Café-Débat EquipHotel : le pouvoir de prescription
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Café-Débat EquipHotel : le pouvoir de prescription

Du 6 au 9 novembre, durant EquipHotel, Intramuros a co-animé des cafés-débats avec l’Ameublement français, sur leur stand baptisé Interior Design Center. Ont été abordés des sujets liés à la conception d’espaces CHR, la mutation et le développement du marché. Retrouvez le résumé des échanges du 6 novembre portant sur la réalité du pouvoir de prescription de l’architecte d’intérieur.


Autour de la sublime table en Corian conçue par Image, cinq professionnels ont partagé leurs points de vue :

  • Régis Botta, Architecte DPLG, Régis Botta – Architectures
  • Flore-Anne de Clermont, responsable innovation, Valdélia
  • Adrien Lanotte, senior analyst, MKG Consulting
  • Olivier Lekien, architecte d’intérieur, atelier OLK
  • Caroline Tissier, architecte d’intérieur, Caroline Tissier Intérieurs

L’architecte d’intérieur a-t-il toujours le pouvoir de prescription ?

Derrière ce titre un brin provocateur, la vraie question abordée était : qui est l’acheteur aujourd’hui ? Une question qui complexe quand on connaît la multiplicité d’acteurs et niveaux d’intervention nécessaires dans un projet d’hôtel aujourd’hui, mais qu’Adrien Lanotte, analyste chez MKG Consulting a souhaité illustrer en préambule des échanges. Le cabinet de conseil étant en charge d’une étude commanditée par l’Ameublement français, sur la cartographie des parcours d’achat en mobilier dans le secteur contract. L’objectif de cette étude étant de faire le pont entre les contraintes de chacun et d’identifier des facteurs clés de succès pour aboutir à une collaboration plus fructueuse.

Un premier constat partagé par tous : depuis plus de 20 ans, le nombre d’acteurs intervenant dans un projet n’a cessé d’augmenter et d’évoluer, formant un écosystème d’acteurs de plus en plus complexe à appréhender. L’étude montre qu’il n’y a pas de schéma-type, mais pour autant, les étapes de déroulement d’un projet s’organisent généralement comme suit : un investisseur lance une idée, puis sont sollicités des architectes, architectes d’intérieur/designers, des bureaux d’études pour étudier sa mise en place. Après cette deuxième étape, on passe à l’exécution : et c’est là qu’interviennent les acteurs de l’ameublement, car c’est le moment où le client va faire des appels d’offres et solliciter des propositions de la part de distributeurs et de fabricants.

La complexe gestion du budget

Une fois que le donneur d’ordre a choisi l’architecte d’intérieur, comme le note Adrien Lanotte, « ces deux acteurs vont discuter pour définir les attentes, mais sans pour autant être dans le réel des produits à ce moment-là, c’est encore une phase de dessin. » Le fabricant intervient tardivement, pour répondre aux questions de faisabilité du dessin. Sa mission sera de chiffrer le projet en prenant en compte les contraintes du porteur de projet : si celui-ci démarre avec une enveloppe très précise et qu’après

étude, les coûts sont plus élevés, il faut réussir à s’adapter sans perdre l’idée de départ.

Adrien Lanotte, senior analyst, MKG Consulting © EquipHotel

Ainsi, aujourd’hui, pour Adrien Lanotte, « dans le secteur du contract, le rôle du fabricant est un peu celui d’un technico-commercial. C’est lui qui va pouvoir chiffrer le projet », ce qui va déterminer sa faisabilité. D’où l’intérêt d’associer davantage et le plus en amont possible le fabricant, que le choix d’aménagement soit établi sur catalogue, concerne du sur-mesure ou demande une adaptation de gamme en semi-mesure. Les fabricants français de mobilier et industriels de l’agencement précisent que les intégrer dès l’amont, au moment de la conception d’un projet, représenterait une réelle valeur ajoutée économique pour le commanditaire du projet. Le fabricant fabrique, mais il accompagne et propose des solutions aux architectes d’intérieur et designers.

