A+A Cooren, entre technique et poésie

A+A Cooren, entre technique et poésie

À la Carpenters Workshop Gallery, rue de la Verrerie à Paris, l’exposition de « Tiss-Tiss, Flexible Rigidity » est visible jusqu’au 15 octobre 2021. Les créations de A+A Cooren se confrontent aux créations textiles de Simone Prouvé, la fille de Jean Prouvé, dans un dialogue sensible et évident qui replace le travail de la main au cœur de leurs préoccupations. Au Mobilier national, ils profitaient pendant la Paris Design Week d’une première mise en visibilité hors pair de leurs fauteuils et canapé « Dans un nuage de Pixels », habillés par une création textile numérique de Miguel Chevalier. Retour sur un duo de designers qui, depuis la création de leur studio, en 1999, ont travaillé sur des projets d’aménagement d’intérieur, de produits, de design de meubles ainsi que de scénographies pour Shiseido, Artemide, ClassiCon, L’Oréal, Cartier, mais aussi la Manufacture Nationale de Sèvres, Yamagiwa, Saint Louis, Boffi Bains, Vertigo Bird, Noma…


Aki et Arnaud Cooren, identifiés sous le studio A+A Cooren, se sont rencontrés à l’Ecole Camondo. Elle, japonaise, est née à Paris, a grandi à Tokyo, un peu aux États-Unis et est venue étudier à Paris où elle a rencontré Arnaud. Lui, a fui la France après sa seconde pour faire ses humanités artistiques à Saint-Luc, La Cambre et finalement intégrer Camondo, à l’époque la seule école qui offrait un double cursus : « À La Cambre, on faisait beaucoup d’atelier, beaucoup de peintures, des grands formats, des anamorphoses par rapport à l’espace et l’atelier auquel je participais avait pour dénomination « Espaces urbains et ruraux lumière couleur ». Les gens réfléchissaient sur notre environnement, l’espace, la lumière et tout ce qui était de l’ordre du sensible. Cela a éveillé ma curiosité sur l’espace, plein d’autres choses et j’ai eu envie de travailler sur l’objet et sur ce qu’un objet voulait dire ou ne voulait pas dire. »

ClassiCon, console Tadaima, création A+A Cooren, 2017 © Thomas Biswanger

Rencontre… du textile et du métal

Quand ils se rencontrent avec Aki, ils détiennent déjà un fond commun et peuvent dialoguer : Aki, formée à l’intensité et Arnaud avec un background de réflexion sur le sujet, le contexte et le sens. Ensemble, ils voient les choses et avancent. « Nous avons grandi tous les deux dans des familles créatives, explique Aki. Mon père a créé un textile au Japon, il a appris à tisser, à faire des teintures sur soie. Il est devenu avec ma mère un créateur de bijoux en argent, dans un principe de fabrication à cire perdue. Il fabrique des modèles de tout, à la main, avec une facilité déconcertante. Il maîtrise l’Art nouveau. Il sait faire du Guimard à la main, de tête. Mais aussi des créations contemporaines… Avec lui, un jouet n’était jamais cassé, il le réparait dans la foulée. Ma mère tissait. Elle avait importé un métier à tisser de Scandinavie au Japon au début des années 70. C’était extrêmement rare. Et ma grand-mère qui était d’une grande famille avait des kimonos pour toute sa vie avec les motifs réservés à certains âges, hyper codifiés. J’ai grandi avec ce code textile autour de moi et l’odeur du métal…C’est toute mon enfance. »

Le textile et le métal, font partie de leur univers depuis toujours. Depuis 1999, date de création de leur studio, ils réfléchissent sur ce même sujet, la combinaison du textile et du métal.

Workshop Gallery, Flexible Rigidity, Simone Prouvé & Aki+Arnaud Cooren © Courtesy of Carpenters Workshop Gallery

« Nous, ce qu’on aime, c’est cette espèce de flexibilité et de fragilité du tissu. Il peut être super souple mais également super dur, régulier et en même temps irrégulier. C’est le côté main-humain du tissu qu’on adore. Il y a toute une instantanéité que l’on voyait en faisant le travail qu’on essaie de retransmettre quand on fait les lampes Ishigaki par exemple. Les lampes sont grandes, mais en même temps, elles tiennent. Il y a un jeu technique, un jeu poétique et on essaie de faire en sorte que l’un ne domine pas l’autre. »

