Exposition

Derrière ses allures de showroom de technologie deux-roues hi-tech et ludique, l’exposition « Bicyclette(s), Faire Des Vélos » commissionnée à la Cité du Design de Saint-Étienne par le designer Jean-Louis Fréchin, redessine le paysage innovant d’une industrie française et européenne du vélo en plein boom. Une vision stratégique dans laquelle le design s’est clairement emparé du maillot jaune.
À Saint-Étienne, le vélo est une histoire ancienne. C’est là que le premier vélo français est né en 1886 et que sa première version populaire (le modèle Hirondelle) voit le jour cinq ans plus tard, lançant le sprint pour de très nombreuses entreprises (Mercier, Mécacycle, Vitus, etc.) qui fleuriront dans les décennies suivantes. Aujourd’hui, ce fleuron de l’industrie locale a quasiment disparu (à l’exception de la réputée entreprise de jantes Mach 1 encore située dans les environs). Pour autant, le vélo n’a pas dit son dernier mot dans la Préfecture de la Loire, et l’exposition « Bicyclette(s), Faire Des Vélos » commissionnée à la Cité du Design de Saint-Étienne par le designer Jean-Louis Fréchin de l’agence NoDesign, où se retrouve quelques dizaines d’exposants, rappelle opportunément que le vélo est aujourd’hui l’élément central des nouvelles mobilités et un fantastique produit fonctionnel et stimulant pour les nouveaux usages. Mais, par-delà ce principe (presque) unanimement établi par nos besoins de nouvelles circulations douces, c’est à la découverte du « paysage du renouveau d’une industrie » française et européenne que nous invite d’abord Jean-Louis Fréchin.

Comme il nous le rappelle, « l’avenir du vélo passe par le design », que cela soit à travers la technologie et la définition des nouveaux usages, mais aussi derrière ce besoin « qu’il faut aussi des gens pour construire des vélos » ici en Europe. Et ces gens justement sont bien là, qu’ils soient entrepreneurs, start-ups, ingénieurs, et surtout designers, tissant le lien nécessaire entre la créativité de l’atelier artisanal et les nécessités industrielles qui s’imposent. « « Bicyclette(s), Faire Des Vélos » est moins une exposition de bicyclettes que la démonstration du savoir-faire de gens passionnés, d’agences, de designers qui permettent d’avoir accès à des objets de culture, au même titre qu’un livre ou un film », explique Jean-Louis Fréchin en précisant que « les objets disent souvent qui nous sommes, mais qu’avant de penser leurs usages, il faut savoir les produire ».
Un paysage industriel en forme de topologie de machines
Ces objets, ces vélos en l’occurrence, emplissent le premier espace d’exposition selon une véritable topologie de machines, derrière laquelle la main de l’homme et du designer n’est jamais très loin. Il y a des vélos « taffeurs », pour aller quotidiennement au travail, comme les références en vélos à assistance électriques Moustache Bikes ou ce modèle de l’autre marque française qui monte, Iweech, qui associe algorithmes et machine learning pour calculer sa vitesse et potence escamotable pour le rangement. Il y a des vélos « transporteurs long tail » ou des bicyclettes pensées pour le voyage, comme les modèles des cycles Victoire – structure qui se trouve derrière Le Syndicat des Artisans du Cycle, ou encore le modèle PechTregon, designé par Matthieu Chollet ancien de l’ENSCI comme Jean-Louis Fréchin. Il y a aussi dans la deuxième salle labellisée « atelier », les représentants des fabricants de composants : boyaux FMB, jantes Mavic, boîte de vitesse automatisée Cavalerie ou batterie réparable Gouach, pour n’en citer que quelques-uns, tous partie prenante de cette économie créative pour qui la roue semble à nouveau tourner. Un modèle électrique spécial, le cycle Batspad, en acier durable, a même été spécialement conçu par Jean-Louis Fréchin à partir de multiples composants parmi ceux exposés.

C’est d’ailleurs cet esprit d’ingénierie innovante, dans lequel la patte des designers est prépondérante, qui retient le plus l’attention. La marque portugaise Autorq (le Portugal est le premier producteur européen de vélos et dispose donc de l’écosystème économique et technique le mieux fourni du continent) a ainsi développé un boîtier de pédalier mesurant avec précision la force du décalage pour l’adapter à la conduite la plus naturelle. Le prototype Cocotte de H3Bike entend simplifier l’usage de la bicyclette avec sa boite de vitesse robotisée.


La forme procède directement de ces avancées où les passerelles avec l’industrie automobile sont patentes, comme on le constate avec les produits du groupe Rebirth qui propose un vélo électrique Matra, directement inspiré des principes d’utilisation de fibres de carbone recyclées et recyclables de la maison-mère automobile, permettant par exemple de travailler la partie creuse du cadre pour tout le câblage. Idem Pour le modèle Multipath d’Ultima Mobility dont le cadre monocoque en plastique est complété de carbone injecté comme dans les dernières innovations pour voitures. Les choix de matières sont d’ailleurs essentiels là aussi, avec par exemple le cadre en bambou, matériau naturel et renouvelable, développé par l’entreprise lyonnaise Cyclik, déclinable dans des versions étonnement « luxe », comme ce vélo Hermès conçu par le designer Antoine Fritsch.

Le vélo perd son genre
De fait, la réflexion très globale, industrielle et designée, qui sous-tend « Bicyclette(s), Faire Des Vélos » se nourrit de multiples points d’entrée. Et le moins crucial n’est sans doute pas cette réflexion particulièrement portée par Jean-Louis Fréchin autour d’un changement de paradigme de genre dans l’usage du vélo. Il rappelle ainsi combien « les pistes cyclables dans les grandes villes deviennent des lieux de mixité » offrant entre autres « les refus de la promiscuité dans les transports et un sentiment de sécurité. » Surtout, il note que l’industrie du prêt à rouler, qui avait ajusté la bicyclette aux mensurations masculines, change son fusil d’épaule avec la création de toutes ces marques et gammes spécifiques. « Aujourd’hui, les hommes ont adopté les cadres à vélo ouvert en V [comme ceux présentés dans l’exposition par les modèles de la marque belge Cowboy] », souligne-t-il, tout en reconnaissant « qu’il reste à accompagner la montée en nombre d’une pratique de mobilité populaire et commune qui ne doit pas être réservée qu’aux femmes et aux hommes jeunes et en bonne santé grâce à des infrastructures adaptées et sûres. » Un nouveau défi dans lequel le design peut sans doute apporter aussi sa pierre à l’édifice, dans des considérations de design d’intérêt général notamment.

Jusqu’au 26 novembre, c’est dans une galerie d’Andreas Murkudis dans le sud ouest de Berlin, que valerie_objects prends place pour exposer ses pièces iconiques et dernières nouveautés, dont la collection Silent du studio BIG-GAME.
Fondée en 2015 à Anvers en Belgique par Axel Van Den Bossche et Veerle Wenes, valerie_objects propose aux designers avec qui elle collabore de donner vie à leurs idée et leurs envies. À Berlin, la marque expose pendant un mois plusieurs pièces de ses collections iconiques. Parmi celles présentées : Tramonti de Maria Scapurlla, Inner Circles de Maarten Baas, les chaises Alu et Rocking Chair ainsi que les luminaires Lamps de Muller Van Severen et la toute récente collection Silent de BIG-GAME.


Un panel de collections qui se dévoile comme la vitrine d’un travail qui s’enrichit et se renforce depuis sept ans. Et pour l’occasion, les designers du studio suisse BIG-GAME étaient présents pour raconter l’histoire de la collection en bois Silent, qui se compose d’une chaise, d’une table, d’un tabouret et d’un banc. Une nouvelle collection toute en couleurs, avec des pièces qui rappelleraient « un peu celles que l’on pourrait retrouver dans l’atelier d’un peintre », pour reprendre les mots employés par BIG-GAME.