Olivier Lekien, directeur de l’atelier OLK qu’il a fondé en 2019, évoque une évolution de son rôle d’architecte d’intérieur vers celui de chef d’orchestre : « Je dirais que notre métier a changé. Le nombre d’acteurs est de plus en plus important et donc en tant qu’architecte, on devient un peu créateur de synthèse. À mon échelle, j’essaye d’apporter une solution d’ensemble afin d’atteindre un équilibre. »

Parcours d’achat :  mais qui achète ?

Et si la question concernant la nécessité d’intégrer les fabricants en amont semble obtenir l’unanimité, une autre importe tout autant : qui est en charge de l’achat ? Caroline Tissier, Régis Botta et Olivier Lekien l’expriment clairement : sauf exception, ils ne sont pas les acheteurs directs, mais accompagnent les clients pour trouver des terrains d’entente, comme l’explique justement Olivier Lekien : « Si j’achète moi-même, c’est que je pense qu’il y aura une plus-value pour le projet. Mais sinon, je vais généralement proposer des fabricants au client qui fera son choix. Il arrive aussi qu’il fasse appel à son propre réseau qu’il peut être intéressant d’exploiter. Encore une fois, on en revient à cette idée de synthèse à faire ensemble.»

Projet de restaurant Titi Palacio par Atelier OLK © Rodolfo Apolaya
Projet de restaurant Titi Palacio par Atelier OLK © Rodolfo Apolaya

Comment le choix est-il fait ?

Les architectes d’intérieur soulignent ce point : le respect du planning, pour que l’hôtel ouvre à temps, est crucial pour l’architecte d’intérieur. Et plus que le prix, le vrai facteur de décision est dorénavant le facteur temps : « Tout est une question de réaction au bon moment. Si le fabricant est en capacité de réagir quand c’est nécessaire, c’est là qu’il peut obtenir le marché. C’est ce délai-là qu’il faut surtout adapter » explique Olivier Lekien.

Olivier Lekien, architecte d’intérieur, atelier OLK © EquipHotel

Et cette question de délais est justement au cœur de nombreux projets et dans beaucoup de cas, les fabricants français vont être mis en concurrence avec des fabricants à l’international, délai oblige. Pour autant, sur les chantiers, les fabricants locaux (les fabricants français en France) pourront mieux réagir à des questions de SAV ou d’ajustements sur place qu’un fabricant plus éloigné. Ici encore, la plus value-économique et le gain de temps réalisé sont une nouvelle fois non-négligeables.

Dans le public, un professionnel en sourcing de matériaux, dans un cabinet d’architectes spécialisé dans les projets du milieu du luxe, évoque en effet la volonté de certains clients de trouver des « équivalents » une fois que le projet est validé, dans le but de faire des économies ou atteindre les délais de livraison plus rapidement. Ces recherches sont aussi faites par des intermédiaires, qui rendent difficilement lisible la lecture du schéma de décision, d’arbitrage et de transparence du prix que coûte réellement un meuble après que chacun ait été sollicité dans la mission de l’aménagement.

L’engagement RSE : vers une évolution du marché ?

Tous l’accordent : en ce qui concerne le mobilier, il est compliqué aujourd’hui de faire des projets 100 % en circuits courts, comme l’explique justement Caroline Tissier : « J’ai pu travailler avec des chefs qui essayent de fonctionner en circuit court dans leur restaurant et c’est très bien. Pour autant, il me semble aujourd’hui compliqué de faire un hôtel qui soit totalement en circuit court, même si je vois de nettes améliorations et des solutions apportées. »

Restaurant Nellu © Caroline Tissier Intérieurs

En revanche, tous les acteurs autour de la table mentionnent une prise en compte RSE de plus en plus valorisée dans la conception projets. Pour le moment, ils y répondent au moins sur le plan technique, en intégrant par exemple des systèmes d’économie d’énergie ou d’isolation. Flore-Anne de Clermont, reponsable innovation chez Valdélia, explique la démarche de cet éco-organisme, dont l’objectif est de valoriser du mobilier de réemploi au sein des projets. Valdélia fait l’intermédiaire entre les personnes qui souhaitent évacuer leur mobilier et celles qui souhaitent faire du réemploi. Une nouvelle piste d’engagement RSE, qui entre petit à petit dans la culture d’achat et de conception du projet.

