Elise Fouin, la pensée en arborescence

Elise Fouin, la pensée en arborescence

Au cœur de la Bourse de Commerce-Pinault collection,  Michel et Sébastien Bras viennent d’inaugurer La Halle aux grains, leur premier restaurant parisien. Pour ce lieu extraordinaire, ils ont confié à Elise Fouin la signature des arts de la table. Dans une totale osmose avec la thématique de l’offre culinaire développée autour de la graine, la designeuse a développé la collection Sillon, des assiettes, bols, tasses qui relient la terre à la terre et font du moment du repas une expérience unique. Un projet qui voit son aboutissement au bout de trois ans, effets collatéraux de la crise sanitaire inclus.

Collection Sillon réalisée pour le restaurant la Halle aux Grains, design Elise Fouin.

Une question de curiosité

« Je dis souvent que je suis arrivée à ce métier par tâtonnements. Je n’ai pas tout de suite su que je deviendrai designeuse. C’est un cheminement progressif. J’avais des activités artistiques, je faisais du piano, de la peinture… C’est à mon arrivée à l’Ecole Boulle, après mon diplôme des métiers d’art, que je me suis intéressée à la création et au métier de designer. Je viens d’une famille paysanne puisque mon père est agriculteur, mes grands-parents paternels et maternels l’étaient aussi. Au moment de mon orientation, je savais que je voulais faire quelque chose dans le domaine des arts, au départ plus les Beaux-Arts que l’Ecole Boulle, mais lors des portes-ouvertes des écoles parisiennes, j’ai trouvé que cet aspect créatif était pour moi.

Ce qui m’a attiré dans le design, c’est son domaine pluridisciplinaire, qu’il puisse intervenir dans plein de champs. Je m’ennuie à faire toujours la même chose et le design, c’est ce qui m’a permis de satisfaire ma curiosité. »

Arbre à fables, réalisé par Elise Fouin et Sandra de Vivies, Fondation Jan Michalski, octobre 2019.

Il y a 20 ans…

« Il y a 20 ans quand j’étais à l’école, j’avais une démarche assez expérimentale, puisque je venais des métiers d’art. Je ne faisais pas que dessiner, je touchais beaucoup plus la matière et cette démarche était plus développée dans les pays nordiques et dans les écoles comme celle d’Eindhoven. Je suis d’une génération qui regardait Hella Jongerius, son rapport à la couleur, la façon dont elle gérait l’imperfection des objets qu’on essaie de gommer d’habitude. J’étais assez admirative de cette démarche très différente de celle de la France où on avait plus l’habitude d’un objet très lisse, très fini, très parfait. J’avais à cette époque, il y a 20 ans des références comme Droog design, des références scandinaves et Achille Castiglioni pour ce trait d’humour qu’il apportait toujours dans ses produits. »

Vases Bulles 7 couleurs, verre Borosilicate, 2013. © Elise Fouin Design

Un mentor ?

«J’ai fait mon stage de fin d’études chez Andrée Putman, et c’était une vraie rencontre. Quand on vient d’un village de 250 habitants, qu’on fait une école parisienne et son premier stage chez Andrée Putman, on se dit qu’on a fait un certain chemin. Je suis arrivée chez elle avec un regard assez naïf, c’est son directeur Elliott Barnes qui m’a recrutée. C’est un Américain et il est bien plus transversal que pourraient l’être les Français. Venant de l’Ecole Boulle et des métiers d’art, une école davantage perçue comme traditionnelle que dans l’innovation, j’avais devant moi quand je me confrontais aux agences de design, des gens qui voyaient en moi plutôt un artisan qu’un designer. La première fois qu’il m’a rencontrée, il a regardé mon book et il m’a dit : « ça va mettre du temps mais la démarche que tu as est hyper intéressante, on va revenir à tout ce qui est savoir-faire… ne perds pas de vue ce qui fait ta différence. » J’étais assez bluffée, c’était la première fois que quelqu’un me disait ça et c’est comme ça que ça a commencé, on ne s’est jamais perdu de vue et on se côtoie encore aujourd’hui. »

Edition Sericyne, Suspension Twill-Light.© Elise Fouin
Pour ce luminaire expérimental et poétique, Elise Fouin a confié aux chenilles du Bombyx Mori un cadre en métal sur lequel tisser directement la soie.

