Les leçons de l’Art déco
Roger-Henri Expert (avec Pierre Patout), Pavillon de la France, Exposition internationale de New York de 1939, Perspective d~x 74,1 cm © Académie d’architecture Cité de l’architecture _ du patrimoine, Archives d’architecture contemporaine

Les leçons de l’Art déco

Art déco en France et Art déco outre-Atlantique, deux appellations pour un style moderniste s’efforçant de mettre de l’art dans tout. La Cité de l’architecture remet à l’honneur ce style, espérant toujours sa reconnaissance officielle.


« L’Art déco est méprisé », déplore Emmanuel Bréon, commissaire de l’exposition « Art déco, France-Amérique du Nord », actuellement présentée à la Cité de l’architecture. Pas une œuvre Art déco au MoMA (musée d’Art moderne de New York), ni dans les collections des grands musées français. Quant au quasi homonyme musée des Arts décoratifs, il couvre un spectre bien plus large dans les arts appliqués. Rayon de soleil dans ce paysage désolé, les beaux succès en salles des ventes d’un Jacques-Émile Ruhlmann ou d’un Pierre Chareau, et une curiosité du grand public pour le genre, avec des parcours urbains à Saint-Quentin, Roubaix, Lens, Clichy, et ailleurs, sans parler des Art Deco Societies, qui pullulent outre-Atlantique.

Comme l’Art nouveau, péjorativement appelé « art nouille » jusqu’à sa réhabilitation par le musée d’Orsay, l’Art déco va-t-il recevoir sa consécration officielle et sortir du purgatoire critique où il moisit depuis tant d’années ? Retracer la généalogie de ce mouvement n’est pas aisé, et en appuyant d’emblée sur le lien entre Amérique du Nord (Canada, États-Unis et Mexique compris) avant de définir ledit Art déco, l’exposition ne contribue pas à clarifier la situation. Pour une fois, l’Art déco ne serait pas une nouveauté d’Amérique, à l’instar des hôtels ou des gratte-ciel. Né en Europe, il aurait franchi l’Atlantique avec les soldats américains démobilisés, étudiant dans des écoles spécialisées de Fontainebleau ou de Meudon en attendant leur retour au pays. Mais apprenaient-ils les ressorts d’un nouveau style moderne ou testaient-ils un avatar de l’enseignement de l’École des beaux-arts, alors à son apogée ? Mouvement sans manifeste, ni véritable chef de file, l’Art déco n’aurait, selon certains auteurs, reçu son nom qu’en 1966, à l’occasion d’une exposition au musée des Arts décoratifs. L’exposition de 1925, moment majeur pour les arts publics en France, passe aussi pour sa date de naissance. Brièvement abordé, car déjà objet d’une exposition dans les mêmes murs en 2013, la manifestation ne faisait que cristalliser des pratiques apparues à l’aube du XXe siècle. Le temps de l’Art déco semble courir des années 1900 jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale, avec une diffusion internationale, notamment outre-Atlantique, au centre de l’exposition.

Paquebot Normandie, perspective intérieure sur le grand salon Roger-Henri Expert, (Bouwens van der Boijen, collaborateur) © Académie d’architecture Cité de l’architecture et du patrimoine, Centre d'archives d’architecture contemporaine
Angel Zàrraga y Argüelles (1886-1946) La frontera septentrional de México (La frontière septentrional du Mexique) Huile sur toile, 1927 © Patrimoine culturel du Ministère mexicain des Relations extérieures

