Savoir-faire
Jusqu’au 23 juin, la Cité du design de Saint-Etienne présente « Être là », seconde exposition du cycle Présent >< Futur. Consacrée à Guillaume Bloget, celle-ci dévoile différents travaux du designer, dont deux réalisés en collaboration avec La Verrerie de Saint-Just.
Lancé par la directrice du pôle diffusion du design Laurence Salmon, le cycle d’expositions intitulé Présent >< Futur a pour objectif de mettre en avant le travail d’un designer. Guillaume Bloget succède ainsi à Laureline Galliot, qui avait été exposée entre septembre 2023 et janvier 2024. Dans ce cadre, le designer a mené une expérimentation avec La Verrerie de Saint-Just situé dans la Loire, dont le but était de trouver de nouvelles applications de son savoir-faire exceptionnel. De cette collaboration découlent ainsi deux projets inédits : Objet-tableau et Tavaillons, tous deux dévoilés en exclusivité lors de l’exposition.
La Verrerie Saint-Just, un savoir-faire reconnu à l’international
Située non loin de Saint-Etienne, La Verrerie de Saint-Just est connue à travers le monde pour son verre plat coloré. Créée en 1826, la Verrerie est aujourd’hui l’une des dernières manufactures à maîtriser le savoir-faire unique du verre architectural, blanc et coloré, soufflé à la bouche. Désireuse de faire valoir son savoir-faire, l’entreprise s’ouvre aux collaborations et s’associe ainsi avec des maîtres-verriers et des artistes, mais également des architectes et designers contemporains, tels que Guillaume Bloget. “C’est la première fois que je me confronte au verre : ce matériau m’a toujours fasciné par ses paradoxes : visqueux / dur, solide / cassant, transparent /réfléchissant… » confie notamment le designer. Une collaboration inspirante et pour le moins réussie, si l’on en croit les mots de Simon Ballagh, directeur de La Verrerie de Saint-Just : « Guillaume Bloget a créé à partir de nos verres des pièces magnifiques, qui expriment la richesse du savoir-faire de La Verrerie de Saint-Just. Cette collaboration a permis une rencontre entre notre savoir-faire ancien et la modernité incarnée par le design. »
Présentation de deux œuvres inédites à la Cité du design
À la suite de cette expérimentation entre Guillaume Bloget et La Verrerie de Saint-Just sont nées deux œuvres intitulées Objet-tableau et Tavaillons. Pour réaliser la première, le designer s’est inspiré de l’artiste américain Ellsworth Kelly et de ses « tableaux-objets », qui ne sont ni vraiment l’un ou l’autre mais qui sont connus pour aller au-delà du cadre formel. “J’ai remarqué la profondeur des couleurs des plaques de verre qui sont entreposées sur les racks de stockage. En fonction du point de vue, des nuances apparaissent. D’un reflet entrecoupé par de vifs éclats de couleur, on passe à un noir profond. J’ai souhaité reproduire cet effet de miroitement coloré pour en faire un objet à contempler. Comme un tableau ” raconte Guillaume Bloget. Tavaillons quant à elle est issue du savoir-faire des ancelles - des plaques de chêne ou d’épicéa de 60 cm à 1 m pour 2 cm d’épaisseur - utilisées comme des tuiles pour la couverture des toits au Moyen-Âge. Guillaume Bloget en a ainsi repris les principes, avec une fixation clouée et une pose bord à bord à recouvrement vertical. “Ces tavaillons reprennent le mode d’assemblage des tuiles en bois qui couvrent les toitures et les façades des fermes ou des chalets du Jura. Le principe de superposition mélange les couleurs par touches successives, d’infinies possibilités de composition sont alors permises ” raconte-t-il.
Une expérience enrichissante pour le designer, mais également pour la Verrerie qui grâce à cette collaboration peut continuer de transmettre son savoir-faire tout en en explorant de nouvelles applications possibles à travers le design. Ces œuvres ainsi qu’une quarantaine d’autres réalisations de Guillaume Bloget sont à retrouver à la Cité du Design, dans le cadre de l’exposition « Être là », jusqu’au 23 juin !
Le piano Alpange a été crée 2016 sous l’impulsion de Raphaël Soudre et Franck Bacquet, deux entrepreneurs férus de musique qui ont voulu imaginer un piano mêlant le design et la technologie à une maîtrise accrue des savoir-faire.
« On a voulu créer le piano du 21e siècle, qui serait un instrument pensé comme un outil au service de la musique. » Ces paroles de Raphaël Soudre, co-fondateur d’Alpange résument en quelques mots le concept même de ce piano sur lequel il est difficile de ne pas s’arrêter. Né en 2016 dans les Alpes, Alpange est la contraction des mots « Alpes » et « Ange » et se compose de 7 lettres, en référence aux 7 notes de la gamme. Plus qu’un simple piano, Alpange est le résultat d’un travail de recherche et d’une réflexion qui est d’abord celle de passionnés. « Le piano a toujours été présent dans ma vie depuis mon enfance et encore aujourd’hui au sein de mon foyer. Mais je me suis toujours dit que l’instrument que je voulais réellement chez moi n’existait pas. Je pense que la place d’un piano traditionnel est dans une salle de concert, c’est un instrument qui s’intègre difficilement dans un intérieur » raconte Raphaël Soudre. Une question directrice émerge donc en 2015 tandis que les avancées technologiques sont à leur paroxysme : à quoi ressemblerait le piano du 21e siècle ?
Compiler les savoir-faire
Partis de ce questionnement, Raphaël Soudre et Franck Bacquet décident de se lancer dans l’élaboration de ce piano nouvelle génération. Une première phase de travail avec des experts en software a donc été nécéssaire afin d’exploiter la technologie de manière à proposer un piano qui aurait les mêmes facultés qu’un piano traditionnel, si ce n’est mieux ! De fait, la puissance, les registres ou l’équilibre des timbres sont des éléments tangibles sur lesquels ils se sont penchés avec minutie. « On souhaitait faire en sorte que le son ça soit immersif pour celui qui joue et rayonnant pour celui qui écoute » continue Raphaël Soudre. D’extérieur, il ressemble à un piano « classique », composé de 88 touches, avec toutes 10 millimètres d’enfoncement et pesant 52 grammes chacune. Pourtant, à la différence d’un piano traditionnel, il ne pèse que 100kg - contre 400 kg - pour 60cm de large.
Le design, pensé par Frédéric Jentgen et Adrien Degeorges, prend la forme d’un A, en référence au nom, aux Alpes et à l’élévation spirituelle qu’apporte la musique. En termes de matériaux, le piano est disponible en trois plaquages différents en frêne, noyer et érable, avec 95 % du bois né, transformé et traité en France. « On a réussi à réunir différents corps de métier autour d’une vision et d’un projet qui parle, car on a tous un lien avec le piano à un moment ou un autre. » Aujourd’hui, une vingtaine de personnes travaillent au sein de l’atelier Alpange basé à Nantes, de la construction de la structure interne à l’assemblage des éléments acoustiques jusqu’aux finitions à la main. En 2024, près de 80 pianos devraient être livrés un peu partout dans le monde.
Allier design et haute technologie
Désireux de pousser le curseur encore plus loin, les co-fondateurs ont doté le piano Alpagne de différentes options offrant un confort supplémentaire aux utilisateurs. Celui-ci dispose en effet d’une mémoire infinie et d’un « cloud », à consulter directement sur l’application dédiée « Alpagne Peaker », dont l’objectif est de pouvoir enregistrer et retrouver tout morceau qui a pu être joué à un moment donné. Une réelle avancée pour les musiciens, qui peuvent ainsi laisser parler leur créativité avec spontanéité, sans craindre la perte d’un pic d’inspiration soudain. Il est également possible, par un simple mouvement de doigt, de modifier le timbre du piano, toujours via l’application. « Du bout du doigt on peut faire ce qu’on veut, c’est le piano qui s’adapte à nous et pas l’inverse » continue Raphaël Soudre.
