Le casse-tête des distributeurs
Showroom © MODA

Le casse-tête des distributeurs

La distribution du mobilier a toujours été pour les éditeurs, les fabricants ou les distributeurs, de l’ordre du casse-tête. Comment gérer les stocks ? Comment choisir les couleurs ? Comment répondre aux commandes en hausse de 20 % malgré le confinement, la crise de la Covid 19 et un taux de croissance finalement selon l’INSEE de 7% pour 2021. Tentatives de réponses de SIFAS, la CFOC, MY Design et MODA International.


SIFAS et le stock logistique

Le directeur général de Sifas, Jérôme Armaroli, explique avoir toujours mis en place, une politique de stock pour des livraisons rapides. La marque, originaire de Cannes, qui existe depuis 50 ans a toujours su répondre à la demande. La crise qui aurait pu les effleurer à la sortie du 1er confinement s’est limitée à une légère baisse, immédiatement résolue en mars 2021 pour refaire les stocks pour 2022. « Avoir un niveau de stocks important est essentiel pour fournir un marché de l’outdoor en pleine expansion, où canapés et fauteuils, se déplacent en un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur. Le passage du salon sur la terrasse se fait dans un même élan. Sifas dispose d’un stock logistique à Lille, 10000 m2 de hangar à Houplines, petite commune (7800 habitants) des Hauts de France, près de la frontière belge et les meilleures ventes de la marque sont le canapé Komfy d’Eric Carrère qui propose six références déclinées en trois couleurs. Il permet de faire le maximum de combinaisons avec le minimum d’éléments. C’est actuellement le salon bas le plus vendu en Europe dans le haut de gamme premium après Dedon, Royal Botania, Cassina, B&B Italia et Minotti. Grâce à l’Ameublement Français/le French Design, la bataille du made in France semble gagnée. Samuel Acoccebery était convoqué le 21 janvier à l’Elysée pour la remise des « French Design 100 Award winners », pour célébrer aux côtés d’Emmanuel et Brigitte Macron, le succès du design français qui peut compter sur 1700000 entreprises artisanale et 3,1 millions d’actifs. »

Portrait de Jérome Armaroli, PDG de SIFAS
Fauteuil © SIFAS

Sifas offre une customisation maximale avec seulement six références grâce à un gros travail en amont sur le design dans le bureau interne qui compte trois personnes et qui effectuent des allers-retours incessants et permanents d’ajustement avec les designers pour un délai de livraison entre huit et quinze jours. « La particularité du outdoor exige une saisonnalité de mars à juillet. Les autres entreprises ont été dépassées par les événements. Sifas a su anticiper le problème. Avec seulement 50 personnes en France mais ses propres usines en Chine, Sifas peut alimenter sans problème l’Europe mais également les Etats-Unis avec une offre en couleurs en permanence stockées : blanc, taupe ou gris. Si un besoin particulier se déclare, Sifas produit en quatre semaines des produits à la carte qui jouent avant tout de la qualité d’une soixantaine de tissus sur une structure en aluminium recyclé. Tout est organisé à l’avance pour produire de deux pièces à deux cents pièces supplémentaires qui seront livrées à 95% par camion. Car l’avenir du design, c’est le fret et en transport, malheureusement, le fret ferroviaire été abandonné. Sernam, Gondrand, Shenker sont les transporteurs français qui essaient d’éviter les ruptures dans ce fil de livraison de mobilier monté. Pour les transports intercontinentaux, c’est encore le bateau avec une seule gare en Europe, à côté de Brême, l’aboutissement moderne des nouvelles routes de la soie. »

Canapé outdoor © SIFAS

Sifas a un seul objectif : la durabilité des produits. Une structure en aluminium dure 20 ans, qu’elle soit peinte en bleu, blanc, gris ou avec effet bois. Sifas s’insurge de la déforestation des grandes forêts primaires où l’on coupe le teck et autres bois tropicaux. Elle affiche un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros et une progression de 20%. Le confinement a donné le temps aux gens de réfléchir aux multiples possibilités d’utiliser l’extérieur, de faire véranda, pergolas ou lodge. Le marché explose en euros devant un dollar fragilisé où il n’est même plus la seule référence en Chine. La dernière collection BIG ROLL du Döppel Studio (Jonathan Omar et Lionel Dinis Salazar) devrait y trouver son public.