Au fond a gauche : Silent de Big Game
Au fond à droite : Alu Chair de Muller Van Severen
© Intramuros

Silent, authentique et fonctionnelle
Au commencement de cette collaboration, le défi lancé était de proposer une collection de mobilier en bois. Un challenge relevé par le trio BIG-GAME, déjà familier du travail de valerie_objects. « On aime beaucoup la frontière qu’il peut y avoir entre l’art et le design dans les pièces de la marque. On ne sait pas trop si ce sont des œuvres d’art ou des objets réellement fonctionnels.« Pour cette collection, le studio confie avoir effectué un travail important au niveau des couleurs : « Nous avons essayé de sortir des palettes que l’on peut voir partout. On a imaginé des couleurs qui n’avaient pas de référentiel. « De la même manière, le travail de la matière et du toucher du bois a beaucoup importé les designers. En effet, ils confient avoir voulu créer un contraste entre l’aspect lisse et synthétique qui peut s’opérer à première vue, mais qui fait se dévoiler ensuite, si l’on s’attarde à observer les pièces de plus près, les veines marquées du bois, laissé ainsi volontairement.


Pour imaginer Silent, les designers se sont largement inspirés de l’art, en mixant un peu le modernisme de Mondrian avec le mouvement de Stein. Le résultat final donne des pièces colorées et géométriques, qu’on pourrait croire qu’elles sont tout droit sorties d’un pot de peinture. « On a voulu proposé un contraste entre le coté assez rigide et géométrique de la forme des pièces avec une palette de couleur assez tranchée. Cela créait un décalage qui vibre finalement assez fort.«

À l’occasion de la Stockholm Design Week de septembre, le fabricant de luminaires Wästberg et le studio de design et d’architecture Claesson Koivisto Rune profitent du lancement de la nouvelle série w221 medium pour proposer une scénographie brute et immersive de leur collaboration dans le cadre éphémère d’une ancienne laverie.
En septembre, La Suède retrouvait des couleurs en termes de design avec la tenue d’une Stockholm Design Week exceptionnelle, marquant à la fois la fin d’une période pandémique particulièrement difficile pour les créateurs locaux et une préfiguration de la tenue normale de la manifestation, qui aura lieu l’an prochain en février à ses dates habituelles, parallèlement à la Stockholm Furniture & Light Fair. Si l’exposition officielle consacrée aux tendances actuelles du design scandinave, Moving Forward, occupait l’un des espaces du grand magasin NK au cœur de la capitale, de nombreux autres lieux, en particulier des showrooms de designers locaux comme Hem ou Flokk, marquaient l’évènement en invitant à venir découvrir leurs produits et créations. Dans ce cadre, une collaboration détonne : celle réunissant le fabricant de luminaires Wästberg et le studio de design et d’architecture Claesson Koivisto Rune autour du lancement de la nouvelle gamme de lampe à suspension medium w221.
Ballet de lampes
C’est en effet dans les sous-sols d’une ancienne laverie du centre de Stockholm que la marque et le studio de design avaient décidé de créer une véritable exposition en mode pop-up pour une semaine de durée. L’idée : présenter non seulement la nouvelle gamme, mais également les deux précédentes issues de la collaboration entre Wästberg et Claesson Koivisto Rune, à savoir les modèles extra petite w201 et extra large w151.

Dans cet espace réduit mais confortable en profondeur, brut de décoffrage avec ses murs en béton mais épousant parfaitement l’esthétique minimaliste des lampes, le rendu visuel est saisissant. Un véritable ballet de lampes coniques aux tailles variables, plus ou moins évasées dans leurs formes exagérées, et où le contraste de couleurs entre les blancs et les noirs renforcent la nature brutaliste, se dévoile. « C’est le seul moment où l’on peut voir tous ces modèles réunit ensemble » se réjouit Eero Koivisto, en se réjouissant d’avoir pu mener à bien ce projet d’exposition éphémère et de scénographie des lieux en si peu de temps. « Notre idée était de mettre en valeur les lampes tout en préservant la nature brute des lieux dans la façon de les montrer. Il y a un choix d’harmonie brute dans le fait d’accorder les lampes en coloris noir du côté des murs les plus blancs, et inversement, les lampes en coloris blancs du côté des murs plus sombres. Nous avons également pensé le mobilier qui enserre le dispositif des lampes en réemployant des canapés eux aussi très bruts et minimalistes dans leur format ».

Opportunément, la série de lampes à suspension w221 vient s’intercaler entre les plus grands modèles x151 et les petits modèles x201. Les jeux de proportion entre les différentes pièces sont donc eux aussi particulièrement valorisés dans la mise en scène. « Nous avons introduit une distance progressive entre les différentes pièces, les plus petites et les plus grandes, afin de créer une véritable perspective visuelle », poursuit Eero Koivisto.
Éloge de la durée
Le rapport au béton se fait encore plus pertinent quand on en vient à son point de convergence avec les luminaires Wästberg dans cette scénographie très spéciale. « Le symbole de qualité d’un produit est sa capacité à durer », rappelle Eero Koivisto. « Le rapport avec cet écrin d’exposition en béton, lui-même fait pour durer, fait donc sens. » Cette qualité temporelle des produits Wästberg transparaît notablement dans cette nouvelle gamme de lampes à suspension médium. Quatre ans après avoir sorti la gamme extra large x151 et trois ans après avoir édité la gamme extra petite x201, le modèle médium en reprend les grandes lignes dans des dimensions plus abordables : solidité, avec ce travail de manufacture métallique semblant toujours repousser les limites du potentiel de l’aluminium ; utilisation de LED pour un éclairage économique et écologique ; capacité à jouer de l’articulation des formes et des silhouettes des lampes pour créer des environnements originaux et intimistes.

« Nous avons une nouvelle fois pris le temps pour penser les différentes formes de cette gamme, réfléchir aux questions de dynamique et de symétrie, et la rendre cohérente avec les autres gammes », précise Eero Koivisto. « Cela nous a pris deux ans de travail, mais nous aimons prendre du temps pour travailler et ainsi parfaitement réfléchir au produit que nous concevons. »
Un contraste entre temps de création et temps de monstration qui renvoie à l’autre grande actualité du studio cette année, la sortie de la collection 822 pour la marque Ton, conçue elle aussi pour durer de longues années. Inspirée du modèle années 30 de la chaise 811 de l’architecte/designer Josef Hoffmann, la collection 822 transpose la patte Claesson Koivisto Rune et un caractère nordique plus moderne dans l’univers maîtrisé de la courbure du bois cintré chère au fabricant de mobilier tchèque.

Les performations dans le siège et le dossier donnent une dimension particulièrement légère et graphique à une collection où tous les éléments arrondis et cintrés caractéristiques de Ton ont justement été redressés pour paraître plus géométriques dans toutes les déclinaisons colorées et parfois atypiques de la collection (fauteuil lounge, tabouret de bar ou tabouret bas). Une manière également pour Claesson Koivisto Rune, comme dans la dimension scénographique de l’exposition pop-up Wästberg, de toujours réfléchir à l’adaptation d’un design existant à de nouveaux lieux et à de nouvelles fonctions.

