Paola Navone, cultiver l'instinct créatif
© Antonio Campanella

Paola Navone, cultiver l'instinct créatif

Du 18 au 23 avril 2023, pendant la 61e session du Salon du meuble de Milan et la 33e édition de la Milano Design Week, Paola Navone et son studio Otto organisaient une installation très maligne : « Take it or leave it », soit « Prends le ou laisse-le », une façon intelligente de faire ‘un peu’ le tri sur les étagères de son studio. Au 31 de Via Tortona, un quartier métamorphosé, en face du Mudec, le Musée des Cultures du monde, (l’équivalent du Musée du Quai Branly à Paris), Paola Navone avait vidé ses bureaux et installé sur une immense table et sur des étagères en métal le long des murs, des centaines d’objets collectés durant ses voyages de par le monde entier. Du fauteuil rembourré à la petite cuillère, du bento en aluminium au vase miniature, la loterie laissait le choix au visiteur de « Prendre ou Laisser ». Une façon comme une autre de comprendre l’univers et la démarche de cette designeuse très sollicitée.

Avec son ami Daniel Rozensztroch, précédemment grand voyageur de par le monde et randonneur de salon, ex-directeur artistique du concept store parisien Merci et directeur créatif à Marie Claire Maison, Paola Navone s’est amusée à dispatcher sur ses étagères des centaines de « babioles » ramenées d’Inde ou de Chine, des cuillères en fer blanc ou en buis, des prototypes de plateaux pour Alessi ou des fèves et statuettes en porcelaine, allemandes ou chinoises. The Slowdown, une société de média new-yorkaise, dirigée par le jeune et dynamique Spencer Bailey, organisait la loterie dans les règles de l’art.

The Slowdown, "Take It Or Leave It", set d'oreillers aux motifs “Tham ma da”, © Antonio Campanella
The Slowdown, "ake It Or Leave It", Table en métal, Baxter © Antonio Campanella

Tous les participants devaient choisir d’être photographiés avec ou sans leur cadeau, pour les réseaux sociaux. Un autre choix cornélien. Prendre ou renoncer…car la question posée par Paola Navone derrière cette mise en scène relève de la métaphysique. « Pourquoi ai-je décidé de faire cela encore une fois ? Pourquoi continuer cette activité d’acquisition ? À un certain moment vous êtes entourés de milliers d’objets, de milliers de couleurs, de milliers d’échantillons…mais je voulais refaire le vide pour en faire entrer de nouveaux. » explique-t-elle. Spencer Bailey fasciné par sa capacité à collecter et à réunir les choses pour créer son univers magique, a suivi le mouvement. (Le résultat est à voir sur l’Instagram The Slowdown.TV). Plus qu’un exercice provocateur, « Take it or Leave it », est à voir comme un exercice d’upcycling et de re-use. Et plutôt que de produire encore et encore, ne peut-on simplement échanger ce que l’on possède déjà et le ré-utiliser pour lui donner une seconde vie… chez quelqu’un d’autre ?

Lampe Baggy, Studio Otto

Une création à l’instinct

Née à Turin, diplômée de l’Université Polytechnique en 1973, activiste au sein du groupe Alchimia et Memphis, elle a fréquenté les « révolutionnaires » du design des années 80, Alessandro Mendini, Ettore Sottsass ou Andrea Branzi, s’intéressant à la dualité entre l’industrialisation des pays européens et les Arts and Crafts, l’artisanat de l’Asie, de l’Inde et l’art de la rue. À la tête du studio Otto, son chiffre porte-bonheur, et avec une vingtaine de fidèles, elle collabore avec des marques comme Alessi, Baxter, Cappellini, Driade, Exteta, Gervasoni ou Poliform. Ses projets vont du 25Hours Hôtel à Florence au Como Point Yamu Hôtel à Phuket en Thaïlande.

Sifas, collections Yakimour, Palmspring et Fringe, design : Domenico Diego, OTTO Studio

Se nourrir des savoir-faire

Designeuse, architecte, directrice artistique, scénographe… elle est ouverte à tous les arts, avec une prédilection pour l’artisanat et les innombrables amulettes que l’homme peut créer pour vivre en adéquation avec son environnement et conjurer les mauvais sorts. Cette soif du petit objet la fascine. Après avoir bourlingué sur tous les continents, en Afrique, en Asie, en Europe… elle réalise les scénographies des stands sur les salons de nombreux fabricants. Elle se nourrit des savoir-faire, des matières, des usines, des ateliers, des manufactures. Elle fonctionne à l’instinct et au hasard des rencontres, hasards heureux pour la plupart comme sa rencontre avec Spencer Bailey, cofondateur de The Slowdown (Slowdow.tv) qu’elle connaît depuis 10 ans maintenant, avec qui elle a édité le livre Tham ma da : The Adventurous Interiors of Paola Navone aux éditions Pointed Leaf press en 2016.