S’ouvrir à de nouveaux publics
Si le piano Alpange est déjà présent dans quelques lieux prestigieux, à l’instar du club The Rebond à new-yorkais ou au sein d’une suite de l’hôtel Bulgari à Paris, la volonté des co-fondateurs est aussi de pouvoir s’ouvrir à des publics moins avertis. « Grâce à son design qui interpelle, on a réussi à vendre des pianos à des gens qui n’avaient pas prévu d’en acheter un » ajoute Raphaël Soudre. Une nouvelle clientèle potentielle donc, moins impressionnée par l’instrument, qui peut facilement s’intégrer dans un intérieur, et qui par sa proposition design, pourrait devenir intéressant pour de futurs projets d’architectes d’intérieur. Avis donc aux mélomanes ou simples amateurs de beaux objets, car personne n’est à l’abri d’une révélation musicale (ou décorative).
Réputé pour ses multiples savoir-faire traditionnels, le Portugal met du cœur à l’ouvrage pour implanter ses marques « Made In Portugal » sur la scène design et ainsi développer son économie globale.
Avec un chiffre d’affaires de 3,9 milliards d’euros enregistré en 2021 d’après les données communiquées par l’agence publique Aicep Portugal Global, le Portugal confirme sa place en tant qu’acteur grimpant de la scène design. À l’export, les recettes engendrées par le secteur de la maison étaient de 2,9 milliards toujours d’après l’Aicep, avec un marché dominant en France, en Espagne et aux Etats-Unis. Un développement confirmé par la présence régulière de marques portugaises présentes sur les grands événements tels que Maison & Objet, le Salone Del Mobile ou encore l’ICFF. Les collaborations avec les designers se développent tandis que certains, d’origine portugaise, se sont aussi frayé à l'international, à l’instar de Toni Grillo ou Marco Sousa Santos, pour ne citer qu’eux. Un développement économique important dont le succès est notamment dû à la richesse des savoir-faire de nombreuses marques références, qui n’ont rien à envier à leurs voisins européens.
Un savoir-faire, une région
Art de la table, mobilier, linge de maison… Au Portugal, les savoir-faire sont nombreux et la majorité des usines de production se trouvent dans le nord du pays, avec une spécialité réputée dans chaque région. En effet, tout au nord, dans la région de Guimarães, sont produits les couverts et le linge de maison tandis qu’à Parades et Paços de Ferreira est produit le mobilier. La région d’Aveiro regroupe les usines de porcelaine et de céramique tandis que celles dédiées à la décoration, arts de la table et luminaires sont principalement regroupées à Leiria. Des savoir-faire traditionnels, pour la plupart représentés par des marques phares, à l’instar du groupe Matceramica, plus grand producteur de faïence de la péninsule ibérique et l’un des plus importants d’Europe ou encore de Cup & Saucer, plus grand producteur européen de gobelets (source : Aicep Portugal Global).
Multiplication des évènements dédiés
En plus de leur présence sur les événements internationaux, le Portugal a également ses propres rendez-vous annuels. La Portugal Home Week notamment, organisée en juin à Porto, est un bon exemple de cette volonté. Créé en 2019, ce rendez-vous B2B présente la crème du design portugais en gardant toujours un focus sur le savoir-faire et les technologies propres à l’industrie portugaise. À Lisbonne, le design est aussi au rendez-vous puisque la première Lisbon Design Week s’est tenue en mai 2023, en collaboration avec le salon Lisbon by Design, lancé en 2021. Une première édition réussie, puisque que le rendez-vous pour la prochaine édition est déjà donné, du 22 au 26 mai 2024.
C’est dans la Zone d’Activité Pelen Borda à Larressore, petite commune du Pays Basque français connue pour ses makhilas, que la manufacture Alki a décidé de construire son nouvel atelier Lantokia, (le lieu où l’on travaille) qui doit être livré au second trimestre 2024.
La Zone d’Activité va trouver un nouvel élan avec les artisans et designers de cette entreprise-coopérative militante, fondée en 1981 par Peio Uhalde et un groupe d’autochtones conscients de l’intérêt de renouveler le style basque. Lignes claires et simples, bois locaux et français sont les atouts de l’entreprise qui a su s’adapter au marché du contract en allant chercher ses clients au-delà des frontières régionales.
Sur la colline, l’agence LeibarSeigneurin Architectes, lauréate du concours, a choisi de construire sur une parcelle de 16382 m2, un bâtiment de 8260 m2 (contre les 4000m2 du bâtiment du village d’Itxassou) et de l’envelopper d’une peau d’aluminium écaillée dans laquelle se reflète le ciel bleu du Pays, sans avoir soulevé la moindre résistance des riverains, plus habitués au style labourdin.
Un nouvel élan culturel et artisanal
Actrice culturelle et économique engagée, la coopérative veille sous la direction de son nouveau PDG, Eñaut Jolimont de Haraneder, à construire des relations humaines fortes, à utiliser des pratiques de bon sens et à respecter son écosystème. Associant à la fois les techniques de l’artisanat et de l’industrie, elle a su garder un savoir-faire unique dans le travail du bois massif. La construction de ce nouvel atelier est un moyen d’accompagner sa croissance et de se projeter vers le futur tout en restant soucieux de l’impact environnemental de l’entreprise et du respect du territoire. Un projet architectural qui doit renforcer la jonction entre l’artisanat et la technologie de pointe, le savoir-faire des compagnons au service des clients internationaux. Nombreux sont les designers qui y ont trouvé leur bonheur : Jean-Louis Iratzoki, Patrick Norguet, Samuel Accoceberry, Form Us with Love, Ànder Lizaso, et dernièrement Patrick Jouin avec la chaise Orria qui meuble la salle ovale de la BnF Richelieu à Paris… La convivialité et l’élégance des meubles Alki se retrouve aussi bien au restaurant Promulins en Suisse, qu’à Hong Kong à la Cobo House du chef Janice Wong ou au restaurant Franck de la Fondation Louis Vuitton. Une vingtaine de collections offrent une lecture contemporaine de la convivialité. En chêne français, en hêtre ou en Bioplastique comme la Kuskoa Bi, première chaise au monde en bioplastique, les produits Alki équipent CHR et bureaux avec chaleur, bienveillance et discrétion.
Mieux produire
Ce projet en réflexion depuis 2015, a l’ambition de transformer l’atelier vieux de 40 ans pour le faire évoluer en termes de production et en termes d’environnement de travail. Efficacité, fonctionnalité, confort d’usage pour les ouvriers-artisans et 3000 m2 de boutique pour les visiteurs qui profiteront d’un showroom avec vue, irrigué par une lumière solaire et ventilé par une façade écaillée en aluminium, comme une peau de poisson qui réfléchira la lumière sur le paysage. L’efficience énergétique du bâtiment est à son optimum avec une STD, simulation thermique dynamique. La toiture à 3% est idéale pour les panneaux photovoltaïques, ce qui en fait une usine 0 énergie, une dentelle métallique sur un sol en béton et en pierre capable de produire 10000 assises et 3000 tables par an. La dynamique basque.
Le 3 octobre, au sein d’une salle Wagram une nouvelle fois comble, le prix pour l’Intelligence de la main annonçait les lauréats de sa 24e édition. En présence de la Ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, la Fondation Bettencourt-Schueller dévoilait les 4 lauréats des prix Talents d’Exception, Dialogues et Parcours 2023.
Depuis sa création en 1999 par la Fondation Bettencourt-Schueller, le prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la main récompense des créateurs avec un savoir-faire, innovant dans le domaine des métiers d’art. Devenu à la fois une référence et un label d’excellence, le prix offre, en plus du titre honorifique, un accompagnement financier et une stratégie pour les lauréats primés afin qu’ils puissent approfondir un projet.
Cette année encore, l’excellence et la minutie des projets présentés étaient à la hauteur des prix décernés. Sous la présidence de Laurence Des Cars, les lauréats de cette promotion 2023 sont : Pascal Oudet, le duo composé par Aurélia Leblanc & Lucile Viaud ainsi que l’association Lainamac. Lors de son discours, Rima Abdul-Malak a rappelé l’importance de « célébrer la richesse et la diversité des métiers d’art ». Elle n’a pas manqué de souligner son engagement en faveur des métiers d’art, dont elle a fait une priorité de mandat, en mettant l’accent sur la stratégie en faveur des métiers d’art, mise en place en collaboration avec Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme. Elle soulignait également que l’année 2024 célèbrera les 25 ans du prix, dont les candidatures sont d’ores et déjà ouvertes aux candidats, jusqu’au 11 mars 2024, via ce lien.