Un nouveau CEO à la CFOC

A la CFOC, la Compagnie Française de l’Orient et de la Chine, Louis Desazars, CEO depuis juin 2020 travaille sur le sujet en réflexion quotidienne avec sa Directrice de la Création, Valérie Mayéko Le Héno, et sa directrice marketing, Chloé de Lamberterie, toutes les deux en accord pour suivre les traces du fondateur de la marque François Dautresme. Cet explorateur revenait de ses voyages, les bras chargés d’histoires et de trésors qui faisaient découvrir la richesse des arts de la table, des textiles et l’excellence et la simplicité de la vie paysanne. La collection Pierres de rêve entraîne le visiteur dans la province du Yunnan où les veines du marbre invitent à se laisser guider par la fluidité des eaux. La collection de Valérie Barkowski installée au Maroc, interroge les savoir-faire, explore la broderie et la passementerie ou décline des matières naturelles travaillées avec les savoir-faire chinois, une porcelaine teintée dans la masse avec un émail mat.

Louis Desazars, CEO de la CFOC © Dean Kaufman

« Dans l’ensemble, la CFOC a été épargnée par la crise de la Covid-19 et a réalisé une très belle année 2021 avec plus de 30% de croissance par rapport à 2020 et 2019. Il n’y a pas eu de croissance du trafic mais le panier moyen a connu une croissance à deux chiffres. La boutique est sans cesse remaniée. Elle fait office à la fois de showroom et d’espace de vente. Le site a été refait en octobre 2021 et permet ainsi à la marque CFOC avec ses deux boutiques du boulevard Haussmann et du Boulevard Raspail de prendre sa place de petit acteur dans le monde compétitif des arts de la table et de la décoration. C’est aussi l’opportunité de comprendre les attentes du consommateur, placé au cœur de la réflexion. C’est une marque sur un luxe artisanal où l’on voit la matière avec des objets qui ont du sens et de la profondeur. Le story-telling qui l’accompagne insiste sur les matières sensorielles et naturelles comme le papier Washi ou le coton Khadi. La CFOC propose des produits qui ont du sens, moins industriel, avec un retour sur l’artisanat, des choses plus sensibles, moins mais mieux. La boutique propose 1200 références actives, des objets à la portée de tous.

Assiette de la collection art de la table © CFOC
Collection art de la table © CFOC

La CFOC ne suit pas de tendance mais reste fidèle à son style intemporel et contemporain, en ligne et avec les attentes des consommateurs. Sa clientèle fidèle des années 60 a passé le relai aux jeunes générations. Nous ne faisons pas de listes de mariage mais un service personnalisé avec possibilité de broderie sur textile ou gravage sur laque. Notre problématique est celle des artisans, livrer dans les délais et éviter les goulots d’étranglement. Ils manquent de main d’œuvre. Il faut former, former et former. Le saladier en laque Mandarin est fabriqué dans un atelier au Viet-Nam où des artisans experts multiplient les couches pour obtenir cet éclat unique et parfait. Les nuages de Céline Wright en papier Washi fabriqués à Montreuil, flottent dans l’espace. La crise impose de nouveaux délais, parfois trois mois, voire six, voire neuf. Mais c’est le temps minimum pour un produit de qualité. »

MY Design, une histoire de famille

Ancienne PDG de la SAS MY Design, Marie-Line Salançon a passé la main en Août 2021 à son fils Léonard. Une histoire de famille… Baignant dans le design depuis sa naissance au sens propre comme au figuré, Léonard Thomas est une encyclopédie du design qui sait argumenter auprès de ses clients et faire l’éloge d’un design de qualité.

