Le casse-tête des distributeurs
Showroom © MODA

Le casse-tête des distributeurs

La distribution du mobilier a toujours été pour les éditeurs, les fabricants ou les distributeurs, de l’ordre du casse-tête. Comment gérer les stocks ? Comment choisir les couleurs ? Comment répondre aux commandes en hausse de 20 % malgré le confinement, la crise de la Covid 19 et un taux de croissance finalement selon l’INSEE de 7% pour 2021. Tentatives de réponses de SIFAS, la CFOC, MY Design et MODA International.


SIFAS et le stock logistique

Le directeur général de Sifas, Jérôme Armaroli, explique avoir toujours mis en place, une politique de stock pour des livraisons rapides. La marque, originaire de Cannes, qui existe depuis 50 ans a toujours su répondre à la demande. La crise qui aurait pu les effleurer à la sortie du 1er confinement s’est limitée à une légère baisse, immédiatement résolue en mars 2021 pour refaire les stocks pour 2022. « Avoir un niveau de stocks important est essentiel pour fournir un marché de l’outdoor en pleine expansion, où canapés et fauteuils, se déplacent en un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur. Le passage du salon sur la terrasse se fait dans un même élan. Sifas dispose d’un stock logistique à Lille, 10000 m2 de hangar à Houplines, petite commune (7800 habitants) des Hauts de France, près de la frontière belge et les meilleures ventes de la marque sont le canapé Komfy d’Eric Carrère qui propose six références déclinées en trois couleurs. Il permet de faire le maximum de combinaisons avec le minimum d’éléments. C’est actuellement le salon bas le plus vendu en Europe dans le haut de gamme premium après Dedon, Royal Botania, Cassina, B&B Italia et Minotti. Grâce à l’Ameublement Français/le French Design, la bataille du made in France semble gagnée. Samuel Acoccebery était convoqué le 21 janvier à l’Elysée pour la remise des « French Design 100 Award winners », pour célébrer aux côtés d’Emmanuel et Brigitte Macron, le succès du design français qui peut compter sur 1700000 entreprises artisanale et 3,1 millions d’actifs. »

Portrait de Jérome Armaroli, PDG de SIFAS
Fauteuil © SIFAS

Sifas offre une customisation maximale avec seulement six références grâce à un gros travail en amont sur le design dans le bureau interne qui compte trois personnes et qui effectuent des allers-retours incessants et permanents d’ajustement avec les designers pour un délai de livraison entre huit et quinze jours. « La particularité du outdoor exige une saisonnalité de mars à juillet. Les autres entreprises ont été dépassées par les événements. Sifas a su anticiper le problème. Avec seulement 50 personnes en France mais ses propres usines en Chine, Sifas peut alimenter sans problème l’Europe mais également les Etats-Unis avec une offre en couleurs en permanence stockées : blanc, taupe ou gris. Si un besoin particulier se déclare, Sifas produit en quatre semaines des produits à la carte qui jouent avant tout de la qualité d’une soixantaine de tissus sur une structure en aluminium recyclé. Tout est organisé à l’avance pour produire de deux pièces à deux cents pièces supplémentaires qui seront livrées à 95% par camion. Car l’avenir du design, c’est le fret et en transport, malheureusement, le fret ferroviaire été abandonné. Sernam, Gondrand, Shenker sont les transporteurs français qui essaient d’éviter les ruptures dans ce fil de livraison de mobilier monté. Pour les transports intercontinentaux, c’est encore le bateau avec une seule gare en Europe, à côté de Brême, l’aboutissement moderne des nouvelles routes de la soie. »

Canapé outdoor © SIFAS

Sifas a un seul objectif : la durabilité des produits. Une structure en aluminium dure 20 ans, qu’elle soit peinte en bleu, blanc, gris ou avec effet bois. Sifas s’insurge de la déforestation des grandes forêts primaires où l’on coupe le teck et autres bois tropicaux. Elle affiche un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros et une progression de 20%. Le confinement a donné le temps aux gens de réfléchir aux multiples possibilités d’utiliser l’extérieur, de faire véranda, pergolas ou lodge. Le marché explose en euros devant un dollar fragilisé où il n’est même plus la seule référence en Chine. La dernière collection BIG ROLL du Döppel Studio (Jonathan Omar et Lionel Dinis Salazar) devrait y trouver son public.