Femme designer

« Pour une femme, la problématique ce n’est pas d’exister, c’est d’avoir des projets qui ont du sens et qui ont le mérite d’exister ; après, la reconnaissance suit ou pas. Les contraintes sont sur des appels d’offres :  à capacité égale, un homme sera plus pris parce qu’il aura moins de contraintes d’enfants, comme dans beaucoup d’autres domaines. C’est une question de confiance en soi. Je suis plus dans le questionnement que dans la réponse. Est-ce que c’est lié au fait d’être une femme ou à des problématiques personnelles ? L’important, c’est l’équilibre d’un espace mental. Le design est quelque chose qui nous habite, et c’est difficile de dire “à 18 heures, j’arrête“. C’est cornélien. Pour débuter, il faut s’accrocher et avoir de l’endurance, être peut-être meilleure en endurance qu’en sprint. Et ne jamais travailler gratuitement. Faire respecter ses idées. »

Manufacture Jules Pansu, suspension Tumulys, design Elise Fouin
Meubles de cuisine Puissance 3, La Cornue. © Marina Chef

La Cornue a fait appel à Elise Fouin pour imaginer la collection Puissance 3 pour l’aménagement de la cuisine. La designeuse a travaillé les façades de telle façon que chaque trame capte la lumière et donne de la profondeur à l’ensemble des éléments.

Femme et entrepreneur

« Le design, c’est une combinaison entre l’esthétique, l’ergonomie et l’usage. Le design a une certaine économie de moyens, un équilibre entre l’esthétique de la matière et le sens qu’il véhicule. J’aime les objets qui nous font sourire, les objets clin d’œil. J’ai travaillé pour des entreprises qui font des arts de la table, du meuble, des luminaires, l’univers de la cuisine, la scénographie d’exposition… À chaque fois, ce sont des domaines différents, et c’est ce qui m’intéresse même si j’ai fait des luminaires et beaucoup travaillé la lumière. J’aime le travail de designers japonais comme Tokujin Yoshioka. Charlotte Perriand, avec toute sa démarche et son approche sociologique du design, avec la photographie des objets de paysans en Savoie… Cela résonne par rapport à mes origines. Parce que je suis dans cette recherche de moins de matière : comment ça peut être plus simple à fabriquer, puis expédier sans prendre trop d’espace… toute ces notions d’économie de moyen et de respect de l’environnement. »

Drugeot Manufacture, console murale Saturne.
Drugeot Manufacture, valet Satellite

Des projets dans le monde

« En ce moment, le monde est assez retourné, mais j’ai travaillé dernièrement pour un fabricant de couteau de cuisine japonais. Car si les Japonais mangent avec des baguettes, ils réservent le couteau à la cuisine et pour se développer sur le marché européen, ils avaient besoin d’un couteau de table. Donc j’ai travaillé pour un artisan qui est à Tokyo (Ubukeya). »

Ubukeya, set de couteaux, design Elise Fouin

Une designeuse lumineuse

« Pour mon diplôme, j’ai imaginé des bobines de papiers qui se déploient, et c’est grâce à ce travail que je me suis fait connaître auprès de Forestier, qui au moment de leur rachat et de leur relance dans le contemporain m’ont contacté avec une douzaine d’autres designers. J’ai eu la chance de créer un premier produit Circus qui a eu un succès d’estime plus que commercial. Mais ayant visité la fabrique d’abat-jour à côté de Bordeaux, j’ai fait la suspension Papillon qui a eu un succès d’estime et commercial. Cette dernière vient de rentrer dans les collections permanentes du musée des Arts Décoratifs, et ça fait le lien. C’est grâce à mon travail sur la lumière que j’ai pu partir au Japon travailler avec un maître de hyogu et travailler sur le papier washi contrecollé sur du tissu qui est une technique japonaise.»

Gengoro Kyoto, Suspension Saika : collaboration entre la designer Élise Fouin et Yoshishige Tanaka, maître artisan du hyogu
Forestier, suspension Papillons

Le projet, du début à la fin

« J’ai une pensée en arborescence, donc j’ai besoin de comprendre le projet du début à la fin, pour savoir où je vais me situer pour le faire aboutir. J’ai besoin de visiter l’entreprise pour voir quelle est la personne derrière telle machine, pour que les gens de l’entreprise soient capables de porter le projet. Pour la Halle aux grains, les assiettes de la série Sillon portent le souvenir de la roue crantée qui sert à fendre la terre avant que les graines y soient déposées. L’empreinte du travail de la main comme savent la faire les artisans de Jars Céramiste était essentielle. Et Michel et Sébastien Bras s’y sont retrouvés.»