Exteta, Collection Moonlight

Créer pour le plus grand nombre

Elle habite Milan depuis 20 ans après avoir écumé l’Asie, Hong Kong, l’Europe et les pays du Sud-Est asiatique. Ses gros clients sont à Singapour ou en Malaisie. Onze projets sont en cours pour Singapour et Kuala Lumpur. Dans le studio, une partie travaille pour les marques américaines et italiennes et l’autre partie pour l’aménagement intérieur… Son univers coloré que l’on retrouve parfois dans des lieux incroyables n’est pas toujours de son fait. Mais la copie ne la gêne pas. Au contraire, et les grandes marques ont les services pour traquer la copie. Son désir est de satisfaire le plus grand nombre même si elle est consciente de ce vol d’identité. « Je ne peux pas passer mes journées à courir après la copie. En France, vous êtes beaucoup plus stricts sur ce point, mais moi, j’ai une amie sinologue qui a fait des études très intéressantes sur les copies et dans la culture chinoise, copier c’est multiplier les occasions d’être vu et pour trois fois moins cher. À l’époque, le fait que tout se fasse par centaine, était valorisant. Aujourd’hui, tout doit être pièce unique mais cela va à l’encontre de la mission du design qui est de rendre l’objet accessible à tous ! La pièce unique est une attitude propre à l’artiste, pas au designer. Une chaise à 50000€ ou 50000 chaises à 1€ ? l’équation est complexe. Moi, si je n’ai rien à faire, je vais à la plage. Je dessine pour les usines avec lesquelles je collabore. Et ce sont les entreprises qui s’occupent de la copie. Elles ont leurs services intégrés et leurs avocats attitrés pour ce genre de bataille. »

Slide, Table haute Ottocento up table et chaise haute Ribs up

Un attrait pour la cuisine

À la Stockholm Furniture Fair en 2018, elle avait dessiné la cuisine idéale : un point de cuisson, un point d’eau et un point de rangement. « On pouvait y entrer avec 10 kg de pommes de terre, sans avoir peur de tout casser et de tout tacher. Rien à voir avec les nouvelles cuisines où l’on n’ose se déplacer. Avec un kilo de pommes de terre et trois oranges, la cuisine est détruite. Parmi tous les designers, pas un ne saurait se faire cuire un œuf. Les cuisines modernes sont des cuisines laboratoires ou le poisson, la pomme de terre risquent de tout faire basculer vers l’enfer du sale. C’est comme manger dans une église. Moi, je fais les choses pour moi-même. Je suis boulimique, j’aime faire moi-même et je ne suis pas jalouse. »

Baxter, collection outdoor Manila
Ethimo, Tapis Puntocroce

Innover pour l’outdoor

Pour le mobilier d’extérieur, elle aime faire la différence : »J’ai fait un grand projet pour la société Exteta. Nous avons fait des recherches poussées sur les matières pour qu’on puisse les mettre dans la mer, dans le sable, dans l’eau…et qu’elles ne bougent pas. C’est exceptionnel. » Sur le Salone del Mobile, elle était présente sur les stands de Baxter, avec un canapé modulable en cuir… qui va à l’extérieur : une collection d’ailleurs dévoilée en janvier dernier chez Silvera lors de Maison Objet in The City. On la retrouvait à Milan chez Ethimo avec des nouveaux tapis Nodi. Chez le fabricant français Sifas, les collections ont été conçues par Domenico Diego, designer en chef de son studio Otto. Slide, Turri design, Contardi… nombre de marques mettaient en avant des collaborations. Après le salon, en ville, parallèlement à sa « loterie », elle installait un chemin-montagne de tomates dans le centre Eataly à la Porta Nuova. Un appel généreux à tester la cuisine italienne, certes, mais aussi ce besoin – constant ? – de garder un pas de côté, tant pour surprendre que se renouveler.

Rédigé par 
Bénédicte Duhalde

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12/9/2025
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12/9/2025
Grands Prix de la Création : découvrez les lauréats 2025

La ville de Paris a remis le 11 septembre les Grands Prix de la Création 2025 qui récompense la jeune création engagée et en cohérence avec les enjeux sociétaux actuels.

Organisés par le Bureau du Design, de la Mode et des Métiers d’art (BDMMA), les Grands Prix de la Création de la Ville de Paris récompensent depuis sa création en 1993 des créateurs engagés ayant une pratique à la fois innovante, responsable et ancrée dans les réalités contemporaines. Cette édition a comme chaque année récompensé huit lauréats dans les domaines de la mode, du design et des accessoires, soulignant la vitalité d’une scène parisienne en constante évolution. Pour cette édition, le jury était présidé par le designer Mathieu Lehanneur.