Un nouveau CEO à la CFOC

A la CFOC, la Compagnie Française de l’Orient et de la Chine, Louis Desazars, CEO depuis juin 2020 travaille sur le sujet en réflexion quotidienne avec sa Directrice de la Création, Valérie Mayéko Le Héno, et sa directrice marketing, Chloé de Lamberterie, toutes les deux en accord pour suivre les traces du fondateur de la marque François Dautresme. Cet explorateur revenait de ses voyages, les bras chargés d’histoires et de trésors qui faisaient découvrir la richesse des arts de la table, des textiles et l’excellence et la simplicité de la vie paysanne. La collection Pierres de rêve entraîne le visiteur dans la province du Yunnan où les veines du marbre invitent à se laisser guider par la fluidité des eaux. La collection de Valérie Barkowski installée au Maroc, interroge les savoir-faire, explore la broderie et la passementerie ou décline des matières naturelles travaillées avec les savoir-faire chinois, une porcelaine teintée dans la masse avec un émail mat.

Louis Desazars, CEO de la CFOC © Dean Kaufman

« Dans l’ensemble, la CFOC a été épargnée par la crise de la Covid-19 et a réalisé une très belle année 2021 avec plus de 30% de croissance par rapport à 2020 et 2019. Il n’y a pas eu de croissance du trafic mais le panier moyen a connu une croissance à deux chiffres. La boutique est sans cesse remaniée. Elle fait office à la fois de showroom et d’espace de vente. Le site a été refait en octobre 2021 et permet ainsi à la marque CFOC avec ses deux boutiques du boulevard Haussmann et du Boulevard Raspail de prendre sa place de petit acteur dans le monde compétitif des arts de la table et de la décoration. C’est aussi l’opportunité de comprendre les attentes du consommateur, placé au cœur de la réflexion. C’est une marque sur un luxe artisanal où l’on voit la matière avec des objets qui ont du sens et de la profondeur. Le story-telling qui l’accompagne insiste sur les matières sensorielles et naturelles comme le papier Washi ou le coton Khadi. La CFOC propose des produits qui ont du sens, moins industriel, avec un retour sur l’artisanat, des choses plus sensibles, moins mais mieux. La boutique propose 1200 références actives, des objets à la portée de tous.

Assiette de la collection art de la table © CFOC
Collection art de la table © CFOC

La CFOC ne suit pas de tendance mais reste fidèle à son style intemporel et contemporain, en ligne et avec les attentes des consommateurs. Sa clientèle fidèle des années 60 a passé le relai aux jeunes générations. Nous ne faisons pas de listes de mariage mais un service personnalisé avec possibilité de broderie sur textile ou gravage sur laque. Notre problématique est celle des artisans, livrer dans les délais et éviter les goulots d’étranglement. Ils manquent de main d’œuvre. Il faut former, former et former. Le saladier en laque Mandarin est fabriqué dans un atelier au Viet-Nam où des artisans experts multiplient les couches pour obtenir cet éclat unique et parfait. Les nuages de Céline Wright en papier Washi fabriqués à Montreuil, flottent dans l’espace. La crise impose de nouveaux délais, parfois trois mois, voire six, voire neuf. Mais c’est le temps minimum pour un produit de qualité. »

MY Design, une histoire de famille

Ancienne PDG de la SAS MY Design, Marie-Line Salançon a passé la main en Août 2021 à son fils Léonard. Une histoire de famille… Baignant dans le design depuis sa naissance au sens propre comme au figuré, Léonard Thomas est une encyclopédie du design qui sait argumenter auprès de ses clients et faire l’éloge d’un design de qualité.

« Avec la crise de la Covid 19, les clients ayant besoin de se sentir en sécurité, nous avons décidé d’ouvrir notre boutique uniquement sur rendez-vous. Nous leurs proposons des horaires très souples, tous les jours de la semaine sauf le dimanche. De plus nous offrons des services supplémentaires comme la mise sur plan et les conseils en décoration. Pour compléter ce dispositif, nous nous déplaçons également chez eux pour leur apporter notre expertise, les aider à choisir les finitions et les dimensions du mobilier comme des luminaires. Pour gérer la croissance de la demande, nous venons de recruter deux nouveaux collaborateurs et deux étudiants en alternance ce qui nous permet de répondre à cette évolution. Malgré la situation actuelle, nos principaux partenaires ont réussi à préserver les délais de fabrication qui sauf exception ne dépassent pas les deux mois. Nous avons un dépôt qui nous permet de stocker toutes les marchandises souhaitées. La pénurie s’est légèrement fait sentir sur certains bois (comme le teck) et l’acier naturellement mais apparemment nos partenaires savent gérer leur stock et leurs réserves. Nous valorisons toujours les designers. Le savoir-faire ne suffit pas. Il faut une signature et c’est un vrai métier. Nous mettons toujours en avant le nom des designers, leur créativité et leur travail »

