé les ambiances pour que l’intérieur soit à la fois un hommage à l’Art déco et un décor contemporain ?

Je me suis inspiré du vocabulaire et de la grammaire de l’Art déco, puis j’ai réappliqué les mêmes principes à la conception d’un train. Je me suis aussi appuyé sur les archives de l’Orient-Express, auxquelles j’ai fait des références subtiles et des clins d’œil, sans pour autant copier ou reprendre avec exactitude et nostalgie. Il a également fallu intégrer des technologies inexistantes à l’époque. J’ai donc surtout fait un travail d’ensemblier contemporain, en me nourrissant des savoir-faire de mes interlocuteurs, tous ancrés dans le XXIᵉ siècle et les préoccupations actuelles. Nous avons par exemple sourcé des bois, limité l’utilisation des cuirs, évité le gâchis, réduit les transports inutiles, fabriqué en France, contrôlé l’isolation des volumes pour éviter les déperditions…

© Alixe Ley

Dans l’exposition, on voit de nombreux croquis et vous abordez la question du Modulor développée par Le Corbusier. Votre approche est-elle proche de celle que l’on pouvait rencontrer il y a un siècle ?

Dans mon studio, nous travaillons beaucoup à la main. Chacun a un crayon et du papier à côté de son ordinateur, et je tiens à ce que les idées soient d’abord exprimées ainsi. Cela ne donne pas forcément de beaux croquis, mais permet une expression directe des intentions : les épaisseurs, les jonctions, les finitions, les proportions. L’ordinateur est évidemment indispensable, mais il ne suffit pas à lui seul. Quant au Modulor, j’ai toujours accordé une grande importance aux proportions, à la recherche du bon rythme, du bon plan, des bonnes lignes. Mes études m’ont conduit à explorer Pythagore, le nombre d’or, puis leurs prolongements, dont le Modulor de Le Corbusier, un système intéressant. Le fond du sujet reste pour moi la place de l’homme dans l’espace, qu’il soit assis, debout, couché.

© Alixe Ley

Les pièces utilisées dans ce projet ont-elles été créées pour l’occasion ou proviennent-elles de mobilier déjà édité ?

Tout a été dessiné sur mesure, puis créé par mon studio. J’ai la chance d’avoir autour de moi des personnes talentueuses et curieuses, qui me permettent d’assurer une production importante afin de répondre aux attentes de la marque, que ce soit sur rail ou sur mer. Par exemple, le fauteuil du train est dissymétrique, car il est toujours placé contre un mur. Il doit pouvoir pivoter, passer ses accoudoirs sous la table lorsqu’elle est levée, rester stable grâce à une base plutôt que des pieds afin de préserver les orteils, et être suffisamment large pour éviter tout basculement. Certains meubles, lampes ou tapis du train ou du navire sont entièrement dédiés à la marque et ne seront pas commercialisés. Les autres, nombreux, seront édités par différentes Maisons qui nous font déjà envie.

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