À la Caserne Paris, la mode de demain est durable
La Caserne Paris © Nicolas Thouvenin

À la Caserne Paris, la mode de demain est durable

Pour éteindre le feu qui risque de consumer l’industrie de la mode toute entière, une ancienne caserne de pompiers renaît de ses cendres.

La plus ancienne caserne de pompiers de la capitale était désaffectée depuis 2005. Sous la houlette des pouvoirs publics, de la mairie de Paris et d’investisseurs privés, elle s’est transformée en accélérateur de transition écologique pour la mode. La caserne Château-Landon à Paris est devenue la plus grande pépinière d’Europe dédiée à la mode responsable et c’est le plus ambitieux des projets pour l’avenir de la filière textile. Les instigateurs ont l’ambition de dupliquer ce concept ailleurs et sur d’autres industries.

© Nicolas Thouvenin

Six bâtiments de brique rouge encadrent depuis la fin du 19e siècle une prestigieuse cour pavée. L’un d’entre eux surplombe les voies ferrées du train pour le Nord. Deux ailes tenaient lieu de hangars et pouvaient accueillir des dizaines camions rouges qui démarraient toutes sirènes hurlantes, à la moindre alerte. Une enfilade de cellules qui servaient de dortoirs et de salles de repos pour les guerriers du feu, s’alignent à perte de vue… On ne peut pas vraiment dire que la première caserne de pompiers de Paris, construite à partir de 1850 et désaffectée depuis 2005, prêtait à la création de mode et la recherche d’esthétiques, de silhouettes ou d’habitudes de consommation nouvelles.

Un village de la mode

Et pourtant, deux ans après son ouverture, l’immense bâtisse construite par l’architecte Antoine Soudée, élève d’Henri Labrouste et qui abrite la bien nommée Caserne Paris ne pouvait trouver de meilleure destination. Les architectes de Chaix&Morel n’ont pas pu faire preuve de beaucoup de fantaisie. Le lieu est classé. Mais ils ont fait des merveilles. Dans le cahier des charges, lorsque que le cabinet a remporté l’appel d’offre, la Ville de Paris, propriétaire de la parcelle depuis 1849, et sa régie immobilière (RIVP) avaient clairement indiqué qu’ils souhaitent en faire « un espace innovant, dynamique, ouvert sur son quartier et aux habitants… tout en respectant le patrimoine architectural et historique de ce site ». Conçue pour accueillir 150 hommes, la caserne comprenait des cuisines, un réfectoire, des salles d’enseignement, des appartements et des chambrées, des remises de matériel et un gymnase.

© Nicolas Thouvenin

Elle est aujourd’hui constituée d’ateliers de création pour 47 jeunes résidents, d’une matériauthèque, d’un Fab Lab dernier cri, d’un studio photo, d’une boutique de mode à l’enseigne L’exception, et aussi d’un roof top végétalisé sensationnel, d’une salle de réception et de conférences, d’un fleuriste, d’un café, d’un restaurant et d’une boîte de nuit, baptisée Carbone… Un vrai village, vivant et dynamique, dans lequel se dessine la mode de demain.

Trait d’union

« L’idée de génie a été de créer une passerelle de verre et d’acier qui relie les six corps de bâtiments et qui symbolise exactement le concept de la Caserne Paris », s’enflamme Maeva Bessis, la toute jeune directrice générale et instigatrice du projet. Représentante du site de vente en ligne de marques de mode éco-citoyenne L’Exception (qui a remporté l’appel d’offre au niveau opérationnel, organisation, gestion et animation aux côté d’Impala, le fonds d’investissement parisien), elle estime que « ce trait-d’union tout en sobriété, pour une utilisation minimale de la matière, est l’un des éléments qui projette dans la modernité, le moment présent ». Or, selon Maeva Bessis, « il revêt aussi une autre signification, encore plus riche ». Pour les 47 premiers résidents et la petite équipe de La Caserne, « la dimension collective est primordiale et le fait de matérialiser un fil d’Ariane qui nous relie tous et conduit vers une sorte de place de village, dans la cour d’honneur pavée, pleine de vie, symbolise notre volonté d’être dans l’échange permanent. C’est particulièrement inspirant ».

© La Caserne Paris

Il n’en fallait pas moins : pour transformer en profondeur une industrie accusée de tous les maux et de cristalliser tous les méfaits de la société globalisée de consommation de masse, la nouvelle mode doit embarquer le plus grand nombre. Une mode forcément éco-responsable, collaborative, respectueuse de la planète et de ses ressources, y compris humaines.