En complémentarité

Ils capturent le moment où le tissu se pose et où les détails de qualité certifient le travail de la main. Ce sont des choix d’instantanés qu’il faut prendre tels qu’ils viennent. Pour eux, les accidents sont des atouts. Quand les gens en fonderie expliquent comment l’accident est arrivé et comment il aurait pu être évité, la coordination est superbe et tous les gens de la chaîne de fabrication sont heureux de livrer un tel produit. « La table Tiss-Tiss fait 2,80m mais elle se porte à deux. Elle est en aluminium avec des reliefs de textile. Pour l’atelier de la Carpenters Workshop Gallery, l’assemblage était léger et rapide. Tous les modules ont voyagé à plat. Et cela se voit sur la vidéo du montage. »

Ils se revendiquent tous les deux, chacun de leur planète, gravitant l’un autour de l’autre avec leur qualité et leur force, homme et femme associés, chacun avec son éducation. « L’éducation à la française t’aide beaucoup plus à développer ton idée. Au Japon, tu ne dois pas sortir du schéma. Tu apprends tout par cœur et sans comprendre ce que tu apprends. À deux, on ne voit pas de la même manière. Cela laisse le champs libre à l’imaginaire de l’autre et nos produits sont comme des jouets pour adultes. Quand on veut que nos objets aillent dehors… on met au point des vernis qui font qu’ils puissent aller dehors. On les teste nous-mêmes, on vérifie tout. Cet hiver, on a laissé nos meubles dehors pour constater les variations, pour les fragiliser, les cramer, les brûler… ça a l’air fragile mais ça ne l’est pas du tout. C’est à l’épreuve de la vie. »

© Courtesy of Carpenters Workshop Gallery

La création numérique

Ils ont fait le grand écart au Mobilier national avec Miguel Chevalier, qui travaille sur le numérique, et Simone Prouvé qui travaille à la main de façon intuitive depuis très longtemps. Ils se sont rendu compte de leur proximité avec Simone Prouvé quand ils ont vu son approche de la photo. Ils photographient les mêmes accumulations comme des enfants que l’on laisse jouer avec un appareil photo. « La beauté est tout autour de nous. Ce qu’on veut montrer aux gens, c’est que si tu changes de point de vue, la beauté est là. Mais s’exprimer dans un milieu qui relève de l’industrie au moment où l’industrie meurt, c’est compliqué. A l’atelier de la Carpenters Workshop Gallery, les artisans étaient très attentifs à ce que je voulais et moi, je ne savais pas ce qu’ils pouvaient. Leur champ des possibles était tellement large. Pareil avec le Mobilier national. C’est finalement tombé au même moment mais il nous a fallu six ans pour développer l’ensemble numérique, un ensemble complet développé entre artistes et designers et artisans d’art de la Savonnerie ou de l’ARC. Miguel avait des dessins, on en a discuté, on a proposé un ensemble sur lequel ses dessins pourraient s’appliquer. On a travaillé le mobilier, on a parlé confort, redessiné les assises. Il y a eu plein d’aller et retour dans tous les sens. Ce qui fait qu’on arrive à quelque chose qui a du sens. On y est bien assis. Il n’y a qu’un set et toute la question est : est-ce que des éditeurs français vont se sentir capable d’éditer cette pièce ? Avant même de fabriquer, au Mobilier national, ils pensent à la restauration. Donc, là c’est tout simple, l’habillage tissu est déhoussable, se lave et se repositionne. (Cela peut paraître compliqué à comprendre). Dans les deux cas, on a essayé de faire des choses pérennes. »

Mobilier national, « Dans un nuage de pixels », création Miguel Chevalier & A+A Cooren, Paris Design Week 2021© Thibaut Chapotot

Le Prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main remporté en 2017 dans la catégorie Dialogues avec le fondeur David de Gourcuff, leur a permis de donner une visibilité à leur projet Tiss-Tiss. Une conjonction d’étoiles positives dans un pays où le droit d’auteur est fortement protégé et où le designer trouve une place quoi qu’il fasse, en tant que créateur ou chef d’entreprise. « Depuis 20 ans nous avons réussi à vivre/survivre de notre profession » et c’est un exemple pour les jeunes générations.