Les adaptations des professionnels au marché

Après un parcours en partie chez Ligne Roset puis en agence spécialisée dans l’hôtellerie, Caroline Tessier a ouvert sa propre agence d’architecture d’intérieur en 2013. Elle travaille de façon rapprochée avec les fabricants sur ses projets, et parallèlement, elle s’est associée à Contract Factory, agencé créée par Alexis Marechal, qui accompagne le client sur l’ensemble du parcours : « Quel que soit le projet, le parcours sera le même. Le fait de connaître tous les fabricants nous permet d’avoir une vision large et donc de savoir avec lesquels il faut travailler au moment d’élaborer un projet » explique-t-elle. Elle propose un parcours tout tracé et résout ainsi la question de la gestion des achats et des intermédiaires.

Régis Botta, Architecte DPLG, Régis Botta – Architectures © EquipHotel

Régis Botta a créé son agence en 2011, avec cette spécificité qu’elle comporte une section design. Ses projets comprennent majoritairement du mobilier fait sur mesure, et il intègre dès la phase de conception les artisans et les fabricants.« Tout ce qui concerne le mobilier et le prototypage est l’un des premiers dossiers à gérer. C’est l’un des plus importants à discuter en amont. Donc intégrer les fabricants dès le début, c’est une évidence pour moi. » Le sur mesure implique cependant que les pièces ne pourront pas être développées à plus grande échelle, justement pour respecter la demande première du client qui était d’avoir un mobilier unique. « En général en mobilier sur mesure, le client finance le prototypage et donc il ne veut pas voir ses pièces développées ailleurs. La seule exception est lors de développement de franchises ou de chartes par exemple. Dans ce cas, cela devient intéressant pour un fabricant puisqu’il y aura des commandes en grande quantité » continue Régis Botta. Il propose également des modèles en semi-mesure en adaptant notamment pour une franchise un modèle standard qu’il développe pour qu’il devienne propre au client.

Pâtisserie Véro Dodat par Régis Botta
Apéro Square par Régis Botta

Parmi les autres pistes évoquées. Adrien Lanotte a proposé l’idée, pour le fabricant, de développer une économie servicielle qui consisterait à sortir du cycle d’achat produit pour proposer des produits de remplacement ou de faire un recours à un système de leasing afin d’éviter par exemple d’avoir à immobiliser une chambre en cas de problème liés à de délais de fabrication ou de livraison justement. Régis Botta revient sur la nécessité de construire une proximité avec les fabricants. En effet, une fois qu’une première collaboration est faite, une proximité se créer et permet donc d’avoir une meilleure connaissance des outils de production des fabricants. De fait, il sera plus simple de comprendre les adaptations possibles et cela aidera logiquement à gagner du temps par la suite.

Rédigé par 
Maïa Pois

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2/12/2025
eba : le coffre plinthe, un rangement qui mêle design et ingéniosité

La marque eba, spécialisée dans la personnalisation de cuisine haut de gamme, a fait du coffre plinthe un allié de taille pour la mise en place de ses projets. Un système à la fois pratique et ingénieux, qui apporte un gain de place et de rangement supplémentaire dans tous les espaces cuisine.

