Collectible 2022 : l’excellence du design actuel à Bruxelles
Heim + Viladrich, Aire 75 © Heim+Viladrich

Collectible 2022 : l’excellence du design actuel à Bruxelles

Après une quatrième édition 2021 en ligne, le salon Collectible accueillant la crème du design d’exception et émergent international, a fait son grand retour entre le 20 et le 22 mai dernier, à l’espace Vanderborght. Focus sur une dizaine de pièces, maisons d’éditions, créateurs ou galeries qui font désormais de ce rendez-vous annuel, un immanquable du secteur.


Depuis 2018, les deux fondatrices Clélie Debehault et Liv Vaisberg œuvrent à faire de Collectible, une plateforme valorisant la création design de collection, à travers des créateurs reconnus ou en devenir. « Collectible, c’est plus qu’un salon, c’est une communauté d’acteurs qui se retrouve dans une sorte de Summer Camp », souligne Liv Vaisberg.  Cette année, plus de 100 participants internationaux – galeries, studios design, institutions ou maisons de renom – ont participé à l’édition placée sous le signe du renouveau. En effet, l’évènement s’est doté d’une nouvelle section The Editors, regroupant les maisons d’édition prospectives et de niche, à côté de Main, section dédiée au design représenté en galeries et Bespoke, privilégiant matériaux nobles, rares et savoir-faire artisanaux revus par des designers indépendants. Quant à Curated, consacrée aux designers et studios émergents ou indépendants, elle a été conçue cette année par le collectionneur et curateur design Berry Dijkstra qui a imaginé Escapism, une exposition repensant les formes et les matériaux. « Je souhaitais inviter le public à voyager hors de la réalité et le transporter dans un monde éthéré, utopique, fantaisiste, à travers les formes et les objets », relève encore le commissaire hollandais. Dans ce contexte réjouissant, florilège de quelques pièces ou créateurs remarqués.

Section Main

Sur le stand de la galerie belge Maniera, éditant des objets aux confins de l’architecture, du design et de l’art, le designer autrichien Lukas Gschwandtner présente une chaise qui s’appréhende comme un vêtement de cuir, avec une longue écharpe à franges, modulable. Issu du monde de la couture, il s’intéresse au problème d’échelle, au corps, et étudie particulièrement la façon dont un meuble va s’approprier le langage corporel. Une vision du siège à la fois luxueuse et humaine, à travers des formes rappelant des accessoires que l’on porte très fréquemment sur soi.

Lukas Gschwandtner, Low Pillow Chair, 2021 ©Maniera

La galerie barcelonaise présente entre autres pièces Game of synchronocity de StudioPepe, agence de design et d’architecture milanaise, dont les œuvres, souvent poétiques, ont une identité iconographique forte. Cette table s’inspire de la philosophie de Carl Gustav Jung, défendant l’existence de connexions cachées entre des phénomènes non reliés entre eux. En premier lieu, son usager pense à une idée, une question ou un fait personnel. Puis, il fait rouler deux fois une petite bille de métal qui va s’arrêter sur une partie du plateau où est gravée une pensée, telle une réponse à son interrogation. Des réponses qui peuvent être parfois contradictoires. Un objet esthétique, ludique et philosophique !

Game of Synchronicity, Studiopepe © Iliacion

Le stand de la galerie Maria Karlova d’Amsterdam figure parmi ceux qui ont été les plus remarqués pour ses pièces s’intéressant à la valeur des matériaux et l’esthétique pure des formes. Connu pour son travail à partir de cartons et matériaux de rebut, le créateur tchèque Vadim Kibardin présente pour la première fois Black Mirror, nouvelle collection capsule comprenant une chaise et une table de coiffeuse conçus à partir de papier récupéré. Ses objets aux design organique et coloris noir profond, explorent donc la pratique du réemploi et contribuent à la mise en place d’une économie circulaire. Jesse Visser Designprojects est une agence hollandaise de design, spécialisée dans les meubles et luminaires sollicitant de nombreux sens. Aussi sobre que poétique, la pièce Beacon of Light se compose d’une sphère lumineuse en verre sablé, reliée à une pierre – une roche unique, créée par la nature – par une corde suspendue à une poulie. Evoque-t-elle ce fragile point d’équilibre à atteindre dans notre monde incertain ? En utilisant en partie des matériaux essentiels, bruts, naturels, Beacon of Light met en avant le riche éventail de matières, prêtes à être utilisées, que la

nature met à la disposition de l’homme, et stimule la sérénité du spectateur.