Scénographie, Galerie Sèvres- Cité de la céramique, A+A Cooren, 2013© Lorenz Cugini
Noma Editions, chaise SEN ( 93,7% de matière recyclée), création A+A Cooren, © Studio Swissmiss

Rédigé par 
Bénédicte Duhalde

Vous aimerez aussi

Temps de lecture
13/6/2025
IM MEN d’Issey Miyake présente “DANCING TEXTURE” à Paris

La marque de mode masculine IM MEN, lancée en 2021, présente une nouvelle exposition intitulée “DANCING TEXTURE”, du 28 juin au 1er juillet 2025 à Paris.

Déjà mise en lumière lors d’une première exposition en janvier dernier, IM MEN poursuit son exploration créative avec ce nouveau rendez-vous, organisé à l’occasion de la Paris Fashion Week et de la présentation de sa deuxième collection.

La marque s’inspire du concept « a piece of cloth », avec une approche conceptuelle et un sens de l’innovation textile. La collection Printemps-Été 2026, intitulée “DANCING TEXTURE”, illustre cette vision en associant design, ingénierie et mouvement, dans une approche à la fois poétique et technique du vêtement.

Un hommage vibrant à l’héritage du créateur et à la liberté des corps en mouvement — à découvrir au 38 rue du Mont Thabor, Paris 1er, du 28 juin au 1er juillet 2025.

Entrée libre sur réservation, dans un lieu en plein cœur de Paris, pensé comme une parenthèse inspirante entre deux défilés.

Rendez-vous ici pour réserver votre créneau.

Temps de lecture
6/6/2025
Laurids Gallée, la passion du faire

Designer autrichien installé aux Pays-Bas, Laurids Gallée mêle à la fois l’art et le design dans sa pratique. Une double facette qu’il ne souhaite pas différencier, car elle est partie prenante de sa réflexion.

Il est de ces designers qui n’avaient pas prévu d’en devenir un. Élevé dans une famille d’artistes, de ses parents à ses grands-parents jusqu’à ses oncles et ses tantes, Laurids Gallée avait toujours renié toute forme d’expression artistique jusqu’à son entrée dans l’âge adulte. Le déclic a lieu au début de ses études d’anthropologie à Vienne, moment durant lequel il s’est rendu compte qu’il lui manquait quelque chose. « Je n’avais jamais pratiqué d’art auparavant, mais le design était celui qui me semblait être le plus élégant et évident, car il y avait des questionnements autour de la façon dont sont faites les choses et des pensées qui amènent à rendre un objet réel. » Refusé par les écoles d’art viennoises, il est contacté par son oncle, alors résident aux Pays-Bas et dont le voisin n’était autre que Joris Laarman, qui le convainc de faire la demande pour entrer à la Design Academy d’Eindhoven, dont il est finalement diplômé en 2015.

Studio de Laurids Gallée © Titia Hahne

Un studio à la croisée de l’art et du design

À sa sortie d’école, il travaille quelques années en conception de produits dans différents studios, tout en commençant à élaborer son propre univers artistique en parallèle, avant de se lancer à plein temps, en 2020. Un studio dont la pratique oscille entre procédés artistiques et prouesses techniques. « Bien qu’il puisse exister une frontière entre l’art et le design, j’aime croiser les deux. Dans mon travail, il y a différentes formes de langage avec la peinture et l’art d’un côté et un aspect beaucoup plus technique de l’autre, basé sur le savoir-faire des matériaux. C’est un peu contradictoire, mais j’aime voir comment ces deux mondes se lient entre eux. » Ainsi, son catalogue comprend à la fois des pièces en bois aux détails très artistiques comme le banc Fireworks à l’allure très esthétique ou encore le fauteuil Fever Dreams, et des pièces beaucoup plus techniques retrouvées dans ses objets en résine, comme le montrent le luminaire Empyrean et la table basse Metropolis.

Luminaire Empyrean © Mathijs Labadie

La recherche de l’objet parfait

Quand on lui demande s’il a un projet favori, la réponse de Laurids Gallée reflète en fin de compte sa pensée globale. Quelque peu perfectionniste, il confie que son objet préféré est celui qu’il n’a pas encore créé. « Chaque projet est une nouvelle façon d’essayer, de changer ou de faire mieux par rapport à la fois précédente. Je ne me dis jamais qu’un produit est parfait, je trouve toujours des défauts que je pourrai rectifier la prochaine fois. Mon prochain projet est donc toujours celui qui me plaira le plus. » Un processus de création fortement basé sur l’expérimentation, donc, qu’il voit plus comme une réponse à différents questionnements, résolus à travers la création de tel ou tel objet, comme il peut notamment le faire avec la résine, qu’il prend plaisir à voir évoluer. « J’aime penser des choses qui n’ont pas encore été faites et être complètement indépendant du reste des personnes qui travaillent ce matériau. Je suis souvent en territoire inconnu, mais c’est ce qui m’anime. »