Pascal Oudet, lauréat prix « Talents d’exception »
Avec « Laissez entrer le soleil », le tourneur sur bois Pascal Oudet signe une de ses œuvres des plus abouties, mêlant la démarche artistique à un savoir-faire d’exception. Après huit tentatives et trois finales sans prix, le travail minutieux et sans relâche du tourneur sur bois basé en Bourgogne a fini par payer. Son œuvre a nécessité 12h de travail non-stop pour arriver à un tel résultat « si je m’arrête, le bois continue de travailler sans moi, c’est pourquoi je dois l’accompagner jusqu’au bout » expliquait-il au moment de recevoir son prix. Avec cette œuvre, Paul Oudet souhaitait dévoiler l’histoire intime de ce chêne vieux de 70 ans, en mettant en lumière ses cernes qui révèlent les étapes de sa croissance et ses accidents de vie, la qualité de son environnement et les conditions climatiques qui lui ont permis de s’épanouir.
Avec l’accompagnement apporté par la Fondation, Pascal Oudet aspire à travailler sur un arbre en entier, et non plus seulement des troncs coupés. Pour ce prix, Pascal Oudet obtient une dotation de 50 000 € et bénéficie d’un accompagnement allant jusqu’à 100 000 € pour réaliser un projet de développement.
Aurélia Leblanc & Lucile Viaud, lauréats prix « Dialogues »
Respectivement tisserande et designer, Aurélia Leblanc et Lucile Viaud ont été récompensées par le prix Dialogues pour leur œuvre aussi technique que poétique, « Pêche cristalline ». Destinée à décorer la salle de restaurant du chef Nicolas Conraux, cette pièce témoigne du projet artistique et durable du duo qui a choisi de mettre son savoir-faire en commun, en unissant la recherche et l’artisanat pour créer un tissage inédit, composé à 50 % de verre et 50 % de fibres locales. Avec le verre marin Glaz, fabriqué à partir de coquilles d’ormeaux et de micro-algues, les matériaux sont ensuite mis en fusion, puis travaillés à chaud pour former des baguettes de verre. Une à une, chaque baguette est réchauffée jusqu’à obtenir une « goutte », qui sera étirée à la main puis enroulée sur un tambour mécanique. « Ce n’est pas tant le geste qui est compliqué, c’est l’équilibre entre le verre et le tissu » expliquait notamment Aurélia Leblanc. Aussi inédite que spectaculaire, cette œuvre porte une réelle puissance esthétique mais constitue aussi une prouesse technique qui ouvre de nouveaux champs dans la fabrication et l’application du verre.
Avec ce prix, Aurélia Leblanc et Lucile Viaud souhaitent développer des outils de production plus adaptés, notamment un métier dédié exclusivement au tissage de verre. Elles espèrent également pouvoir arriver à un tissage composé à 100 % de verre et se développer sur tout le territoire. Elles obtiennent une dotation de 50 000 € à partager, en plus de l’accompagnement pouvant aller jusqu’à 150 000 € pour le déploiement d’un prototype ou de l’objet afin d’en approfondir l’expérimentation, la recherche et l’innovation.
Association fillière laine française Lainamac, prix « Parcours »
C’est en prenant conscience de la richesse de la laine et de la qualité des sociétés textiles limousines, qu’un groupement d’entreprises et acteurs du territoire décide de fonder l’association Lainamac en 2009. Sa mission : revitaliser la filière, alors en déclin, et lui permettre de retrouver son rayonnement créatif. Aujourd’hui, l’association fédère un réseau de 80 entreprises et dispose, depuis 2012, d’un organisme de formation pour pérenniser et transmettre les savoir-faire de la laine à travers le déploiment d’un cursus très complet (transformation de la laine, teinture naturelle, feutre, maille, filage, tissage, ameublement…), destiné aux entreprises souhaitant développer leur production mais aussi à des personnes en reconversion professionnelle. La structure propose également des ateliers partagés, des moments d’échanges avec des designers et étudiants d’écoles d’art ainsi que des temps de sensibilisation à travers l’organisation de stages pour les jeunes générations et un accueil du grand public.
L’accompagnement de la Fondation permettra à l’association de passer un nouveau cap pour l’ensemble de ses projets, en recrutant notamment un designer pour aider à structurer des offres de services personnalisées à destination des entreprises adhérentes à l’association, en créant une offre de résidence d’artistes au sein de ses ateliers partagés et en continuant de développer le projet « Oh my Laine », lancé lors de la Paris Design Week en 2019, par la multiplication d’événements destinés aux prescripteurs et acteurs clés du marché. Avec ce prix, Lainamac bénéficie de 50 000 € ainsi qu’un accompagnement jusqu’à 100 000 € pour réaliser un projet destiné à faire rayonner l’univers des métiers d’art.
Depuis quelques années, c’est une évidence pour le secteur de l’aménagement : le Portugal s’affirme comme un acteur sur lequel compter. Outre l’implication de plus en plus forte de designers dans les entreprises pour valoriser des savoir-faire artisanaux et des outils industriels existants, les acteurs du secteur développent avec dynamisme de nouveaux marchés, dont le contract, assurant aussi bien une offre en grande production que des réalisations sur-mesure. Et le secteur du haut de gamme est de plus en plus visé.
À Maison & Objet, après une belle présence en janvier dernier pour le mobilier, ils étaient une trentaine d’exposants à présenter des marques portugaises à cette édition de septembre. Mobilier, art de la table, accessoires déco, luminaire, literie… la présence portugaise dans l’univers de la maison couvre l’ensemble des catégories. Les savoir-faire sont reconnus, aussi bien dans la céramique, l’ébénisterie, la métallurgie, le textile, et nombre d’acteurs français font appel à des partenaires portugais pour fabriquer leurs propres collections.
C’est d’ailleurs ce qui ressortait des échanges lors de la Portugal Home Week en juin dernier à Porto, un événement dont on prédit la montée en puissance, au regard de la qualité internationale du visitorat : architectes de grands groupes, décorateurs, prescripteurs en tous genres d’Europe et d’Amérique du Nord, prenaient le temps d’échanger sur chaque stand, dans ce salon à taille humaine, à l’affût d’outils industriels et artisanaux à même de s’adapter à leurs projets pour développer un marché dit « bespoke ». Parallèlement, un cycle de conférences prospectives partageait expériences et points de vue sur l’habitat de demain.
À la rencontre des prescripteurs
Si on a retrouvé cette année, sur ces dernières éditions de Maison &Objet, des acteurs forts (voire séculaires pour certains) comme Herdmar (art de la table), Colunex (literie), Barro (céramique), Laskasas (mobilier) ou Wewood, pour donner un aperçu éclectique, voire des jeunes designers à l’image du studio HATT, la plupart étaient bien évidemment présents au rendez-vous de Porto. D’ailleurs, à la Portugal Home Week, il était vraiment intéressant de noter comment chacun communiquait sur son expertise.
À titre d’exemple, Laskasas n’a pas hésité à produire une superbe brochure, où la marque met en scène ses propres collections dans des maisons iconiques d’architectes et de designers. Personnalisant ainsi son rapport avec les prescripteurs dans l’aménagement intérieur, elle se positionne ainsi directement sur un secteur haut de gamme, qu’elle est à même de revendiquer aisément en souplesse de production. Dans un autre registre, à Porto également, Claraval présentait des vases en céramique, alliant savoir-faire traditionnel et technologie 3D avancée, des collections dont l’esthétique épouse la transcription formelle d’une voix ou d’un chant. Là aussi, au-delà de ces créations sublimes en petite série, on imagine très bien le potentiel de personnalisation d’un tel process pour des projets d’exception.
On l’aura compris, les acteurs Portugais sont indéniablement proactifs : que ce soit pour ouvrir leurs productions à l’export – compétitives dans tant dans la qualité, la quantité et les délais — ou pour cibler des projets sur mesure, ils saisissent habilement cette tendance actuelle à repenser les circuits de production dans une forme de proximité. Et à se projeter « next step », en se positionnant d’ores et déjà sur des secteurs en cours de défrichage. Ainsi, à la Paris Design Week, au cœur de la Factory (programmation dédiée à la jeune création, le tout jeune collectif GirGir revendiquait de travailler uniquement à partir de recyclage, réemploi de déchets industriels, en présentant pour cette fois des premiers prototypes conçus à partir de chutes de marbre, mais affichant une détermination à travailler avec d’autres ressources.
