Galerie
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Depuis 2022, le salon international d’art, design et art de vivre BAD+ tend à se forger une place de choix, à Bordeaux. En mai dernier, la seconde édition s’est avérée prometteuse, malgré le nombre réduit d’enseignes Design. Retour sur une foire à surveiller dans les années à venir, de très près, pour le secteur.
Depuis deux ans, Jean-Daniel Compain, ancien directeur de la FIAC et enfant du pays, célèbre la culture du vin et l’art de vivre, à travers une foire atypique, associant art contemporain, objets design et installations in situ dans les vignobles bordelais. Au-delà des parcours arty au sein de chais ou de domaines tels que, pour ne citer qu’eux, les châteaux Smith Haut Lafitte, Chasse-Spleen, Pape Clément, cet écosystème singulier a aussi proposé, pendant quatre jours, des pièces d’environ 55 galeries internationales, disséminées sur les deux étages du Hangar 14, au bord de la Garonne. « Bordeaux + Art + Design ou BAD+, n’est pas un salon de plus, s’exclame Jean-Daniel Compain, mais une foire qui, avec son positionnement spécifique Art et Art de vivre, a du sens et une vraie valeur ajoutée. » Parmi les exposants, la néerlandaise Mia Karlova, la galerie française Revel ou bien encore, entre autres, la brésilienne Galeria Modernista représentaient le secteur design. « 15 % de nos exposants offrent des pièces design contemporaines, ajoute Adrien de Rochebouët, ancien de chez Piasa et conseiller artistique de la foire. A l’avenir, nous souhaitons consolider ce secteur important de l’art de vivre. »
Mia Karlova a misé sur ses fondamentaux
Habituée des foires de prestige comme le PAD ou encore la très sélect Collectible à Bruxelles, Mia Karlova a joué la carte des valeurs sûres en proposant des œuvres de créateurs qui font sa réputation. « C’est ma seconde participation à la foire bordelaise, explique la directrice. En 2022 comme en 2023, son écosystème particulier dans une région riche de cultures, de châteaux, vignobles et amateurs de beaux objets, ont permis d’agrandir notre famille de collectionneurs. » Sur son stand à la surface généreuse, on a remarqué Dolly Blu, fauteuil fabriqué à partir de couches cartons superposés du designer tchèque Vadim Kibardin, mais aussi la chaise Curved sculptures, du Hollandais Jordan van der Ven. Une pièce fonctionnelle, entre art et design, réalisée à partir d’une armature métallique, sur laquelle des couches de ciment blanc ont été appliquées pour créer volume et douceur. Enfin la Light Box vitrine, en bois de chêne, huile et ampoules ou encore Obi, fauteuil au design enveloppant et modulable, en bois et tissu de la designer russe Olga Engel, sont des pièces à l’esthétique minimaliste typique qui furent très remarquées.


Le design historique brésilien chez Galeria Modernista
Non loin, forte d’une nouvelle enseigne bordelaise, la Galeria Modernista a présentéquelques grands noms du Modernisme brésilien, parmi lesquels Joaquim Teneiro (1906-1992), considéré comme le père du design du pays de la Samba, ou encore Raimundo Cardoso (1930-2006). Figurant parmi les plus grands céramistes brésiliens du XXème siècle, ce dernier s’est, toute sa vie, employé à réaliser des pièces, telle Vase, portant l’empreinte des savoir-faire du peuple précolombien Marajoara. Enfin, du mobilier moderniste du designer Sergio Rodrigues (1927-2014), comme la paire de fauteuils Oscar, créées pour sa galerie Oca, à Rio de Janeiro, en 1955, en bois de Jacaranda et cannage en rotin, étaient également proposés.