© La Caserne Paris

A noter : La problématique éco-responsable qu’a embrassé la Caserne Paris ne concerne pas que la mode puisque que la biodiversité, avec son toit végétalisé qui sert de terrain de jeu et de butinage à des abeilles, ou son fleuriste, qui ne vend que des plants origine France garantie est sous les feux de la rampe. « Nous accueillons aussi une start-up ultra créative dont le studio de création et l’atelier sont dans notre local poubelle car son but est de transformer nos déchets en objets utiles du quotidien !  Idem pour ce créateur de bougies qui récupère les huiles de cuisson de notre cuisine pour valoriser toutes, absolument toutes, les ressources et toutes les matières premières ».

Quartier général

Bien loin des salons feutrés des belles avenues du luxe, en dehors des sentiers habituels de la mode, en parallèle des dynamiques rues commerçantes qui font de Paris la capitale de la mode, la Caserne Paris est la nouvelle place forte de la mode. Les bals des pompiers y ont battu son plein durant plus de 100 ans mais les défilés militaires ont laissé place à des parades tout aussi joyeuses… et nettement plus créatives et innovante. Quand Maisons du Monde a voulu signifier son grand virage éco-responsable et tendance, c’est à La Caserne tout juste inaugurée que l’enseigne a décidé de le crier sur tous les toits. Pour décerner les prestigieux prix de création à des jeunes pousses prometteuses, le Woolmark Prize – celui qui avait il y a un peu plus d’un demi-siècle mais sous un autre nom, découvert et récompensé ex-aequo un certain Yves Saint Laurent et un autre prodige en devenir Karl Lagerfeld- choisit aussi le roof top végétalisé au sommet de la Caserne.

© La Caserne Paris

Idem pour le prix de l’Andam, dont le comité d’experts de la catégorie Fashion tech se réunit dans ce qui fut les cellules de la caserne pour auditionner les candidats et délibérer. La remise du prix 2023 aura eu lieu, comme l’année dernière, dans la grande salle de réception. « Dans notre modèle économique, ces événements, que nous accueillons dans nos murs parce qu’ils soulignent la volonté de certains acteurs de changer, d’être meilleurs et plus respectueux, permettent d’abriter des très jeunes pousses de la mode, sans le sou mais plein de bonne volonté, à des tarifs très abordables. »

Former pour transformer

Sur les presque 50 premiers résidents, 4 jeunes pousses ont déjà éclot et sont parties voler de leurs propres ailes ailleurs, dans des boutiques avec pignon sur rue. L’une d’entre elles, celle de Julia Faure, Loom, a joué le jeu de dynamiser la vie de quartier, en s’installant à quelques encablures de sa couveuse.

© La Caserne Paris

On devine facilement pourquoi la liste d’attente pour intégrer La Caserne ne cesse de s’allonger. Ateliers de création, espaces de coworking, salles de réunions en lien avec la thématique de la mode, espaces d’exposition et d’animation… cette pépinière de jeunes entreprises assure un rôle d’accompagnateur autant que de vitrine, de formateur – « car il faut former pour transformer », insiste Maeva Bessis – à travers une programmation riche et diversifiée de « meet-up ». « Non il ne s’agit de conférences mais bel et bien de rencontre où la partie échanges avec le public est souvent beaucoup plus longue », tient-elle à souligner. En tout, La Caserne dispose d’environ 1700 m2 d’ateliers et bureaux pour des marques de mode ou des sociétés de services liées de près ou de loin à la transformation de l’industrie de la mode.

Rédigé par 
Isabelle Manzoni

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21/11/2025
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17/11/2025
EspritContract : le contract nautique, une part majoritaire chez CELIO

Depuis plus de dix ans, le secteur nautique structure l’activité de l’entreprise CELIO. Un domaine à part, dans lequel l’innovation du bureau d’étude joue un rôle primordial. Rencontre avec Thomas Liault, responsable de la branche contract de la marque.

Pour sa troisième édition, EspritContract se tiendra du 15 au 18 novembre au Parc des Expositions de la Porte de Versailles.Plus d’informations sur : https://www.espritmeuble.com/le-salon/secteurs/secteur-contract.htm

Comment le contract structure votre activité ?

Aujourd’hui, le contract est un secteur important dans notre entreprise puisqu’il représente entre 15 et 20 % de notre activité totale, avec une croissance constante sur les quatre dernières années. C’est aussi une branche plurielle, qui se divise en quatre segments : le nautisme, par lequel nous avons commencé il y a dix ans et qui représente toujours plus de 80 % de notre activité ; les établissements de santé, comme les cliniques et les EHPAD ; l’hôtellerie, principalement l’aménagement de chambres dans des structures quatre étoiles ; et enfin un segment plus divers, comme le projet d’une école de gendarmerie sur lequel nous travaillons actuellement.