Jesse Visser, Beacon of Light 2 © Mia Karlova Galerie

Pour créer le collectif Objects with Narratives, deux jeunes entrepreneurs-designers bruxellois se sont inspirés du peintre surréaliste René Magritte. « Pour lui, la peinture était […] un moyen de raconter des histoires fascinantes, comme l’est pour nous le design de collection, explique le collectif. Comme le suggère le mot « surréel », les œuvres vont au-delà de leur réalité formelle et exigent une seconde lecture […]. » Sur le stand, deux environnements  – l’un nocturne et organique, aux couleurs bleues et roses, l’autre plus lumineux et rayonnant, aux couleurs rouge et bronze – se font face. « Deux espaces uniques qui se stimulent et finissent par se fondre en une seule expérience surréaliste. » Parmi les pièces, entre autres de Supertoys Supertoys, Laurids Gallée, Pietro Franceschini, Sabourin Costes, celle du créateur allemand Lukas Cober évoque la force de l’océan. New Wave Side Table Liquid déploie ses lignes oblongues réalisées à partir de résine coulée et sculptée, afin d’obtenir sa forme définitive polie, toute en transparence.

Lukas Cober, New Wave Side Table Liquid, 2021 © Lukas Cober

Section Bespoke

Le jeune créateur français Leo Orta imagine des « œuvres d’art fonctionnelles », aux formes hybrides rappelant étrangement celles des humains et des végétaux et quelque peu surréalistes. Son ensemble est composé d’une table basse à deux plateaux et de deux chaises en fibre de verre, aux couleurs acidulées.  « Le titre de cet ensemble est inspiré des propos du psychiatre Serge Tisseron dans son livre « Le jour où mon robot m’aimera », explique-t-il. Celui-ci évoque nos relations avec les machines, les robots et l‘intelligence artificielle. Avec certains objets, nous créons des liens affectifs. […] Grâce à ces liens, certains meubles nous permettent de ne pas avoir à rentrer dans une « surconsommation » du produit. »  

Coffee table set, 2022, Smile from the Clouds et Siri Armchairs, polyester fibrée, acier, peinture, laque © Leo Orta
Coffee table set, 2022, Smile from the Clouds et Siri Armchairs, polyester fibrée, acier, peinture, laque © Leo Orta

Créé en 2022, le bureau Heim + Viladrich est né de l’association de Lauriane Heim et Johan Viladrich, créateurs hollandais au design sensuel, direct et sans compromis. Pour leur première participation à une foire, ils présentent AIRE 75, ensemble d’objets et meubles s’inspirant d’une aire d’autoroute. « Ces lieux toujours différents et pourtant toujours identiques nous ont inspirés sept œuvres, explique Lauriane Heim. Ayant récemment déménagé de Rotterdam à Montpellier, nous avons décidé de rendre hommage aux objets peu glorieux rencontrés le long de l’A75, pour rejoindre le sud de la France. Les matériaux et dimensions des tables de pique-nique, cendriers et bancs ont été balayés, étirés et transformés, afin de générer des pièces familières tout autant qu’inattendues. » Des objets souvent d’une seule matière, affichant joints et structures. A noter, leur miroir en inox brut, travaillé de manière à rappeler l’image de la buée dans les voitures…

Heim + Viladrich, Aire 75 © Heim+Viladrich
Miroir Heim+Viladrich, Aire75 © Heim+Viladrich

L’atelier anversois de taille de pierre Studio DO, fondé par Dana Seachugan, créatrice de bijoux et l’artiste Octave Vandeweghe, analyse le rôle matériel et culturel des gemmes. Leur collection Gemma ex Lapide démontre la force du minéral utilisé comme matériau fondamental et comme support pour leurs multiples parures… Intervenant de manière quasi minimaliste sur la pierre, ils en extraient la forme traditionnelle liée au bijou et à sa fonction. Une vision délicate et innovante de la gemme, comme de la valeur d’usage de l’objet, mettant en exergue la simplicité et le caractère essentiel du matériau-support à exposer. Studio DO, un bijou à porter, une pierre à exposer !