Jusqu’au 22 janvier 2023, le MAD remet à l’honneur « l’œuvre audacieuse d’Elsa Schiaparelli, dont l’inspiration s’est nourrie d’une relation privilégiée avec les artistes du milieu de l’avant-garde parisienne des années 1920 et 1930 ». Près de 20 ans après la rétrospective qui lui a été consacrée en 2004, le musée a souhaité revisiter son œuvre afin de faire redécouvrir au public sa fantaisie novatrice, son goût du spectacle et sa modernité artistique.
Elle était la meilleure ennemie de Coco Chanel et la meilleure amie des artistes les plus en vue de sa génération, bien qu’elle opérât dans une discipline encore étrangère, à l’époque, pour le monde de l’art : la mode . On ne se demande pas pourquoi et l’exposition « Shocking ! les mondes surréalistes d’Elsa Schiaparelli » du Musée des Arts Décoratifs de Paris le rappelle à l’envi. La vision de la couturière d’origine italienne, parisienne d’adoption, d’une mode plus conceptuelle et artistique que pratique et fonctionnelle, classe Elsa Schiaparelli décidément bien à part de ses congénères qui habillaient les femmes. Avec ses toilettes ludiques et décalées, elle les sublimait, leur permettait de dire d’elles-mêmes ce qu’aucun autre couturier ne permettait : « je suis libre ».

Une exposition entre hommage et héritage
Le parcours réunit 520 œuvres dont 272 costumes et accessoires de mode, « mis en regard de 248 peintures, sculptures, bijoux, flacons de parfum, céramiques, affiches et photographies signées des plus grands noms de l’époque, photographes, peintres, écrivains ou poètes, de Man Ray à Salvador Dalí, de Jean Cocteau à Meret Oppenheim ou encore d’Elsa Triolet ».

Cette grande rétrospective met également en lumière l’héritage du style Schiaparelli avec des silhouettes interprétées par de célèbres couturiers lui rendant hommage, comme Yves Saint Laurent ou Azzedine Alaïa. Daniel Roseberry, directeur artistique de la maison Schiaparelli depuis 2019, interprète cet héritage dans un esprit aussi fantasque que l’était Elsa elle-même. L’exposition serpente dans les galeries de la mode Christine & Stephen A. Schwarzman du MAD dans une scénographie poétique et immersive confiée à Nathalie Crinière.

Du 7 au 28 septembre, l’exposition « Les Formes du Design » est organisée à Toulouse dans le cadre de France Design Week, dont la visée se veut tranformatrice, et tente d’explorer toutes les formes du design.
Qu’est-ce que le design ? Un(e) designer ? Pourquoi et comment le design intervient enOccitanie dans sa diversité, sa singularité ? Voici les questions auxquelles tentent de répondre l’exposition « Les Formes du Design » organisée bénévolement par Design Occitanie, , l’isdaT (institut supérieur des arts et du design de Toulouse) et le RoseLab dans le cadre de France Design Week. Une exposition qui s’avère être la première de cette envergure à etre organisée dans la région et qui s’est donné pour objectif de promouvoir auprès de tous les publics (entreprises, collectivités, grand public…) la puissance transformatrice du design dans toutes ses dimensions.


Un rendez-vous qui s’accompagne d’une riche programmation événementielle avec l’organisation de workshop, conférences et ateliers durant toute la durée de l’évènement qui vont ainsi permettre d’expérimenter le design, le partager et le ramener chez soi à travers des activités adaptées pour les scolaires, le grand public et les professionnels. L’exposition présente une quarantaine de travaux de designers, makers et étudiants, permettant de fabriquer une première valorisation de design local, circulaire, durable, innovant et vital dans une démonstration de design lisible, accessible, concrète et didactique.

« Les Formes du Design » est un évènement gratuit, ouvert à tous, du lundi au samedi de 10h à 19h, à venir découvrir au RoseLab, 55 avenue Louis Bréguet La Cité, 31400 Toulouse.

Sous l’égide du collectif Haute facture de l’Ameublement français, le décorateur Vincent Darré invitait le public à pénétrer les rouages infimes de la création d’excellence. Dans le cadre de la Paris Design Week et dans le splendide écrin de la Monnaie de Paris, l’exposition « Psychanalyse d’un meuble à quatre pattes », quelque peu foldingue, valorisait les métiers rares de treize grandes manufactures.
« Psychanalyse d’un meuble à quatre pattes » s’appréhende comme un parcours labyrinthique, un brin surréaliste, à travers une enfilade de « chambres des merveilles ». Dans une mise en scène convoquant à la fois l’ambiance des natures mortes anciennes et l’art des avant-gardes, le scénographe explique les différentes étapes de fabrication d’un meuble ou d’un objet. « À travers ces cabinets de curiosités, je souhaite montrer comment s’articule la réalisation d’une pièce, du début jusqu’à la fin. »
Comme pour préparer le visiteur à un voyage dans un monde « au-delà du réel », cet amoureux des arts décoratifs imagine une première salle, tel un sas circulaire orné de rideaux des Ateliers Faure, sur lesquels sont projetés, entre autres, des vidéos d’artisanat d’art. S’ensuivent six chambres, toutes recouvertes de mousse colorée qui, dans une lumière tamisée, plongent le public au plus profond des savoir-faire. Dans celle, plus petite, consacrée à la manufacture Lit National, Vincent Darré a démembré un lit, faisant surgir de manière singulière ses composants ; le plafond est couvert de ouatine, le sol de laine de mouton et les parois latérales de ressorts et autres composants. Non loin, la partie dédiée « à l’orfèvre du bain » Volevatch propose une vision revisitée de sa douche dorée Jonas dans un décor chic et plus sombre.

À ce point de l’exposition, l’on pénètre successivement trois grands espaces aux tons vifs, conçus comme des cabinets de curiosités d’un autre temps. Les supports exposant ces mille et un artéfacts ont tous des pattes – clin d’œil au jeu de mots du titre -, artefacts pour la plupart accompagnés de loupes, afin de mesurer au plus près l’excellence de leur facture. Parmi des météorites et de singulières sphères, une splendide boule faite d’élytres de scarabées de chez Objet de Curiosité projette ses tonalités iridescentes, non loin de pièces en laque de l’Atelier Midavaine. Dans la chambre suivante, le visiteur est convié à l’intérieur d’un tableau surréaliste ou des avant-gardes. Une rampe au décor en fer forgé de chez Pouenat semble ignorer ce qui se trame de l’autre côté de la pièce… La carcasse d‘un fauteuil rouge bascule devant le plateau d’une table d’échec de chez Moissonnier, contribuant à créer une ambiance proche de celle des tableaux de Giorgio de Chirico. La double salle bleue met en lumière des objets de chez Duvivier Canapés, du créateur de luminaires en bronze d’art Charles Paris, de la manufacture d’Aubusson Robert Four et de la maison d’ébénisterie Taillardat. Hypnos, splendide secrétaire de cette dernière, prend une dimension nouvelle dans ce décorum ludique et intrigant. En son centre, présentant alternativement sa face solaire, puis lunaire, un vase boule en émaux de Longwy tourne sur lui-même. Cerise sur le gâteau, l’ultime espace tout de rouge vêtu révèle un lustre spectaculaire du bronzier d’art Maison Lucien Gaud près de meubles et d’objets de chez Philippe Hurel.


Avec ses jeux de perspective, de miroirs, d’échelles, cette exposition psychédélique à la fois facétieuse et sérieuse offre une nouvelle vision du meuble d’exception. Ses références-hommages aux grands artistes comme Jean Cocteau, Louise Bourgeois ou encore Jean Arp, résultant de l’imagination féconde de Vincent Darré, rendent le propos encore plus original. Et montrent également combien sont tenues les frontières entre art, métiers d’art et design. A noter : en décembre prochain, les créations faites spécialement pour l’occasion seront mises en vente aux enchères chez Piasa.