Restaurant la Halle aux Grains, collection Sillon, design Elise Fouin.

Rédigé par 
Bénédicte Duhalde

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13/6/2025
IM MEN d’Issey Miyake présente “DANCING TEXTURE” à Paris

La marque de mode masculine IM MEN, lancée en 2021, présente une nouvelle exposition intitulée “DANCING TEXTURE”, du 28 juin au 1er juillet 2025 à Paris.

Déjà mise en lumière lors d’une première exposition en janvier dernier, IM MEN poursuit son exploration créative avec ce nouveau rendez-vous, organisé à l’occasion de la Paris Fashion Week et de la présentation de sa deuxième collection.

La marque s’inspire du concept « a piece of cloth », avec une approche conceptuelle et un sens de l’innovation textile. La collection Printemps-Été 2026, intitulée “DANCING TEXTURE”, illustre cette vision en associant design, ingénierie et mouvement, dans une approche à la fois poétique et technique du vêtement.

Un hommage vibrant à l’héritage du créateur et à la liberté des corps en mouvement — à découvrir au 38 rue du Mont Thabor, Paris 1er, du 28 juin au 1er juillet 2025.

Entrée libre sur réservation, dans un lieu en plein cœur de Paris, pensé comme une parenthèse inspirante entre deux défilés.

Rendez-vous ici pour réserver votre créneau.

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6/6/2025
Laurids Gallée, la passion du faire

Designer autrichien installé aux Pays-Bas, Laurids Gallée mêle à la fois l’art et le design dans sa pratique. Une double facette qu’il ne souhaite pas différencier, car elle est partie prenante de sa réflexion.

Il est de ces designers qui n’avaient pas prévu d’en devenir un. Élevé dans une famille d’artistes, de ses parents à ses grands-parents jusqu’à ses oncles et ses tantes, Laurids Gallée avait toujours renié toute forme d’expression artistique jusqu’à son entrée dans l’âge adulte. Le déclic a lieu au début de ses études d’anthropologie à Vienne, moment durant lequel il s’est rendu compte qu’il lui manquait quelque chose. « Je n’avais jamais pratiqué d’art auparavant, mais le design était celui qui me semblait être le plus élégant et évident, car il y avait des questionnements autour de la façon dont sont faites les choses et des pensées qui amènent à rendre un objet réel. » Refusé par les écoles d’art viennoises, il est contacté par son oncle, alors résident aux Pays-Bas et dont le voisin n’était autre que Joris Laarman, qui le convainc de faire la demande pour entrer à la Design Academy d’Eindhoven, dont il est finalement diplômé en 2015.

Studio de Laurids Gallée © Titia Hahne

Un studio à la croisée de l’art et du design

À sa sortie d’école, il travaille quelques années en conception de produits dans différents studios, tout en commençant à élaborer son propre univers artistique en parallèle, avant de se lancer à plein temps, en 2020. Un studio dont la pratique oscille entre procédés artistiques et prouesses techniques. « Bien qu’il puisse exister une frontière entre l’art et le design, j’aime croiser les deux. Dans mon travail, il y a différentes formes de langage avec la peinture et l’art d’un côté et un aspect beaucoup plus technique de l’autre, basé sur le savoir-faire des matériaux. C’est un peu contradictoire, mais j’aime voir comment ces deux mondes se lient entre eux. » Ainsi, son catalogue comprend à la fois des pièces en bois aux détails très artistiques comme le banc Fireworks à l’allure très esthétique ou encore le fauteuil Fever Dreams, et des pièces beaucoup plus techniques retrouvées dans ses objets en résine, comme le montrent le luminaire Empyrean et la table basse Metropolis.

Luminaire Empyrean © Mathijs Labadie

La recherche de l’objet parfait

Quand on lui demande s’il a un projet favori, la réponse de Laurids Gallée reflète en fin de compte sa pensée globale. Quelque peu perfectionniste, il confie que son objet préféré est celui qu’il n’a pas encore créé. « Chaque projet est une nouvelle façon d’essayer, de changer ou de faire mieux par rapport à la fois précédente. Je ne me dis jamais qu’un produit est parfait, je trouve toujours des défauts que je pourrai rectifier la prochaine fois. Mon prochain projet est donc toujours celui qui me plaira le plus. » Un processus de création fortement basé sur l’expérimentation, donc, qu’il voit plus comme une réponse à différents questionnements, résolus à travers la création de tel ou tel objet, comme il peut notamment le faire avec la résine, qu’il prend plaisir à voir évoluer. « J’aime penser des choses qui n’ont pas encore été faites et être complètement indépendant du reste des personnes qui travaillent ce matériau. Je suis souvent en territoire inconnu, mais c’est ce qui m’anime. »