Fauteuil Fever Dreams © Mathijs Labadie

Créer avec pertinence

Qu’il s’agisse d’une table, d’un luminaire, du bois ou de la résine, le processus de création de Laurids Gallée passe avant tout par sa volonté de faire des choses pertinentes. Quant à son inspiration, elle vient au gré de ce qu’il vit au jour le jour, mais également de techniques artistiques provenant du passé, dont il s’inspire dans beaucoup de cas, notamment pour son travail du bois. « Je n’ai jamais vraiment eu à chercher d’idées, car elles viennent à moi selon ce que je vais voir d’intéressant. C’est une bénédiction dans un sens, car je ne suis jamais en manque d’idées, mais ça peut aussi être une malédiction, dans le sens où je ne peux pas toutes les réaliser. »

Table d'appoint Metropolis © Mathijs Labadie

Adepte du faire, et se considérant comme un fabricant, il a pendant longtemps tout fabriqué lui-même. Aujourd’hui, à l’exception des pièces en résine pour lesquelles il s’accompagne d’une entreprise extérieure, tous les objets sont toujours conçus au sein de son studio, avec une équipe qui lui prête mainforte. Et si beaucoup de ses objets sont en bois ou en résine, il ne veut pour autant pas se restreindre à un type de matériau en particulier, considérant que l’important réside dans l’objet plus que dans la matière avec laquelle il est fabriqué. « Selon moi, c’est l’idée qui prime plus que le matériau lui-même. On peut concevoir un bon produit à partir de déchets, si c’est bien pensé et bien réalisé, ça peut donner un super résultat. Je pense que ce qui compte vraiment, c’est ce que tu fais et non avec quoi tu le fais. »

Banc Tralucid © Mathijs Labadie

Updates 2025

En février dernier, il présentait, dans le cadre de la Biennale de design de Rotterdam et en collaboration avec la galerie Collectional, la série Cairn. Une collection composée de six pièces, inspirées de la pratique ancienne de l'empilage de pierres et de galets d'empiler des pierres et des cailloux, et dont chacune d’entre elle se révèle comme une étude de sa propre matérialité. Lors de la Design Week de Milan, le designer a participé à l’exposition « Bamboo Encounters »de Gucci. Il dévoilait également avec JOV une collection de tapis en laine et soie, inspirées des nuages et fabriquées à la main. En parallèle, il a également pris part à l’exposition collective « The Theatre of Things » avec la galerie Delvis (Un)limited, devenue le théâtre d’une performance spontanée de designers. En juin, lors des 3daysofdesign, il présentera le résultat de son projet de résidence Materia, exposé à la galerie Tableau à Copenhague.

Série Cairn, exposée à la galerie Collectional à Rotterdam © Mathijs Labadie
Temps de lecture
26/5/2025
Découvrez « In Talks » Saison 2, la série où Silvera donne la parole aux designers

Fort du succès de sa première saison, Silvera revient avec la Saison 2 de 'ln Talks', sa mini-série originale consacrée à l'univers du design, vu de l'intérieur.

Cette nouvelle édition s'ouvre avec quatre figures majeures de la scène contemporaine : Erwan Bouroullec, Sabine Marcelis, Patrick Jouin et Odile Decq. Chacun y partage, avec sincérité et singularité, sa vision de l'idée - ce moment d'émergence où intuition, matière et sens ne forment qu'un.

Retrouvez l'intégralité de la saison 1 dans notre article dédié.

Episode 1 : Erwan Bouroullec

Installé entre Paris et la Bourgogne, Erwan Bouroullec propose un design inspiré d'une certaine simplicité, et empreint d'une forme de poésie humaine. Dans un discours sensible, il évoque la place discrète mais non moins essentielle du geste créatif, comme une solution aux problématiques du quotidien. « Pour moi, il n'y a pas d'idée géniale » affirme le créateur qui partage ici son approche délicate de l'objet.

Temps de lecture
23/5/2025
Studio Shoo : le design au cœur de l’aménagement

Créé à Yerevan, en Arménie, Studio Shoo développe depuis quelques années une branche de mobilier design. Un nouvel axe lié aux projets architecturaux de l'agence.