Studio Do, Double ring, Gemma ex Lapide, LapisLazuli © Studio Do

Section The Editors

Créé en 2019 par le designer Clément Rougelot et le jeune entrepreneur Kevin Dolci, 13Desserts est un label français original et visionnaire. Sur leur stand, le luminaire rouge Venus de Sophia Taillet interpelle par le détournement de la technique de la cive, utilisée pour la création de vitraux contemporains. « Entre surface onduleuse et courbe voluptueuse, Venus est un luminaire en verre soufflé explorant les techniques traditionnelles du verre en fusion, explique-t-elle. En suspension, sa forme organique et gracieuse révèle une légèreté visuelle qui illumine l’espace. » En outre, Venus interroge l‘usage d’un verre aux antipodes de sa fonction. À tout moment, la cive ainsi courbée, à l’allure étrangement molle, semble basculer de part et d’autre du néon lumineux.

13 Desserts, Sophia Taillet, Venus © IGO studio.
13 Desserts, Thomas Defour, Crotto ©Clement Rougelot

La seconde collection de la maison française Theoreme Editions, Collection 02, réunit des pièces de dix designers tels qu’entre autres, SCMP Design Office, Services Généraux, Adrien Messié, Victoria Wilmotte ou encore Wendy Andreu, ayant collaboré avec des artisans européens. Sur le stand mêlant scénographie aux couleurs pop acidulées et pièces aux lignes pures, souvent géométriques, Maze Mirror de Wendy Andreu est un long miroir conçu par des artisans italiens. Il ressemble à un monolithe minéral, à ceci près qu’il est composé de panneaux de verre fumé et miroirs. Une « sculpture-miroir » qui permet de voir sans être véritablement vu, jouant sur les reflets et les perspectives.

Theoreme Editions, Collections, Valentin Fougeray © Theoreme Editions

À l’espace Vanderborght, Collectible 2022 a tenu toutes ses promesses, offrant une belle visibilité à un design visionnaire, parfois radical, entre art architecture et design. Et confirmé sa place de choix au sein du Design contemporain et de son marché.


Rédigé par 
Virginie Chuimer-Layen

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18/7/2025
Concours Technogym x Intramuros : les Candidatures sont ouvertes !

En partenariat avec Intramuros, Technogym lance un concours pour imaginer l’avenir du fitness à domicile. Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 29 août.

Sous le titre évocateur « La Home Gym du Futur », Technogym — marque reconnue pour ses équipements de fitness haut de gamme - lance un concours inédit. Cette initiative vise à mettre en valeur les talents émergents tout en encourageant des idées novatrices, durables et inclusives. En s’appuyant sur les besoins actuels en matière de pratique sportive et en anticipant les évolutions à venir, les participants sont invités à imaginer leur vision de l’entraînement à domicile de demain.

Un jury XXL pour cette première édition

Pour juger les différentes propositions des candidats au concours, les équipes d’Intramuros et de Technogym pourront compter sur l’expertise de 4 professionnels du secteur :

  • Le designer Patrick Jouin (studio Patrick Jouin iD)
  • Natacha Froger (agence atome associés)
  • L’architecte d’intérieur Ana Moussinet (Ana Moussinet Interiors)
  • L’architecte et designer Jean-Philippe Nuel (studio Jean-Philippe Nuel)

Après une délibération des membres du jury le 2 septembre prochain pour sélectionner les finalistes, les projets retenus seront mis en avant sur les réseaux sociaux et présentés au sein de la boutique Technogym pendant  Paris Design Week du 4 au 13 septembre.


Ce concours est l’opportunité pour les jeunes créateurs de faire valoir leur créativité et de gagner en visibilité. En effet, en plus de voir leur projet exposer pendant Paris Design Week, les finalistes pourront profiter de la communication via les canaux de Technogym, Intramuros, NDA et BED et pourront enrichir leur réseau lors de la remise des prix qui aura lieu le 17 septembre prochain. Le lauréat remportera 4 500 € de produits Technogym et vivra une expérience exclusive au Technogym Village à Cesena, en Émilie-Romagne (Italie), aux côtés du jury.