Fauteuil Fever Dreams © Mathijs Labadie

Créer avec pertinence

Qu’il s’agisse d’une table, d’un luminaire, du bois ou de la résine, le processus de création de Laurids Gallée passe avant tout par sa volonté de faire des choses pertinentes. Quant à son inspiration, elle vient au gré de ce qu’il vit au jour le jour, mais également de techniques artistiques provenant du passé, dont il s’inspire dans beaucoup de cas, notamment pour son travail du bois. « Je n’ai jamais vraiment eu à chercher d’idées, car elles viennent à moi selon ce que je vais voir d’intéressant. C’est une bénédiction dans un sens, car je ne suis jamais en manque d’idées, mais ça peut aussi être une malédiction, dans le sens où je ne peux pas toutes les réaliser. »

Table d'appoint Metropolis © Mathijs Labadie

Adepte du faire, et se considérant comme un fabricant, il a pendant longtemps tout fabriqué lui-même. Aujourd’hui, à l’exception des pièces en résine pour lesquelles il s’accompagne d’une entreprise extérieure, tous les objets sont toujours conçus au sein de son studio, avec une équipe qui lui prête mainforte. Et si beaucoup de ses objets sont en bois ou en résine, il ne veut pour autant pas se restreindre à un type de matériau en particulier, considérant que l’important réside dans l’objet plus que dans la matière avec laquelle il est fabriqué. « Selon moi, c’est l’idée qui prime plus que le matériau lui-même. On peut concevoir un bon produit à partir de déchets, si c’est bien pensé et bien réalisé, ça peut donner un super résultat. Je pense que ce qui compte vraiment, c’est ce que tu fais et non avec quoi tu le fais. »

Banc Tralucid © Mathijs Labadie

Updates 2025

En février dernier, il présentait, dans le cadre de la Biennale de design de Rotterdam et en collaboration avec la galerie Collectional, la série Cairn. Une collection composée de six pièces, inspirées de la pratique ancienne de l'empilage de pierres et de galets d'empiler des pierres et des cailloux, et dont chacune d’entre elle se révèle comme une étude de sa propre matérialité. Lors de la Design Week de Milan, le designer a participé à l’exposition « Bamboo Encounters »de Gucci. Il dévoilait également avec JOV une collection de tapis en laine et soie, inspirées des nuages et fabriquées à la main. En parallèle, il a également pris part à l’exposition collective « The Theatre of Things » avec la galerie Delvis (Un)limited, devenue le théâtre d’une performance spontanée de designers. En juin, lors des 3daysofdesign, il présentera le résultat de son projet de résidence Materia, exposé à la galerie Tableau à Copenhague.

Série Cairn, exposée à la galerie Collectional à Rotterdam © Mathijs Labadie
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26/5/2025
Découvrez « In Talks » Saison 2, la série où Silvera donne la parole aux designers

Fort du succès de sa première saison, Silvera revient avec la Saison 2 de 'ln Talks', sa mini-série originale consacrée à l'univers du design, vu de l'intérieur.

Cette nouvelle édition s'ouvre avec quatre figures majeures de la scène contemporaine : Erwan Bouroullec, Sabine Marcelis, Patrick Jouin et Odile Decq. Chacun y partage, avec sincérité et singularité, sa vision de l'idée - ce moment d'émergence où intuition, matière et sens ne forment qu'un.

Retrouvez l'intégralité de la saison 1 dans notre article dédié.

Episode 1 : Erwan Bouroullec

Installé entre Paris et la Bourgogne, Erwan Bouroullec propose un design inspiré d'une certaine simplicité, et empreint d'une forme de poésie humaine. Dans un discours sensible, il évoque la place discrète mais non moins essentielle du geste créatif, comme une solution aux problématiques du quotidien. « Pour moi, il n'y a pas d'idée géniale » affirme le créateur qui partage ici son approche délicate de l'objet.

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23/5/2025
Studio Shoo : le design au cœur de l’aménagement

Créé à Yerevan, en Arménie, Studio Shoo développe depuis quelques années une branche de mobilier design. Un nouvel axe lié aux projets architecturaux de l'agence.