Portrait de Léonard Thomas, Directeur commercial chez MY DESIGN

« Pour renouveler les collections, nous visitons régulièrement les usines de nos partenaires afin de voir en avant-première, les nouvelles créations. Ce sont des choix coup de cœur mais l’esthétique et la fabrication doivent suivre. Une boutique à Paris est essentielle. A l’air du numérique et des ventes sur les sites internet, nos clients ont besoin d’être rassurés, conseillés et accompagnés. Voir un canapé, l’essayer, regarder les tissus ou les cuirs, avoir un conseil pour les dimensions et savoir que nous sommes là pour gérer les moindres problèmes jusqu’à l’installation chez le client sont des points importants. Cela ne peut se faire qu’avec un showroom. Prendre le temps de recevoir est essentiel. Nous vendons des produits luxueux. Il faut un vrai service à la hauteur ! »

Mobiliers MY DESIGN

Chez MODA, la boutique est le lieu

Pour Pascal Dessagnes, PDG de MODA International, faire revenir le client en boutique a toujours été une préoccupation et « pour être précis, la demande a toujours été constante malgré la pandémie et le confinement. MODA avec ses spécificités cultive et développe une offre comme à la maison avec ses produits, ses projets et ses réalisations de lieux de vie ou d’espaces de travail. Cet état d’esprit se retrouve dans les showrooms. Plusieurs éléments doivent participer à la gestion d’une demande en croissance : une sélection plus rigoureuse et cohérente des produits, une offre de services plus complète et plus performante pour nos clients et un process de gestion de la demande au sein de MODA. Malgré la situation actuelle, cette période très particulière n’impacte pas les délais de livraison qui se situent toujours autour de 8 à 10 semaines. Mais nous l’assurons grâce à un dépôt de 2500 m2. Pour les matières « métaux », on peut noter une augmentation des coûts due, en effet, à une forte demande du marché, d’où des augmentations des tarifs produits.

Portrait de Pascal Dessagnes, PDG de MODA
© MODA

Chez MODA, le designer est un atout, un gage de qualité de produits et de services, une signature. Avec la même exigence, le même état d’esprit, nos clients recherchent des produits signature, expressions créatives, vecteurs d’image et l’esprit « designers ». Pour renouveler une collection, il faut anticiper les tendances du marché et accompagner nos clients dans la sélection de nouveaux produits, d’éditeurs et de fabricants. Véritable laboratoire de recherches et de réalisations, le bureau d’étude est au cœur de ces renouvellements permanents. La gestion et l’application de nouvelles valeurs telles que l’écologie et l’éco-responsabilité au quotidien ont un rôle déterminant. Une boutique à Paris est indispensable car au de-là du virtuel, du web et des réseaux sociaux, elle offre en présentiel le plaisir « d’essayer un canapé, d’en apprécier les formes, les matières, le moelleux ou la fermeté. La boutique est le lieu, l’espace de leur meilleure expression. Le lien avec le client. »

Rédigé par 
Bénédicte Duhalde

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18/7/2025
Concours Technogym x Intramuros : les Candidatures sont ouvertes !

En partenariat avec Intramuros, Technogym lance un concours pour imaginer l’avenir du fitness à domicile. Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 29 août.

Sous le titre évocateur « La Home Gym du Futur », Technogym — marque reconnue pour ses équipements de fitness haut de gamme - lance un concours inédit. Cette initiative vise à mettre en valeur les talents émergents tout en encourageant des idées novatrices, durables et inclusives. En s’appuyant sur les besoins actuels en matière de pratique sportive et en anticipant les évolutions à venir, les participants sont invités à imaginer leur vision de l’entraînement à domicile de demain.

Un jury XXL pour cette première édition

Pour juger les différentes propositions des candidats au concours, les équipes d’Intramuros et de Technogym pourront compter sur l’expertise de 4 professionnels du secteur :

  • Le designer Patrick Jouin (studio Patrick Jouin iD)
  • Natacha Froger (agence atome associés)
  • L’architecte d’intérieur Ana Moussinet (Ana Moussinet Interiors)
  • L’architecte et designer Jean-Philippe Nuel (studio Jean-Philippe Nuel)

Après une délibération des membres du jury le 2 septembre prochain pour sélectionner les finalistes, les projets retenus seront mis en avant sur les réseaux sociaux et présentés au sein de la boutique Technogym pendant  Paris Design Week du 4 au 13 septembre.