Vous parlez du domaine nautique, comment êtes-vous entré dans ce secteur ?

C’est par là que nous avons commencé le contract. Une entreprise travaillant avec Les Chantiers de l’Atlantique a été liquidée il y a une dizaine d’années, et comme il s’agissait d’amis, mon père, Alain Liault, aujourd’hui directeur de CELIO, a proposé de continuer leur activité au sein de notre société. Nous avons donc recruté la personne à la tête de leur bureau d’étude, le chargé d’affaires et le dirigeant de l’entreprise. C’est ainsi que nous avons mis le pied à l’étrier en 2014. Ce secteur reste extrêmement porteur pour nous : nous venons de signer un accord pour la réalisation de six navires de 2 000 chambres chacun, qui devraient être livrés au cours des trois prochaines années.

Quelles sont les différences entre ce domaine et l’hôtellerie classique ?

Pour les navires, nous travaillons uniquement sur les chambres de l’équipage et des passagers, tandis que dans l’hôtellerie, nous pouvons intervenir sur l’ensemble des espaces. La principale différence entre les chambres pour navires et celles pour hôtels réside dans le gain de place et la fonctionnalité : les modules doivent être légers. La culture du poids est particulièrement importante aux Chantiers de l’Atlantique, car elle implique moins de consommation d’énergie. Par ailleurs, la volonté de diversifier les intervenants et les entreprises sur des projets d’une telle envergure reste forte : il n’est pas possible de tout réaliser seul.

CDA Celebrity-edge ©CELIO

Comment votre bureau d’étude accompagne-t-il cette activité ?

Notre bureau d’étude compte six personnes sur les 180 présentes sur le site de La Chapelle Saint-Laurent. Nous avons choisi de ne pas le spécialiser afin de conserver une diversité d’approches. C’est souvent cette vision élargie et l’expérience acquise sur différents projets qui nous permet de trouver des solutions à des problèmes complexes. Notre bureau d’étude joue également un rôle important en termes de créativité, en étant force de proposition vis-à-vis des architectes avec lesquels nous travaillons.

Finalement, comment l’entreprise a-t-elle évolué depuis sa création ?

Quand mon grand-père a créé la société, elle fabriquait des lits de coin, des cercueils et de nombreux autres objets. Progressivement, elle s’est transformée et industrialisée. Lorsque mon père est arrivé, nous nous sommes spécialisés dans les armoires et les dressings, puis dans l’univers de la chambre. Nous sommes restés dans ce domaine jusqu’au milieu des années 2000, lorsque l’univers du salon a fait son apparition, suivi du contract une dizaine d’années plus tard. Cela nous a permis de nous diversifier.

Par opportunité, nous avions déjà réalisé ponctuellement des établissements de santé, mais nous avons décidé de miser sérieusement sur ce segment, à la fois en interne et en participant à des salons comme EspritContract. Il y a quatre ans, nous avons lancé un important projet d’investissement de dix millions d’euros : nous avons agrandi l’usine de 3 000 mètres carrés supplémentaires et mis en place un équipement industriel automatisé. Ce renouveau nous a permis d’entrer sur un nouveau type de marché, avec une capacité de production de petites séries rentables à partir de 15 ou 20 modules. Un nouveau champ des possibles s’est ainsi ouvert à nous !

Okko hôtel ©CELIO
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13/11/2025
Studio 5.5 : Designer à dessein

Designer à desseinCo-fondateurs emblématiques « et de plus en plus radicaux » du Studio 5.5, Jean-Sébastien Blanc et Claire Renard évoquent les enjeux qui émaillent le monde du design et les contradictions qui y sont liées.

« Quand j'étais étudiant, j'avais toujours une forme de déception à toujours créer sans jamais réparer les objets. La forme était généralement davantage valorisée que le concept. Je crois qu'avec les 5.5, on avait besoin de prendre le contre-pied » analyse Jean-Sébastien Blanc, co-fondateur du studio. Alors l'aventure a commencé. Avec « La médecine des objets » d'abord, un projet manifeste et inattendu au début des années 2000, suivi de « Réanim », sa version sérielle à l'origine d'un ouvrage intitulé « Sauver les meubles ». « On a été les premiers à concevoir le design sur la base de l'upcycling, et à l'époque nous avons été très médiatisés pour cette approche. »  

Mais le véritable projet « structurant » du studio, a été la revente de vaisselles en plastique faite par Arc. « La marque est venue vers nous pour faire une collection 100 % plastique. À cette époque, nous avions dit oui, mais en proposant une alternative qui réinventait les invendus de la marque. Ils ont réalisé la première collection avant de nous annoncer sa destruction pour des raisons de réorganisation de la société. On a donc décidé de récupérer les 42 000 pièces et elles ont été vendues en seulement quatre ventes en France et en Italie » explique Claire Renard. Une prise de position qui a permis au groupement de designers de se faire connaître au-delà de la sphère design.

