Entre l'art et le design, des affinités électives à la galerie Perrotin
Vue de l’exposition « Tout n’est qu’influence » / Perrotin Second Marché © Courtesy of the artist and Perrotin Photo : Tanguy Beurdeley

Entre l'art et le design, des affinités électives à la galerie Perrotin

Après son exposition inaugurale, en septembre dernier, à sa seconde adresse, avenue Matignon, « Perrotin second marché » explore les relations entre l’art contemporain et le design avec des pièces de designers historiques, mises en regard d’œuvres des avant-gardes et du Pop art.


Sur les trois étages de l’immeuble, dans une scénographie très élégante, aux points de vue démultipliés, de Cécile Degos, réputée pour ses mises en scène en musée, « Perrotin Second marché » crée des « affinités électives » entre des « Totems » d’Ettore Sottsass, des sculptures animalières de François-Xavier Lalanne, deux meubles de Jean Royère et des toiles, gouaches, dessins de Matisse, Dali, Magritte, Giacometti, le Douanier Rousseau mais aussi d’Andy Warhol, Alain Jacquet, ainsi qu’un mobile de Calder. Au rez-de-chaussée, celles de Sottsass et des artistes Pop évoquent leur amour commun du quotidien et des coloris éclatants.

Vue de l’exposition « Tout n’est qu’influence » / Perrotin Second Marché © Courtesy of the artist and Perrotin Photo : Tanguy Beurdeley

Dans une niche aux tons acidulés, les formes épurées et arrondies du totem « 5A » dialoguent paradoxalement avec « Usuyuki », toile de Jaspers John aux lignes géométriques, tandis que la pièce en verre et laiton « Maia Bowl » du chef de file du groupe Memphis et l’« étude pour nature morte avec jarre bleue et cigarette » de Tom Wesselmann nourrissent un même amour du bleu et des objets du quotidien. Ainsi l’expliquait Sottsass : « Ce qui m’a passionné, c’est que les artistes [Pop] prenaient pour thèmes les sujets du quotidien, la vie de tous les jours. La banalité était leur univers. À la place des madones, des christs, ils s’intéressaient à une coupe de fruits, à une boîte de soupe, à une voiture. Leur écriture était le langage de la rue. »  

Les animaux, la nature et les hommes

Le second étage qui ressemble à une basse-cour très chic, parle d’amitié, d’inimitié et d’animaux. Là deux oies, un brochet, un « mouton transhumant » et un pacifique bélier en bronze conversent en silence, surveillés de près, sur les murs, par l’image en atelier du surréaliste Dali, très ami dans la vie avec le couple Lalanne, mais aussi par la délicate colombe semblant s’échapper d’un dessin de Magritte. Contre point à cette basse-cour idéale d’un autre monde, les gouaches et crayon aux lignes âpres et écorchées d’Alberto Giacometti, figure majeure de la sculpture, que n’appréciaient pas du tout les Lalanne, s’opposent à la rondeur de leur carpe en résine et feuille d’or.

Vue de l’exposition « Tout n’est qu’influence » / Perrotin Second Marché © Courtesy of the artist and Perrotin Photo : Tanguy Beurdeley

Enfin, au troisième, dans une ambiance paisible où le naturalisme raffiné du « Cosy corner » de Royère en marqueterie de paille renvoie à la forêt luxuriante du « Nu au bain » du Douanier Rousseau, l’on apprend que le grand décorateur français réalisait également ses meubles en fonction de leurs ombres portées sur le sol ou les murs, comme Alexander Calder le faisait avec ses mobiles. Art & design, une affaire d’influences mutuelles ? A travers des pièces aux signatures prestigieuses, en « consignement », c’est-à-dire prêtées à la galerie, mais aussi achetées par Emmanuel Perrotin et ses associés Tom-David Bastok et Dylan Lessel, l’exposition « Tout n’est qu’influence » interroge la frontière ténue entre ces deux disciplines, par leurs regards communs sur les sujets, matières, couleurs et effets de lumière. Et remet quelque peu en question leur sacrosainte hiérarchie.

