Benjamin Gaulon en session tech mining à l'iMAL
TECH MINING- IMAL- janvier 2023 © Laurent Catala

Benjamin Gaulon en session tech mining à l'iMAL

Designer et artiste travaillant notamment sur les questions d’exploitation nouvelle – et potentiellement de détournement technologique – des outils électroniques (Tech mining) et sur les principes de recyclage des déchets électroniques (e-waste), Benjamin Gaulon aime partager sa pratique dans des workshops pédagogiques et participatifs. Une approche mêlant hacking et design critique vérifiée lors d’une session productive à l’iMAL de Bruxelles.


BENJAMIN GAULON TECH MINING À l'IMAL- janvier 2023 © Laurent Catala

Designer graphique à l’origine (il est diplômé en BTS communication visuelle à Nevers, puis des Arts Décos de Strasbourg), Benjamin Gaulon s’est rapidement tourné vers des pratiques artistiques électroniques après son master en Interactive Media (MADTech) au Frank Mohr Institute de Groningue. Dans son modus operandi, il a très vite intégré une réflexion basée sur les questions de cycle de vie de la technologie, dans le sillage de collectifs hacktivistes (reliant des principes d’activisme politique à des questions de hacking informatique) comme BAN (Based Action Network) aux Etats-Unis, qui s’intéresse aux questions des déchets technologiques avec un profil écologique très militant. Ses séries de travaux comme Retail Poisoning, visant à pervertir les principes de consommation numérique en injectant des datas viciées ou du matériel électronique corrompu dans nos objets électroniques du quotidien l’a introduit à une certaine conceptualisation de l’objet, particulièrement des téléphones portables (série Broken Phones), mais aussi du minitel, dont il a essayé de repenser les usages.

BENJAMIN GAULON TECH MINING- IMAL janvier 2023 © Laurent Catala

Chez Benjamin Gaulon, l’idée de recyclage est essentielle. Elle l’a même amené à imaginer une approche créative et disruptive singulière, contenue dans le néologisme « recyclisme » (qui donne son nom à son site web recyclism.com) et qui use des outils du Tech mining, c’est-à-dire de nouveaux principes d’exploitation, voire de détournement, de matériel électronique hardware, équivalent aux nouvelles informations générées et exploitées à partir des données numériques du Data mining, et que l’on retrouve dans le travail d’autres artistes-chercheurs-hackers contemporains comme Nicolas Maigret et Maria Roszkowska (Disnovation.org), Nicolas Nova, ou le collectif RYBN. Son intérêt pour les questions d’e-waste, pistant les manières de réutiliser les déchets technologiques qui nous entourent, l’a conduit à imaginer une ébauche de communauté de chercheurs, artistes et designers intéressés par ces questions, dans le cadre de la Nø-School Nevers, une sorte de « colo pour adultes » se réunissant chaque mois de juillet dans une maison de campagne bourguignonne, pour réfléchir à des projets open source ou live coding, pour produire des artefacts et des circuits imprimés, mais surtout pour mutualiser pratiques et prototypages, notamment autour de ces questions de recyclage technologique.

TECH MINING- IMAL- janvier 2023 © Laurent Catala

Workshop e-waste

Plus régulièrement, Benjamin Gaulon organise des workshop orientés e-waste et Tech mining pour ouvrir le champ de ses pratiques à un public de curieux et d’initiés. Fin janvier, c’est dans les locaux de l’iMAL de Bruxelles que s’est tenu un de ces ateliers, intégré dans le programme annuel de rencontres professionnelles The Cookery (accueillant tables-rondes, conférences, workshops et performances), organisé par le principal centre dédié aux arts numériques en Belgique. Pendant deux jours, les questions de réutilisation des appareils électroniques usagers et de recyclage de leurs composants ont été mises sur le grill dans une démarche autant créative que ludique, qui a intéressé un public comprenant des étudiantes en experimental publishing du Piet Zwart Institute de Rotterdam et un enseignant en art numérique de l’ENSAV de La Cambre.
Deux expériences ont été concrètement mises en pratique durant ces deux journées. La première relève de la question du refunct media, visant à « refonctionnaliser » des objets électroniques désuets ou défectueux. Pour cela, chaque participant avait ramené les pièces électroniques les plus diverses, et notamment un banc-titre vidéo vintage (pour placer du texte sur écran) et une armée de petites télés analogiques et de petits moniteurs Watchman à écran. Emmené par Benjamin Gaulon, la petite équipe met rapidement la main à la patte pour souder des mini-caméras à des circuits imprimés, puis les connecter à un convertisseur AV-RF permettant de créer, pinces crocodiles et fiches RCA à l’appui, toute une scénographie sur table reliant caméras, écrans télés analogiques et clavier texte, à la manière d’un réseau fermé CCTV de caméra-surveillance.
Au-delà de cette mise en scène très circuit bending, Benjamin Gaulon « imagine que tout cela peut être sérieusement réutilisé pour quelque chose ». « Un minitel par exemple aujourd’hui peut être un outil recherché car il consomme moins d’énergie qu’un ordinateur », précise-t-il. « Ce type de dispositif est un point d’entrée dans de nouveaux usages low-cost. Avec la raréfaction et la hausse du prix des matières premières, sans oublier la crise des composants électroniques, il est évident qu’il va falloir trouver de nouveaux circuits d’utilisation et de réutilisation ».