Ce qui était autrefois un simple socle est aujourd’hui devenu un véritable espace de rangement à la fois fonctionnel et ingénieux chez eba. Le coffre plinthe exploite toute la hauteur et profondeur sous le plan de travail, offrant jusqu’à quatre niveaux de rangement accessibles et modulables. Les tiroirs à extraction totale supportent jusqu’à 70 kg pour les objets du quotidien, tandis que le coffre sert à accueillir les volumes plus encombrants. Adaptable à la taille de l’utilisateur, les variations de hauteur possibles du coffre plinthe sont modulables et proposées en 24, 26 ou 28 cm, et sont intégrées même sous l’évier permettant d’allier ergonomie, capacité de rangement et esthétisme grâce à un frontal incliné et un alignement parfait avec les façades des tiroirs. Le coffre plinthe est une exclusivité brevetée par le fabricant de cuisines Santos, maison mère de eba. Des produits distribués en exclusivité par eba via avec des showrooms spécialisés dans la conception de projets avec un accompagnement de A à Z, du relevé de mesures à l’installation finale.

Une solution ingénieuse donc, qui se déploie avec élégance dans tous les styles de projets. Pour illustrer toutes les possibilités et la polyvalence d’eba, voici une sélection de 5 projets pour lesquels cette solution a été intégrée, montrant comment elle peut s’adapter à des styles variés et à des besoins divers.

Augmenter la capacité de stockage global

Pour ce projet, le coffret plinthe a été intégré dans tout le linéaire ainsi que dans les meubles de l’îlot central, afin d’augmenter la capacité de stockage de toute la cuisine, tout en gardant une esthétique élégante et raffinée en harmonie avec le reste de cet appartement haussmannien. La façade inclinée du coffre plinthe apporte une touche sculpturale et permet à l’usager de s’approcher du plan de travail, sans tremper avec le meuble.

Architecte Barbara Sellam © Elodie Gutbrod

Penser pratique et ergonomique

Pour ce second projet, les propriétaires se sont inspirées de la cuisine d’exposition au showroom d’eba Haussmann. Ils ont eu un coup de cœur pour la vitrine coulissante, avec l’intérieur en bois et l’éclairage intégré réglable. Bien que cette partie décorative rendait très bien sur le mur principal de la cuisine, elle limitait la capacité de stockage. Le coffre plinthe a donc été un choix évident pour permettre d’augmenter l’espace de rangement. De ce fait, la cuisine reste épurée et avec un poids visuels léger, tout en ayant tous les éléments à porte de main dans les meubles bas, avec un accès facile et ergonomique via des coulissants.

Architecte : Carole Plagnol © Elodie Gutbrod

Avoir de la place même dans les petits espaces

Pour cette cuisine, l’espace réduit en angle rendait difficile de titrer partie de l’espace. De plus, elle était bloquée par des contraintes d’aménagement puisque la présence d’une grande fenêtre sur l’uns de murs obligeait les architectes à placer la hotte d’extraction et le réfrigérateur dans l’autre mur, ce qui a fait du coffre plinthe la solution la plus adaptée. En effet, les concepteurs d’eba ont proposé d’intégrer des coffres plinthe dans tous les meubles bas, même sous le four, permettant d’obtenir un niveau de rangement supplémentaire sur tout l’aménagement.

© Elodie Gutbrod

S’adapter aux tendances

Cette cuisine qui présente un aménagement avec une verrière dans la partie haute, répond à la tendance des cuisines sans meubles haut. Ce style de cuisine de plus en plus commun, très esthétique et connecté avec l’espace de vie de la maison mais qui limite les espaces de stockage. Ainsi, opter pour des meubles bas à grande capacité était essentiel. La cuisine se complète ici avec un linéaire de meubles colonnes qui cache aussi un coin petit-déjeuner, grâce à des portes escamotables qui glissent sur les côtés, pour un espace à la fois pratique et modulable selon les besoins.

© Olivier Hallot

Garder la cohérence esthétique de l’espace

Ici encore, cette cuisine se présente dans un espace très réduit. Pour gagner de l’espace de rangement, l’architecte avait planifié une partie haute avec des étagères ouvertes, en ligne avec l’esprit décoratif du reste de la maison. Afin de préserver la cohérence et l’harmonie visuelle de la cuisine, la finition Noyer Terre a été choisie pour les meubles bas, avec une continuité de veinage avec le coffre plinthe. Le niveau de rangement coulissant additionnel, même sous l’évier, permet aux propriétaires d’avoir des espaces de rangement amples et à portée de main, sans avoir à sacrifier l’esthétique de cuisine.