Un tremplin sans précédent

Plus qu'une reconnaissance, ces prix constituent un véritable tremplin comme l’a rappelé Nicolas Bonnet-Oulaldj, adjoint à la Maire de Paris : “Plusieurs anciens lauréats ont participé aux Jeux olympiques de Paris 2024, témoignant de la portée concrète de ce soutien institutionnel.” Un appui sur lequel les créateurs pourront s’appuyer pour développer des projets célébrant la perméabilité entre l’art et la poésie à l’image des créations picturales de Lucille Boitelle, mais également plus prospectifs et technique comme en témoigne le travail de Chloé Bensahel, mêlant fibres textiles et matériaux conducteurs, ou enfin célébrant la pluralité culturelle de la France en célébrant les savoir-faire guadeloupéens comme le fait le studio dach&zephir.

Catégorie design

  • Prix Révélation : Sacha Parent & Valentine Tiraboschi
Sacha Parent & Valentine Tiraboschi © Luc Bertrand
  • Prix Engagement : Florian Dach & Dimitri Zephir (dach&zephir)
ZÉSANT ©_dach&zephir

Catégorie mode

  • Prix Révélation : Auriane Blandin-Gall (CèuCle)
Cèucle, 2025 Summer edition © Julie Perrot
  • Prix Engagement : Jeanne Friot
© Jeanne Friot

Catégorie accessoires

  • Prix Accessoires de Mode : Émilie Faure & Serge Ruffieux (13 09 SR)
Collection Automne-Hiver 2023 © 13 09 SR
  • Prix Accessoires Bijoux : Elia Pradel (Anicet)
Anicet © Elia Pradel

Un soutien structurant

Chaque lauréat bénéficie d’une dotation de 18 000 €, financée par la Ville de Paris et le Fonds pour les Ateliers de Paris, en partenariat avec des acteurs clés du secteur : Galeries Lafayette, Francéclat, ADC, ESMOD, entre autres. Aussi, les lauréats du prix Engagement auront un espace dédié lors du salon Maison&Objet tandis que le Prix Révélation se verra offrir un espace pendant la Paris Design Week ainsi qu'une résidence au Campus Desgin et Métiers d'Art. Ils auront également tous un espace lors du  salon Collectible. Enfin, en termes de visibilité, les lauréats pourront compter sur le soutien des différents partenaires médias de l'évènement, dont Intramuros fait notamment partie.

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16/9/2025
Arnaud Lapierre assoit son assise au ministère de la Culture

Dans le cadre de sa rénovation, le ministère de la Culture se dote d’une assise hybride imaginée par le designer Arnaud Lapierre.

C’est un banc sur lequel on hésiterait presque à s’asseoir. Objet hybride, mi-assise mi-tapis, Rondin est une création du designer Arnaud Lapierre imaginée dans le cadre du regroupement des bureaux du ministère de la Culture, rue des Archives. Mené conjointement avec le Mobilier national, dont les collections comptent notamment les tables basses Cuts et Layers du designer ainsi que sa lampe Fold, l’appel à projet avait « pour seule contrainte son intitulé : une banquette » explique Arnaud Lapierre. Questionnant l’identité des zones d’accueil « généralement caractérisée par un tapis et des poufs », le designer souhaitait « attribuer au tapis la fonction d’un meuble qui aille au-delà d’une zone d’assise et d’attente primaire. » Imaginée pour susciter une l’émotion des visiteurs, la pièce trouve sa place en plein cœur de l’hôtel historique de Rohan.

Banquette Rodin, design Arnaud Lapierre

Une création en trompe-l’œil

Imposante avec son diamètre de presque cinq mètres, la création d’Arnaud Lapierre a été réalisée par l’ARC (Atelier de Recherche et de Création du Mobilier national). Une manière de mettre en avant les missions du Ministère et avec elles, les savoir-faire des artisans de Mobilier national sur des œuvres contemporaines. Composé d’un cylindre en mousse de soja pour garantir le confort de l’assise, le Rondin se part à chacune de ses extrémités d’un module en chêne des marais. « Un bois naturellement foncé, creusé sur une quarantaine de centimètres et agrémenté d’une plaque d’inox donnant l’illusion que le Rondin est entièrement creux. » Recouverte d’un tapis en laine tuftée réalisé par la tapisserie Robert Four d’Aubusson pendant 4 mois, la pièce a été pensée pour habiter l’espace. Une cohabitation entre design et architecture, renforcée par le choix des couleurs. Inspiré par les couleurs du tableau « Triomphe sur l’amour par les dieux » peint par Antoine Coypel au XVIIIe siècle et installé au plafond de la salle, Arnaud Lapierre a décidé de « coder l’œuvre afin de la retranscrire fidèlement en pixels. » Une démarche dont résulte un camaïeu tramé de 500 nuances. Un parti-pris esthétique fruit d’un dialogue entre les époques et les disciplines.