« Avec la crise de la Covid 19, les clients ayant besoin de se sentir en sécurité, nous avons décidé d’ouvrir notre boutique uniquement sur rendez-vous. Nous leurs proposons des horaires très souples, tous les jours de la semaine sauf le dimanche. De plus nous offrons des services supplémentaires comme la mise sur plan et les conseils en décoration. Pour compléter ce dispositif, nous nous déplaçons également chez eux pour leur apporter notre expertise, les aider à choisir les finitions et les dimensions du mobilier comme des luminaires. Pour gérer la croissance de la demande, nous venons de recruter deux nouveaux collaborateurs et deux étudiants en alternance ce qui nous permet de répondre à cette évolution. Malgré la situation actuelle, nos principaux partenaires ont réussi à préserver les délais de fabrication qui sauf exception ne dépassent pas les deux mois. Nous avons un dépôt qui nous permet de stocker toutes les marchandises souhaitées. La pénurie s’est légèrement fait sentir sur certains bois (comme le teck) et l’acier naturellement mais apparemment nos partenaires savent gérer leur stock et leurs réserves. Nous valorisons toujours les designers. Le savoir-faire ne suffit pas. Il faut une signature et c’est un vrai métier. Nous mettons toujours en avant le nom des designers, leur créativité et leur travail »

Portrait de Léonard Thomas, Directeur commercial chez MY DESIGN

« Pour renouveler les collections, nous visitons régulièrement les usines de nos partenaires afin de voir en avant-première, les nouvelles créations. Ce sont des choix coup de cœur mais l’esthétique et la fabrication doivent suivre. Une boutique à Paris est essentielle. A l’air du numérique et des ventes sur les sites internet, nos clients ont besoin d’être rassurés, conseillés et accompagnés. Voir un canapé, l’essayer, regarder les tissus ou les cuirs, avoir un conseil pour les dimensions et savoir que nous sommes là pour gérer les moindres problèmes jusqu’à l’installation chez le client sont des points importants. Cela ne peut se faire qu’avec un showroom. Prendre le temps de recevoir est essentiel. Nous vendons des produits luxueux. Il faut un vrai service à la hauteur ! »

Mobiliers MY DESIGN

Chez MODA, la boutique est le lieu

Pour Pascal Dessagnes, PDG de MODA International, faire revenir le client en boutique a toujours été une préoccupation et « pour être précis, la demande a toujours été constante malgré la pandémie et le confinement. MODA avec ses spécificités cultive et développe une offre comme à la maison avec ses produits, ses projets et ses réalisations de lieux de vie ou d’espaces de travail. Cet état d’esprit se retrouve dans les showrooms. Plusieurs éléments doivent participer à la gestion d’une demande en croissance : une sélection plus rigoureuse et cohérente des produits, une offre de services plus complète et plus performante pour nos clients et un process de gestion de la demande au sein de MODA. Malgré la situation actuelle, cette période très particulière n’impacte pas les délais de livraison qui se situent toujours autour de 8 à 10 semaines. Mais nous l’assurons grâce à un dépôt de 2500 m2. Pour les matières « métaux », on peut noter une augmentation des coûts due, en effet, à une forte demande du marché, d’où des augmentations des tarifs produits.

Portrait de Pascal Dessagnes, PDG de MODA
© MODA

Chez MODA, le designer est un atout, un gage de qualité de produits et de services, une signature. Avec la même exigence, le même état d’esprit, nos clients recherchent des produits signature, expressions créatives, vecteurs d’image et l’esprit « designers ». Pour renouveler une collection, il faut anticiper les tendances du marché et accompagner nos clients dans la sélection de nouveaux produits, d’éditeurs et de fabricants. Véritable laboratoire de recherches et de réalisations, le bureau d’étude est au cœur de ces renouvellements permanents. La gestion et l’application de nouvelles valeurs telles que l’écologie et l’éco-responsabilité au quotidien ont un rôle déterminant. Une boutique à Paris est indispensable car au de-là du virtuel, du web et des réseaux sociaux, elle offre en présentiel le plaisir « d’essayer un canapé, d’en apprécier les formes, les matières, le moelleux ou la fermeté. La boutique est le lieu, l’espace de leur meilleure expression. Le lien avec le client. »

Rédigé par 
Bénédicte Duhalde

Vous aimerez aussi

Temps de lecture
24/10/2025
Scarabei, la nouvelle composition de Giopato & Coombes

La marque italienne Giopato & Coombes dévoile Scarabei, un luminaire en aluminium inspirée de la nature.