« Je n'aime pas les projets résidentiels. Ce sont trop de contraintes et pas assez de liberté de création » explique Shushana Khachatrian, à l'origine de Studio Shoo. Créée en 2017 à Yerevan, l'agence spécialisée dans l’hôtellerie et la restauration est aujourd'hui implantée dans bon nombre de capitales européennes. Motivée par la création d'espaces avant tout fonctionnels et vecteur de bien-être grâce à ses palettes douces rehaussées çà et là de touches pop, l'architecte signe des projets d'une ordinaire simplicité, empreints de son Arménie natale. « Il y a quelque chose de minimaliste dans beaucoup de nos créations, mais l'essentiel est ailleurs. Il y a, dans les formes et les schémas, des éléments constamment inspirés de ma culture » explique l'architecte. Outre la question d'individualité et de matérialisation de son identité, elle « souhaite surtout que les visiteurs puissent se rattacher à quelque chose. » A l'image du projet hôtelier Mövenpick Yerevan, Shushana Khachatrian détourne les arts et les matériaux de son pays, pour livrer des atmosphères contemporaines et typées, mais loin des stéréotypes.

CourtYard by Marriott à Yerevan ©Studio Shoo

Le design dans chaque projet

Imaginée selon les codes de l'agence et les influences de l'architecte, chaque architecture intérieure trouve son individualité dans le choix du mobilier qui la compose. « Chez Studio Shoo, nous avons toujours mêlé des produits du marché à nos propres créations. » Une manière de solutionner des problématiques, mais également d'apporter une identité particulière aux espaces. Une double approche qui pousse l'agence à créer un nouveau secteur entièrement dédié à la création de mobilier design. « Régulièrement, nous avions des personnes qui nous demandaient où elles pouvaient acheter nos objets. Mais ce n'était pas possible. Et comme j'ai horreur de refaire deux fois la même chose, nous avons décidé de créer une branche spécifique en interne, pour concevoir des objets disponibles à la vente, que ce soit à des particuliers, ou dans nos projets. » Une diversification du travail de l'agence, mais complémentaire à son activité architecturale poursuit Shushana Khachatrian. « Je pense que ce sont deux domaines très perméables où l'échelle est différente. Les architectes pensent davantage l'expérience client et les formes globales, les plus grosses, tandis que les designers réfléchissent surtout aux détails, aux formes plus petites. » Réunissant une petite dizaine d'objets, principalement des luminaires, Studio Shoo explore également des thématiques connexes telles que le développement durable, avec la réinterprétation de « déchets » pour fabriquer de nouveaux objets, ou l’intelligence artificielle régulièrement utilisée pour donner vie à des esquisses. « A mes yeux, l'essentiel, c'est que les personnes retiennent les espaces qu'elles visitent. Et c'est souvent grâce à un objet inattendu, une nouvelle expérience, d’où l'importance du design » admet l'architecte dont l'agence travaille en ce moment sur un prototype de chaise.

Ibis budget Tbilisi ©Studio Shoo

TUFF Pencil cabinet, premier ambassadeur du Studio Shoo à Milan

Présent pour la première fois à ISOLA dans le cadre de la Milano Design Week 2025, Studio Shoo présentait le TUFF pencil cabinet. Imaginé en deux formats, l'un jaune pâle avec une ouverture sur le haut, et le second rose bonbon agrémenté d'un tiroir coulissant sur la partie basse, ce petit meuble est un véritable condensé de la vision de l'agence. Inspiré de la pierre volcanique rose caractéristique de Yerevan, il rend hommage à l'écriture grâce, outre son utilisation première, au petit tableau à craie intégré à l'intérieur. « En me baladant dans les rues de Yerevan, j'ai remarqué les notes qui ponctuent chaque mur. Les habitants écrivent et dessinent partout. C'est ce qui m'a inspiré pour cette pièce qui reflète l'intersection entre l'héritage matériel et l'expression artistique » résume la créatrice qui explique d'ailleurs avoir vu des gens se mettre à dessiner sur sa pièce lors du salon italien. Fabriqué à partir de feuilles de MDF et de métal recyclé, ce meuble, créé à l'origine pour l'usage personnel de Shushana Khachatrian, est un premier pas pour l'agence dans le secteur du meuble international, où le design arménien est encore trop peu représenté.

TUFF pencil cabinet ©Katie Kutuzova
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