BENJAMIN GAULON TECH MINING IMAL janvier 2023 © Laurent Catala

Core samples : des sculptures de datas

Parmi la foultitude d’objets ramenés, un certain nombre ne sont pourtant pas fonctionnellement réexploitables. C’est là qu’intervient la deuxième partie de l’atelier, basée sur un principe de recréation récréatif pour produire un artefact à partir du concassage des composants matériels eux-mêmes.
Sur la table, une souris, une imprimante et un lecteur CD s’avèrent inutilisables. Benjamin Gaulon propose de procéder à la réutilisation des matériaux qui les composent (plastique, mais aussi circuits imprimés) en les démontant, puis en les broyant, et enfin en les recomposant en autre chose. Dans sa pratique, Benjamin Gaulon crée des objets façonnés à partir de ce matériau qu’il a baptisé des core samples. L’idée est donc ici de concevoir l’un de ces objets qui renvoie curieusement à une sorte de sculpture de datas, totem annoncé des archéologies du futur. Marteau, scie, presse hydraulique, broyeuse, tout l’arsenal du FabLab de l’iMAL est utilisé pour mettre en pièce ces objets électroniques, puis les transformer en résidus. La matière obtenue au bout de ce laborieux process s’apparente à des granulats composites comme on peut en trouver dans la fabrication du béton. Placée dans un bac, cette matière est d’abord chauffée grâce à un pistolet à chaud pour l’agglomérer (en portant un masque pour éviter les volutes toxiques), puis disposée dans un moule lui aussi recyclé (un cylindre métallique de boîte à café), où elle est méticuleusement tassée pour prendre la forme de son récipient. Après quelques minutes, le cylindre est mis dans l’eau froide, puis découpé afin de libérer l’étrange sculpture arrondie souhaitée.
Au-delà de l’aspect disruptif de la méthode, et au-delà de sa mise en perspective du travail de récupération industrielle actuellement opéré dans les usines de recyclage (mais sans que l’on sache vraiment toujours très bien ce qui est récupéré ou pas, comme le précise Benjamin Gaulon), une évidence très nette apparaît quant aux nouvelles pistes de design industriel pouvant potentiellement procéder d’une telle approche du recyclage. À l’aune de cette expérience, comment ne pas être frappé par la quantité de matière réutilisable que contiennent tous nos stocks de déchets électroniques ? Et comment ne pas penser que leur recyclage puisse en effet constituer une source de matière exploitable et bon marché ? Pour Benjamin Gaulon, cette question de savoir ce qui doit être réutilisé et ce qui doit être détruit ouvre de nombreuses pistes, même s’il ne pense pas que la destruction soit forcément la meilleure idée en termes de design. « Je pense que la bonne idée serait de mieux designer au départ, afin justement d’éviter le surplus de matière », concède-t-il. « Aujourd’hui, plus encore qu’hier, la question n’est pas seulement de produire mieux, mais de produire moins. »

Rédigé par 
Laurent Catala

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18/7/2025
Concours Technogym x Intramuros : les Candidatures sont ouvertes !

En partenariat avec Intramuros, Technogym lance un concours pour imaginer l’avenir du fitness à domicile. Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 29 août.

Sous le titre évocateur « La Home Gym du Futur », Technogym — marque reconnue pour ses équipements de fitness haut de gamme - lance un concours inédit. Cette initiative vise à mettre en valeur les talents émergents tout en encourageant des idées novatrices, durables et inclusives. En s’appuyant sur les besoins actuels en matière de pratique sportive et en anticipant les évolutions à venir, les participants sont invités à imaginer leur vision de l’entraînement à domicile de demain.