C’est une collection à regarder à la lumière de ces inspirations. Imaginée par Cristiana Giopato et Christopher Coombes, fondateurs du studio éponyme, Scarabei pourrait être désignée comme une collection biomimétique. Inspirés « par les processus de propagation visibles dans la nature », les designers ont cherché à traduire les notions « de rythme, de répétition et de variation ». C’est donc en considérant la lumière comme un organisme à part entière qu’ils se sont penchés sur la faune, et plus précisément sur le scarabée, un animal symbolisant souvent la métamorphose et la renaissance. Une inspiration à l’origine des petites cavités rappelant, à certains égards, des chrysalides d’où émergent ces insectes. En résulte une série de luminaires née « d'une étude de la modularité expansive » offrant des compositions en équilibre « entre géométrie et variation structurelle ».

Scarabei ©Giopato & Coombes

Les aspérités d’une technique artisanale

D’abord intéressés par l’idée de propagation, les designers ont commencé « par travailler en deux dimensions, sur papier, et par l'intermédiaire de matériaux physiques tels que les croquis au crayon et à l'encre ». Une phase qui a permis aux premières ébauches d’émerger. Ce n’est que dans un second temps que l’étude des formes a débuté, et ce, de manière empirique. « Nous avons d’abord créé des masses à l’aide de papier aluminium puis d’argile. Nous préférions travailler le matériau physiquement et ensuite passer à sa transformation numérique en le scannant en trois dimensions. » Une méthode de travail qui a poussé les deux designers vers le moulage au sable. Une technique artisanale, réalisée dans une fonderie italienne, permettant de combiner les détails des moules en terre réalisés à la main, et la matérialité brute et authentique de la fonte. Réalisé en aluminium, chaque module est ensuite retravaillé à la main et patiné dans l’un des cinq coloris disponibles (aluminium brut, aluminium poli, noirci, bronzé, blanc minéral). Dotés d’une source lumineuse, les dômes concaves sont ensuite refermés avec une lamelle de verre opalin, laissant passer une lumière homogène et permettant à chacun de révéler les aspérités de son voisin. Une cohabitation rappelant, à la lumière de Scarabei, la force de la composition.

Temps de lecture
22/10/2025
EspritContract : au sein du groupe Mobliberica, on mise sur la diversité

Les marques Musola, Mobliberica et Dressy, spécialisées dans le mobilier outdoor pour la première et l’indoor pour les deux autres, comptent une expérience de plus de 45 ans. Trois marques réunies au sein d’un même groupe qui permet ainsi d’avoir une offre riche et diversifiée, pour s’adapter au mieux à tous les projets. Analyse auprès de José Martinez, export manager chez Mobliberica.

Pour sa troisième édition, EspritContract se tiendra du 15 au 18 novembre au Parc des Expositions de la Porte de Versailles. Plus d’informations sur : https://www.espritmeuble.com/le-salon/secteurs/secteur-contract.htm

Que représente le secteur contract au sein de votre groupe (produits/projets, ventes...) ?


Mobliberica, la première marque du groupe est née en 1979 et dès ses débuts, la qualité était partie prenante de notre ADN. Cela nous a permis, au cours de ces 46 dernières années, de développer des produits avec des caractéristiques techniques qui les rendent idéal aussi bien pour le canal résidentiel que pour le canal contract, et de nous étendre ensuite à nos autres marques qui sont Musola et Dressy. Le secteur contract a toujours été un domaine d'une grande importance dans l’histoire du groupe, et nous le développons tout particulièrement en ce moment. Cela passe par des collaborations avec designers ainsi qu'avec une équipe interne expérimentée. En résultent ainsi des produits avec un très haut niveau de qualité et de design, développés et fabriqués entièrement au sein de nos usines.

Vous avez également les marques Mobliberica et Dressy dans le groupe. Les projets contract sont-ils connectés entre elles ?