L’art universel

L’aspect encore aujourd’hui le plus captivant de l’Art déco tient à cette volonté d’inventer une forme artistique applicable à tous les arts, purs ou appliqués, de l’architecture à la peinture, en passant par le textile, le mobilier, la sculpture ou le cinéma. Il apparaît comme la dernière incarnation de l’œuvre d’art totale, suivant un principe né en Allemagne au XIXe siècle avec le théâtre wagnérien appliquant la création à toutes les échelles. L’Art déco s’attache au lien entre art, artisanat et économie, autre principe germanique qui aboutira à la création du Bauhaus, mais pas plus en France qu’aux États-Unis il n’aura d’école aussi emblématique. Le soutien de l’État français à l’art décoratif, perçu comme un élément d’excellence de l’économie nationale, est perceptible dans l’exposition de 1925, puis l’Exposition universelle de Paris en 1937. Exposition permanente, les grands paquebots servent autant au transport de voyageurs que de vitrines des savoir-faire français. Une cimaise présente la coupe l’une de ces villes flottantes qui fascineront bien des architectes, et donne un aperçu des décors des salles à manger de l’« Île-de-France » (1927) ou de son rival plus prestigieux, le « Normandie » (1935). Le passager traverse l’Atlantique dans une œuvre d’art flottante et praticable, un décor travaillé jusqu’à l’excès par Ruhlmann, Louis Süe et André Mare, le sculpteur Alfred Janniot et le peintre Jean Dupas, pour n’en citer que quelques-uns. « Le plus beau seau à champagne du monde », aurait dit la presse de l’époque en parlant de l’« Île-de-France ».

Jacques-Emile Ruhlmann (1879-1933) Commode “au char” Commode à vantaux, ébène de Macassar incrustation d’ivoire, dimensions 109 x 224 x 48,5 cm, circa 1930 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) _ Maurice et Pierre Chuzeville

Sur la terre ou sur les mers, l’Art déco est d’abord l’art de la haute bourgeoisie. Il se développe dans les hôtels particuliers. Il élabore son vocabulaire en toute liberté dans ces univers privés où s’inventent de nouvelles façons de travailler le verre ou le fer, où l’on choisit les motifs et où l’on travaille leur stylisation. Aucune surprise, donc, que l’Art déco se retrouve sur les enseignes des grands magasins de luxe new-yorkais quand il traverse l’Atlantique. Ce langage de l’élite se démocratise après la crise de 1929, pour gagner l’habitat populaire et le mobilier. La corbeille de fruits stylisée va triompher sur les garde-corps, les frontons et les colonnes, éclipsant la vieillotte et compliquée feuille d’acanthe des chapiteaux corinthiens. L’Art déco offre à un monde en crise la possibilité d’avoir un ornement moderne, économique et passe-partout.

Anne Carlu (1895 - 1972) Diane chasseresse, modèle de décor, 1927 Peinture à l’huile, 158,3 x 234,9 cm © Droits réservés. Musées de la ville de Boulogne-Billancourt, Photo Philippe Fuzeau

Streamline, ou les origines Art déco du design

Les peintures du Mexicain Angel Zárraga comptent parmi les belles découvertes de l’exposition. Son installation en France dès 1904 n’en fait pas le sujet le plus représentatif de l’Art déco du Nouveau Monde. Après les grands magasins et l’univers du luxe, la diffusion du mouvement et sa popularisation outre-Atlantique s’opèrent grâce aux objets accompagnant l’essor de la consommation de masse épousant le style « streamline », lui aussi méprisé des musées et des critiques. Inventé par des figures comme Donald Deskey, Walter Dorwin Teague ou Raymond Loewy, prototypes du designer industriel, le style s’identifie à trois « traits de vitesse » qui seraient empruntés à la bande dessinée. Ils impriment une idée de mouvement à des objets qui n’en ont aucunement besoin, tant qu’ils ne sont pas utilisés comme projectiles : taille-crayon, lampe, radiateur… Les études aérodynamiques développées dans l’aéronautique, appliquées aux locomotives et aux automobiles, expliquent aussi la genèse de ces formes, et les traits figurent l’écoulement d’air visualisé en soufflerie. Le développement de matériaux artificiels, tels que le Lloyd Loom, ersatz du rotin utilisé pour la fabrication de meubles dans les zeppelins et les transports aériens naissants, annonce l’apparition de contraintes de légèreté et l’arrivée de nouveaux matériaux synthétiques qui changeront peu à peu la donne en matière de design.