Une démarche d’inscription simple

Pour participer, les candidats devront proposer un brief complet avec un concept design, des planches graphiques et une note descriptive détaillée. Les dossiers devront être envoyés par email à l’adresse suivante : concourstechnogym@intramuros.fr

Tous les documents essentiels relatifs au concours sont disponible vie CE LIEN.

En cas de besoin et demandes spécifique, les candidats peuvent contacter le Technogym Interior Design Service, via Daniela D’Errico à l’adresse : dderrico@technogym.com ainsi que Yanis Aimetti, yaimetti@technogym.com pour le Technogym Marketing support & infos produit.

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9/7/2025
Spinning Around, la collection en mouvement de Sophia Taillet

Présentée en exclusivité dans la nouvelle boutique du Grand Palais, la collection Spinning Around de Sophia Taillet allie une approche artistique à un savoir-faire industriel méconnu : la technique du repoussage. Une série colorée et dynamique, à l’image de la designer qui aime mêler les disciplines.

À l’occasion de la réouverture du Grand Palais et de l’inauguration de sa boutique, Sophia Taillet a imaginé une collection exclusive, intitulée Spinning Around. Un projet qui s’inscrit dans la continuité de son travail amorcé avec le Spinning Mirror présenté lors de la Paris Design Week en 2024 et le travail de recherche Time Erosion, mené suite à l’obtention de la bourse « Monde Nouveau » en 2023. Un projet pour lequel elle a exploré duré un an les liens entre design et danse, en collaboration avec des artisans, un danseur et un ingénieur du son. « J’ai voulu interroger le rapport au corps à travers la manipulation d’objets encore en phase de réflexion. Une fois façonnés par l’artisan, ces objets passaient entre les mains du danseur, qui leur donnait une fonction. Je trouvais intéressant d’intégrer d’autres regards que celui du designer dans le processus et de les présenter par le biais d’une performance. » Une représentation s’était tenue à la Fondation Pernod Ricard, où danse et objets cohabitaient en parfaite synergie.

Collection Spinning Around

Associer matière et mouvement dans l’espace

Partie de ce projet symbolique et du Spining Mirror — remarqué lors de la Paris Design Week 2024 et de la Collective Fair de Bruxelles —, cette collection offre différentes déclinaisons qui mêlent à la fois la matière et mouvement. Les pièces sont faites en verre et en métal, les deux matériaux de prédilection de la créatrice, et réalisés à la commande, dans une dizaine de d’exemplaires pour le moment. Entre jeux de matière, de lumière et de formes évolutives en fonction de la disposition et l’espace dans lequel se trouve l’objet, Spinning Around est une collection qui n’est finalement jamais figée. « J’ai voulu créer une sorte de liberté visuelle au sein de laquelle le mouvement donne vie à l’objet. Le fait que les objets bougent permet de créer des effets visuels qu’on n’aurait pas s'ils étaient immobiles » Et pour cette collection, Sophia Taillet a choisit de se pencher sur la technique du repoussage, un savoir faire dont on parle peu mais qui n’en est pas moins intéressante à explorer. « C’est une technique qui n’est pas forcement médiatisée et je trouvais intéressant de la travailler, d’autant qu’avec mon expérience du verre, je ressens un devoir de transmission des savoir et des techniques. »

Collection Spinning Around

Un rendez-vous donné à la rentrée

En septembre, à l’occasion de la Paris Design Week du 4 au 13 septembre et des Journées du Patrimoine les 20 et 21 septembre, Sophia Taillet investira la cour du musée de la Chasse avec une installation cinétique en plein air, pensée comme une « danse silencieuse ». Neuf pièces de Spinning Mirror seront présentées en dialogue avec l’architecture du lieu. Une performance dansée viendra également accompagner l’installation.

Spinning Mirror
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10/7/2025
Drift chair ou la justesse des lignes

Le studio BrichetZiegler et Théorème Éditions se sont associés pour créer la Drift chair. Une chaise très graphique portée par des lignes fines au service de l'équilibre.