Un jury XXL pour cette première édition

Pour juger les différentes propositions des candidats au concours, les équipes d’Intramuros et de Technogym pourront compter sur l’expertise de 4 professionnels du secteur :

  • Le designer Patrick Jouin (studio Patrick Jouin iD)
  • Natacha Froger (agence atome associés)
  • L’architecte d’intérieur Ana Moussinet (Ana Moussinet Interiors)
  • L’architecte et designer Jean-Philippe Nuel (studio Jean-Philippe Nuel)

Après une délibération des membres du jury le 2 septembre prochain pour sélectionner les finalistes, les projets retenus seront mis en avant sur les réseaux sociaux et présentés au sein de la boutique Technogym pendant  Paris Design Week du 4 au 13 septembre.


Ce concours est l’opportunité pour les jeunes créateurs de faire valoir leur créativité et de gagner en visibilité. En effet, en plus de voir leur projet exposer pendant Paris Design Week, les finalistes pourront profiter de la communication via les canaux de Technogym, Intramuros, NDA et BED et pourront enrichir leur réseau lors de la remise des prix qui aura lieu le 17 septembre prochain. Le lauréat remportera 4 500 € de produits Technogym et vivra une expérience exclusive au Technogym Village à Cesena, en Émilie-Romagne (Italie), aux côtés du jury.

Une démarche d’inscription simple

Pour participer, les candidats devront proposer un brief complet avec un concept design, des planches graphiques et une note descriptive détaillée. Les dossiers devront être envoyés par email à l’adresse suivante : concourstechnogym@intramuros.fr

Tous les documents essentiels relatifs au concours sont disponible vie CE LIEN.

En cas de besoin et demandes spécifique, les candidats peuvent contacter le Technogym Interior Design Service, via Daniela D’Errico à l’adresse : dderrico@technogym.com ainsi que Yanis Aimetti, yaimetti@technogym.com pour le Technogym Marketing support & infos produit.

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9/7/2025
Spinning Around, la collection en mouvement de Sophia Taillet

Présentée en exclusivité dans la nouvelle boutique du Grand Palais, la collection Spinning Around de Sophia Taillet allie une approche artistique à un savoir-faire industriel méconnu : la technique du repoussage. Une série colorée et dynamique, à l’image de la designer qui aime mêler les disciplines.

À l’occasion de la réouverture du Grand Palais et de l’inauguration de sa boutique, Sophia Taillet a imaginé une collection exclusive, intitulée Spinning Around. Un projet qui s’inscrit dans la continuité de son travail amorcé avec le Spinning Mirror présenté lors de la Paris Design Week en 2024 et le travail de recherche Time Erosion, mené suite à l’obtention de la bourse « Monde Nouveau » en 2023. Un projet pour lequel elle a exploré duré un an les liens entre design et danse, en collaboration avec des artisans, un danseur et un ingénieur du son. « J’ai voulu interroger le rapport au corps à travers la manipulation d’objets encore en phase de réflexion. Une fois façonnés par l’artisan, ces objets passaient entre les mains du danseur, qui leur donnait une fonction. Je trouvais intéressant d’intégrer d’autres regards que celui du designer dans le processus et de les présenter par le biais d’une performance. » Une représentation s’était tenue à la Fondation Pernod Ricard, où danse et objets cohabitaient en parfaite synergie.

Collection Spinning Around

Associer matière et mouvement dans l’espace

Partie de ce projet symbolique et du Spining Mirror — remarqué lors de la Paris Design Week 2024 et de la Collective Fair de Bruxelles —, cette collection offre différentes déclinaisons qui mêlent à la fois la matière et mouvement. Les pièces sont faites en verre et en métal, les deux matériaux de prédilection de la créatrice, et réalisés à la commande, dans une dizaine de d’exemplaires pour le moment. Entre jeux de matière, de lumière et de formes évolutives en fonction de la disposition et l’espace dans lequel se trouve l’objet, Spinning Around est une collection qui n’est finalement jamais figée. « J’ai voulu créer une sorte de liberté visuelle au sein de laquelle le mouvement donne vie à l’objet. Le fait que les objets bougent permet de créer des effets visuels qu’on n’aurait pas s'ils étaient immobiles » Et pour cette collection, Sophia Taillet a choisit de se pencher sur la technique du repoussage, un savoir faire dont on parle peu mais qui n’en est pas moins intéressante à explorer. « C’est une technique qui n’est pas forcement médiatisée et je trouvais intéressant de la travailler, d’autant qu’avec mon expérience du verre, je ressens un devoir de transmission des savoir et des techniques. »

Collection Spinning Around

Un rendez-vous donné à la rentrée

En septembre, à l’occasion de la Paris Design Week du 4 au 13 septembre et des Journées du Patrimoine les 20 et 21 septembre, Sophia Taillet investira la cour du musée de la Chasse avec une installation cinétique en plein air, pensée comme une « danse silencieuse ». Neuf pièces de Spinning Mirror seront présentées en dialogue avec l’architecture du lieu. Une performance dansée viendra également accompagner l’installation.