Organisée du 8 au 18 septembre, l’exposition « Inventaire à la 5,5 » retraçait les étapes de la démarche engagée du collectif de designers. Subversifs et décalés, mais toujours responsables et intègres, ils explorent le design sous tous ses angles, depuis 2003.
Pour la présentation des meubles et objets, 5,5 a choisi le carton, l’indispensable matériau du déménagement, pas forcément très original comme dispositif, mais efficace, tout en jouant avec les codes du lieu industriel, ascenseur, verrières, béton brut. À grand renfort de scotch et de socles, la signalétique est claire et précise, les cartels jaune fluo rappelant chaque étape fondamentale du travail du collectif fondé par Vincent Baranger, Jean-Sébastien Blanc, Anthony Lebossé et Claire Renard.


On aime l’évidente simplicité des objets, mais surtout l’évolution de ce groupe toujours en ébullition aussi bien pour des clients du luxe que pour de la grande consommation : Leroy-Merlin, Ricard, Energiser, Veuve Cliquot, la Grande Motte. Révélés par les Reanim, la médecine des objets de la récup, les 5,5 ont inauguré l’art de rafistoler une chaise de bistro, un meuble de grand-mère en 2003, avec humour, et intelligence… On sait aujourd’hui combien ce sujet est d’actualité. Surfant sur le design anonyme, en 2015, le collectif imagine une déclinaison de 70 fonctionnalités du petit verre de cantine Duralex, dont certains ont été édités par Designbox et Monoprix. Faisant de la lutte anti gaspi leur étendard, le projet « Copies Originales » en 2017 est quant à lui un manifeste sans valeur marchande, de la lutte anti-contrefaçon afin de défendre le design original. Le design d’espace représente une part de plus en plus importante des activités pluridisciplinaires du studio, avec en 2017, l’aménagement du show-room Atelier Tarkett, en 2019 l’exposition « Causes Toujours » au Maif Social Club, en 2021, la nouvelle librairie évolutive du Centre Pompidou à Paris qui met en exergue leur capacité à réunir toute forme de design.


Réputée pour son exposition internationale et les nombreux pavillons nationaux, la biennale d’art contemporain de Venise l’est également pour la kyrielle de ses manifestations satellites. Soutenues par des galeries, des fondations, souvent logées dans de magnifiques palais, celles-ci contribuent à renforcer le caractère immanquable de l’évènement général. Présentation de trois de ces expositions off.
Claire Tabouret en double et en dialogue avec le passé, au palazzo Cavanis
Dans ce palais construit au bord de l’eau, entre le XVe et le XVIe siècle, les toiles majestueuses et sculptures-fontaines de la plasticienne française soutenue par la galerie Almine Rech prennent toute leur dimension. «Claire Tabouret : I’m spacious, singing flesh» est une exposition où l’on relit les thèmes récurrents de l’artiste, à la lueur d’ex-voto archéologiques en tuf représentant des Matres Matutae de Capoue, ces déesses latines du Matin et de l’Aurore (V-II s av JC). «J’ai choisi ces ex-voto pour leur signification et leur dimension rituelle, explique-t-elle. Ils sont le vecteur de l’exploration d’une condition double et multiple du soi en rapport à la fertilité et à la maternité, qui entremêle identité individuelle et forces plus vastes».

© Claire Tabouret, Courtesy of the Artist and Almine Rech
Crédit photo Ugo Carmeni 2022

© Claire Tabouret, Courtesy of the Artist and Almine Rech
Crédit photo Ugo Carmeni 2022
Ainsi, son puissant et double autoportrait peint de 2020 fait écho à une majestueuse double Madone ancienne, aux ressemblances troublantes. Rituel, maternité, terre-mère, identité ambivalente, dédoublement, transfiguration sont les sujets qui traversent les huit salles. Au détour de plusieurs d’entre elles, The Team, portrait coloré de figures féminines reliées par leurs vêtements textiles, converse avec l’architecture du lieu, ou encore Snow in the desert (2017), la toile monumentale aux effets chromatiques joue avec ceux d’un splendide lustre de Murano. Organisée par Kathryn Weir, directrice du MADRE à Naples, l’exposition se termine dans les jardins, où les jeunes filles-fontaines en céramique, muettes de Claire Tabouret confèrent au lieu une dimension à la fois douce et ambiguë.
« Claire Tabouret : I’m spacious, singing flesh », Palazzo Cavanis, Dorsoduro 920, 30123 Venise. Jusqu’au 27 novembre 2022.
Antoni Clavé, le guerrier du Palazzo Franchetti
Dans les somptueuses salles du palais, cinquante pièces du peintre catalan Antoni Clavé (1913-2005) dialoguent avec des sculptures et des masques africains, dont cette figure historique de l’art d’après-guerre, ami de Picasso, aimait s’entourer. De dimension souvent imposante, les sculptures, les toiles, les « armoires » et tapisseries révèlent son attirance pour la culture africaine mais aussi les matériaux de récupération, de rebut et les formes simples, presque brutes. Imaginé par Aude Hendgen, directrice des archives Clavé et le commissaire indépendant Sitor Senghor, le parcours de ces œuvres réalisées entre 1958 et les années 1990 met en exergue la figure du guerrier, majeure dans son corpus. De même, il souligne la diversité de ses techniques souvent artisanales, comme le collage, les papiers froissés, gaufrés ou encore le trompe l’œil, la tapisserie, dont ce grand coloriste était un farouche adepte.


Enfin, l’exposition accentue son intérêt pour les couleurs éclatantes, presque ruisselantes, ourlant une figure du combattant de plus en plus évanescente. Dans une des plus grandes salles, la toile monumentale « Toile froissée aux guerriers » aux splendides drapés de 1981 converse en douceur avec cinq masques, créés en 1965, à partir de matériaux modestes. Et révèle sa sérieuse appétence pour le sacré. Mises en scène dans une lumière tamisée conférant à l’ensemble une atmosphère solennelle, les pièces de celui qui avait représenté l’Espagne à la 41ème biennale de Venise, en 1984, atteignent une nouvelle plénitude, à l’intérieur du palais gothique.
« Antoni Clavé, l’esprit du Guerrier », Palazzo Franchetti, San Marco 2842, Venise. Jusqu’au 23 octobre 2022.
Surréalisme et magie, l’exposition historique à la Peggy Guggenheim Collection
Six salles, plus de vingt artistes, plus de quatre-vingt-dix œuvres de nombreuses collections publiques et privées constituent un parcours dense mettant en évidence l’attrait des Surréalistes pour l’ésotérisme, l’alchimie, la magie et l’occulte. En collaboration avec le Musée Barberini de Potsdam, l’évènement propose tant des focus sur des artistes majeurs comme Giorgio De Chirico, Victor Brauner, Kurt Seligmann, que des salles thématiques sur la cosmologie, l’invisible, l’androgynie, en rassemblant plusieurs. Mais surtout, c’est la mise en valeur des artistes-femmes surréalistes qui marque les esprits. Une présentation à la hauteur de leur talent, au sein de laquelle leurs œuvres, connues ou moins connues, révèlent la faculté toute féminine à se métamorphoser, se transfigurer.

La Grande Dame (1951), sculpture représentant un être hybride de Leonora Carrington, ou le splendide Portrait de la princesse Francesca Ruspoli (1944) de Léonor Fini, d’autres de Dorothea Tanning, de l’artiste espagnole Remedios Varo, attestent de ces ambivalentes créatures, entre déesse-mère, sorcière, ogresse, chimère et fée. Une exposition historique témoignant sur toutes ces invisibles du clan surréaliste, agissant comme une mise en bouche à la 59ème édition de la biennale de Venise, dont Le Lait des Rêves, titre du thème, est emprunté au livre éponyme de Leonora Carrington.
« Surréalisme et magie : une modernité enchantée », collection Peggy Guggenheim, Palazzo Venier dei Leoni, Dorsoduro 701, Venise. Jusqu’au 26 septembre 2022.