Ce concours est l’opportunité pour les jeunes créateurs de faire valoir leur créativité et de gagner en visibilité. En effet, en plus de voir leur projet exposer pendant Paris Design Week, les finalistes pourront profiter de la communication via les canaux de Technogym, Intramuros, NDA et BED et pourront enrichir leur réseau lors de la remise des prix qui aura lieu le 17 septembre prochain. Le lauréat remportera 4 500 € de produits Technogym et vivra une expérience exclusive au Technogym Village à Cesena, en Émilie-Romagne (Italie), aux côtés du jury.

Une démarche d’inscription simple

Pour participer, les candidats devront proposer un brief complet avec un concept design, des planches graphiques et une note descriptive détaillée. Les dossiers devront être envoyés par email à l’adresse suivante : concourstechnogym@intramuros.fr

Tous les documents essentiels relatifs au concours sont disponible vie CE LIEN.

En cas de besoin et demandes spécifique, les candidats peuvent contacter le Technogym Interior Design Service, via Daniela D’Errico à l’adresse : dderrico@technogym.com ainsi que Yanis Aimetti, yaimetti@technogym.com pour le Technogym Marketing support & infos produit.

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9/7/2025
Spinning Around, la collection en mouvement de Sophia Taillet

Présentée en exclusivité dans la nouvelle boutique du Grand Palais, la collection Spinning Around de Sophia Taillet allie une approche artistique à un savoir-faire industriel méconnu : la technique du repoussage. Une série colorée et dynamique, à l’image de la designer qui aime mêler les disciplines.

À l’occasion de la réouverture du Grand Palais et de l’inauguration de sa boutique, Sophia Taillet a imaginé une collection exclusive, intitulée Spinning Around. Un projet qui s’inscrit dans la continuité de son travail amorcé avec le Spinning Mirror présenté lors de la Paris Design Week en 2024 et le travail de recherche Time Erosion, mené suite à l’obtention de la bourse « Monde Nouveau » en 2023. Un projet pour lequel elle a exploré duré un an les liens entre design et danse, en collaboration avec des artisans, un danseur et un ingénieur du son. « J’ai voulu interroger le rapport au corps à travers la manipulation d’objets encore en phase de réflexion. Une fois façonnés par l’artisan, ces objets passaient entre les mains du danseur, qui leur donnait une fonction. Je trouvais intéressant d’intégrer d’autres regards que celui du designer dans le processus et de les présenter par le biais d’une performance. » Une représentation s’était tenue à la Fondation Pernod Ricard, où danse et objets cohabitaient en parfaite synergie.

Collection Spinning Around

Associer matière et mouvement dans l’espace

Partie de ce projet symbolique et du Spining Mirror — remarqué lors de la Paris Design Week 2024 et de la Collective Fair de Bruxelles —, cette collection offre différentes déclinaisons qui mêlent à la fois la matière et mouvement. Les pièces sont faites en verre et en métal, les deux matériaux de prédilection de la créatrice, et réalisés à la commande, dans une dizaine de d’exemplaires pour le moment. Entre jeux de matière, de lumière et de formes évolutives en fonction de la disposition et l’espace dans lequel se trouve l’objet, Spinning Around est une collection qui n’est finalement jamais figée. « J’ai voulu créer une sorte de liberté visuelle au sein de laquelle le mouvement donne vie à l’objet. Le fait que les objets bougent permet de créer des effets visuels qu’on n’aurait pas s'ils étaient immobiles » Et pour cette collection, Sophia Taillet a choisit de se pencher sur la technique du repoussage, un savoir faire dont on parle peu mais qui n’en est pas moins intéressante à explorer. « C’est une technique qui n’est pas forcement médiatisée et je trouvais intéressant de la travailler, d’autant qu’avec mon expérience du verre, je ressens un devoir de transmission des savoir et des techniques. »

Collection Spinning Around

Un rendez-vous donné à la rentrée

En septembre, à l’occasion de la Paris Design Week du 4 au 13 septembre et des Journées du Patrimoine les 20 et 21 septembre, Sophia Taillet investira la cour du musée de la Chasse avec une installation cinétique en plein air, pensée comme une « danse silencieuse ». Neuf pièces de Spinning Mirror seront présentées en dialogue avec l’architecture du lieu. Une performance dansée viendra également accompagner l’installation.