Vue de l’exposition « Tout n’est qu’influence » / Perrotin Second Marché © Courtesy of the artist and Perrotin Photo : Tanguy Beurdeley

« Tout n’est qu’influence », exposition chez Perrotin Second Marché jusqu’au 19 mars 2022 (www.perrotin.com) au 8, avenue Matignon, Paris 8e.

Rédigé par 
Virginie Chuimer-Layen

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24/10/2025
Scarabei, la nouvelle composition de Giopato & Coombes

La marque italienne Giopato & Coombes dévoile Scarabei, un luminaire en aluminium inspirée de la nature.

C’est une collection à regarder à la lumière de ces inspirations. Imaginée par Cristiana Giopato et Christopher Coombes, fondateurs du studio éponyme, Scarabei pourrait être désignée comme une collection biomimétique. Inspirés « par les processus de propagation visibles dans la nature », les designers ont cherché à traduire les notions « de rythme, de répétition et de variation ». C’est donc en considérant la lumière comme un organisme à part entière qu’ils se sont penchés sur la faune, et plus précisément sur le scarabée, un animal symbolisant souvent la métamorphose et la renaissance. Une inspiration à l’origine des petites cavités rappelant, à certains égards, des chrysalides d’où émergent ces insectes. En résulte une série de luminaires née « d'une étude de la modularité expansive » offrant des compositions en équilibre « entre géométrie et variation structurelle ».

Scarabei ©Giopato & Coombes

Les aspérités d’une technique artisanale

D’abord intéressés par l’idée de propagation, les designers ont commencé « par travailler en deux dimensions, sur papier, et par l'intermédiaire de matériaux physiques tels que les croquis au crayon et à l'encre ». Une phase qui a permis aux premières ébauches d’émerger. Ce n’est que dans un second temps que l’étude des formes a débuté, et ce, de manière empirique. « Nous avons d’abord créé des masses à l’aide de papier aluminium puis d’argile. Nous préférions travailler le matériau physiquement et ensuite passer à sa transformation numérique en le scannant en trois dimensions. » Une méthode de travail qui a poussé les deux designers vers le moulage au sable. Une technique artisanale, réalisée dans une fonderie italienne, permettant de combiner les détails des moules en terre réalisés à la main, et la matérialité brute et authentique de la fonte. Réalisé en aluminium, chaque module est ensuite retravaillé à la main et patiné dans l’un des cinq coloris disponibles (aluminium brut, aluminium poli, noirci, bronzé, blanc minéral). Dotés d’une source lumineuse, les dômes concaves sont ensuite refermés avec une lamelle de verre opalin, laissant passer une lumière homogène et permettant à chacun de révéler les aspérités de son voisin. Une cohabitation rappelant, à la lumière de Scarabei, la force de la composition.

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22/10/2025
EspritContract : au sein du groupe Mobliberica, on mise sur la diversité

Les marques Musola, Mobliberica et Dressy, spécialisées dans le mobilier outdoor pour la première et l’indoor pour les deux autres, comptent une expérience de plus de 45 ans. Trois marques réunies au sein d’un même groupe qui permet ainsi d’avoir une offre riche et diversifiée, pour s’adapter au mieux à tous les projets. Analyse auprès de José Martinez, export manager chez Mobliberica.

Pour sa troisième édition, EspritContract se tiendra du 15 au 18 novembre au Parc des Expositions de la Porte de Versailles. Plus d’informations sur : https://www.espritmeuble.com/le-salon/secteurs/secteur-contract.htm

Que représente le secteur contract au sein de votre groupe (produits/projets, ventes...) ?


Mobliberica, la première marque du groupe est née en 1979 et dès ses débuts, la qualité était partie prenante de notre ADN. Cela nous a permis, au cours de ces 46 dernières années, de développer des produits avec des caractéristiques techniques qui les rendent idéal aussi bien pour le canal résidentiel que pour le canal contract, et de nous étendre ensuite à nos autres marques qui sont Musola et Dressy. Le secteur contract a toujours été un domaine d'une grande importance dans l’histoire du groupe, et nous le développons tout particulièrement en ce moment. Cela passe par des collaborations avec designers ainsi qu'avec une équipe interne expérimentée. En résultent ainsi des produits avec un très haut niveau de qualité et de design, développés et fabriqués entièrement au sein de nos usines.