Spinning Mirror
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10/7/2025
Drift chair ou la justesse des lignes

Le studio BrichetZiegler et Théorème Éditions se sont associés pour créer la Drift chair. Une chaise très graphique portée par des lignes fines au service de l'équilibre.

Comme pour chacune de leurs collaborations, David et Jérôme, les fondateurs de Théorème Éditions, dont la galerie eponyme est située sous les arcades du Palais Royal, se sont tournés vers un studio avec une demande : créer un objet sculptural, architectural et monolithique. Un triptyque dans l'air du temps que le studio BrichetZiegler, convié pour l'occasion, a naturellement retranscrit sur une chaise. Une pièce que le duo de créateurs affectionne particulièrement en raison de son échelle. « Une chaise est une surface parfaite car sa dimension permet de s’exprimer de façon sculpturale et plastique tout en abordant les aspects techniques d’un objet qui soutient le corps. » Un terrain de jeu idéal donc, autour duquel les designers ont imaginé une pièce « fonctionnelle et confortable pour dîner, portée par un dessin et une présence visuelle forte. »

Drift chair by Brichet Ziegler for Theoreme Éditions @Stéphane Ruchaud

Un jeu d'équilibre

Développée en à peine un an et demi avec le savoir-faire d'un menuisier installé à Pantin, la Drift chair – que nous pourrions interpréter par « chaise qui plane » - tire son nom de son assise en porte-à-faux. Supportée par deux planches latérales en guise de pieds, l'assise joue sur l'alternance des pleins et des vides pour offrir, de côté, tout le poids visuel de sa structure, et de face une certaine frugalité structurelle. Deux sensations renforcées par l'utilisation de courbes au niveau des zones de contact pour des questions de confort, mais aussi dans les angles. Une manière d'apporter de la fluidité à cet assemblage égayé par une galette aimantée en cuir lisse ou en tissu Kvadrat choisi par la galerie. En dessous, la surface à bois a été ajourée de manière à diminuer le poids de la chaise – déjà de 7,5kg – et solidifier la structure pour éviter qu'elle ne vrille.

Drift chair by Brichet Ziegler for Theoreme Éditions @Stéphane Ruchaud

Proposée en chêne et en noyer, la Drift chair est disponible dans une version cérusée où le veinage naturel du bois devient porteur d'un monochrome très graphique. Une alternative utilisée par Joseph Hoffmann dès les années 30 et désormais réinterprétée avec goût par le studio BrichetZiegler.

Drift chair by Brichet Ziegler for Theoreme Éditions @Stéphane Ruchaud
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9/7/2025
À la CFOC, six décennies d'exploration

Créée par François Dautresme en 1965, la Compagnie Française de l'Orient et de la Chine (CFOC) fête ses 60 ans. À cette occasion, Valérie Mayéko Le Héno, architecte DPLG et directrice artistique depuis 2016, évoque les évolutions de cette société indissociable des savoir-faire asiatiques.

Voyageur passionné et aventurier en quête de nouveautés, François Dautresme a fondé la CFOC en 1965. Quelle place occupe aujourd'hui son héritage dans l'identité de la marque ?

En tant que directrice artistique de la marque depuis 2016, je crois pouvoir dire que la manière dont nous travaillons est assez proche du concept de départ puisque nous continuons de voyager beaucoup à travers l'Asie. C'est important de garder un pied dans cette zone, où se trouve une douzaine de pays avec lesquels nous collaborons, mais aussi au-delà – en Italie pour l'édition textile, au Maroc pour les éponges et la broderie, au Portugal pour le travail de l'acier et des couverts, et au Mexique pour la fibre de palme -, car ce que nous cherchons, c'est avant tout un savoir-faire particulier ou de nouvelles techniques. Nous partageons de fait la passion de l'artisanat, mais aussi le plaisir de trouver des ateliers familiaux, des petites structures. Cette notion est très importante pour nous, car depuis 1965, l'idée est de valoriser des produits manufacturés. À travers ça, l'héritage principal est sans doute celui d'être du contact.

Tapis Ombrelle Sépia ©CFOC

La place du geste est donc véritablement importante au sein de la CFOC, mais comment concilier les savoir-faire anciens et asiatiques avec les besoins des consommateurs européens ?