Pendant la Paris Design Week, Gaggenau accueille au sein de son showroom l’exposition FUSION.S, en partenariat avec la Faïencerie de Charolles.
Au sein de son nouveau showroom situé dans le quartier Saint-Germain, Gaggenau invite ainsi les architectes, le grand public et amateurs de design à découvrir un lieu inspirant, mettant en scène les appareils de la marque dans une architecture imaginée par le studio allemand 1zu33. Tournée vers le partage, la marque propose toute l’année une programmation variée en lien avec les événements dédiés au design et à l’architecture d’intérieur. Pour la Paris Design Week du 7 au 16 septembre, Gaggenau accueille les créations de la Faïencerie de Charolles à travers l’expsoiton FUSION.S qui met en valeur la rencontre de deux savoir-faire d’exception issus des «métiers du feu» et de la cuisson. Des techniques basées sur les changements d’états et de la matière, de la forge au travail du métal, aux techniques de l’émaillage et de la céramique.
Une ode à la couleur
Pour cette exposition, les pièces choisies par le studio FdC contrastent avec le design discret et travaillé des appareils électroménagers de la marque et l’architecture du showroom. Ainsi, les racines historiques des deux marques s’entrelacent tout en valorisant leur modernité. À travers les créations de sa nouvelle collection “Minéral Fantastic”, la Faïencerie de Charolles fait une ode à la couleur vibrante et contemporaine. Imaginée comme un voyage, la collection est née d’une réflexion sur la minéralité de la Faïence, matériau au coeur du savoir-faire de la marque. Fabriquée à la main en Bourgogne, cette sélection met l’accent sur des pièces aux volumes aériens aux formes XXL et un gros travail de la couleur.
Innovation et tradition sont deux notions souvent confrontées dans la conception. Toutes deux véhiculent des valeurs techniques qui sont et industrielle et artisanales. Généralement considéré comme héritage ancestral, l’artisanat est souvent immuable. À l’inverse, l’innovation sous-entend une idée de renouvellement perpétuel. Et si l’hybridation de ces savoir-faire traditionnels et des nouvelles technologies était la nouvelle valeur ajoutée à la création au sens large ? Artisans, designers et entreprises croisent leurs regards sur ce phénomène en plein essor.
Nouveau fabricant éditeur de mobilier, les Éditions Souchet viennent de lancer Lifflow, une première collection aux formes justes. Nicolas Souchet, menuisier en sièges et fondateur de la marque, collabore avec le designer Grégory Lacoua (portrait dans le numéro 210 d’Intramuros), tour à tour tapissier, décorateur d’intérieur et designer, sur ce projet. « La vision de mon métier est de pérenniser la main de l’homme. » L’entreprise travaille essentiellement le bois en développant l’usage du numérique en amont. Cette étape permet d’offrir plus de temps de travail à réelle valeur ajoutée à l’artisan. Pour le guéridon Twirl, la machine travaille sur 70% de la fabrication avec une précision au dixième de millimètre. Le menuisier intervient par la suite en réglant les courbes du meuble dans un soucis d’harmonie des sens, que sont la vue et le toucher. On a tendance à penser que la machine enlève de la valeur ajoutée à une pièce, mais pour Grégory Lacoua, il n’y a que de la complémentarité entre machine et main. « Avec notre collection, on casse cette image et on met les deux savoir-faire au même niveau, aucun n’est le parent pauvre de l’autre ! »
Ici, la conception assistée par ordinateur optimise la maîtrise du dessin, de l’épure, de la géométrie descriptive et de la masse capable (la quantité de matière à utiliser). Il y a moins de pertes, ce qui est un véritable devoir, tant d’un point de vue écologique qu’économique. Et Nicolas de rebondir : « notre collection a pour objet de montrer notre savoir-faire de menuiserie en sièges. Associer Grégory, qui a une connaissance technique accrue, au projet était important. Cela a permis une vraie efficacité d’usinage. » Les trois pièces de la collection symbolisent les valeurs de la marque : solidité, exigence, générosité et confort qui découlent d’une fusion du geste de la main et de l’exploration du numérique.
Un juste équilibre entre deux expertises
Si l’héritage des savoir-faire ancestraux devait être symbolisé, il le serait sans aucun doute par le compagnonnage. Depuis le Moyen Age, les Compagnons du Devoir s’engagent à transmettre leur expertise. Contre toute attente, certains d’entre eux utilisent désormais le numérique comme outil de travail. Talentueux et déterminé, Kevin Joly débute le compagnonnage à 14 ans, en taille de pierre. Deux ans plus tard, il débute son tour de France avec une idée en tête : allier la taille de pierre à une nouvelle technologie. Son projet voit le jour lorsqu’il créé un pôle technologique au sein d’une entreprise de taille à 22 ans. Modélisation 3D, programmation de machine numérique 5 axes, numérisation 3D font partie du pôle, le tout accompagné d’une charte conventionnelle qui définit la part du travail de l’homme et celle de la machine.
En 2018, Kevin fonde sa propre entreprise, i-Craft, dans laquelle haute technologie et taille de pierre se rejoignent. I-craft reflète les assemblages et la réflexion de divers processus qui se créent dans ma tête. L’optimisation des pratiques dans un concept d’évolution contrôlé est importante pour les métiers, pour l’humanité́. Parfois mal vue, l’association de ces deux pratiques, pouvant être considérées comme contradictoires par certains, valorise le geste de la main et permet de réinventer le champ des possibles. Le numérique permet de développer des points précis dans la chaine de production.
I-Craft collabore avec de nombreux groupes, dont des multi nationaux, mais aussi avec des artisans, sur des projets de création, de réfection et de restauration. Le Studio Sherlock, incubateur du Patrimoine du Centre des Monuments Nationaux, en fait partie. Charlotte Trigance, ingénieure en charge du studio, travaille sur des méthodes innovantes dans le cadre de restauration du Patrimoine. Le numérique intervient comme outil de médiation qui permet de retranscrire la compréhension du fonctionnement des ouvrages d’une manière imagée et compréhensible par tous. Il simplifie certaines interventions et apporte des informations en grande quantité. Il est au service de notre approche et non l’inverse.
Également compagnon, Mathieu Herce travaille aujourd’hui chez XtreeE spécialisé dans l’impression 3D béton à grande échelle. Après avoir été responsable de l’Institut des Métiers de la Maçonnerie pour les Compagnons du Devoir, poste axé sur la veille technique et la formation, il intègre la plateforme dédiée au béton en 2019. En tant que maçon, j’ai voulu me rendre compte de l’impact que cette technique peut avoir sur mon métier et quelles compétences sont désormais nécessaires pour les maçons. En constante évolution, le métier inclue des techniques actuelles tout en s’adaptant à celles de l’avenir. Chez les Compagnons maçons, des groupes travaillent régulièrement sur le devenir du métier, de manière à être en mesure de préparer les compagnons de demain. Pour XtreeE, Mathieu est responsable de la production. Il travaille notamment sur du mobilier 3D mais aussi sur des logements 3D.
Notre société tente à la fois de renouer avec d’anciennes pratiques afin de cultiver un mode de vie plus juste, tout en développant des supports toujours plus innovants pour un meilleur confort de vie, le rapprochement entre ces deux savoir-faire devient alors une réflexion justifiée. Loin d’être incompatibles, l’articulation d’une recherche hybride entre tradition, innovation et technologie d’usinage numérique est une relecture d’un nouveau type, celui de sublimer le geste artisanal.
Diplômé en 1985 d’un Master en architecture et urbanisme à la Cornell University de New York, collaborateur pendant près de seize ans d’Andrée Putman , Elliot Barnes a à son actif l’aménagement de plusieurs résidences privées, showrooms et bureaux dans le monde entier. Également contrebassiste, ce passionné de jazz signe le réaménagement du fameux club parisien Le Duc des Lombards en 2008 et le décor du siège social de Ruinart à Reims en 2010. À cette occasion, il développe, entre autres, un papier-peint dit Wine paper, mélange de peaux de raisin avec du chanvre et du lin ainsi que le sol Granito, réalisé à base de bouteilles de champagne concassées. Car l’architecte franco-américain, amoureux des Arts décoratifs, est toujours à la recherche d’expérimentation.