Vous avez également les marques Mobliberica et Dressy dans le groupe. Les projets contract sont-ils connectés entre elles ?


Mobliberica, Musola et Dressy sont trois marques appartenant à la même entreprise, ce qui permet à nos partenaires de mieux comprendre notre offre en différenciant clairement les pièces de mobilier indoor proposées par Mobliberica et Dressy avec l’outdoor à travers Musola. Le fait de proposer des produits pour les différentes zones d’un projet facilite considérablement le travail de nos clients en réduisant le nombre de fournisseurs nécessaires.

Quels changements/évolutions avez-vous observés ces dernières années ?


Les produits contract ne se distinguent plus de ceux produit destinés au résidentiel. C’est donc à nous d’harmoniser et humaniser au maximum les espaces, en les rendant plus confortables et accueillants pour que les produits s’adaptent au mieux aux usages.

Y a-t-il un projet important dont vous aimeriez parler ?


La diversité de notre offre nous permet de participer à des projets très variés, comme le rooftop d’un hôtel sur la Côte d’Azur, un restaurant dans une station de ski dans les Alpes, une bibliothèque à Berlin ou encore des chambres d’un coliving à Paris. Des projets très attractifs au sein desquels la priorité est donnée à la qualité et au design.

Des nouveautés à venir ?


Nous avons un puissant département de développement produit qui nous permet de lancer en permanence des nouveautés intéressantes, en offrant des solutions techniques, des matériaux et des designs pour proposer des solutions innovantes.

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24/10/2025
Jean-Philippe Nuel : de l’architecture au mobilier

L’architecte et designer Jean-Philippe Nuel a livré trois projets architecturaux au cours de l’été. L’occasion pour lui de développer deux nouvelles assises en collaboration avec Talenti et Duvivier Canapés.

Architecte multi-facettes, Jean-Philippe Nuel s’est une nouvelle fois illustré cet été avec la livraison de trois projets hôteliers. Témoignant de son attachement à une « approche contextuelle, fondée sur le sens, l’histoire et la captation d’éléments didactiques », l’architecte décorateur a signé trois cadres de vie aux identités radicalement différentes, mais unis par une même volonté : concevoir des espaces enracinés dans leur territoire et ouverts sur le monde. De la métamorphose du dernier étage du Negresco à Nice, hommage élégant et contemporain à Jeanne Augier, à la création de L’Isle de Leos Hotel & Spa en Provence, imaginé comme une maison d’hôtes intime et chaleureuse, en passant par le Talaia Hotel & Spa à Biarritz, écrin minéral et marin suspendu au-dessus de l’océan, Jean-Philippe Nuel conserve l’idée d’un dialogue entre le lieu, l’architecture et le mobilier. Une approche qui l’a conduit à collaborer avec Talenti et Duvivier Canapés pour développer deux nouvelles gammes, désormais pérennisées par les marques.

Le Talaia Hotel & Spa de Biarritz ©FrancisAmiand

L’espace à l’origine de l’objet

Chez Jean-Philippe Nuel, le mobilier naît rarement d’une idée abstraite, mais plutôt d’un « besoin généré par l’architecture », explique-t-il. « Quand on conçoit une chambre d’hôtel, on a souvent besoin d’un bridge. On ne veut pas d’une simple chaise, mais il faut que l’assise reste manœuvrable pour s’adapter à différents usages. En 2021-2022, j’ai donc dessiné cette pièce, car il en existait en réalité assez peu sur le marché. » Destinée à l’origine à un projet hôtelier avorté à New York, la pièce au design sobre et classique a malgré tout été réalisée par Duvivier Canapés sous le nom de colection Barbara. D’abord implantée dans un hôtel à Reims, elle a fini par trouver sa place au Negresco, dans le cadre de la rénovation estivale. « À l’image de cette pièce, mes objets naissent souvent d’un lieu, d’un besoin précis. Ce n’est que dans un second temps que se pose la question de leur adoption par une marque et de leur intégration dans une collection », précise le designer. C’est notamment le cas d’une autre collaboration, cette fois avec Talenti, imaginée dans le cadre du projet de L’Isle-sur-la-Sorgue. Nommée Riva, la collection s’inspire du nautisme et du quiet luxury. D’abord pensée pour le monde de l’hôtellerie, puis intégrée à des projets de yachting, l’assise, reconnaissable à son large piètement en bois sur l’avant, a été ajoutée au catalogue de la marque italienne. « Nous avons néanmoins dû redimensionner certaines pièces. Le piètement initial, assez épais, a été redessiné pour plus de légèreté et de durabilité. Mais la générosité de la chaise, son aspect presque surdimensionné, demeure. » Ce processus d’ajustement accompagne souvent la transition d’une pièce sur mesure vers l’édition. « C’est par exemple ce qui s’est produit au Negresco, pour un canapé en forme de banane de quatre mètres de long. On nous a dit qu’il était trop grand : il a fallu le repenser pour un cadre plus classique. »