Pierre-Emile Legrain (1889-1929) Coiffeuse éditée par Louis Vuitton Placage d’ébène et laque, dimensions 152 x 130 x 52 cm, 1921. Collection Louis Vuitton © Louis Vuitton Malletier
Pierre Patout (1879-1965) Auteurs-Exécutants _ Établissements Neveu et Nelson, ébéniste et Etablissements Brunet-Meunietablissements Brunet-Meunie. Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme - Écomusée

L’architecture absente

Si les nombreuses sculptures et les peintures de l’exposition raviront le visiteur, suffiront-elles à le consoler de voir aussi peu d’architecture dans les murs d’une institution qui y est dédiée ? Où sont les polémiques déclenchées par ce style ? Elles étaient pourtant animées, en témoigne l’ouvrage « L’Art décoratif d’aujourd’hui », publié par Le Corbusier en 1925. Une condamnation sans appel d’un Art déco qu’il juge superflu. « L’art décoratif moderne n’a pas de décor », disait l’architecte. Où sont les Faure-Dujarric, Henri Zipcy, Henry Trésal, ou, aux États-Unis, les Arthur Peabody, Ralph Walker, Van Alen ? Où sont les immeubles d’habitation, les grands magasins, les pavillons de l’Exposition de 1925, l’ambassade du Mexique, dévoilée en avant-première lors de l’exposition puis oubliée ? L’architecture se borne à trois exemples intéressants, mais souvent périphériques ou déjà très connus, à l’instar du palais de Chaillot, qualifié de washingtonien, et à la figure de Jacques Carlu, architecte américanophile installé un temps aux États-Unis. Pas de quoi comprendre les débats, ni restituer la richesse de ce patrimoine oublié, et de ce fait toujours menacé. Signe que, plus encore que l’Art déco, l’architecture peine à accéder à la considération critique ?

Rédigé par 
Olivier Namias

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23/9/2025
Table Linha : la rencontre du savoir-faire portugais avec l’excellence suisse

Conçue par le studio de design Friends of Paula, la table Linha allie l’artisanat suisse au savoir-faire portugais, avec l’envie de créer une pièce élégante en adéquation avec l’habitat contemporain.

Fabriquée de manière artisanale en Suisse à partir de noyer massif, la table basse Liana est dotée d’un plateau composé de carreaux de céramique peints à la main réalisés au sein de la manufacture Viúva Lamego à Sintra, au Portugal. Un modèle imaginé par Friends of Paula, studio fondé par Paula Gisler en 2025, et qui apporte beaucoup d’importance au respect des matériaux et des savoir-faire.

Table Linha, design : Friends of Paula

Un modèle inspiré du Brésil disponible en 4 coloris

L’idée de la table basse Linha - dont le nom choisit correspond à la traduction du mot en portugais qui signifie « ligne » - est née d’une étude sur le modernisme brésilien, et plus particulièrement sur l’œuvre de l’architecte paysagiste Roberto Burle Marx, avec la volonté de traduire cette architecture paysagère sculpturale en une collection de carreaux. Le studio Friends of Paula a de fait développé un design dans lequel une ligne unique relie visuellement chaque carreau, les unifiant en un motif cohérent et modulable et ouvrant la voie à une infinité de compositions.

La collection Linha se divise en 4 univers colorés imaginés à partir de lieux et  paysages inspirants

La collection se divise en 4 univers colorés qui incarnent chacun un lieu inspirant. D’abord Giorgios, nommée d’après une plage retirée sur l’île d’Antiparos en Grèce et qui s’inspire de l’architecture vernaculaire et de la mer Égée. Ensuite, Algaiarens, qui puise sont inspiration de la baie d’Algaiarens, située au nord de l’île de Minorque et évoque un paysage façonné par denses forêts de pins et systèmes dunaires. L’univers de la Mola s’inspire quant à lui des paysages marins de Formentera avec ses les eaux turquoises, qui bordent ses plages immaculées, le bleu profond de la mer des Baléares, et le vert éclatant de la plante sous-marine Posidonia oceanica. Enfin, la palette Gion, inspirée par le quartier du même nom à Kyoto au Japon, rend hommage à l’architecture en bois des maisons traditionnelles, aux nuances brunes et ocres qui la caractérisent.