Mobliberica, Musola et Dressy sont trois marques appartenant à la même entreprise, ce qui permet à nos partenaires de mieux comprendre notre offre en différenciant clairement les pièces de mobilier indoor proposées par Mobliberica et Dressy avec l’outdoor à travers Musola. Le fait de proposer des produits pour les différentes zones d’un projet facilite considérablement le travail de nos clients en réduisant le nombre de fournisseurs nécessaires.

Quels changements/évolutions avez-vous observés ces dernières années ?


Les produits contract ne se distinguent plus de ceux produit destinés au résidentiel. C’est donc à nous d’harmoniser et humaniser au maximum les espaces, en les rendant plus confortables et accueillants pour que les produits s’adaptent au mieux aux usages.

Y a-t-il un projet important dont vous aimeriez parler ?


La diversité de notre offre nous permet de participer à des projets très variés, comme le rooftop d’un hôtel sur la Côte d’Azur, un restaurant dans une station de ski dans les Alpes, une bibliothèque à Berlin ou encore des chambres d’un coliving à Paris. Des projets très attractifs au sein desquels la priorité est donnée à la qualité et au design.

Des nouveautés à venir ?


Nous avons un puissant département de développement produit qui nous permet de lancer en permanence des nouveautés intéressantes, en offrant des solutions techniques, des matériaux et des designs pour proposer des solutions innovantes.

Temps de lecture
24/10/2025
Jean-Philippe Nuel : de l’architecture au mobilier

L’architecte et designer Jean-Philippe Nuel a livré trois projets architecturaux au cours de l’été. L’occasion pour lui de développer deux nouvelles assises en collaboration avec Talenti et Duvivier Canapés.

Architecte multi-facettes, Jean-Philippe Nuel s’est une nouvelle fois illustré cet été avec la livraison de trois projets hôteliers. Témoignant de son attachement à une « approche contextuelle, fondée sur le sens, l’histoire et la captation d’éléments didactiques », l’architecte décorateur a signé trois cadres de vie aux identités radicalement différentes, mais unis par une même volonté : concevoir des espaces enracinés dans leur territoire et ouverts sur le monde. De la métamorphose du dernier étage du Negresco à Nice, hommage élégant et contemporain à Jeanne Augier, à la création de L’Isle de Leos Hotel & Spa en Provence, imaginé comme une maison d’hôtes intime et chaleureuse, en passant par le Talaia Hotel & Spa à Biarritz, écrin minéral et marin suspendu au-dessus de l’océan, Jean-Philippe Nuel conserve l’idée d’un dialogue entre le lieu, l’architecture et le mobilier. Une approche qui l’a conduit à collaborer avec Talenti et Duvivier Canapés pour développer deux nouvelles gammes, désormais pérennisées par les marques.

Le Talaia Hotel & Spa de Biarritz ©FrancisAmiand

L’espace à l’origine de l’objet

Chez Jean-Philippe Nuel, le mobilier naît rarement d’une idée abstraite, mais plutôt d’un « besoin généré par l’architecture », explique-t-il. « Quand on conçoit une chambre d’hôtel, on a souvent besoin d’un bridge. On ne veut pas d’une simple chaise, mais il faut que l’assise reste manœuvrable pour s’adapter à différents usages. En 2021-2022, j’ai donc dessiné cette pièce, car il en existait en réalité assez peu sur le marché. » Destinée à l’origine à un projet hôtelier avorté à New York, la pièce au design sobre et classique a malgré tout été réalisée par Duvivier Canapés sous le nom de colection Barbara. D’abord implantée dans un hôtel à Reims, elle a fini par trouver sa place au Negresco, dans le cadre de la rénovation estivale. « À l’image de cette pièce, mes objets naissent souvent d’un lieu, d’un besoin précis. Ce n’est que dans un second temps que se pose la question de leur adoption par une marque et de leur intégration dans une collection », précise le designer. C’est notamment le cas d’une autre collaboration, cette fois avec Talenti, imaginée dans le cadre du projet de L’Isle-sur-la-Sorgue. Nommée Riva, la collection s’inspire du nautisme et du quiet luxury. D’abord pensée pour le monde de l’hôtellerie, puis intégrée à des projets de yachting, l’assise, reconnaissable à son large piètement en bois sur l’avant, a été ajoutée au catalogue de la marque italienne. « Nous avons néanmoins dû redimensionner certaines pièces. Le piètement initial, assez épais, a été redessiné pour plus de légèreté et de durabilité. Mais la générosité de la chaise, son aspect presque surdimensionné, demeure. » Ce processus d’ajustement accompagne souvent la transition d’une pièce sur mesure vers l’édition. « C’est par exemple ce qui s’est produit au Negresco, pour un canapé en forme de banane de quatre mètres de long. On nous a dit qu’il était trop grand : il a fallu le repenser pour un cadre plus classique. »