Spinning Mirror
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10/7/2025
Drift chair ou la justesse des lignes

Le studio BrichetZiegler et Théorème Éditions se sont associés pour créer la Drift chair. Une chaise très graphique portée par des lignes fines au service de l'équilibre.

Comme pour chacune de leurs collaborations, David et Jérôme, les fondateurs de Théorème Éditions, dont la galerie eponyme est située sous les arcades du Palais Royal, se sont tournés vers un studio avec une demande : créer un objet sculptural, architectural et monolithique. Un triptyque dans l'air du temps que le studio BrichetZiegler, convié pour l'occasion, a naturellement retranscrit sur une chaise. Une pièce que le duo de créateurs affectionne particulièrement en raison de son échelle. « Une chaise est une surface parfaite car sa dimension permet de s’exprimer de façon sculpturale et plastique tout en abordant les aspects techniques d’un objet qui soutient le corps. » Un terrain de jeu idéal donc, autour duquel les designers ont imaginé une pièce « fonctionnelle et confortable pour dîner, portée par un dessin et une présence visuelle forte. »

Drift chair by Brichet Ziegler for Theoreme Éditions @Stéphane Ruchaud

Un jeu d'équilibre

Développée en à peine un an et demi avec le savoir-faire d'un menuisier installé à Pantin, la Drift chair – que nous pourrions interpréter par « chaise qui plane » - tire son nom de son assise en porte-à-faux. Supportée par deux planches latérales en guise de pieds, l'assise joue sur l'alternance des pleins et des vides pour offrir, de côté, tout le poids visuel de sa structure, et de face une certaine frugalité structurelle. Deux sensations renforcées par l'utilisation de courbes au niveau des zones de contact pour des questions de confort, mais aussi dans les angles. Une manière d'apporter de la fluidité à cet assemblage égayé par une galette aimantée en cuir lisse ou en tissu Kvadrat choisi par la galerie. En dessous, la surface à bois a été ajourée de manière à diminuer le poids de la chaise – déjà de 7,5kg – et solidifier la structure pour éviter qu'elle ne vrille.

Drift chair by Brichet Ziegler for Theoreme Éditions @Stéphane Ruchaud

Proposée en chêne et en noyer, la Drift chair est disponible dans une version cérusée où le veinage naturel du bois devient porteur d'un monochrome très graphique. Une alternative utilisée par Joseph Hoffmann dès les années 30 et désormais réinterprétée avec goût par le studio BrichetZiegler.

Drift chair by Brichet Ziegler for Theoreme Éditions @Stéphane Ruchaud
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9/7/2025
À la CFOC, six décennies d'exploration

Créée par François Dautresme en 1965, la Compagnie Française de l'Orient et de la Chine (CFOC) fête ses 60 ans. À cette occasion, Valérie Mayéko Le Héno, architecte DPLG et directrice artistique depuis 2016, évoque les évolutions de cette société indissociable des savoir-faire asiatiques.

Voyageur passionné et aventurier en quête de nouveautés, François Dautresme a fondé la CFOC en 1965. Quelle place occupe aujourd'hui son héritage dans l'identité de la marque ?

En tant que directrice artistique de la marque depuis 2016, je crois pouvoir dire que la manière dont nous travaillons est assez proche du concept de départ puisque nous continuons de voyager beaucoup à travers l'Asie. C'est important de garder un pied dans cette zone, où se trouve une douzaine de pays avec lesquels nous collaborons, mais aussi au-delà – en Italie pour l'édition textile, au Maroc pour les éponges et la broderie, au Portugal pour le travail de l'acier et des couverts, et au Mexique pour la fibre de palme -, car ce que nous cherchons, c'est avant tout un savoir-faire particulier ou de nouvelles techniques. Nous partageons de fait la passion de l'artisanat, mais aussi le plaisir de trouver des ateliers familiaux, des petites structures. Cette notion est très importante pour nous, car depuis 1965, l'idée est de valoriser des produits manufacturés. À travers ça, l'héritage principal est sans doute celui d'être du contact.

Tapis Ombrelle Sépia ©CFOC

La place du geste est donc véritablement importante au sein de la CFOC, mais comment concilier les savoir-faire anciens et asiatiques avec les besoins des consommateurs européens ?