À Poissy, la Villa Savoye a donné carte blanche à Nathalie Du Pasquier dans le cadre de l’exposition « Chez eux, une carte blanche à Nathalie Du Pasquier » qui se tiendra jusqu’au 25 septembre. L’occasion de « meubler » à nouveau cette villa imaginée par Le Corbusier et inhabitée depuis 1940.
Membre du mouvement Memphis lancé par l’Italien Ettore Sottsass à Milan dans les années 1980, la designer franco-italienne Nathalie Du Pasquier s’est attaqué pour la première fois à un monument historique. L’exposition « Chez eux, une carte blanche à Nathalie Du Pasquier », qui a pour commissaire Yvon Lambert, s’est vue choisir ce titre du fait de la volonté de Nathalie Du Pasquier de redonner vie à ce lieu, qui fût la résidence secondaire de la famille Savoye dans les années 1930-1940. Conçue par Le Corbusier entre 1928 et 1931 à la demande de Pierre et Eugénie Savoye, la villa a depuis été reconduite en lieu de visite culturelle.

Des oeuvres pensées pour être en harmonie avec la Villa
Composée de douze réalisations, cette exposition carte blanche de Nathalie Du Pasquier se traduit en une sorte de dialogue avec les murs de couleurs présents dans la villa, et en référence à la Polychromie architecturale, une théorie de la couleur avancée par Le Corbusier. De fait, elle explique que ces réalisations, qui agissent comme des oeuvres composites, ont été pensées « comme des trompes l’oeil, des faux meubles, venus pour habiller et apporter une âme à ces différentes pièces à vivre ».

Un bel hommage et une mise en valeur du travail de l’architecte, qui a cependant demandé une certaine réflexion liée à des contraintes techniques dues au statut de monument historique du lieu. En effet, le peu de surface disponible et l’impossibilité d’accrocher des œuvres aux murs a restreint les possibilités de réalisations, mais s’est avéré au final bénéfique, « Grâce à cette contrainte de ne rien pouvoir accrocher aux murs, j’ai développé de nouvelles pièces » témoigne t-elle.

Le résultat permet d’offre une certaine « nouvelle âme » à la villa, qui à travers ses nombreuses fenêtres entourant la bâtisse, permet des jeux de lumière interessants avec les réalisations de la designer.

Jusqu’au 29 août 2022, le Centre Pompidou-Metz accueille l’Americano-Turc Refik Anadol et son installation « Machine Hallucinations – Rêves de nature ». Une première pour la Grande Nef du musée qui se voit ainsi confier à un seul artiste avec sa sculpture/peinture numérique.
Né en 1985 en Turquie et travaillant à Los Angeles, Refik Anadol s’est imposé comme le pionnier dans le monde de l’art numérique et des crypto-monnaies de collection. Fasciné par les machines, son œuvre est à la croisée de l’architecture, de l’intelligence artificielle et de l’esthétique pour une immersion complète qu’il réalise avec son algorithme, créé en collaboration avec l’équipe de recherche quantique de Google AI. L’installation « Machine Hallucination » est donc une plongée directe dans les rêves d’une machine…
Une combinaison algorithmique
Dès ses premiers pas dans la salle, le visiteur est happé par les formes mouvantes et colorées de l’oeuvre, formant comme une chorégraphie. Les couleurs sont changeantes, passant du bleu au vert et du rouge au gris, sur une toile numérique de 10m x 10m soit plus de 100m2 d’images en mouvement permanent. Spectaculaire, cette sculpture de données est le fruit de 300 millions de photographies de nature, réunies entre 2018 et 2021. L’algorithme développé par la suite, l’IA GAN, permet une combinaison de formes, de pigments et de motifs de 20 minutes. Le tout accompagné d’une expérience sonore, également réalisée par un algorithme.


Nos souvenirs de la nature se mélangent alors avec la dimension alternative du monde réel proposée par la machine et forme une expérience multisensorielle. Celle-ci pousse à la réflexion, entre onirisme et nature, en questionnant la collaboration entre technologie, nature et homme.
Jusqu’au 18 septembre 2022, le musée Guggenheim de Bilbao accueille l’exposition « Motion, Auto, Arts et Architectures » conceptualisée par l’architecte Norman Foster et avec pour commissaires d’exposition Lekha Hileman Waitoller et Manuel Cirauqui.
38 voitures entourées de 300 œuvres retracent l’histoire de l’automobile tout en invitant le visiteur à imaginer son évolution future. Six espaces et dix salles proposent un voyage chronologique à travers plus d’un siècle de créations automobiles, tout en dressant un brillant parallèle avec les différents courants artistiques et architecturaux de la même période.
Des voitures qui ont marqué l’histoire
L’exposition permet de retracer l’histoire des voitures qui ont marqué l’univers de l’automobile et qui ont impacté notre mode de vie. Parmi elles, se trouve la Volkswagen Type 2 ou également surnommée la « Samba ». Il est aussi possible de retrouver une BMW 600 et une Fiat 500. Chacune de ces trois voitures ont eu un impact sur notre mode de vie et dans la démocratisation de l’automobile à travers l’Europe et l’Amérique du Nord.

L’exposition regroupe également des voitures de légende comme la Ferrari 250 GTO, qui a été pendant de nombreuses années la plus chère du monde et pour cause, elle n’existe que sous 36 exemplaires. Il y est également présenté une Aston Martin DB5, modèle mythique de la saga James Bond et aussi une Citroën DS de 1971.

Une invitation à imaginer le futur de l’automobile
La dernière salle proposée dans l’exposition est nommée Future et est composée de travaux imaginant l’avenir de l’automobile. La Norman Foster Fondation a en effet proposé aux étudiants de seize écoles de design et d’architecture, venant de quatre continents différents, d’imaginer le monde automobile à la fin du siècle. Leurs travaux qui comportent entre autres des dessins, des maquettes, des vidéos et des textes sont le résultat du travail des élèves avec l’industrie automobile. Ils abordent des sujets comme la pollution, les embouteillages et le manque de ressources qui font écho aux mêmes problématiques qui ont poussé à la création des voitures à la fin du XIXe siècle.

Immersion dans l’univers de l’automobile
Les autres espaces que comprend l’exposition sont consacrés à un atelier de modelage en argile, des maquettes et une expérience sonore immersive. Autre découverte, l’envers du design automobile, avec un intéressant tableau recréant, au sein du musée, l’atelier de modelage de General Motors. L’installation, qui rajoute un élément vivant à l’exposition, est celle utilisée pour la LYRIQ EV.
Les maquettes qui viennent de la collection Hans-Peter Porsche Traumwerk permettent de voir l’impact des voitures sur l’univers des jouets ou des reproductions à taille réduite ou grandeur nature. Pour le projet Didaktika, qui a pour but la création d’espaces éducatifs, l’exposition a imaginé une expérience sonore immersive présentant les voitures exposées de manière globale grâce à des silhouettes minimalistes. Cette activité permet l’écoute des voitures en mouvement et ce, tout au long de l’expérience.

L’exposition « Motion, Auto, Arts et Architectures » permet ainsi de se plonger dans l’histoire de l’automobile depuis sa création jusqu’à nos jours tout en observant l’influence que le milieu artistique à pu avoir sur elle. L’exposition nous invite également à voir une vision de son futur et à l’imaginer tout en réfléchissant aux problèmes actuels de la voiture. Elle permet également une expérience unique par la découverte d’un studio de modelage fonctionnel et une immersion sonore grâce au son des voitures.