Au royaume de la matière engagée, la galerie Revel
Née en 2021, la jeune galerie parisienne qui possède aussi un showroom à Bordeaux, défend des artistes « invisibilisés » en Occident, et fait fi des clivages entre arts visuels, design, design de collection et artisanat. Des designers émergents ou en milieu de carrière, qui mettent en avant le matériau, son processus et son histoire, et dont « le travail interroge l’identité, le genre, l’écologie, les cultures postcoloniales, les appropriations culturelles, la migration », selon les directeurs. Il en va ainsi d’Anton Laborde, lauréat du Prix de la Jeune Création Métiers d’Art (PJCMA) 2022, et son Cube à liqueur, en érable et sycomore massif, revisitant avec modernité l’art de marqueterie. Mais aussi le céramiste Mathieu Froissard et ses pièces qualifiées de « beautés imparfaites » comme Hold it, œuvre unique en faïence, émail et lustre, brillant de mille feux et circonvolutions baroques. Entre autres encore, la Zimbabwéenne Xanthe Somers, repérée à Collectible 2022, était également présente avec Rancid, imposant luminaire en grès émaillé, s’inspirant de la manière dont l’histoire coloniale de son pays « continue de manipuler les valeurs esthétiques. »


Sur quelques stands d’art contemporain, on remarqua aussi un Banc taureau en bronze de Jean-Marie Fiori (Galerie Dumonteil), ou encore un tapis en soie et laine, ainsi que deux Tabourets B.C, en pin mat brossé et cuir, de l’architecte designer Fabrice Ausset, à la galerie Sarto.
Ainsi, la ville de Bordeaux deviendrait-elle une nouvelle capitale française du design ? Les galeries Modernista et Revel qui y ont ouvert une seconde adresse, ne l’ont pas fait par hasard. La région bénéficie d’atouts majeurs – dont la foire BAD+ -, attirant de nombreux collectionneurs, friands de belles pièces à vivre, au royaume des grands crus classés, du patrimoine et de la culture. Très bien représenté au Musée des Arts Décoratifs et de Design de Bordeaux, dirigé par Constance Rubini, partenaire de la foire – comme le Frac Méca et bien d’autres institutions -, le design contemporain international va, à l’avenir et sans nul doute, couler de très beaux jours, au bord de la Garonne…

Méconnu du public et cependant décoré par l’Académie d’Architecture Française, l’architecte et designer José Zanine Caldas est exposé à la Carpenters Workshop Gallery Paris jusqu’au 22 avril. C’est sous le nom de « Denuncia » que cette rétrospective rend hommage au créateur pluridisciplinaire et à son engagement environnemental avec 90 pièces exposées.
Devenu une véritable figure de proue de la création moderniste du Brésil, Caldas fabrique des maquettes architecturales à 20 ans. Il travaille notamment aux côtés d’Oscar Niemeyer et se forme seul à l’architecture et au design.

Une création en trois temps
Une dizaine d’années plus tard, l’autodidacte se lance dans la création et la vente de mobilier en contreplaqué. Dans un souci d’optimisation de la matière, il innove en découpant le matériau jusque-là moulé, réduit les rebus et fabrique des meubles haut de gamme mais accessibles. Cette période de production industrielle pauliste, pionnière à l’époque, est connue sous le nom de « Moveis Artisticos Z ».

Mais en 1964, Caldas fuit le régime militaire dictatorial et Sao Paulo pour Bahia, sa terre natale. Les forêts luxuriantes de la région l’inspirent et Caldas entre dans son second cycle créatif, « Moveis Denuncia » (que l’on pourrait traduire par mobilier dénonciateur). Brutalistes, ces pièces sont sculptées directement dans le bois massif, souvent récupéré, et témoignent du lien fort entre l’artiste et la nature. L’architecte réinvente la construction d’habitats réalisés à partir de matériaux de démolition ou d’arbres morts.

Si le Musée des Arts Décoratifs lui a consacré une rétrospective en 1989, « Zanine, l’architecte et la forêt », la Carpenters Workshop Gallery expose des pièces à découvrir ou à revoir sans plus attendre, le tout sur fond de photos d’architecture de Caldas.
Carpenters Workshop Gallery, 54 rue de la Verrerie 75004 Paris

Le salon professionnel Première Classe, rendez-vous incontournable dédié à l’accessoire de mode, accueillait pour la troisième année consécutive les directeurs artistiques Romain Costa et Evane Haziza-Bonnamour, du 30 septembre au 3 octobre derniers. Sous les tentes installées au jardin des Tuileries, le binôme avait pris le parti de mêler art et design dans une scénographie inspirée par le voyage suspendu.
Pour cette édition au nom ensoleillé de « Sunny Corner », les deux architectes Romain Costa et Evane Haziza-Bonnamour avaient imaginé une page blanche, « Turn around », à interpréter à son gré. Page qui se tourne, horizons nouveaux ou renaissance, « Turn Round » mettait en scène la création sous différentes formes, bien entendu celle de la mode, qui allait de pair ici avec le design, associé à des pièces artistiques.