[Cet article est en complément de l’entretien paru dans le numéro 210 d’Intramuros : « Elliot Barnes ou les Arts décoratifs à fleur de peau »]
Endless Summer, Pli, Starfish ou Onde … Le travail de la peau sous forme du cuir occupe une place importante dans vos créations. D’où vous vient cette fascination ?
Tout a commencé avec Onde en 2014. Je voulais considérer le cuir comme une structure et non comme un élément qui couvre. Je l’étudiais en le manipulant, en le pliant. J’ai aussi repensé à Franck Gehry : dans les années 1970, il a fait un énorme travail avec du carton ondulé, notamment avec sa fameuse chaise (ndlr : The Wiggle Side Chair). Pour moi c’est un chef-d’œuvre. J’aime beaucoup cette démarche de détourner les choses de notre vie courante. Ça offre tout de suite un autre langage aux objets. Cette notion de détournement fait partie de mes origines qui me lient avec Andrée Putman mais aussi avec mes débuts en architecture. Je n’ai pas une fascination proprement dite pour le cuir. Disons que je suis amoureux des finitions et j’aime bien avoir une sorte d’extravagance calme et maîtrisée. Cette notion de couvrir rejoint ce que nous, architectes d’intérieur, faisons, c’est-à-dire couvrir ou habiller des espaces. Il y a donc un lien conceptuel derrière tout ça. Mais en réalité, cette exploration du cuir a démarré en 2013, pour AD Intérieurs à l’hôtel de Miramion. Au lieu d’habiller une pièce avec des boiseries traditionnelles, je voulais des matériaux souples comme le cuir. J’ai cherché à le plisser à la manière des origamis japonais. Je voulais des lignes droites disposées comme des éventails. Quand on commence à manipuler le cuir, toute une réflexion se met en place, les objets viennent peu après. Et puis cela dépend des collaborateurs rencontrés. Le tapissier Philippe Coudray a réalisé tous les panneaux pour ce salon. C’est toujours une question de dialogue.
Effectivement, Pierre-Yves Le Floc’h, tapissier très discret, ne voulait pas seulement se cantonner au métier traditionnel, mais aussi explorer de nouvelles techniques. Vous êtes devenu un duo de choc.
C’est une sorte de génie. Il parle très peu, il écoute, il va dire deux ou trois choses et on se sent en confiance. Puis il revient avec des premières maquettes et je suis bluffé. Aujourd’hui des marques de luxe font appel à lui, car il leur apporte un savoir-faire, une expertise et surtout cette exigence que j’apprécie.
La table Écume, pièce unique, semble se démarquer de votre production.
C’est une pièce un peu extravagante qui fait une sorte de contrebalance à des pièces épurées, comme Endless Summer justement. Elle réunit beaucoup de techniques dont celle du cuir, la découpe, le placage de ce papier de sel, ainsi que la recherche de transparence du verre. Tout ça conçu, maîtrisé et assemblé par Pierre Yves, sans oublier le travail du verre par Judice Lagoutte avec cette loupe qui change l’échelle et crée un effet de surprise. Qui dit « cuir » dit « peau ». Je questionnais ce genre d’associations de manière assez libre au point de vouloir tatouer le cuir. Mais ça n’a pas abouti car le cuir, peau déjà morte, ne s’allie pas avec la technique du tatouage. Ce motif au fond de la table reprend des formes de la culture indoue notamment le yogi. Pour la forme, l’idée était de coucher le cuir sur la tranche de façon à créer une base solide sur laquelle repose la table. Écume est une pièce unique, mais elle rassemble des idées que nous ressortirons pour d’autres pièces. Elle sert de dictionnaire de matières, de formes et de détails.
Vous aimez intégrer un ornement dans vos pièces dont cette rosace marquetée sur la table Écume ou les sphères sur le piètement d’Endless Summer. Quelle est votre vision de la place de l’ornement ?
A vrai dire, je suis plutôt un moderniste dans le sens où j’aime les choses épurées. S’il y a de l’ornement, c’est en le faisant sortir de la matière, tel le galuchat ou le gypse, ou encore le veinage naturel des plaques des marbres par exemple. Disposé en frisage ou en « livre ouvert », il s’en dégage quelque chose de fort. C’est très « loosien ». J’entends par là Adolf Loos (1870-1933) qui, dans son opus Ornement et Crime (1908), parle justement de ne pas rajouter de choses. Mais comme il y a du bonheur dans la contradiction, il fallait quand même ajouter dans cette pièce tellement épurée une touche avec ces sphères en laiton poli. Aujourd’hui le banc existe dans une version sans sphères.
Comment cherchez-vous l’inspiration ?
C’est un processus de laisser-aller. Me laisser porter par un mot, un bruit, une lumière et à partir de là, plonger dans ma tête et chercher des associations libres. L’intonation d’un mot peut faire penser à quelque chose et le rattacher à un objet, à l’image de la collection Poinciana avec la maison Delisle en 2017. Nous l’avions présentée à l’hôtel de la Monnaie au Salon AD la même année. Je devais décorer un salon en hommage à Jean Varin (1607-1672), un important graveur de la Monnaie sous Louis XIII. Or certains outils de graveurs me faisaient penser à ceux des tapissiers qui travaillent le cuir, ce qui m’a amené à chercher des rapports avec le cuir. Avec Jean Delisle et Pierre-Yves, on a cherché tous ensemble à gainer la structure des lampes. Comme source d’inspiration formelle, j’ai regardé les outils de graveurs dont les manches des poinçons. Je les ai alors retravaillés à la manière de l’art très élargi des œuvres des années 1960 de Claes Oldenburg (né en 1929). J’ai alors proposé à Jean Delisle de nommer cette collection Poinciana. Sa collaboratrice, Ornella, musicienne comme son mari, a à son tour fait le lien avec le tube Poinciana (1936) de Nat Simon. Cette association de poinçon /Poinciana et de renvois très libres m’amuse.
Vous-même êtes contrebassiste. Est-ce que la musique vous inspire des formes ?
Pour moi c’est un processus. Je m’explique : quand on est contrebassiste dans un ensemble, surtout en jazz, on a un rôle de leader, mais qui reste en arrière-scène. Bien souvent on pense que c’est la batterie qui donne le tempo, mais en réalité c’est le contrebassiste. Quand j’ai monté mon agence, j’aimais justement être le gars en arrière-scène qui orchestre tout pour que mon équipe puisse à son tour créer des solos. On est ici et on travaille tous ensemble. Cette ambiance de musique et d’improvisations nourrit vraiment le travail. C’est une jam session. Lorsque je reçois des gens en entretien, je leur raconte souvent cette histoire qui était arrivée à Miles Davies quand il était en train d’enregistrer un disque dans les années 1950. Pendant la préparation, un de ses saxophonistes vient le voir en lui demandant « Miles tu veux que je joue quelles notes » et Miles Davies lui répond « play what the fuck you want! » (joue ce que tu veux bordel !). C’est vrai ! vous êtes musiciens, ne demandez pas quelles notes il faut jouer, jouez ! Il n’y a jamais de mauvaises notes comme disait Herbie Hancock. Donc ici, il ne faut pas venir au bureau me demander ce qu’il faut faire. Vous êtes professionnel, designer, architecte d’intérieur, alors proposez ! Et si vraiment ça ne marche pas, on en parlera. Personne ne peut vous apprendre à créer. Soit vous créez, soit vous ne créez pas. En revanche on peut vous enseigner le contexte dans lequel vous allez créer. Et ce contexte d’art et d’histoire a cinq mille ans. En tant que créateur, j’estime que c’est votre devoir de le connaitre. C’est ce qui nourrit votre vocabulaire, votre langage et qui vous donne le moyen d’improviser librement… donc de créer !
Sur le chantier de la maison Ruinart vous avez exploré de nouvelles matières à partir d’éléments authentiques tels le Wine paper. Comment vous est venue l’idée ?