Le Centre Pompidou-Metz accueille jusqu’au 6 février 2023 sa nouvelle exposition intitulée « Mimèsis : un design vivant », signant là son premier accrochage centré exclusivement sur le design. Une idée fruit d’un dialogue de plus de deux ans entre Marie-Ange Brayer, conservatrice chargée des collections Design et Prospective industrielle du Musée national d’art moderne, et Olivier Zeitoun, attaché de conservation du département.
« Mimèsis : un design vivant » s’articule comme une réflexion autour de l’évolution de la nature dans le design comme l’exprime jusqu’à son nom, mimèsis, reprenant le concept platonicien d’imitation dans les arts. Cette tension entre design et nature, entre imitation et re-création est alors mis en avant. L’exposition se pense comme une conversation avec le vivant, en mêlant le travail de designers originaires du monde entier, abordant des techniques et des approches nouvelles, toujours centrée sur cette exploration du vivant. Au total, l’exposition regroupe 400 œuvres de 90 créateurs, exposées sous une forme chronologique et thématique et explorant biomorphisme, biomimétisme ou encore biofabrication. Immersive et vivante, l’exposition propose également deux focus : le premier sur le designer de la modernité française Serge Mouille et le deuxième sur le duo de designers contemporains Erwan et Ronan Bouroullec.
Le design vivant exploré sous toutes ses formes
L’exposition retrace l’histoire du design vivant à travers la présentation de la fascination de certains designers pour la nature, ses formes et processus de créations à travers le temps. À l’entrée, l’œuvre « Grotto II » (2015-2016) de Michael Hansmeyer et Benjamin Dillenburger, une grotte passée aux cribles des nouvelles technologies et composée d’une quarantaine de blocs imprimés en 3D, propose une ouverture au merveilleux. « Cette œuvre est à valeur de manifeste pour traiter de ce nouveau rapport du vivant” commente Olivier Zeitoun. Au fil des salles sont décryptées les évolutions et avant-gardes présentes pour explorer, sous toutes ses formes, cette notion de design vivant.


400 pièces de collections emblématiques pour dix salles thématiques
Tout au long du parcours de l’exposition, le visiteur est invité à découvrir – ou redécouvrir – des pièces iconiques. Si le parcours est chronologique, les deux premières salles, « Grotesques » et « Cabinet de curosités », se présentent plus comme des états des lieux sur les matériaux et le numérique dans tout ce qu’ils sont de plus large. La salle 3, intitulée « Biomorphisme », qui s’étend des années 1920 à la fin des années 1950, présente le travaux de plusieurs designers de renommés et pionniers de leur époque, notamment Charlotte Perriand avec la Table en forme (1938) ou encore la chaise Ombre (1955), qui sont le résultat de ses recherches sur la nature qu’elle a travaillé en tant que matière brute.

Des pièces du finlandais Alvar Aalto, curateur du design organique, la chaise DCW (1946) du couple Charles & Ray Eames figurent parmi les pièces présentées. Le design scandinave et notamment les pièces d’Arne Jacobsen sont également à l’honneur, avec la chaise Goutte (1958) et du fauteuil Signe (1958), logiquement inspirés, à travers leur nom, par la nature pour leur conception.


La salle 4, nommée « Pop, natures artificielles » balaye la période de 1960 à 1980. Ici, le design vivant rime plutôt avec couleur et forme qui rappellent la nature, à l’instar de la célèbre chaise Tulipe (1656-1957) d’Eero Saarinen ou de la chaise Peacock (1960) de Vernon Panton.

Dans la salle 5, c’est le matériau qui devient l’organisme vivant, puisque celle-ci est centrée sur le travail du designer Serge Mouille, créateur de plus de 50 familles de réflecteurs. Sont présentées, entre ses luminaires emblématiques, des réalisations qu’il a imaginées comme des objets dynamiques, pensés comme des torsions organiques créées par le métal dans lequel ils sont fabriqués. À partir des années 1980, le processus de création ne va plus simplement se baser sur les matériaux et les inspirations de nature, mais va mêler des processus industriels, comme le montre la salle 6, « Natures à l’oeuvre ». Le bois n’est en effet plus le seul matériau utilisé, à l’instar de l’oeuvre « Tree 5 » (2010) de l’Italien Andréa Branzi, qui associe l’usage du bois à l’aluminium.


Et si le dialogue entre nature et design se renouvelle avec de nouveaux procédés, l’espace public, n’est pas en reste. Ainsi, la salle thématique sur les frères Bouroullec, présente les Rêveries urbaines, installations issues d’une exposition faite à Rennes en 2016. Une présentation qui remet à l’honneur les espaces urbains « oubliés », comme ce pourrait être le cas de certaines places ou parcs. Comme une expérimentation, les designers ont imaginé des espaces où la nature serait à nouveau omniprésente. Des réalisations sont allées bien au-delà de la simple maquette puisque les villes de Paris, de Miami ou d’Aarhus les ont mis à l’échelle.

Nouvelles technologies et interêts environnementaux
La salle 8, axée sur la « Recréation numérique », présente des pièces conçues dans les années 2000, qui allient des savoir-faire et des processus de création nouveaux, rythmés par l’arrivée de l’impression 3D, à l’instar de la chaise Solid C2 (2004) de Patrick Jouin, première réalisation réalisée grâce à cette technique d’impression, ou de la chaise Adaptation Chair de Joris Laarman (2015). Une neuvième et avant-dernière salle, qui s’intitule « Chaises longues », propose de faire un parallèle sur l’évolution de cette dernière, au fil du temps, à travers la présentation de La chaise (1948) Charles & Ray Earles, de la Bone Chair Prototype (2006) de Joris Laarman et de la très étonnante Divan Duchess (2020) de la française Aurélie Hoegy.


L’exposition se clôt sur une dernière et dixième salle, intitulée « Biofabrication », qui expose les travaux de designers qui imaginent les biomatériaux comme des objets de recherche. En alliant procédés numériques et matériaux organiques, le résultat peut-être plus que surprenant. Le travail de Samuel Tomatis, diplôme de l’ENSCI en 2016, se concentre notamment sur la création d’un nouveau matériau fait à partir de déchet organique : les algues. Plus surprenant encore, le travail du Néerlandais Eric Klarenbeek, qui fut le premier à maîtriser la technologie du mycellium associé à l’impression 3D, présente la Mycellium chair (2018-2019), totalement biodégradable in fine.

Ainsi, « Mimèsis : un design vivant » dévoile un spectre de recherche et d’évolutions indiquant que le design vivant, au fur et à mesure du temps, continue d’intriguer et de fasciner les designers. Avec l’aide des nouvelles technologies et la prise en compte des problématiques sociétales, ces derniers proposent des pièces inspirées et tirées de la nature, manifestes et chargées d’histoires significatives.

À travers vingt-cinq pièces conçues par une dizaine de créateurs, l’exposition « UNBUILT s’invite chez eux » propose, jusqu’au 21 juin, une vision singulière du design, très XXIème siècle. Un design de niche, où les frontières entre art, architecture, sculpture et design sont troubles.
Né en 2020, UNBUILT – littéralement « non construit » – est une galerie d’artistes-designers d’un autre genre, proposant des objets non dictés par le marché, créés au départ pour le propre usage de leurs créateurs. « UNBUILT est une communité d’artistes qui pensent l’objet, explique la fondatrice et directrice Alexandra Fau. Elle réunit des meubles et objets d’artistes français et internationaux, libres de toute convention. Uniques ou en édition très limitée, ils sont faits d’intuition, d’invention, d’expériences sensibles, et ont été imaginés par amour, générosité ou nécessité. » À la fondation, UNBUILT – repéré sur le salon Collectible de Bruxelles -, révèle une sélection de pièces inspirées du langage plastique de chacun, dans un décor aux couleurs claquantes conçu par le peintre Maxime Testu.