« Je n'aime pas les projets résidentiels. Ce sont trop de contraintes et pas assez de liberté de création » explique Shushana Khachatrian, à l'origine de Studio Shoo. Créée en 2017 à Yerevan, l'agence spécialisée dans l’hôtellerie et la restauration est aujourd'hui implantée dans bon nombre de capitales européennes. Motivée par la création d'espaces avant tout fonctionnels et vecteur de bien-être grâce à ses palettes douces rehaussées çà et là de touches pop, l'architecte signe des projets d'une ordinaire simplicité, empreints de son Arménie natale. « Il y a quelque chose de minimaliste dans beaucoup de nos créations, mais l'essentiel est ailleurs. Il y a, dans les formes et les schémas, des éléments constamment inspirés de ma culture » explique l'architecte. Outre la question d'individualité et de matérialisation de son identité, elle « souhaite surtout que les visiteurs puissent se rattacher à quelque chose. » A l'image du projet hôtelier Mövenpick Yerevan, Shushana Khachatrian détourne les arts et les matériaux de son pays, pour livrer des atmosphères contemporaines et typées, mais loin des stéréotypes.

CourtYard by Marriott à Yerevan ©Studio Shoo

Le design dans chaque projet

Imaginée selon les codes de l'agence et les influences de l'architecte, chaque architecture intérieure trouve son individualité dans le choix du mobilier qui la compose. « Chez Studio Shoo, nous avons toujours mêlé des produits du marché à nos propres créations. » Une manière de solutionner des problématiques, mais également d'apporter une identité particulière aux espaces. Une double approche qui pousse l'agence à créer un nouveau secteur entièrement dédié à la création de mobilier design. « Régulièrement, nous avions des personnes qui nous demandaient où elles pouvaient acheter nos objets. Mais ce n'était pas possible. Et comme j'ai horreur de refaire deux fois la même chose, nous avons décidé de créer une branche spécifique en interne, pour concevoir des objets disponibles à la vente, que ce soit à des particuliers, ou dans nos projets. » Une diversification du travail de l'agence, mais complémentaire à son activité architecturale poursuit Shushana Khachatrian. « Je pense que ce sont deux domaines très perméables où l'échelle est différente. Les architectes pensent davantage l'expérience client et les formes globales, les plus grosses, tandis que les designers réfléchissent surtout aux détails, aux formes plus petites. » Réunissant une petite dizaine d'objets, principalement des luminaires, Studio Shoo explore également des thématiques connexes telles que le développement durable, avec la réinterprétation de « déchets » pour fabriquer de nouveaux objets, ou l’intelligence artificielle régulièrement utilisée pour donner vie à des esquisses. « A mes yeux, l'essentiel, c'est que les personnes retiennent les espaces qu'elles visitent. Et c'est souvent grâce à un objet inattendu, une nouvelle expérience, d’où l'importance du design » admet l'architecte dont l'agence travaille en ce moment sur un prototype de chaise.

Ibis budget Tbilisi ©Studio Shoo

TUFF Pencil cabinet, premier ambassadeur du Studio Shoo à Milan

Présent pour la première fois à ISOLA dans le cadre de la Milano Design Week 2025, Studio Shoo présentait le TUFF pencil cabinet. Imaginé en deux formats, l'un jaune pâle avec une ouverture sur le haut, et le second rose bonbon agrémenté d'un tiroir coulissant sur la partie basse, ce petit meuble est un véritable condensé de la vision de l'agence. Inspiré de la pierre volcanique rose caractéristique de Yerevan, il rend hommage à l'écriture grâce, outre son utilisation première, au petit tableau à craie intégré à l'intérieur. « En me baladant dans les rues de Yerevan, j'ai remarqué les notes qui ponctuent chaque mur. Les habitants écrivent et dessinent partout. C'est ce qui m'a inspiré pour cette pièce qui reflète l'intersection entre l'héritage matériel et l'expression artistique » résume la créatrice qui explique d'ailleurs avoir vu des gens se mettre à dessiner sur sa pièce lors du salon italien. Fabriqué à partir de feuilles de MDF et de métal recyclé, ce meuble, créé à l'origine pour l'usage personnel de Shushana Khachatrian, est un premier pas pour l'agence dans le secteur du meuble international, où le design arménien est encore trop peu représenté.

TUFF pencil cabinet ©Katie Kutuzova
Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir chaque semaine l’actualité du design.