En visitant le site, j’étais impressionné par le silence qui régnait sur ces 26.000 mètres carrés comprenant jardins, terres, bâtiments de productions, le tout accompagné d’une remise en question en tant que créateur : que pouvais-je apporter à la plus vieille maison de spiritueux du monde ? J’ai alors réalisé assez vite qu’il ne fallait pas apporter mais exporter les choses. J’en ai parlé au président de l’époque, Stéphane Baschiera, en lui expliquant que tout ce dont j’avais besoin existait déjà sur ce site. Pour le minéral, je pouvais extraire la pierre des crayères, remployer les anciens fûts pour avoir du bois ou me servir des bouteilles pour le verre. Mais à un moment, j’ai eu un souci budgétaire et esthétique pour recouvrir un mur. Je voulais faire du papier-peint, or dans mon esprit, qui dit papier dit plante, qui dit plante dit vigne, qui dit vigne dit raisin… Ainsi, par association libre d’idées, j’ai choisi de faire du papier à base de raisin. En effectuant des recherches on s’est rendu compte que ça n’existait pas. J’ai alors contacté un vigneron en Bourgogne qui a fait des essais avec le pressage des peaux de raisin. Il y a eu plein de problèmes avec les premiers échantillons. Le papier commençait à moisir, les pépins restaient collés… Puis j’ai rencontré un artisan en Bourgogne spécialisé dans la fabrication de papier avec du lin et du chanvre. Ce mélange entre le raisin et le lin donnait une consistance au papier mais faisait aussi un nouveau lien avec l’histoire des moines de Dom Pérignon. Leur gourde avait des bouchons en liège maintenus par des ficelles en chanvre. Donc mélanger le raisin des vignes de Ruinart m’a permis de faire un produit spécifique à cette maison, au point que l’on peut parler d’une cuvée de papier. Et ce qui m’enchante encore plus dans ce développement du langage, c’est qu’il y a une osmose entre les vignerons de Ruinart qui font leur champagne une fois par an et moi qui fait aussi un papier tous les ans.
Vous considérez-vous comme un partisan de matériaux écoresponsables ?
Être écoresponsable est important bien sûr. On peut penser le mobilier dans cette optique-là, mais des gens bien plus spécialisés que moi travaillent sérieusement sur ces projets à tel point qu’ils sont déjà prêts à les industrialiser. Mais pour moi, être écoresponsable n’est pas suffisant. Il faut être créatif, rajouter une notion esthétique. Il faut inscrire tout cela dans l’Histoire des Arts décoratifs. Il y a une sorte de va-et-vient entre l’actualité et cette tradition française des Arts décoratifs qui m’est primordiale.
Vous semblez avoir un profond respect pour l’art classique français et italien. En 2013 par exemple, lors de l’exposition « Transposition », le musée Carnavalet vous a invité à établir un dialogue entre votre mobilier et les collections du musée. Comment avez-vous abordé cela ?
Être invité par le musée Carnavalet qui rassemble des objets fascinants était énorme. Mais je reste un enfant des années 1960. Même s’il y a des influences plus anciennes, je fais du mobilier d’aujourd’hui, donc je n’ai pas la prétention de mettre en rapport les boiseries extraordinaires du musée avec mon travail. Il faut juste arriver, poser ses œuvres, et les laisser comme ça, parfois en contrepoint avec des pièces historiques. Cette confrontation contemporain/historique est suffisante. Chaque pièce renvoie une lumière de façon à laisser le visiteur libre de tirer ses propres conclusions. C’était ça le but de « Transposition ».
Vous présentiez ces pièces sous le nom d’Elliott Barnes Sessions…
Quand le musicien va enregistrer on appelle ça une session. C’est le concept de sortir une collection, un disque. J’y présentai Onde, Pli, Petal, Replis I et II, Orbite et aussi d’autres pièces que j’avais dessinées pour Ecart International entre autres.
L’actualité évoque une nouvelle collection de luminaires Iqanda. Pouvez-vous nous en parler ?
Iqanda est le résultat d’une rencontre avec Antoine Tisserant. Il avait dans son showroom des œufs d’autruche qu’il m’a envoyés. Je les ai gardés pendant pratiquement un an, comme si Antoine avait semé dans ma tête des graines d’idées qu’il laissait germer. Je l’ai recontacté pour en faire des luminaires. Il y a réellement une tradition séculaire de l’œuf d’autruche dans l’histoire des Arts décoratifs. De ces cadeaux rapportés d’Orient, on en faisait des objets d’art en les gravant. Mais je voulais partir dans le travail de la forme et mettre en valeur le métier de bronzier d’art de Tisserant, notamment avec ce travail de cannelure qui leur est propre. Dans le langage sud-africain, Iqanda signifie œuf. Ils ont été coupés avec une lame diamantée et l’intérieur a été poncée pour retirer la peau. Quand elle pond, l’autruche ne fait jamais des œufs de même dimension. Chaque œuf est donc unique.
Avez-vous ressenti une différence dans le travail de la décoration lors de votre passage des Etats-Unis en France ?
Ma dernière expérience dans une agence américaine remonte à plus de 15 ans maintenant, donc ça a certainement bien changé depuis, mais j’ai le souvenir que lorsqu’on avait besoin d’une porte par exemple, on choisissait simplement dans un catalogue la forme, les poignées, les charnières etc. Alors qu’en France, à mon arrivé chez Ecart International, il fallait complètement dessiner les portes des maisons ! Du coup, j’ai appris à les dessiner avec leur structure, leurs éléments… Puis sur les chantiers, j’ai rencontré les vrais artisans : Je voyais les staffeurs en train de travailler le plâtre avec leurs mains, faire des moulures, les compagnons façonner sur place les éléments. J’étais stupéfait. C’est vraiment là où j’ai développé cette appréciation pour l’artisanat d’art français. C’est vraiment unique au monde. Aujourd’hui, je m’appuie beaucoup sur la créativité des artisans et des fournisseurs avec qui je collabore. J’adore Martin Berger, Manon Bouvier, ou Phillipe Hurel par exemple, mais aussi les gens que je rencontre sur les chantiers.
Quels sont les savoir-faire qui vous enthousiasment le plus ?
Sans hésiter la marqueterie et les coloristes. La couleur me fascine réellement. Elle est compliquée, je l’étudie pour mes collections de tapis avec Tai Ping. En ce domaine, Tai Ping sont vraiment des maîtres avec ce travail de laine et de soie. Discuter de la couleur avec eux c’est vraiment impressionnant. J’ai dû étudier les travaux de Joseph Albers (1888-1976) pour aller un peu plus loin. Il me reste encore beaucoup de travail à faire.
Vous avez été l’un des principaux collaborateurs d’Andrée Putman. Comment s’est passée votre rencontre ?
J’avais déjà un projet de venir habiter en France depuis l’âge de 15 ans environ. J’étais dans un lycée français aux Etats-Unis et j’étais profondément marqué par le cubisme et par les personnalités comme Gertrud Stein, Hemingway, Picasso et toute cette époque-là. J’y faisais déjà plusieurs voyages pour rencontrer des architectes, de façon à comprendre la vie parisienne et voir comment je pouvais m’y insérer. Puis j’ai découvert le travail d’Andrée Putman dans la presse. Avant de faire de la création, le studio Ecart d’Andrée Putman consistait à rééditer du mobilier moderniste tombé dans l’oubli à l’époque. Sa connaissance de l’Histoire pour faire de la création faisait sens pour moi. C’est pourquoi je suis allé la voir.
Quel est l’aspect qui vous a le plus marqué dans son travail et qui vous influence encore ?
La curiosité. Ce refus d’être enfermé dans une catégorie. Andrée a côtoyé toute sa vie des artistes incroyables. Elle a atteint dans son travail une véritable liberté d’artiste. Andrée ne voulait jamais se répéter. Je me souviens des séances de travail avec elle où il fallait saisir cette chance de créer et aller toujours plus loin et se remettre en question. Tout le personnel de l’agence était d’ailleurs très jeune. Cette jeunesse lui donnait des idées. C’est ce que je fais exactement ici dans mon agence. Comme elle, je cultive cette sorte d’échange, de master class.
Vous consacrez une part de votre temps à la transmission. Vous enseignez en effet à l’Ecole des Arts déco. Quelle discipline y enseignez-vous ? Quels sont les enseignements les plus précieux que vous voulez transmettre à vos élèves ?
Je donne des cours d’architecture d’intérieur. A l’intérieur de ça, j’essaie de donner des outils à mes élèves qui leur permettraient de confronter différents types de problèmes. Encore une fois, je ne peux pas leur enseigner la créativité, ce n’est pas mon domaine. Mais je peux leur montrer différents outils qui leur permettraient de nourrir leur propre créativité et apporter des solutions à des situations. Concernant la transmission, ce sont les élèves qui m’apportent quelque chose. Depuis mes tous premiers cours à l’université, quand on doit expliquer quelque chose à quelqu’un, on apprend à organiser ses idées et à se mettre en arrière, en toute humilité. Il n’y a que les étudiants qui peuvent vous apporter cela. C’est une grande leçon. Ce qui est important ce n’est pas mon projet mais le leur et je les aide à faire de leur mieux.