Pour cette édition, ils avaient notamment retenu la jeune galerie de design 13 Desserts avec un mobilier haut en couleur, le duo French Cliché, dénicheur de talents contemporains utilisant des savoir-faire ancestraux, et Harold Mollet, expert en mobilier et design du XXe siècle. Installées à la façon d’un musée, les différentes pièces se répondaient dans les formes, matériaux et gammes colorielles.

Cerise sur le gâteau, les architectes avaient fait appel à la talentueuse sculpteuse Emmanuelle Roule qui travaille sur « la géographie de la forme ». Une exposition lui avait été dédiée, mettant en avant des céramiques modelées, fruit d’une recherche autour de la lumière, la texture et la matière. Tout en courbes et en mouvements, nuances et transparence étaient au rendez-vous !
À noter dans les agendas, la prochaine édition de Première Classe aux Tuileries se tiendra du 3 au 6 mars 2023.

Depuis sa création en 2019, The Spaceless Gallery, comme son nom l’indique, s’appuie sur le concept d’itinérance et fait dialoguer des œuvres d’art avec des lieux qui sortent des sentiers battus.
La maison Veronese, éditeur français de luminaires d’exception depuis 1931, a convié Béatrice Masi, fondatrice de la galerie nomade, à faire converser des pièces artistiques avec les dernières pièces de Bruno Moinard et du binôme Tal Lancman et Maurizio Galante, tout comme avec le magnifique paravent lumineux d’Isabelle Stanislas pour ne citer qu’une des magnifiques réalisations de la maison. Exposés dans un showroom savamment orchestré, les travaux de six artistes sont représentés par la galerie dont les céramiques de Hanna Heino ou les sculptures d’Olga Sabko et Gabriel Sobin. Ce nouvel opus met aussi en lumière des photographies de l’américaine Lara Porzac, des œuvres en céramique et sur papier de l’artiste Ruan Hoffmann, le tout présenté dans un cabinet de curiosités.


À l’heure où l’on parle de plus en plus souvent de la rupture de la frontière entre art et design, Béatrice Masi et Ruben Jochimek, directeur artistique de Veronese, ont trouvé un juste milieu où la symbiose des deux révèle le talent des designers et des artistes. Ici, les différentes œuvres disséminées dans l’espace jouent avec l’exception des luminaires en verre de Murano.


Cerise sur le gâteau, la galerie dévoilera « Eclipse » en octobre, une pièce immersive de Félicie d’Estienne d’Orves, à découvrir au sous-sol du showroom.

Après avoir lancé avec succès l’Atelier Jespers, le galeriste Jean-François Declercq propose un lieu inédit la Bocca della Verità entre design et architecture.

Bruxelles offre sans cesse des découvertes à qui sait flâner, révélant ainsi l’histoire de son architecture singulière, de l’art nouveau et du modernisme. La capitale belge est le territoire de prédilection de Jean-François Declercq, à l’affut de nouveaux bâtiments empreints d’histoire à réhabiliter. Sa récente galerie La Bocca della Verità présente les œuvres de jeunes pousses du design dans le contexte particulier de bâtis historiques préservés. Derrière la Maison van Dijck classée, de Gustave Strauven, construite en 1900, se cache un bâtiment postmoderne, de 1989, édifiée par le jeune architecte Michel Poulain. Avec sa géométrie aux faux airs d’Ettore Sottsass, la façade de la Bocca della Verità s’inscrit dans une cour coiffée d’une lumineuse verrière. Dans une dynamique et une mouvance propres au travail de Jean-François Declercq, la galerie a pour ambition de soutenir les talents de la jeune création du design, avec trois expositions par an.
Le rez-de-chaussée et l’étage sont consacrés aux expositions collectives et individuelles. Le premier étage accueille la salle de projet du collectif Stand Van Zaken, qui invite un commissaire différent à chaque exposition et trois designers, artistes ou architectes. Le principe repose sur un concept de travail collectif visant à explorer des formes d’expressions émergentes, une référence au procédé initié par le « Cadavre exquis » des Surréalistes. Pour sa première édition, le collectif a choisi le jeune couple d’artiste et designer, Chloé Arrouy et Arnaud Eubelen, qui ont cogité ensemble autour de leurs univers personnels, composés d’assemblage de matériaux pour l’un et de reproduction d’objets pour l’autre.
L’exposition inaugurale montre également le travail de deux créateurs, plus confirmés. Le français, Thibault Huguet designer industriel de formation, explore les connexions entre les divers matériaux, et applique ses recherches à du mobilier épuré entre artisanat et technologie, comme la console en aluminium Plane, d’une simplicité déconcertante. Hélène del Marmol, quant à elle, est belge, expérimente la cire végétale, sous forme de grosses bougies totémiques, conçues dans une rigueur géométrique évoquant l’aspect subversif d’Ettore Sottsass et la poétique Constantin Brancusi. Pour un dialogue émotionnel avec les objets.
La Bocca della Verità, Boulevard Clovis 85 Clovislaan 1000 Brussels
Visite des expositions du 17.09.2021 au 17.12.2021