Architecte : Prisque Salvi © Elodie Gutbrod

Pour plus d'inspirations c'est ici. Et pour débuter un projet d'aménagement avec eba rendez-vous sur ce lien.

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2/12/2025
Michele De Lucchi ou l’art de casser les codes

Figure incontournable de la scène internationale, Michele De Lucchi façonne depuis plus de quarante ans un univers où se rencontrent architecture, design industriel, recherche artistique et réflexion théorique. Créateur multiple, il traverse les époques et les courants avec une liberté rare, nourrie d’audace, d’humour et d’humanisme.

Formé à l’école d’architecture de Florence dans les années 1970, il entre très tôt dans le cercle du Radical Design, aux côtés des groupes Cavart puis Alchimia. Il y forge une pensée critique qui remet en cause les conventions modernistes, et expérimente un design où l’objet devient support d’idée, de geste, de position politique. En 1981, il rejoint Ettore Sottsass et le collectif Memphis, véritable séisme culturel qui redéfinit l’esthétique des années 80. La lampe Kristall, le fauteuil First, des pièces devenues iconiques pour leur liberté graphique, leur chromatisme éclatant et leur insolence joyeuse. Chez Memphis, il apprend à désobéir et à transformer cette désobéissance en langage créatif.

Tabouret Il Bisonte, Produzione Privata © AMDL

Entre industrie et architecture, la voie humaniste

Après l’aventure Memphis, Michele réinvestit son énergie dans le design industriel, collaborant avec Olivetti, Kartell, Alias ou encore Poltrona Frau. De cette période naît un chef-d’œuvre devenu best-seller mondial : la lampe Tolomeo (Artemide 1987). Élégante, technique, intuitive, elle incarne sa capacité à marier ingénierie et poésie. Le Compasso d’Oro vient consacrer ce modèle devenu un classique absolu.

Fauteuil Bacchetta © AMDL

Parallèlement, il fonde son studio, aujourd’hui AMDL CIRCLE, et développe une architecture humaniste où dominent matériaux naturels, lumière et douceur formelle. Ses projets, le siège d’Enel à Rome, ceux d’UniCredit ou de la Deutsche Bank, de nombreux lieux culturels, témoignent d’une modernité calme, accueillante, toujours pensée à hauteur d’humain. Ses réalisations récentes, du Bureau de poste mobile du Vatican au Pavillon nordique de l’Expo Osaka 2025, prolongent cette vision où connecter, apaiser et relier sont essentiels.

AMDL Circle, Nordic Pavilion © William Mulvhill, courtesy RIMOND

Le retour au geste

En 1990, il fonde Produzione Privata, un atelier-éditeur rattaché à AMDL Circle où le design expérimental est à l’honneur où chaque pièce est imaginée comme un objet singulier ou en très petite série. Depuis les années 2000, il cultive une pratique artisanale personnelle, presque méditative. Dans son atelier, il sculpte le bois, créant des pièces uniques, sensibles et vibrantes. Ces sculptures révèlent un autre versant de son œuvre, celui du créateur-artisan, qui privilégie l’imperfection, la matière brute et le geste instinctif. Loin de l’industrie, il y explore une liberté totale.

Lampe Acquatinta XL Transparent, Produzione Privata © AMDL

À plus de 70 ans, Michele De Lucchi conserve l’énergie d’un pionnier. Toujours en mouvement, toujours en recherche, il poursuit une trajectoire qui fait dialoguer innovation, tradition et intuition. En Italie, il incarne mieux que quiconque cette vision du design comme art total, à la fois fonctionnel, poétique et profondément humain.