Ensuite, qu’ai-je à leur apporter ? Tout d’abord l’Histoire et la théorie de l’architecture pour connaitre sa gamme et ses accords. Comme je le disais tout à l’heure, ça mène vers cette possibilité d’improviser, de créer. Enfin, il est toujours important de prendre un crayon avant de prendre un clavier d’ordinateur. Notre métier est avant tout de dessiner et de communiquer des informations à travers un dessin, sans quoi vous compromettez vos idées.
Quel est votre regard sur la jeune génération d’artisans qui s’installent ?
Ça doit être très compliqué. Mais aujourd’hui on a une meilleure appréciation du travail artisanal qu’il y a trente ans. On apprécie les choses faites à la main, d’autant plus que dans ce « fait main » il y a ce geste de faire quelque chose pour quelqu’un d’autre. Je pense que dans cette société où l’on vit à travers nos portables, on a tendance à perdre cette notion de « quelqu’un a fait ça pour moi ». C’est ce que préservent les chefs avec cette notion basique de nourrir quelqu’un. C’est une chance, un honneur et une véritable responsabilité. L’engouement des jeunes artisans qui rentrent dans ce contexte est merveilleux, on a donc bien progressé.
Pour l’ornement d’un château danois, La Nouvelle Fondation Carlsberg a confié au Mobilier national la réalisation de 16 tapisseries d’exception. Ce lundi 5 juillet, les cartons étaient enfin dévoilés !
L’aménagement du château de Koldighus nécessitant des tapisseries d’entre-fenêtres, La Nouvelle Fondation Carlsberg s’est tournée vers la France pour leur conception. L’organisation possédant l’une des plus grandes collections d’art français par-delà les frontières, la Fondation, dirigée par Christine Buhr Andersen, s’est naturellement dirigée vers une institution française, le Mobilier national, pour l’excellence de son savoir-faire.
Pour cette commande exceptionnelle, les tentures seront donc tissées au sein de la Manufacture des Gobelins. Dans une belle transversalité d’époque, les techniques ancestrales mettront en valeur les choix graphiques très contemporains des quatre artistes danois ayant conçu les cartons : Bjørn Nørgaard, Tal R, Alexander Tovborg et Kirstin Roepstorff. « Ce rapport entre une tradition plusieurs fois séculaire et les artistes contemporains est essentiel pour la faire perdurer » explique Hervé Lemoine, directeur du Mobilier national.
Les tapisseries seront réalisées aux Manufactures des Gobelins et de Beauvais par des lissiers travaillant pour le Mobilier national. Mais aussi aux Ateliers privés d’Aubusson dont le savoir-faire est classé depuis 2009 au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.
Commencée en juillet 2020, la plus grande des tapisseries – longue de près de 8 mètres ! – devrait demander encore trois ans de travail. Mais ce lundi 5 juillet « est vraiment un grand jour car l’on rencontre enfin les artistes qui ont dessiné le projet ! » souligne l’une des lissières.
Pour Clément Beaune, secrétaire d’État aux Affaires européennes, ce projet est aussi « une respiration formidable à l’heure où la culture repart ». Et il semblerait que chaque fil soit autant « de symboles des relations et des liens qui unissent la France et le Danemark ».
Pour sa dernière collection de tapis, Lady Deirdre Dyson rend hommage à deux matériaux qu’elle affectionne, la pierre et le papier. Après celle de 2020, Looking Glass, Paper & Stone réinterprète ces nouvelles matières tout en subtilité et douceur.
« Le tapis est pour moi un travail artistique qui apporte de l’âme à un lieu » : voilà plus de vingt ans que l’artiste Deirdre Dyson dessine des tapis tissés ou noués main. À l’époque, il lui est difficile de mettre la main sur le tapis qui lui convenait. En le cherchant, la créatrice tombe à pieds joints dans ce monde qu’elle ne connaît pas, celui du tapis. Un tapissier lui propose alors d’en réaliser un d’après une de ses œuvres, et de fil en aiguille, les collections s’enchaînent. Depuis, elle a repris le flambeau de cette fabrique dans laquelle elle travaille sur les collections avec son équipe.
Aujourd’hui, c’est entourée de plus de 5000 pompons de laine et de soie qui composent sa palette de couleur que Deirdre Dyson choisit les tonalités de ses créations : « Je n’ai pas besoin de les mixer comme en peinture, j’essaie de choisir les couleurs avec des contrastes et des intensités différentes pour créer des reliefs et du mouvement. »
C’est à la commande que la composition d’un tapis est définie, soit en laine pure tibétaine, en soie de Chine ou en associant les deux. Tous tissés ou tuftés à la main (certifiés Goodweave) au Népal par des tisserands d’exception, les dessins de ces tapis sont généralement suggérés par la nature laquelle est déjà source d’inspiration des peintures de Deirdre Dyson. On y retrouve toujours beaucoup d’harmonie et de subtilité dans le choix des coloris.
Chaque tapis est une pièce unique puisque créé à la demande et choisi en fonction des couleurs, des matières ou encore des dimensions.
Certains des sept tapis de Paper & Stone font écho au trompe-l’œil avec les jeux d’ombre du papier plié dont la forme est reprise dans la découpe du tapis même, ou à la feuille de papier déchirée sur un tapis rectangulaire. Ces tapis peuvent être posés au sol, mais parfois suspendus. Ainsi, la tenture murale Dry Stone donne cette impression d’un mur en pierre.
Après avoir exposé sur le salon Maison & Objet, Deirdre Dyson a pris conscience que son travail était non seulement reconnu mais aimé du public français. C’est pour cette raison qu’elle a ouvert en 2020 une galerie parisienne, à Saint-Germain-des-Prés, où il fait bon admirer son travail à sensations, celles du regard et du toucher.
Lady Dyson dessine chaque année une nouvelle collection avec beaucoup d’enthousiasme : « Selon moi, le plus important et ce qui me tient le plus à cœur est de créer des choses qui sont en cohérence avec mes expériences et mes valeurs. » On attend celle de 2022 avec impatience !
Galerie Deirdre Dyson, 12, rue des Saints-Pères, 75007 Paris
Les artisans de l’atelier Kann Design réunissent leurs savoir-faire afin de produire des meubles et modules sur mesure. Des réalisations dont les matériaux nobles ont pour mission d’embellir ou de redonner vie aux intérieurs.
Une partie de l’activité du collectif Kann Design consiste à produire des meubles sur-mesure, depuis le Liban, pour des projets d’aménagement d’intérieur. Fondé en 1958 à Beit Chabab au nord de Beyrouth, par le père de Houssam Kanaan (fondateur de Kann Design), l’atelier rassemble des artisans indépendants : ébénistes, soudeurs, tapissiers, peintres et canneurs travaillent de concert avec les architectes d’intérieur pour mener à bien des projets comme le restaurant Clover Gordes ou le Chess Hotel.
Le Clover Gordes
Pour réaliser ce restaurant du chef étoilé Jean-François Piège, Kann Design s’associe à l’agence Notoire et offre un mariage entre inspiration parisienne et maison de campagne du Luberon.
À la demande du chef drômois, le restaurant reprend l’essence simple et authentique du Clover, situé dans le 7e arrondissement de Paris : Kann Design reprend les banquettes en cuir, les tables en marbre, les chaises bistrot et y ajoute un vaisselier, pièce unique et centrale du restaurant.
Ces pièces se lient aux murs teintés d’un vert tendre et rappellent les champs d’oliviers, le romarin ou encore la sarriette, apportant une note de douceur à la pièce. À l’ombre de la pergola, au coeur de la Bastide de Gordes, des fauteuils en rotin sont rehaussés de motifs dépareillés, entre les pots d’oliviers et de lavande, comme si l’on venait tout juste de dresser une table dans le jardin. Les couverts et la vaisselle ont été chinés pièce par pièce pour renforcer l’authenticité du lieu.
Clover Gordes
Rue de la Combe, 84220 Gordes
The Chess Hotel
L’hôtel 4 étoiles The Chess prend vie grâce à la collaboration de Kann Design avec l’architecte Pauline D’Hoop. L’atelier libanais réalise un ensemble de meubles et de modules sur-mesure qui amènent chaleur et personnalité à l’hôtel du quartier de l’Opéra, à Paris.