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26/9/2025
Les luminaires givrés d’Hadrien Hach

Pour sa première collection, le designer français Hadrien Hach dévoile une série de luminaires réalisés en tissu de soie et en résine. Une technique développée à tâtons, pour un rendu délicatement givré.

Il est courant de dire que le geste se trouve au cœur de la pratique d’un designer, qu’il est relatif à un savoir-faire, à une culture. Au Japon, la découpe du bambou à l’aide d’un katana fait partie de ces mouvements-là. Hadrien Hach découvre cette pratique lors d’un voyage au pays du Soleil Levant en 2018. Mais ce n’est que six ans plus tard que le designer choisit de la figer en objet ; d’abord dans son essence d’origine, puis en plâtre pour pallier les fissures liées au séchage, et enfin en bronze pour plus de préciosité. Une évolution qu’il abandonne rapidement au profit de la résine, un matériau qui lui permet « de réaliser des prototypes seul, sans être soumis aux délais des fonderies ni aux contraintes du métal. » C’est donc dans un univers encore inconnu qu’il s’immerge début 2025. Commence une phase de recherche et développement menée à l’abri des regards, dans son atelier sarthois.

Le modèle Frozen Katana, comme les autres de la collection, joue avec les aspérités de la matière et l'aspect ascensionnel donné par le dégradé doré de la base ©JP Vaillancourt

Une collection inspirée par le geste et les voyages

Il y a des matériaux dont on connaît à l’avance le rendu, et d’autres, issus d’alchimies novatrices, qui ouvrent de nouvelles pistes. Attiré par la résine et ses propriétés techniques, Hadrien Hach entame une démarche prospective en quête de la bonne association. Travaillant d’abord avec de la fibre de verre grâce à laquelle il obtient une transparence centrale dans ses créations, Hadrien Hach finit par adopter le tissu de soie. « C’est un matériau que j’ai découvert un peu par hasard, et qui donne à la résine un effet translucide, presque givré » explique-t-il. Travaillé sous forme de feuilles enduites, le textile est ensuite mis à sécher pendant une journée dans la forme désirée. Convaincu que « la matérialité conduit à la forme », le designer, dont l’idée de flottement avait guidé des premiers prototypes, s’oriente finalement vers un style plus monolithique. Inspiré notamment par la tour The Shard, célèbre gratte-ciel londonien où il a vécu deux ans, ou par l’architecture vernaculaire africaine, il signe six familles de luminaires, dont la première s’intitule Frozen Katana. Un clin d’œil évident aux prémices de cette première collection, et au Japon, renforcé par l’usage de la feuille d’or. Un revêtement en écho “au temple de l’or de Kyoto et sans doute un peu au château de Versailles, à côté duquel j’ai grandi », raconte-il. Appliquées par fragments ou bien dégradées à l’alcool, ces dorures jouent avec la lumière. Que ce soit en reflétant l’environnement lorsque la lampe est éteinte, ou en filtrant la lumière lorsqu’elle est allumée, à l’image de l’applique Arrowslit dont le maillage réalisé grâce à une résille évoque une pixellisation ou une cartographie urbaine.

Comme un clin d'œil à l'enfance, le designer s'est inspiré des meurtrières visibles dans les châteaux-forts pour créer cette applique Arrowslit. Une référence architecturale détournée pour attirer le regard non plus vers l'extérieur, mais vers l'intérieur de l'habitat ©JP Vaillancourt

L’idée d’un design construit

Si les clins d'œil architecturaux sont si présents dans son travail, c’est en partie grâce à son parcours à l’École nationale supérieure d’architecture de Versailles. Une formation enrichie d’une approche centrée sur l’intérieur avec un diplôme en design d’objet obtenu à l’École Polytechnique de Milan. « Ça a été une année très rafraîchissante avec une vision complètement différente. En France, nous avions plutôt travaillé sur du logement social alors que là-bas, nous avons travaillé sur des projets de yachts et de villas. » Une expérience transversale à la croisée du fonctionnel et de l’ornemental, valorisée ensuite par un stage dans le département architectural de Louis Vuitton au cours duquel l’architecte travaille de nouveaux matériaux haut de gamme comme le papyrus ou le cuir d’anguille. S’en suivent des expériences dans le développement commercial pour un verrier et un sculpteur londoniens, avant un retour en France où il devient chargé d’affaires et de projets pour la Maison Pouenat. « J’ai toujours été à cheval entre le monde de l’entreprise et celui de la création. Et finalement, j’ai fini par créer une collection. » Un retour éclairé à la conception.