Il y a longtemps eu un gap entre nos deux régions. Il y a encore une quinzaine d'années, les arts de la table en Chine se limitaient majoritairement à des bols et à des baguettes tandis qu'il était coutume de s'asseoir proche du sol en Asie alors nous avions tendance à nous asseoir de plus en plus haut en Europe. Il a donc fallu adapter tout cela à nos usages. Dès les années 90, à l'époque où la CFOC proposait principalement du mobilier chiné, souvent aux Puces de Pékin, François Dautresme a commencé à dessiner des éléments destinés au marché français. Un premier pas que nous avons complètement généralisé en 2011-2012, en insufflant à la compagnie alors en perte de vitesse, une nouvelle vision davantage adaptée à nos modes de vie, aux usages.

Collection Lotus ©CFOC

Et comment cela se traduit-il en termes de création ?

Nous avons voulu faciliter l'échange de regard entre l'Europe et l'Asie. Un bureau de style est ainsi né à Paris. Nous y travaillons à deux pour ce qui est de la conception design, plus une troisième personne chargée de la production. Celle-ci est principalement basée en Asie, car nous n'avons pas d'intermédiaire, et c'est elle qui nous permet de développer des produits sur le long terme – généralement entre 4 et 10 mois – et d'entretenir des relations pérennes avec les ateliers pour ne pas être sur du one-shot. Pour la majorité d'entre eux, notre collaboration oscille entre 8 et 10 ans, et c'est ce qui nous permet de pousser les savoir-faire et développer de nouveaux produits.

Table basse ultra noir en chêne teinté ©CFOC

L'une des richesses de la CFOC, c'est également l'étendue des matériaux travaillés. Comment les réinvente-t-on pour ne pas tourner en rond au bout de 60 ans ?

En fait, la question est surtout technique. Ce sont généralement des déclinaisons. Par exemple pour la laque, dans les années 50 à 70, on ne trouvait que des couleurs naturelles. Progressivement, on a évolué vers des colorants alimentaires pour diversifier les teintes, sans pour autant perdre le savoir-faire ancestral à base de sève de laquier. Cette année, nous proposons par exemple deux nouvelles couleurs, le bleu jun et l'ambre jun que nous avons travaillé avec notre coloriste basé dans un village près de Hanoï, au Vietnam. Pour ce qui est du tissu, la CFOC évolue notamment en passant de fibres naturelles à des fibres textiles pour répondre à des besoins spécifiques. C'est le cas de notre tapis tressé Kilim (une technique indienne) où le jute est remplacé par de la laine.

Lampe de chevet Naméko en porcelaine et laiton et courtepointe Samarcande en velours de soie et lin ©CFOC

De manière plus précise, comment avez-vous pensé la collection anniversaire ?

Elle a été guidée par une démarche en quelque sorte historique. J'ai réuni les origines de la CFOC en me replongeant dans de vieux articles de presse, des archives photographiques des anciennes boutiques et leurs vitrines aux scénographies imaginées par François Dautresme, mais aussi des produits dans les catalogues de vente. Bref, je me suis immergé dans la riche histoire de la société et j'ai confronté le passé et le présent. C'est ça qui m'a amené à développer la forme des ombrelles pour nos tapis, le concept de naturalité, le travail du pojagi – une méthode de couture que l'on peut rapprocher du patchwork -, le velours de soie que l'on retrouve sur les contrepointes Samarcande travaillées avec du lin par des artisanes brodeuses, sans oublier la réédition d'objets dans le rouge CFOC. Tous ces axes nous ont permis de créer des pièces en série limitées ou numérotées.

Tabourets signature en coloris bleu jun, verveine et blanc ©CFOC

Sur le plan commercial, la CFOC s'est progressivement ouverte au B2B. Qu'est-ce que cela a changé dans votre approche et quels sont les prochains défis à venir ?

Effectivement ! Depuis plusieurs années, nous développons le B2B pour proposer nos services des chefs ou des établissements hôteliers. C'est une autre manière de voir les choses. L'un de nos projets significatif est certainement la réalisation de pièces sur mesure pour l'hôtel SO/ Paris réalisé par le cabinet RDAI et livré en 2022. Parallèlement à ces nouveaux marchés, nous souhaitons également développer notre notoriété et étendre notre réseau aujourd’hui composé de trois boutiques sur Paris et de revendeurs en région. Nous réfléchissons donc à ouvrir un nouveau showroom ou des pop-ups store dans des zones balnéaires.

Plateau haut Étamine ©CFOC
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