Imaginées par Julie Béna, Santiago Borja, Hélène Labadie, FCK, Fallen Fruit (David Allen Burns et Austin Young), Alexandre et Florentine Lamarche-Ovize, Kamil Bouzoubaa-Grivel, Gary William Webb, Vincent Lamouroux, ou encore Sophia Taillet et Mateo Garcia, les œuvres tirent parti de l’espace en gradins. Tout en hauteur, près de la baie vitrée, Mirage Table de Sophia Taillet – dont on remarqua la lampe Venus sur le stand 13Desserts, à Collectible – table en verre, aux élégants piètements courbes, prend toute sa dimension à travers des jeux de lumière dus aux aspérités de la matière. Plus bas, les formes modulables des théières en grès ou vase en faïence de FCK-Frédérik Gautier rappellent des détails d’architecture brutaliste. Parmi d‘autres encore, la lampe Renart du duo Lamarche-Ovize, en faïence émaillée, semble sortir d’un conte pour enfant tout en faisant référence, par sa forme lovée, au bestiaire hybride des chapiteaux médiévaux. Quant à la sculpture en verre soufflé Belle quand tu pleures aux formes dégoulinantes d’Hélène Labadie, sa tonalité rougeoyante fait écho à celle de certains détails végétaux du tissu d’ameublement From the Garden and Field de Fallen Fruit, conçu pour le Victoria and Albert Museum de Londres. Ses motifs sont inspirés de planches d’herbier du XVIIIème siècle, sur un fond jaune fluo.
Originellement confidentiel, ce design est intéressant par sa démarche à rebours des conventions. En outre, il enrichit la discipline d’une nouvelle vision, celle d’un « art total » ou presque, sans hiérarchie ni catégorisation.

Labellisée Biennale internationale de Design Saint-Etienne 2022, La « Nef des Fous » ou la folie des transports au Frac Grand Large interroge l’objet dans son rapport très large au voyage, à travers une sélection d’objets design du Museum Design Gent, de films et œuvres d’artistes. Une exposition dont la scénographie étoffe un scénario fondé sur le tableau éponyme du peintre néerlandais Jérôme Bosch, à découvrir jusqu’au 31 décembre 2022.
Partant du postulat de la « folie » humaine des transports d’après-guerre, l’évènement débute, au 5ème étage du bâtiment, par une intelligente mise en situation de l’objet dans tous ses types de « transports » – affectif, géographique, monétaire… -, avec le film Provenance de la plasticienne vidéaste américaine Amie Siegel, évoquant la chaise « Chandigarh » du Corbusier. Composé d’une succession de longs travellings silencieux conférant au public l’impression de se déplacer, le film prêté par la Tate Modern met en avant le sens pluriel de cet objet iconique en fonction de ses contextes. Pièce stylée dans un intérieur occidental chic ou meuble de bureau fonctionnel, objet conditionné dans des entrepôts ou chargé sur un cargo en partance, la chaise repasse par Chandigarh, sa ville originelle. Le revers de l’écran évoque une vente aux enchères qui replace l’objet design dans sa dimension économique.


Le transport dans tous ses états
Au troisième niveau, cent pièces des années 1950 à nos jours provenant de la collection du Design Museum Gent dialoguent avec quelques-unes de l’institution, d’autres films et œuvres d’artistes. Tirant son titre du tableau éponyme de Jérôme Bosch dont la reproduction est visible dès l’entrée, mais aussi du texte de l’humaniste et poète allemand Sebastian Brandt, l’exposition, imaginée par la commissaire indépendante et autrice Mathilde Sauzet, nous emmène au cœur d’une « fiction de pêche miraculeuse sur le septième continent ». Sorte de métaphore matérielle de cette barque étonnante du XVIème siècle, au destin mystérieux, elle se décline en trois volets. Le premier, Vanity cases, célèbre nos objets de voyage, anciens et actuels, dans ce qu’ils ont de plus intime à l’homme mais aussi d’universel : un porte-préservatif en argent, une flasque d’alcool, mais aussi la première valise cabine, les iconiques plateaux-repas d’avion, une flanquée de « Tupperware », compagnons indispensables de nos sorties, dont une usine de fabrication est installée près de Gent…

Le second, Kitchen Tour, nous plonge au sein des foyers domestiques où il questionne indirectement la place de la femme après la seconde guerre mondiale. Cafetières, théières de tous âges, splendide service à thé et café de Zaha Hadid de 2003 côtoient non loin un ancien radio-réveil, un modeste grille-pain ou encore Ship Shape, petits récipients colorés en résine thermoplastique en forme de bateau de chez Alessi. Enfin, Self-Transports soulève le rapport affectif que nous tissons avec eux. Une cravate de Nathalie Du Pasquier est posée sur le dossier de la chaise longue « Prosim sedni » du designer architecte tchèque Bořek Šipek pour Driade des années 1980, près de « Feltri », fauteuil-trône de Gaetano Pesce et la « tavolo mobile infinito » créée par Studio Alchimia (Alessandro Mendini), comme des témoins, parmi bien d’autres, de mille histoires personnelles fantasmées.


Une scénographie adéquate au sujet
Cet « inventaire » matériel incarnant la notion de déplacement dans son rapport pluriel à l’humain, ne sortirait pas du lot si, au-delà de sa narration reliée aux méandres de l’art médiéval et de ses relations avec les films d’artistes, celui-ci n’était pas pertinemment mis en scène par le designer Julien Carretero. En effet, celui-ci pensa « La Nef des Fous » comme « une zone de transit, un centre de tri au sein duquel les objets et les œuvres se rencontrent pour un laps de temps avant d’être dispersés à nouveau ». En choisissant sciemment de nous embarquer dans des zones de fret transitoire, grâce aux contenants (cartons, palettes…) qui ont servi à faire voyager les pièces et aux « dispositifs ready-made » trouvés dans les réserves du Frac, sa scénographie durable ne magnifiant nullement le statut des objets de grandes ou plus modestes signatures, appuie avec justesse le propos. Non scientifique, fondée sur la sémiotique et la polysémie des objets, l’exposition qui livre ces derniers, tels quels, à l’appréciation du public, questionne les travers et l’avenir de notre société d’opulence. Dans l’air du temps.


Jusqu’ au 6 novembre, la Fondation Martell accueille une nouvelle exposition intitulée « La fin est dans le commencement et cependant on continue ». Un titre extrait d’une pièce de Samuel Beckett, qui trouve un écho étrange dans ce monde de « l’après confinement ». Une exposition pensée par la commissaire, Nathalie Viot autour des cinq sens, augmentés de deux nouveaux, la vulnérabilité et le mouvement, dans une approche synesthésique. Explications.
À Cognac, au cœur de la fondation Martell, l’exposition « La fin est dans le commencement et cependant on continue » prend forme dans le dédale de cuves ouvertes. À la demande de Nathalie Viot, ex-directrice de la fondation aujourd’hui dirigée par Anne-Claire Duprat, elles ont été réalisées par le groupe Chalvignac pour l’exposition précédente, et depuis conservées. Un jeu de dédales et de connexions, comme autant d’écrins offerts aux artistes et artisans pour s’exprimer.
Comme une mise en conditions, c’est une installation sonore du Berlinois Reto Pulfer qui accueille le spectateur des l’entrée. Allongé sur des coussins, le casque sur les oreilles, le spectateur est invité à se plonger dans des conversations fortuites – et récits « mnémoniques » pour « se mettre à l’écoute » de Gina, héroïne du roman post-apocalyotrique écrit par l’artiste en plein confinement. Prêtée par le FRAC Limousin Nouvelle Aquitaine, c’est aussi la seule œuvre de l’exposition qui n’a pas été conçue in situ.