Une chaise réparée grâce au projet Réanim ©5.5

Interroger la contradiction

« Charlotte Perriand disait que le design doit servir l'humain. Or, l'humain a déjà tout ce qui lui faut et il n'y a, de fait, plus de nécessité de créer. On doit vraiment se questionner sur notre rôle » avoue Jean-Sébastien Blanc, selon qui les 5.5 sont les premiers designers de la décroissance. « Aujourd'hui, un bon designer fait décroître la consommation. Ça paraît contradictoire, mais c'est notre vision. Notre place en tant que créateur ne doit plus être de proposer de nouveaux objets, mais de questionner notre rapport à eux. Et c'est ce qui nous a fait connaître quand on a commencé à réparer des objets du quotidien en 2002. » Un paradigme en place depuis longtemps, à associer avec la question du design démocratique. « Notre démarche a toujours été de faire du design pour tous. Le problème, c'est qu'aujourd'hui cette notion est souvent associée à celle du consumérisme. Pour nous, l'enjeu ne concerne pas tant les utilisateurs que les créateurs. C'est l’idée que nous avions en travaillant avec les artisans de chez Bernardaud pour la série 1 000 tasses. L'enjeu était de redonner du pouvoir et de la liberté de création aux ouvriers. En fait, la démocratie dans le design, c’est surtout s'interroger sur la manière de valoriser toutes les classes sociales » explique Claire Renard.

Le projet Bernardaud ©5.5

Mais outre l'humain se pose aussi la question environnementale éminemment centrale dans l'histoire du studio. « Aujourd'hui, nous ne voulons plus être au service de, mais exprimer notre opinion. Le design doit être politique avant d'être esthétique. » C'est sur le fond de cette perception que le studio a présenté à l’exposition universelle d’Osaka son projet Muji-Muji, une matérialisation de notre vision, à l'échelle de la micro-architecture. Initiée pour repenser l'image de Muji, cette construction est un véritable lieu de vie basé sur les objets de la marque japonaise. « On s'est dit que pour incarner la marque, il fallait la vivre et c'est pour ça qu’on a créé un meuble à habiter qui répond à des fonctions simples comme se nourrir, se laver ou dormir. » Un bâtiment imaginé en six modules comme six tranches de vie, conçu dans la lignée d'autres constructions réalisées il y a quelques années par Jasper Morrison, Konstantin Grcic et Naoto Fukasawa. Un projet « au design universel » qui propose une relecture de l'habitat en phase avec les exigences de notre époque et la volonté du studio de ne plus créer de nouveaux objets mais d’inviter à décroitre en repensant les acquis. Un changement de paradigme, où l’objet cède progressivement du terrain à la parole, de nouveau illustré lors de la Paris Design Week 2025, ou « 577 chaises : l’hémicycle citoyen », a été présenté dans la cour d’honneur du musée des Archives nationales pour dénoncer « la mise en danger de la démocratie ».

La Manifesto House réalisé avec Muji ©5.5

Un retour personnel au design manifeste

En parallèle de son activité au sein du studio, Jean-Sébastien Blanc développe son propre univers, en rupture totale avec les conventions. Du diffuseur AIRWICK à la lampe iJobs en passant par l’haltère Red bull, les formes « se rapprochent du design froid et aseptisé des premières créations du studio. » Plus personnel et dans une certaine mesure poétique, chaque objet trouve un écho dans l'approche globale des 5.5 : sobre et upcyclé, radicale et engagée. Réalisée comme des pièces uniques, ces créations invitent l'utilisateur – ou le spectateur – à questionner son rapport à l'objet, à sa propre consommation. « L'idée n'est pas de créer pour créer, mais d'initier des changements » affirme le designer. Bien loin des créations à succès des 5.5 comme la clé USB en forme de clé, écoulée à cinq millions d'exemplaires, et du design sériel auquel il a été formé, Jean-Sébastien Blanc propose une approche alternative, où le sens remplace le besoin, et la réflexion, l'acte d'achat.