Comme pour chacune de leurs collaborations, David et Jérôme, les fondateurs de Théorème Éditions, dont la galerie eponyme est située sous les arcades du Palais Royal, se sont tournés vers un studio avec une demande : créer un objet sculptural, architectural et monolithique. Un triptyque dans l'air du temps que le studio BrichetZiegler, convié pour l'occasion, a naturellement retranscrit sur une chaise. Une pièce que le duo de créateurs affectionne particulièrement en raison de son échelle. « Une chaise est une surface parfaite car sa dimension permet de s’exprimer de façon sculpturale et plastique tout en abordant les aspects techniques d’un objet qui soutient le corps. » Un terrain de jeu idéal donc, autour duquel les designers ont imaginé une pièce « fonctionnelle et confortable pour dîner, portée par un dessin et une présence visuelle forte. »

Drift chair by Brichet Ziegler for Theoreme Éditions @Stéphane Ruchaud

Un jeu d'équilibre

Développée en à peine un an et demi avec le savoir-faire d'un menuisier installé à Pantin, la Drift chair – que nous pourrions interpréter par « chaise qui plane » - tire son nom de son assise en porte-à-faux. Supportée par deux planches latérales en guise de pieds, l'assise joue sur l'alternance des pleins et des vides pour offrir, de côté, tout le poids visuel de sa structure, et de face une certaine frugalité structurelle. Deux sensations renforcées par l'utilisation de courbes au niveau des zones de contact pour des questions de confort, mais aussi dans les angles. Une manière d'apporter de la fluidité à cet assemblage égayé par une galette aimantée en cuir lisse ou en tissu Kvadrat choisi par la galerie. En dessous, la surface à bois a été ajourée de manière à diminuer le poids de la chaise – déjà de 7,5kg – et solidifier la structure pour éviter qu'elle ne vrille.

Drift chair by Brichet Ziegler for Theoreme Éditions @Stéphane Ruchaud

Proposée en chêne et en noyer, la Drift chair est disponible dans une version cérusée où le veinage naturel du bois devient porteur d'un monochrome très graphique. Une alternative utilisée par Joseph Hoffmann dès les années 30 et désormais réinterprétée avec goût par le studio BrichetZiegler.

Drift chair by Brichet Ziegler for Theoreme Éditions @Stéphane Ruchaud
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9/7/2025
À la CFOC, six décennies d'exploration

Créée par François Dautresme en 1965, la Compagnie Française de l'Orient et de la Chine (CFOC) fête ses 60 ans. À cette occasion, Valérie Mayéko Le Héno, architecte DPLG et directrice artistique depuis 2016, évoque les évolutions de cette société indissociable des savoir-faire asiatiques.

Voyageur passionné et aventurier en quête de nouveautés, François Dautresme a fondé la CFOC en 1965. Quelle place occupe aujourd'hui son héritage dans l'identité de la marque ?

En tant que directrice artistique de la marque depuis 2016, je crois pouvoir dire que la manière dont nous travaillons est assez proche du concept de départ puisque nous continuons de voyager beaucoup à travers l'Asie. C'est important de garder un pied dans cette zone, où se trouve une douzaine de pays avec lesquels nous collaborons, mais aussi au-delà – en Italie pour l'édition textile, au Maroc pour les éponges et la broderie, au Portugal pour le travail de l'acier et des couverts, et au Mexique pour la fibre de palme -, car ce que nous cherchons, c'est avant tout un savoir-faire particulier ou de nouvelles techniques. Nous partageons de fait la passion de l'artisanat, mais aussi le plaisir de trouver des ateliers familiaux, des petites structures. Cette notion est très importante pour nous, car depuis 1965, l'idée est de valoriser des produits manufacturés. À travers ça, l'héritage principal est sans doute celui d'être du contact.

Tapis Ombrelle Sépia ©CFOC

La place du geste est donc véritablement importante au sein de la CFOC, mais comment concilier les savoir-faire anciens et asiatiques avec les besoins des consommateurs européens ?