La cannage domine encore ces réalisations : on le retrouve sur les têtes de lits des 50 chambres, les banquettes, certains murs et les miroirs du lobby.
Les tables de marbre viennent compléter le bar dominé par le cuir et le laiton, tandis que le rotin et le velours côtelé apportent élégance et originalité.
The Chess Hotel
6 Rue du Helder, 75009 Paris
Chanel Kapitanj fonde son studio éponyme de design et de ferronnerie en 2017, avec pour mot d’ordre le minimalisme. Une approche de travail qu’elle se réjouissait de présenter au SaloneSatellite – Salone del Mobile Milano 2020, finalement annulé en raison de la crise sanitaire du Covid-19.
Chanel Kapitanj est aujourd’hui métallier soudeur, un métier dont elle est “tombée amoureuse”. Après un master en design industriel, la jeune Belge se lance dans une formation à l’IEPSCF Blegny-Visé de Liège. Elle touche à tous les procédés de la soudure, dont le TIG qui permet “un résultat fin et esthétique”.
La designeuse fonde son studio en 2017 avec la volonté de travailler les matériaux froids et le métal uniquement, car “il permet des combinaisons de possibilités infinies”. Elle concède aussi être attirée par cette matière depuis son enfance. Fille d’un ouvrier fraiseur, elle passait son temps dans l’atelier de celui qui est aujourd’hui son conseiller technique.
La résistance du métal plaît à la jeune femme : “cela me permet d’imaginer des projets fins et moins massifs qu’avec un autre matériau.” Comme en témoigne son étagère Moon qui associe des plateaux de 2 mm d’épaisseur et des montants en tubes de 20 mm de diamètre, “ce qui reste très fin pour une étagère avec une finition zingué bichromaté.”
Les projets de la jeune femme ont un point commun : le minimalisme. Partisane du “less is more”, Chanel Kapitanj s’attache à mettre en évidence les matières métalliques sans surcharger les structures de ses projets. C’est cette vision de l’économie de matière qu’elle souhaitait montrer au SaloneSatellite – Salone del Mobile Milano 2020. Malheureusement elle n’en aura pas l’opportunité. La 11e édition de cet évènement consacré aux designers de moins de 35 ans a dû être annulée à cause de la crise sanitaire qui touche en ce moment l’Europe.
La designer belge comptait présenter trois projets lors du salon milanais. L’étagère Blow joue sur le contraste des matières : la structure est en acier inoxydable soufflé et réfléchissant tandis que les étagères sont en acier inoxydable brut. L’étagère Doll est constituée de deux formes simple en laiton, un cercle et un cône, qui donnent l’illusion de flottement une fois accrochée au mur. Le dernier projet est la Coiffeuse. Définition même du minimalisme elle associe un plateau et un cylindre percé pour y ranger ses accessoires beauté.
Cette opportunité manquée n’arrête pas Chanel Kapitanj, qui travaille actuellement sur son mobilier Pierre d’acier. La gravure confèrera à l’acier de la structure un rendu proche de celui de la pierre.
La Maison Duvivier Canapé diversifie son activité depuis le début du mois d’avril, afin de répondre aux besoins des hôpitaux de la Vienne. Les équipes s’attellent à la fabrication de de matériel de protection pour le personnel soignant.
Réputée depuis 1840 pour ses canapés, fauteuils et son mobilier, la maison française prolonge la chaîne de solidarité qui se met en place afin d’épauler les services hospitaliers de l’Hexagone.
À l’instar des Ateliers Vanderschooten, qui concentrent leur activité sur la fabrication de masques, la Maison Duvivier Canapés met son savoir-faire de couture au service de ces femmes et de ces hommes qui luttent en première ligne contre le Covid-19, en produisant des sur-blouses de protection.
Les équipes de la maison parisienne, sous les directives des fournisseurs et des services sanitaires, s’adonnent à obtenir les matières nécessaires, réaliser les traçages et les tests afin d’automatiser la production le plus rapidement possible.
Eugénie Crétinon répare les céramiques brisées selon les codes du Kintsugi. Cette technique japonaise qui vise à redonner vie aux objets brisés, met l’accent sur les cassures de l’objet en céramique à l’aide de poudre d’or. La céramiste française présente son travail dans le design lab du magasin Habitat République, jusqu’au 31 décembre prochain.
La créatrice a le Japon dans la peau. Inspirée par son folklore comme en témoigne son tatouage de Totoro, la créature du film d’animation japonais éponyme, la céramiste lance son atelier Tsukumogami en 2017. Dans un premier temps, elle se forme au Kitsungi en autodidacte. Les vidéos et tutoriels disponibles sur internet lui apprennent les rudiments du métier. Puis elle suit un stage d’un mois auprès d’une maître Kitsungi venue de Kyoto, avec l’ambition de maîtriser toutes les facettes de cet art.
La technique de réparation japonaise reste la même, que la création soit d’Eugénie Crétinon ou que l’objet qu’elle répare provient d’un particulier. Les morceaux sont recollés les uns aux autres à l’aide de laque, qui est ensuite saupoudrée d’or.
Au-delà de la céramique, le Kitsungi peut aussi s’appliquer au bois. La céramiste française travaille aujourd’hui sur la restauration de poupées traditionnelles japonaises.
Eugénie Crétinon transmet aussi ses compétences à ceux qui désirent apprendre. Dans les locaux de son atelier de Montreuil, les apprentis découvrent, au-delà de l’artistique, une forme de résilience qui leur permet de dompter leur passé en recollant les morceaux brisés ou de transmettre une histoire personnelle à travers un objet.
Le travail de Kitsungi d’Eugénie Crétinon côtoie ses collections céramiques traditionnelles, en grès moucheté modelé et/ou tourné puis émaillé à la main, au sein de la boutique Habitat République jusqu’au 31 décembre 2019.
Habitat République – 10 place de la République, 75011 Paris
Boutique en ligne – https://www.etsy.com/shop/tsukumogami/
Sylvain Marcoux lançait Maison Marcoux Mexico en octobre 2018. La maison d’édition est le fruit d’une passion profonde de son fondateur pour le Mexique et ses créations. En témoigne la ville de Mexico, qui est un « paradoxe où l’on se croirait parfois au XXIIIe siècle, parfois au Moyen-Âge » confie l’éditeur québécois.
La mission de la Maison Marcoux Mexico est d’amener l’Europe au Mexique en alliant « la créativité européenne et le savoir-faire traditionnel mexicain » explique Sylvain Marcoux.
Pendant une semaine, l’Europe s’immerge dans l’atelier mexicain. Une démarche nécessaire pour l’ancien chargé de relation presse qui souhaite emmener « les designers au-delà de leur savoir-faire industriel ».
Une identité à déterminer
De cette synergie est née la collection « mezcalienne » de Constance Guisset. Révélée lors de la Paris Design Week 2019, la 1re collection de la Maison Marcoux Mexico est un mélange de création contemporaine et d’héritage ancestral.
Bien que la designer française ait fait le choix de « travailler la barro negro, l’argile noire », caractéristique de l’État d’Oaxaca, Sylvain Marcoux prône la diversité des matériaux. Il désire que sa maison d’édition soit perçu autrement qu’ « une simple maison de céramique ».
C’est pourquoi il souhaiterait que la prochaine collection « travaille l’argent ou l’obsidienne ». Malgré tout, il laisse « carte blanche au designer qui accepte le challenge », à condition que le matériau choisi soit façonné par les artisans mexicains.
Une 1re collection en terre noire
Constance Guisset propose 9 pièces en terre noire, fabriquées en collaboration avec les artisans de l’atelier mexicain Coatlicue Artesanias.La collection est composée de 7 vases, tournés à la main, ainsi que d’une table « sombrero » qui rappelle des formes symboliques du pays et d’une carafe « penacho », inspirée des danses locales.Un ensemble de créations utiles pour le particulier qui illustre la vocation de la Maison Marcoux Mexique de « faire des objets, pas du mobilier » insiste son fondateur.Après les vitrines de l’Institut culturel du Mexique, les 7 vases et la carafe « penacho » sont désormais visibles dans la boutique du Musée Quai Branly – Jacques Chirac, à Paris.