La Suite Jeanne&Paul et les assises de la collection Barbara imaginées par Jean-Philippe Nuel ©Grégoire_Gardette

Une approche transversale et lisible

Architecte de formation, mais aujourd’hui davantage tournée vers l’aménagement intérieur, Jean-Philippe Nuel revendique une posture transversale. « Même si ma notion de création s’est un peu déplacée, j’aime garder un œil sur toutes les étapes d’un projet. C’est peut-être lié au marché anglo-saxon, où les architectes ne s’occupent pas des intérieurs ni de la décoration. En Europe, c’est différent, mais comme je travaille beaucoup à l’étranger, le curseur s’est un peu déplacé. » Connu pour la diversité de ses réalisations, le créateur défend avant tout une cohérence du lieu. « Je garde un style que je ne renie pas, sans fioritures, avec une lisibilité dans la mise en place des éléments. » De L’Isle-sur-la-Sorgue, où la présence d’antiquaires a inspiré un dialogue entre objets anciens et mobilier contemporain, à Biarritz, où les couleurs du Pays basque infusent le projet, son seul fil rouge reste l’identité du lieu. « Pour le mobilier, comme pour l’architecture, c’est toujours dans le cadre de ce que j’ai vu, ressenti ou analysé que la création s’inscrit », conclut-il.

Le hall de l'hôtel Isle de Leos et les assises de la collection Riva éditées par Talenti ©Francis Amiand
Temps de lecture
24/10/2025
Icônes en résonance : Charlotte Perriand rééditée par Saint Laurent

À la Galerie Patrick Seguin et sous la curration d’Anthony Vaccarello, la maison Saint Laurent fait dialoguer l’héritage du design avec celui de la mode en présentant quatre pièces rares de mobilier de Charlotte Perriand.

Jusqu’au 22 novembre, la Galerie Patrick Seguin met en scène une exposition qui réunit deux icônes du XXᵉ siècle que sont Charlotte Perriand et Yves Saint Laurent. Sous la direction artistique d’Anthony Vaccarello, ce sont quatre pièces de la créatrice - dont certaines étaient jusqu'ici restées à l’état de prototypes - qui ont été rééditées en série limitée. Présentées de façon presque muséale, chaque meuble témoigne d’un dialogue subtil entre rigueur moderniste et sensualité des matériaux, qu’il s’agisse de la banquette de la résidence de l’ambassadeur du Japon à Paris, du fauteuil Visiteur Indochine ou bien de la bibliothèque Rio de Janeiro ou encore de la table Mille-Feuilles.

Bibliothèque Rio de Janeiro © Saint Laurent

Un dialogue entre héritages et regards contemporains

Plus qu’une simple exposition, cette collaboration rend hommage à la fascination réciproque entre la mode et le design. En effet, alors qu'Yves Saint Laurent  collectionnait les créations de Perriand, Anthony Vaccarello lui, les faire revivre avec modernité à travers un regard épuré, fidèle et respectueux du travail de la designeuse. En s’associant à la Galerie Patrick Seguin, Saint Laurent affirme son engagement pour le patrimoine créatif et la transmission des savoir-faire. Un exercice d’équilibre où l’héritage se transforme en manifeste contemporain, à découvrir sans attendre.

A gauche : Fauteuil visiteur Indochine / A droite : Table Mille-Feuilles © Saint Laurent

Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir chaque semaine l’actualité du design.