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15/9/2025
Jean-Baptiste Fastrez signe une collection avec Monoprix

Monoprix dévoile sa collection annuelle réalisée en partenariat avec la villa Noailles et un designer. Cette année, la marque s’est associée à Jean-Baptiste Fastrez pour la réalisation d’une collection chromée aux reflets futuristes.

Lauréat du Grand Prix du jury de la Design Parade Hyères en 2011, le designer Jean-Baptiste Fastrez s’est associé à cette institution et Monoprix. Une collaboration pour laquelle le créateur également scénographe a imaginé un ensemble de quinze petits objets décoratifs allant du bougeoir au tabouret en passant par le miroir. Focus sur l’esprit de cette collection en vente à partir du 16 septembre.

Bougeoirs © Jean-Baptiste Fastrez

Pourquoi avoir accepté cette collaboration avec Monoprix ?

Monoprix est pour moi l’une des dernières entreprises grand public à valoriser le travail des designers indépendants, car la plupart des marques ont aujourd’hui des bureaux de création intégrés. Et puis, travailler avec Monoprix, c’est également concevoir des objets pour tous, pas seulement pour une certaine partie de la population ou un petit nombre d’institutions et ça, c'était très stimulant ! D’autant qu’il y a avec Monoprix un côté très statutaire. On rentre presque dans une dimension patrimoniale, notamment en écho à Prisunic.

Votre travail de designer est souvent basé sur un jeu de contrastes qui interroge l’objet. Est-ce que cela a aussi été le cas dans cette collection ?

Oui, bien sûr, mais davantage sur la phase d’imagination. Je me suis beaucoup inspiré de l’architecture des villes utopiques, que ce soit The line, l’immense projet controversé dans le désert saoudien avec des formes post-modernes, ou le cinéma de science-fiction évidemment. Je pense à des films comme “2001, L’Odyssée de l’espace” de Stanley Kubrick ou encore “Interstellar” de Christopher Nolan et le robot chromé que l’on y voit. De manière générale, ce sont surtout les objets liés au futur. Mais ce qui est amusant, c’est que l’on peut aussi y voir une certaine résonance avec la vieille vaisselle un peu Art déco, à la Puiforcat, que l’on peut retrouver chez nos grands-parents. La notion de confrontation se trouve surtout dans les époques et dans les styles.

Tabouret ©Jean-Baptiste Fastrez

Sans surprise, cette nouvelle collection est encore extrêmement visuelle de par son matériau. Pourtant, elle semble encore très différente de vos autres créations ? 

Souvent, Monoprix demande aux créateurs de refaire ce qu’ils font habituellement, mais sous le branding de la marque. Je n’avais pas du tout envie de refaire les formes très rondes que l’on m’associe, à l’image du miroir mural Zodiac que j’ai fait pour Moustache en 2021. J’ai donc dû travailler un nouveau visuel. Le temps de développement étant trop court pour faire du verre, j’ai travaillé l’acier. Comme nous sommes globalement tous attirés par ce qui brille, j’ai d’abord réalisé des prototypes avec des vernis de couleurs. C’était une manière de donner un côté silverware à mes pièces. Mais rapidement, on m’a proposé d’utiliser des bains de chrome coloré. C’était quelque chose que je n’avais jamais essayé et j’ai beaucoup aimé le résultat. Des pièces ultra réfléchissantes, qu’on n'a pas l’habitude de voir, un peu comme des miroirs violet, jaune, bleu ou simplement argentés.

Le shooting de la collection est lui aussi assez surprenant. Pouvez-vous nous en dire plus ?

D’habitude, les shootings ont souvent lieu dans des maisons idéales, au bord d’une piscine etc… Nous avons réalisé le nôtre dans le désert des Bardenas dans le nord de l’Espagne. Je me suis dit que changer le cadre changeait la place des objets. C’était donc une manière de rendre la collection plus abstraite. Le désert fonctionnait bien car il faisait écho à mes inspirations, à la vie sur Mars et aux robots d’exploration. C’est d’ailleurs dans cette optique là que les photos ont été réalisées au ras du sol, comme pour donner l’impression qu’il s’agit d’édifices extraterrestres. Et puis cette esthétique chromée en plein milieu d’une zone aride, crée un contraste qui renvoie beaucoup à une vision futuriste selon moi. Ça renforce l’aspect organique et à la fois synthétique des formes qui font l’identité de la collection.

Miroir avec découpe ©Jean-Baptiste Fastrez
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