A gauche : Lampe Macchina Minima n°8, Produzione Privata © AMDL / A droite : Vase en céramique Glazed White © AMDL

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28/11/2025
La galerie kreo, bureau d’expérimentation et de design

La galerie kreo présente jusqu’au 31 janvier l’exposition « The Office ». Un regroupement de pièces signées des plus grands noms du design, autour de la thématique du bureau, à la fois comme meuble mais également comme espace.

C’est un open-space qui en ferait rêver plus d’un. Et pour cause, rarement les plus grands noms du design (parmi lesquels Hella Jongerius, Edward Barber & Jay Osgerby, Pierre Charpin ou David Dubois pour ne citer qu’eux) n’ont été réunis autour d’un même bureau. Enfin, autour de huit bureaux pour être exact, car c’est précisément cette typologie d’objet qui est mise à l’honneur avec « The Office ». « Nous avions envie d’aborder ce meuble comme un motif en soi : un lieu de travail et de concentration, mais aussi une scène où se jouent des gestes très ordinaires, parfois intimes », raconte Clara Krzentowski, fille des fondateurs de la galerie et directrice de la succursale londonienne. Répartie sous forme de compositions articulées autour d’une table de travail, d’un luminaire et d’une assise auxquels se greffent d’autres pièces décoratives, l’exposition « explore la dualité entre la forme et l’usage ; entre l’objet comme élément architectural et l’espace autour duquel s’organise le quotidien ». Une approche qui, sans prétention sociologique, laisse entrevoir les évolutions de nos quotidiens et notre rapport à ce lieu. « Il n’est plus assigné aujourd’hui, mais libre de se déplacer, se transformer et s’individualiser », analyse Clara Krzentowski, soulignant la dimension intime et presque domestique de certaines mises en scène.

© Alexandra de Cossette Courtesy Galerie kreo

Une large diversité

Si la galerie kreo fait aujourd’hui partie des figures incontournables de la scène design internationale, c’est notamment pour sa volonté de mettre en regard les époques et les styles. Avec « The Office », l’institution parisienne attable ensemble des designers d’aujourd’hui et des grands noms du XXe siècle, dont Pierre Paulin, Ernest Race ou Gino Sarfatti. Une sélection hétéroclite, à l’origine d’un corpus de créations choisies parmi les collaborations entre les artistes et la galerie, ou des fonds d’œuvres vintage. De quoi permettre « un dialogue vivant entre différentes personnalités du design, et offrir l’opportunité au visiteur d’aborder ces environnements avec une lecture très libre ». Une liberté due à une recherche d’ambiance et d’esthétisme plus qu’à une quelconque classification, permettant aux lignes et aux matériaux de se combiner dans toute leur diversité. Si ce n’est pas la première fois que la galerie se livre à l’exploration d’un thème ou d’une famille d’objets, l’exercice présenté jusqu’au 31 janvier propose cette fois-ci une vision pleine de styles de celui qui est bien plus qu’un simple meuble de travail.

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27/11/2025
À la galerie BSL, Jimmy Delatour brouille les lignes du temps

Le designer Jimmy Delatour expose « Pompeii-x » à la galerie BSL jusqu’au 20 décembre. Une collection mêlant pièces de mobilier et œuvres numériquement modifiées, inspirée par l’esprit de la cité italienne.

C’est pendant l’enfance que se construisent les plus vastes imaginaires, ceux bercés par l’histoire, quelle que soit la taille du H. Pour le designer Jimmy Delatour, les plus beaux contes viennent des objets, « ceux qui racontent des histoires par eux-mêmes ». Aujourd’hui davantage entouré d'antiquités que de pièces design, le créateur se rappelle avoir visité Pompéi lorsqu’il était enfant. Un séjour mémorable dans une ville « marquée par la disparition et les instants de vies figées », mais plus généralement dans un cadre architectural fort. Un souvenir revenu comme une évidence lorsqu’à la suite d’un salon, au cours duquel il rencontre les Marbreries de la Seine, celles-ci lui proposent une carte blanche artistique. « C’est une entreprise implantée entre la France et l’Italie, originellement spécialisée dans les projets architecturaux d’envergure. Lorsqu’elle m’a proposé de co-produire une collection, j’ai immédiatement pensé à Pompéi. Quel meilleur matériau que la pierre pour évoquer la civilisation romaine que j’avais découverte enfant ? » Une rencontre entre un médium et un souvenir dont les premières esquisses jouent avec les frontières de l’art et du design. Deux univers représentés par la galerie BSL, devenue partie prenante de cette collaboration.