Il y a longtemps eu un gap entre nos deux régions. Il y a encore une quinzaine d'années, les arts de la table en Chine se limitaient majoritairement à des bols et à des baguettes tandis qu'il était coutume de s'asseoir proche du sol en Asie alors nous avions tendance à nous asseoir de plus en plus haut en Europe. Il a donc fallu adapter tout cela à nos usages. Dès les années 90, à l'époque où la CFOC proposait principalement du mobilier chiné, souvent aux Puces de Pékin, François Dautresme a commencé à dessiner des éléments destinés au marché français. Un premier pas que nous avons complètement généralisé en 2011-2012, en insufflant à la compagnie alors en perte de vitesse, une nouvelle vision davantage adaptée à nos modes de vie, aux usages.

Collection Lotus ©CFOC

Et comment cela se traduit-il en termes de création ?

Nous avons voulu faciliter l'échange de regard entre l'Europe et l'Asie. Un bureau de style est ainsi né à Paris. Nous y travaillons à deux pour ce qui est de la conception design, plus une troisième personne chargée de la production. Celle-ci est principalement basée en Asie, car nous n'avons pas d'intermédiaire, et c'est elle qui nous permet de développer des produits sur le long terme – généralement entre 4 et 10 mois – et d'entretenir des relations pérennes avec les ateliers pour ne pas être sur du one-shot. Pour la majorité d'entre eux, notre collaboration oscille entre 8 et 10 ans, et c'est ce qui nous permet de pousser les savoir-faire et développer de nouveaux produits.

Table basse ultra noir en chêne teinté ©CFOC

L'une des richesses de la CFOC, c'est également l'étendue des matériaux travaillés. Comment les réinvente-t-on pour ne pas tourner en rond au bout de 60 ans ?

En fait, la question est surtout technique. Ce sont généralement des déclinaisons. Par exemple pour la laque, dans les années 50 à 70, on ne trouvait que des couleurs naturelles. Progressivement, on a évolué vers des colorants alimentaires pour diversifier les teintes, sans pour autant perdre le savoir-faire ancestral à base de sève de laquier. Cette année, nous proposons par exemple deux nouvelles couleurs, le bleu jun et l'ambre jun que nous avons travaillé avec notre coloriste basé dans un village près de Hanoï, au Vietnam. Pour ce qui est du tissu, la CFOC évolue notamment en passant de fibres naturelles à des fibres textiles pour répondre à des besoins spécifiques. C'est le cas de notre tapis tressé Kilim (une technique indienne) où le jute est remplacé par de la laine.

Lampe de chevet Naméko en porcelaine et laiton et courtepointe Samarcande en velours de soie et lin ©CFOC

De manière plus précise, comment avez-vous pensé la collection anniversaire ?

Elle a été guidée par une démarche en quelque sorte historique. J'ai réuni les origines de la CFOC en me replongeant dans de vieux articles de presse, des archives photographiques des anciennes boutiques et leurs vitrines aux scénographies imaginées par François Dautresme, mais aussi des produits dans les catalogues de vente. Bref, je me suis immergé dans la riche histoire de la société et j'ai confronté le passé et le présent. C'est ça qui m'a amené à développer la forme des ombrelles pour nos tapis, le concept de naturalité, le travail du pojagi – une méthode de couture que l'on peut rapprocher du patchwork -, le velours de soie que l'on retrouve sur les contrepointes Samarcande travaillées avec du lin par des artisanes brodeuses, sans oublier la réédition d'objets dans le rouge CFOC. Tous ces axes nous ont permis de créer des pièces en série limitées ou numérotées.

Tabourets signature en coloris bleu jun, verveine et blanc ©CFOC

Sur le plan commercial, la CFOC s'est progressivement ouverte au B2B. Qu'est-ce que cela a changé dans votre approche et quels sont les prochains défis à venir ?

Effectivement ! Depuis plusieurs années, nous développons le B2B pour proposer nos services des chefs ou des établissements hôteliers. C'est une autre manière de voir les choses. L'un de nos projets significatif est certainement la réalisation de pièces sur mesure pour l'hôtel SO/ Paris réalisé par le cabinet RDAI et livré en 2022. Parallèlement à ces nouveaux marchés, nous souhaitons également développer notre notoriété et étendre notre réseau aujourd’hui composé de trois boutiques sur Paris et de revendeurs en région. Nous réfléchissons donc à ouvrir un nouveau showroom ou des pop-ups store dans des zones balnéaires.

Plateau haut Étamine ©CFOC
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