Table de l’architecte Theo de Meyer, du collectif Stand Van Zaken


Dès son ouverture, en 1999, la Galerie kreo présentait Marc Newson. Trois expositions personnelles ont suivi en 2000, 2002 et 2004, offrant au public français le meilleur de ses créations, jusqu’à l’iconique Carbon Ladder, datée de 2008. Depuis 13 ans donc, Marc Newson n’avait plus produit de nouvelles pièces pour kreo. C’est dire si il était attendu et combien l’exercice pouvait se révéler périlleux.
Avec « Quobus », Newson interroge la typologie de l’étagère offrant à l’usager de composer sa propre variation. 1, 3, 6 et 2, 4, 6 permettant autant de déclinaisons en fonction du nombre et de la taille des modules concernés.
On retrouve la franchise habituelle de Newson : tout est visible, du système constructif aux matériaux employés. Le rythme vient de la récurrence des rails composant la structure des modules en acier émaillé maintenus par des vis rondes en laiton. Les lignes courbes adoucissant les coins de chaque module viennent en écho aux coloris créés par Newson, qu’ils soient graphiques ou pastels. Renouvelant son exigence de technicité, il a fait apposer un émaillage traditionnel vitrifié et coloré sur des feuilles d’acier courbé.
Disponibles en éditions limitées (8 + 2 E.A. + 2 Prototypes) on envisage volontiers qu’aucune commande ne ressemblera à la précédente, sans même parler des deux pièces uniques proposées par kreo.
Si la révolution formelle que l’on attendait n’a pas lieu, la collection « Quobus » est empreinte d’une poésie propre à Newson. Elle fait l’effet d’un bonbon à la fois satisfaisant et réconfortant, notamment pour son public de collectionneurs qui patientait religieusement de longue date.
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« Quobus » by Marc Newson est présenté simultanément à la galerie kreo Paris (11 septembre – 20 novembre 2021) et à la galerie kreo London (15 septembre – 20 novembre 2021).





Galerie kreo Paris, Marc Newson © Cléa Daridan

À la Galerie Maria Wettergen, la carte blanche donnée au Russe Boris Berlin donne lieu à une exposition collective hybride, entre design, architecture et installations.
Carte blanche confiée au designer Boris Berlin, Modernism Crystallized (Family Affair) propose des œuvres réalisées par le créateur d’origine russe, mais aussi avec son fils, l’architecte danois Daniel Berlin (de l’agence Snøhetta) et le designer letton Germans Ermičs. Surfant entre design, art et architecture, ces pièces par leurs effets lumineux, chromatiques, ou encore de trompe-l’œil altérant les formes, prennent toute leur dimension à travers le regard du spectateur. Pour exemple, Black Mirror de Boris Berlin et Germans Ermičs est une élégante table illusionniste qui peine à atteindre le sol, s’évanouissant dans son propre reflet. Comme souvent chez Maria Wettergren, cette exposition associe la beauté du design et des matériaux à de profonds questionnements, ici sur la mémoire, comme sur notre perception corps.

Modernism Crystallized (Family Affair) Galerie Maria Wettergren, 121 Rue Vieille-du-Temple, 75003 Paris.
www.mariawettergren.com – Jusqu’au 11 septembre 2021.