Ci-dessous à gauche la suspension Frozen Shard et à droite la lampe à poser Manaratan (le phare en arabe) ©JP Vaillancourt

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24/9/2025
BoConcept : une rentrée pleine de nouveautés

À l’occasion de la rentrée 2025, la marque danoise BoConcept, qui a récemment nommé Helena Christensen comme directrice artistique, dévoile sa nouvelle ligne créative et nouvelles collections, dont une collaboration avec le designer italien Claudio Bellini.

Il ne fait aucun doute que la rentrée était placée sous le signe du renouveau chez BoConcept, qui prend un nouveau virage artistique. En effet, la marque danoise qui a récemment accueillie Helena Christensen à la direction artistique, ouvre les portes d’un nouvel univers entre mode et design, fusionnant l’héritage danois propre à la marque avec une vision plus internationale.

Une collaboration inédite avec Claudio Bellini

Pour sa première collaboration italienne, BoConcept a choisi le designer Claudio Bellini, dont le studio est basé à Milan. Avec ce projet, Claus Ditlev, directeur des collections de la marque, et ses équipes souhaitaient mettre en valeur le dialogue entre savoir-faire italien et traditions danoises.  Baptisée Milano, la collection se compose d’un canapé modulable, d’une table basse et d’une table d’appoint en marbre. « Lorsque j’ai commencé à imaginer ce canapé, je ne voulais pas quelque chose de strict. J’ai pensé les choses de manière plus architecturale, en concevant différents modules qui s’associent pour créer un ensemble. L’objectif final était qu’il puisse s’adapter à tous les intérieurs », explique le designer. Le textile du canapé a d’ailleurs été spécialement développé par les équipes de BoConcept, renforçant son caractère unique. Une idée qui se retrouve dans la table basse et la table d’appoint, deux pièces très techniques aux formes là aussi très géométriques qui permettent là aussi de créer une rupture.

Collection Milano, design Claudio Bellini © BoConcept

Un « love seat » signé Helena Christensen

Pour marquer son arrivée à la direction artistique, Helena Christensen signe Ø, un fauteuil enveloppant inspiré des petites îles danoises dont elle est originaire. « Ø offre une expérience profonde, semblable à un cocon, créant un sanctuaire personnel. Je voulais un fauteuil dans lequel on puisse s’enfoncer et laisser ses pensées vagabonder », confie-t-elle. Un modèle qui s’accompagne d’une série de pièces complémentaires : le tableau, le tapis et la sculpture Flora, ainsi que le coussin Teddy.

Fauteuil Ø, design Helena Christensen © BoConcept

Aarhus, un hommage aux savoir-faire ancestraux signé Studio Arde

Dans la continuité de cette volonté de mettre en lumière les valeurs du design danois, BoConcept présente la collection Aarhus, imaginée par le studio Arde. Alliant élégance scandinave, fonctionnalité et durabilité, elle se compose de canapés et de tables dont la structure en bois apparente souligne l’authenticité des matériaux sélectionnés avec soin pour leur qualité et résistance. Certifiée par le label Nordic Swan Ecolabel, Aarhus illustre l’engagement de BoConcept pour une production responsable, tout en affirmant une esthétique intemporelle.

Collection Aarhus, design studio Arde © BoConcept
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22/9/2025
Juliette Rougier : guidée par l'émotion

Installée à Marseille où elle s’est prise de passion pour la canne de Provence, Juliette Rougier développe un univers intime, ancré dans le territoire local.