La Suite Jeanne&Paul et les assises de la collection Barbara imaginées par Jean-Philippe Nuel ©Grégoire_Gardette

Une approche transversale et lisible

Architecte de formation, mais aujourd’hui davantage tournée vers l’aménagement intérieur, Jean-Philippe Nuel revendique une posture transversale. « Même si ma notion de création s’est un peu déplacée, j’aime garder un œil sur toutes les étapes d’un projet. C’est peut-être lié au marché anglo-saxon, où les architectes ne s’occupent pas des intérieurs ni de la décoration. En Europe, c’est différent, mais comme je travaille beaucoup à l’étranger, le curseur s’est un peu déplacé. » Connu pour la diversité de ses réalisations, le créateur défend avant tout une cohérence du lieu. « Je garde un style que je ne renie pas, sans fioritures, avec une lisibilité dans la mise en place des éléments. » De L’Isle-sur-la-Sorgue, où la présence d’antiquaires a inspiré un dialogue entre objets anciens et mobilier contemporain, à Biarritz, où les couleurs du Pays basque infusent le projet, son seul fil rouge reste l’identité du lieu. « Pour le mobilier, comme pour l’architecture, c’est toujours dans le cadre de ce que j’ai vu, ressenti ou analysé que la création s’inscrit », conclut-il.

Le hall de l'hôtel Isle de Leos et les assises de la collection Riva éditées par Talenti ©Francis Amiand
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24/10/2025
Icônes en résonance : Charlotte Perriand rééditée par Saint Laurent

À la Galerie Patrick Seguin et sous la curration d’Anthony Vaccarello, la maison Saint Laurent fait dialoguer l’héritage du design avec celui de la mode en présentant quatre pièces rares de mobilier de Charlotte Perriand.

Jusqu’au 22 novembre, la Galerie Patrick Seguin met en scène une exposition qui réunit deux icônes du XXᵉ siècle que sont Charlotte Perriand et Yves Saint Laurent. Sous la direction artistique d’Anthony Vaccarello, ce sont quatre pièces de la créatrice - dont certaines étaient jusqu'ici restées à l’état de prototypes - qui ont été rééditées en série limitée. Présentées de façon presque muséale, chaque meuble témoigne d’un dialogue subtil entre rigueur moderniste et sensualité des matériaux, qu’il s’agisse de la banquette de la résidence de l’ambassadeur du Japon à Paris, du fauteuil Visiteur Indochine ou bien de la bibliothèque Rio de Janeiro ou encore de la table Mille-Feuilles.

Bibliothèque Rio de Janeiro © Saint Laurent

Un dialogue entre héritages et regards contemporains

Plus qu’une simple exposition, cette collaboration rend hommage à la fascination réciproque entre la mode et le design. En effet, alors qu'Yves Saint Laurent  collectionnait les créations de Perriand, Anthony Vaccarello lui, les faire revivre avec modernité à travers un regard épuré, fidèle et respectueux du travail de la designeuse. En s’associant à la Galerie Patrick Seguin, Saint Laurent affirme son engagement pour le patrimoine créatif et la transmission des savoir-faire. Un exercice d’équilibre où l’héritage se transforme en manifeste contemporain, à découvrir sans attendre.

A gauche : Fauteuil visiteur Indochine / A droite : Table Mille-Feuilles © Saint Laurent

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