Il y a longtemps eu un gap entre nos deux régions. Il y a encore une quinzaine d'années, les arts de la table en Chine se limitaient majoritairement à des bols et à des baguettes tandis qu'il était coutume de s'asseoir proche du sol en Asie alors nous avions tendance à nous asseoir de plus en plus haut en Europe. Il a donc fallu adapter tout cela à nos usages. Dès les années 90, à l'époque où la CFOC proposait principalement du mobilier chiné, souvent aux Puces de Pékin, François Dautresme a commencé à dessiner des éléments destinés au marché français. Un premier pas que nous avons complètement généralisé en 2011-2012, en insufflant à la compagnie alors en perte de vitesse, une nouvelle vision davantage adaptée à nos modes de vie, aux usages.

Collection Lotus ©CFOC

Et comment cela se traduit-il en termes de création ?

Nous avons voulu faciliter l'échange de regard entre l'Europe et l'Asie. Un bureau de style est ainsi né à Paris. Nous y travaillons à deux pour ce qui est de la conception design, plus une troisième personne chargée de la production. Celle-ci est principalement basée en Asie, car nous n'avons pas d'intermédiaire, et c'est elle qui nous permet de développer des produits sur le long terme – généralement entre 4 et 10 mois – et d'entretenir des relations pérennes avec les ateliers pour ne pas être sur du one-shot. Pour la majorité d'entre eux, notre collaboration oscille entre 8 et 10 ans, et c'est ce qui nous permet de pousser les savoir-faire et développer de nouveaux produits.

Table basse ultra noir en chêne teinté ©CFOC

L'une des richesses de la CFOC, c'est également l'étendue des matériaux travaillés. Comment les réinvente-t-on pour ne pas tourner en rond au bout de 60 ans ?

En fait, la question est surtout technique. Ce sont généralement des déclinaisons. Par exemple pour la laque, dans les années 50 à 70, on ne trouvait que des couleurs naturelles. Progressivement, on a évolué vers des colorants alimentaires pour diversifier les teintes, sans pour autant perdre le savoir-faire ancestral à base de sève de laquier. Cette année, nous proposons par exemple deux nouvelles couleurs, le bleu jun et l'ambre jun que nous avons travaillé avec notre coloriste basé dans un village près de Hanoï, au Vietnam. Pour ce qui est du tissu, la CFOC évolue notamment en passant de fibres naturelles à des fibres textiles pour répondre à des besoins spécifiques. C'est le cas de notre tapis tressé Kilim (une technique indienne) où le jute est remplacé par de la laine.

Lampe de chevet Naméko en porcelaine et laiton et courtepointe Samarcande en velours de soie et lin ©CFOC

De manière plus précise, comment avez-vous pensé la collection anniversaire ?

Elle a été guidée par une démarche en quelque sorte historique. J'ai réuni les origines de la CFOC en me replongeant dans de vieux articles de presse, des archives photographiques des anciennes boutiques et leurs vitrines aux scénographies imaginées par François Dautresme, mais aussi des produits dans les catalogues de vente. Bref, je me suis immergé dans la riche histoire de la société et j'ai confronté le passé et le présent. C'est ça qui m'a amené à développer la forme des ombrelles pour nos tapis, le concept de naturalité, le travail du pojagi – une méthode de couture que l'on peut rapprocher du patchwork -, le velours de soie que l'on retrouve sur les contrepointes Samarcande travaillées avec du lin par des artisanes brodeuses, sans oublier la réédition d'objets dans le rouge CFOC. Tous ces axes nous ont permis de créer des pièces en série limitées ou numérotées.

Tabourets signature en coloris bleu jun, verveine et blanc ©CFOC

Sur le plan commercial, la CFOC s'est progressivement ouverte au B2B. Qu'est-ce que cela a changé dans votre approche et quels sont les prochains défis à venir ?

Effectivement ! Depuis plusieurs années, nous développons le B2B pour proposer nos services des chefs ou des établissements hôteliers. C'est une autre manière de voir les choses. L'un de nos projets significatif est certainement la réalisation de pièces sur mesure pour l'hôtel SO/ Paris réalisé par le cabinet RDAI et livré en 2022. Parallèlement à ces nouveaux marchés, nous souhaitons également développer notre notoriété et étendre notre réseau aujourd’hui composé de trois boutiques sur Paris et de revendeurs en région. Nous réfléchissons donc à ouvrir un nouveau showroom ou des pop-ups store dans des zones balnéaires.

Plateau haut Étamine ©CFOC
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