Alchimie mécanique
Mis en condition, le visiteur contemple dans l’écrin suivant une étrange alchimie autour du mouvement. Une installation qui réunit la designeuse textile Jeanne Vicérial, qui poursuit son travail de « clinique vestimentaire » et la danseuse et fasciathérapeuthe Julia Cima. Ses sculptures textiles prennent littéralement corps et vie lors de temps de rituels dansés. Un étrange échange, entre un robot qui tisse à mouvement lent une robe à partir d’un fil, et une présence habitée de l’artiste. Une alchimie incroyable, entre la mécanique adoucie, qui bruisse comme une respiration, reliée par le prisme du tissage proche du corps. Le dispositif a été conçu avec l’aide de la société Ingeliance pour la programmation robotique. Cet espace est habité comme un sanctuaire; la machine vient relayer le corps, la sculpture dicte le mouvement… et interpelle ce que d’aucun appelle le 6e sens : la proprioception. Ce sens , »permet d’avoir une conscience plus ou moins précise de la position de son corps dans l’espace ». (cf Science et avenir, 27/9/2016).
Pédagogie active
Plus que la démonstration, c’est le ressenti qu’a privilégié l’artiste Odile Soudant pour évoquer la vue : le visiteur est invité à expérimenter physiquement dans un dispositif lumineux la création de phosphènes, ces images lumineuses que crée notre cerveau à la suite d’un éblouissement.
Le goût et l’odorat sont interrogés par Julie C. Fortier, dans un premier dispositif, de mise en résonance de ces deux sens, dans lequel un aliment est accompagné d’un parfum, à l’instar d’un condiment. Dans un second espace, un tapis en laine tufté laisse à celui qui s’y roule des impressions olfactives, comme un minipaysage improvisé. Les différents éléments – récipients en porcelaine, tapis; ont été faits sur place.


La nature est présente dans le parcours, par sa force de résilience. Partant du constat que l’on va développer une intuition par la prise de conscience de notre vulnérabilité– qui pourrait être le 7e sens de l’exposition ?–, Nathalie Viot a invité le botaniste Marc Jeanson à concevoir avec le duo de designers Alexandre Willaume et Marie Corail des installations valorisant la force d’adaptation des plantes. Plus loin, Rachel Marks invite au toucher, en dévoilant des sculptures de troncs d’arbre majestueuses, modelées à partir d’assemblage de véritables lianes de papier, dans une mise en scène incandescente, qui traverse littéralement les cadres porteurs de l’espace.
Amateurs éclairés et grand public, la force de ce parcours est de s’adresser à tous, dans une déambulation poétique qui donne aussi bien aux plus curieux l’envie de creuser le sujet après la visite.


Jusqu’au 6 novembre, Fondation d’entreprise Martell 16 avenue Paul Firino Martell 16100 Cognac,
Du jeudi au samedi de 14h à 20h – Le dimanche de 11h à 17h
Visites racontées le mercredi à 11h et 16h30

La Biennale de Venise est à l’art contemporain ce que le festival de Cannes est au cinéma : un must-be, grand raout arty avec 80 pavillons dans les Giardini, de nombreux solo shows produits dans de superbes palais par de grandes galeries internationales, mais aussi une exposition générale donnant le pouls de l’état de la création contemporaine. Cette 59e édition est partie pour rester dans les annales comme l’une des plus belles de ces dernières décennies. Florilège de plusieurs artistes ou œuvres « coups de cœur », au pavillon central des Giardini et à l’Arsenal.
Féminine, engagée, muséale, l’exposition internationale de cette 59e Biennale réenchante le monde tout en mettant en exergue ses soubresauts et enjeux actuels. Imaginée par la commissaire Cecilia Alemani, cette dernière rassemble 1433 œuvres de 213 artistes – dont 83 % de femmes -, provenant de 58 pays, sur le thème de l’humanité et ses métamorphoses, inspiré par les postulats de la surréaliste Leonora Carrington.
Une Biennale avec des artistes historiques et confidentielles aux Giardini
Aux Giardini, un premier choc a lieu devant Elephant, œuvre monumentale de l’Allemande Katarina Fritsch, Lion d’or d’honneur. L’hyperréalisme de sa sculpture interroge les notions de captivité et respect de la vie animale, dans une atmosphère d’exposition coloniale d’un autre temps. Entre autres, le pavillon met en avant des artistes féminines surréalistes qui n’ont pas toujours été considérées à leur juste valeur. Citons la Française Claude Cahun et ses autoportraits des années 30 tordant le cou aux représentations binaires, mais aussi Leonora Carrington, Leonor Fini, Jane Graverol, Remedios Varo, dont les œuvres virtuoses, souvent sous vitrine, plongent le spectateur au pays des mythes et du fantasme. Et mettent en lumière l’aptitude de la figure féminine à la métamorphose, effaçant les frontières entre les genres et les espèces.

Un « Arsenal » engagé, coloré, du vivant
Grand coup de cœur pour l’Américaine Simone Leigh, – également au sein du pavillon américain –, récompensée du Lion d’or. Accueillant le public dans la première salle de l’Arsenal, Brick House, sa figure gigantesque en bronze représentant une femme noire, mi-déesse, mi-mère, dépourvue de regard se tient debout avec force et évoque la notion de race, de communauté. Autour de celle-ci, les collographies de la Cubaine Belkis Ayón parlent du mythe fondateur des Abakuà, personnages afro-cubains sans bouche et regards hypnotiques… Autres découvertes, la Brésilienne Rosana Paulino et ses troublantes aquarelles de femmes-plantes mais aussi l’Haïtienne Myrlande Constant et ses nappes de soie brodées de paillettes et perles de verre évoquant des êtres hybrides mythologiques… À travers deux installations aux chromatisme flamboyant et graphisme entre abstraction et figuration, la jeune Dominicaine Firelei Báez parle de la diaspora africaine, alors que le Sud-Africain Igshaan Adams présente une installation merveilleuse et politique, faite entre autres d’os, petites perles, coquillages et fils… Au sein de la capsule « la séduction du cyborg », les costumes futuristes, hybrides et fantastiques des artistes allemands Lavinia Schulz et Walter Holdt, ayant révolutionné la danse dans les années 1920, prennent toute leur dimension. Notons encore les installations textiles et poétiques de la Canadienne Kapwani Kiwanga aux couleurs du désert au coucher du soleil, comme les sculptures biomorphiques, surnaturelles, composées de déchets plastiques rejetés par l’océan de la jeune Française Marguerite Humeau. Enfin, dans la dernière salle, la jeune pousse anglaise Precious Okoyomon traite de la « révolution écologique », à travers un parcours immersif dans un champs de plantes sauvages, où des sculptures en matériaux vivants vont évoluer avec le temps.
Au-delà du voile levé sur de nombre d’artistes féminines silencieuses, le parcours composé d’allers-retours entre l’histoire et l’actualité est fluide et très cohérent. Et reflète combien l’art n’est qu’un éternel recommencement. Une biennale de la réconciliation avec le public et la presse, aux critiques unanimes.


Au-delà du voile levé sur de nombre d’artistes féminines silencieuses, le parcours composé d’allers-retours entre l’histoire et l’actualité est fluide et très cohérent. Et reflète combien l’art n’est qu’un éternel recommencement. Une biennale de la réconciliation avec le public et la presse, aux critiques unanimes.
Il latte dei Sogni, the Milk of Dreams, jusqu’au 27 novembre 2022.
www.labiennale.org