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13/11/2025
L'Orient Express de Maxime d'Angeac, un voyage dans l'Art déco

Pour célébrer les cent ans de l’Art déco, le Musée des Arts Décoratifs de Paris rend hommage à ce style majeur. Au cœur du parcours, les wagons signés Maxime d’Angeac offrent une relecture contemporaine du luxe et du voyage selon l’esprit Art déco.

Dans le cadre de l’exposition « 1925-2025. Cent ans d’Art déco » visible au Musée des Arts Décoratifs de Paris jusqu’au 26 avril 2026, l’architecte et designer Maxime d’Angeac dévoile le futur Orient-Express. Un véritable hommage à ce train mythique, mais également aux savoir-faire d’excellence et au raffinement stylistique de ce mouvement. À cette occasion, nous lui avons posé cinq questions sur sa démarche, ses inspirations à l’origine de ce projet hors du commun alliant au patrimoine, la création contemporaine.

Depuis quand travaillez-vous sur ce projet et combien d’ateliers ou d’artisans vous accompagnent ?

Je travaille depuis janvier 2022 sur ce projet. Ce qui est exposé au Musée des Arts Décoratifs représente près de 180 000 heures de conception. Nous avons travaillé avec de nombreux savoir-faire qui ont nécessité une trentaine de maîtres d’art et d’artisans de haute facture.

© Alixe Ley

En quoi l’imaginaire autour de ce train mythique vous a-t-il inspiré ?

La marque Orient-Express est source de curiosité, de développement, de richesses… Elle est en réalité plus riche d’imaginaire que de matérialité. Elle est porteuse de légendes et convoque la géographie, l’histoire, la littérature et le cinéma. C’est une marque culturelle qui a marqué son temps par la vision du voyage au début du XXᵉ siècle, et dont je me suis inspiré.

© Alixe Ley

Justement, comment avez-vous travaillé les ambiances pour que l’intérieur soit à la fois un hommage à l’Art déco et un décor contemporain ?

Je me suis inspiré du vocabulaire et de la grammaire de l’Art déco, puis j’ai réappliqué les mêmes principes à la conception d’un train. Je me suis aussi appuyé sur les archives de l’Orient-Express, auxquelles j’ai fait des références subtiles et des clins d’œil, sans pour autant copier ou reprendre avec exactitude et nostalgie. Il a également fallu intégrer des technologies inexistantes à l’époque. J’ai donc surtout fait un travail d’ensemblier contemporain, en me nourrissant des savoir-faire de mes interlocuteurs, tous ancrés dans le XXIᵉ siècle et les préoccupations actuelles. Nous avons par exemple sourcé des bois, limité l’utilisation des cuirs, évité le gâchis, réduit les transports inutiles, fabriqué en France, contrôlé l’isolation des volumes pour éviter les déperditions…

© Alixe Ley

Dans l’exposition, on voit de nombreux croquis et vous abordez la question du Modulor développée par Le Corbusier. Votre approche est-elle proche de celle que l’on pouvait rencontrer il y a un siècle ?

Dans mon studio, nous travaillons beaucoup à la main. Chacun a un crayon et du papier à côté de son ordinateur, et je tiens à ce que les idées soient d’abord exprimées ainsi. Cela ne donne pas forcément de beaux croquis, mais permet une expression directe des intentions : les épaisseurs, les jonctions, les finitions, les proportions. L’ordinateur est évidemment indispensable, mais il ne suffit pas à lui seul. Quant au Modulor, j’ai toujours accordé une grande importance aux proportions, à la recherche du bon rythme, du bon plan, des bonnes lignes. Mes études m’ont conduit à explorer Pythagore, le nombre d’or, puis leurs prolongements, dont le Modulor de Le Corbusier, un système intéressant. Le fond du sujet reste pour moi la place de l’homme dans l’espace, qu’il soit assis, debout, couché.

© Alixe Ley

Les pièces utilisées dans ce projet ont-elles été créées pour l’occasion ou proviennent-elles de mobilier déjà édité ?

Tout a été dessiné sur mesure, puis créé par mon studio. J’ai la chance d’avoir autour de moi des personnes talentueuses et curieuses, qui me permettent d’assurer une production importante afin de répondre aux attentes de la marque, que ce soit sur rail ou sur mer. Par exemple, le fauteuil du train est dissymétrique, car il est toujours placé contre un mur. Il doit pouvoir pivoter, passer ses accoudoirs sous la table lorsqu’elle est levée, rester stable grâce à une base plutôt que des pieds afin de préserver les orteils, et être suffisamment large pour éviter tout basculement. Certains meubles, lampes ou tapis du train ou du navire sont entièrement dédiés à la marque et ne seront pas commercialisés. Les autres, nombreux, seront édités par différentes Maisons qui nous font déjà envie.

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