©Galerie BSL

Des micro-architectures hors du temps

« Je n’aime pas vraiment le décoratif », contextualise Jimmy Delatour, qui a débuté en tant que directeur artistique dans l’univers de la 2D. « Ce qui m’a attiré vers le volume, c’est l’architecture. Celle de Jean Prouvé, mais aussi la simplicité formelle, les lignes fortes et les jeux d’ombres et de lumière qu’on peut retrouver chez Tadao Ando. » Des codes architecturaux dont « Pompeii-x » est largement imprégnée. Des volumes qui semblent flotter, des masses très visuelles desquelles se dégagent des perspectives, le tout dans des superpositions équilibristes surplombées de discrets demi-cercles. « Un hommage à l’ornement et à l’idée de confort du mobilier romain, ramené ici de manière simplifiée et dépouillée. »  Une réinterprétation contemporaine, certes, mais pas nécessairement faite pour s’inscrire en 2025. C'est du moins ce que suggère le nom de la collection : « Pompeii-x ». « Dans cet ensemble, l'inconnu temporel est noté par le x, ce qui suggère qu’on ne saurait pas la dater. C’est une projection de ce qu’aurait pu être la ville si l'événement n’avait pas eu lieu », relate le designer. « On imagine souvent le futur comme étant très épuré. J’ai donc imaginé cette collection avec ce prisme. » Un univers constitué de huit « micro-architectures » où le marbre italien vert Verde Alpi, le rosé Breccia Pernice et le travertin blond Albastrino font écho aux dernières couleurs pompéiennes. Un clin d'œil aux vestiges, inscrit jusque dans le traitement des pierres, sablées, à l’origine « des couleurs fanées ».

©Galerie BSL

De l’antique au numérique

Mais derrière l’apparente simplicité formelle de la collection, permettant à l’artiste de perdre le spectateur entre les époques, Jimmy Delatour évoque également un second pan. « Il y a d’un côté le design, plutôt collectible, et de l’autre la conceptualisation de la conception, ce qui va au-delà du mobilier classique et utilitaire. » Cette idée, le designer l’a eue lors d’une visite d’exposition dédiée à Louise Bourgeois en Australie. « Ce jour-là, j’ai vu des pièces qui pouvaient faire vibrer tout le monde, et je me suis dit que c’était ce qu’il fallait faire en établissant des liens. » Une réflexion à l’origine de quatre Artéfacts imaginés pour soutenir les pièces de mobilier. Mis en scène dans des cadres différents, tous rendent hommage à Pompéi. Rassemblant des images du lieu, le petit manifeste du futurisme italien, une composition graphique contemporaine représentant l’éruption ou un détournement du célèbre tableau Madame Récamier de Jacques-Louis David intégrant la méridienne de Jimmy Delatour, chaque œuvre est issue d’un « petit twist ». La manipulation, qu’elle soit numérique ou photographique, questionne le spectateur quant au contexte de création. « Je voulais que les pièces interrogent. Je ne voulais pas emprunter le chemin du collectible uniquement décoratif et exceptionnel sur le plan formel. Cette collection est une sorte d’uchronie. On revisite le passé pour changer la direction de l’histoire et créer une réalité alternative dans laquelle ça aurait pu exister. Et en même temps, elle est un hommage à la cité disparue, comme si elle était constituée de fragments simplement réassemblés. » conclut-il.

Ci-dessous à gauche Artifact B, Portal, et Artifact A, Madame Récamier. A droite Artifact D, Excavation treasures, et Artifact C, Views of the future past. ©Galerie BSL

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