C’est un début prometteur qui en ferait rêver plus d’un. Diplômée des Beaux-Arts de Marseille l’été dernier, Juliette Rougier s’est vu récompenser du prix du public de la Villa Noailles trois semaines après pour sa collection Alto, son projet d’études. Une belle reconnaissance pour la designer née en 2000 en banlieue parisienne, et installée à Marseille depuis quatre ans après une licence en design global passée à l’École Bleue. C’est ici, sous le soleil et au milieu de la végétation méditerranéenne que tout a commencé. « C’est parti d’un workshop sur la flore régionale, explique la designer. Avec une enseignante, nous sommes allés visiter une manufacture qui travaille la canne de Provence pour en faire des anches. J’en ai ramassé quelques-unes à même le sol, et lorsque j’ai demandé si je pouvais repartir avec, on m’a expliqué que c’étaient des déchets et on m’a montré une fosse au bout d’un champ où il y en avait des milliers. Ça a été une révélation ! » Commence alors une collaboration entre l’entreprise Marca, fondée en 1957, et la créatrice.

Valet Alto, Juliette Rougier, Artisans : Pascal Souvet et Christophe Richard

La sensibilité en guise d’orientation

« Je n’ai pas tout de suite su comment travailler ce matériau, mais il y avait une sorte de frugalité qui me plaisait bien. Avec la paraffine naturelle, l’objet est déjà verni et l’entreprise l’a déjà taillé. Ma pratique consiste simplement à assembler, comme un puzzle. » Alors les morceaux fusionnent, se superposent, alternent, soit par couleur lorsque certains, plus rares, lui parviennent brunis par le temps, soit par taille selon les instruments auxquels ces anches étaient destinées. « Je travaille d’abord la surface en jouant sur les aspects et les finitions. C’est à partir de là que je décide ce que j’en fais. La notion de matière est très importante pour moi, c’est ce qui confère à l’objet sa dimension intime. » Une sensibilité essentielle aux yeux de Juliette Rougier, qui aborde son travail de manière instinctive. « Lorsque j’ai commencé, je ne connaissais rien à cette plante, et je crois que cette vision dépourvue de technique m’a permis d’être totalement libre dans mon approche pour réinventer quelque chose. Et comme mon cerveau adore les associations d’idées, mes créations naissent d'inspirations hétéroclites. » Une approche du design cultivée, entre autres choses, par son attrait pour le mobilier des années 1950 et les détails architecturaux de sa ville d’adoption. Mais pour celle qui aime se balader en levant le nez, son inspiration se résume surtout à « ce que les gens ne regardent pas ». En témoignent ses multiples collections d’« objets non utilitaires » comme les photographies d’angles et de plafonds ou encore des ensembles de galets et d’écrous. Un petit monde poétique et parallèle que cette « presque animiste » a hérité de ses grands-mères, l’une peintre, l’autre sculptrice. « Quand j’étais plus jeune, elles m’ont appris à observer les oiseaux et à chercher des trésors dans la laisse de mer, bref, à glaner. » Un acte auquel la designer a consacré son mémoire de fin d’études, et qui trouve dans sa pratique toute sa signification.

Buffet Bas « Autan », Juliette Rougier x Malo Mangin x Laëtitia Costechareyre, issu du projet « Les Partisan.e.s 2025 », processus créatif collaboratif annuel de l’association « Réseau Le Bunker » par ©Caroline_Pelletti_Victor - Photographie de Juliette Rougier prise au ©lebunkerdescalanques

Une liberté de trait et d’évolution

Alors comme ses inspirations, comme ses trouvailles et à l’image de ses foisonnants carnets de croquis, Juliette Rougier explore avec, en toile de fond, la trame caractéristique de son médium. Animée par cette possibilité « de faire le maximum d’effets avec le moins de matériaux », elle multiplie les esquisses et décline les formes spontanément. « Mes meubles sont motivés par l’envie de susciter de la curiosité. » Un mince fil rouge reliant ses créations les unes aux autres, de la réinterprétation du désuet valet au cabinet haut perché, en passant par un ensemble de toiles abstraites. Car par-delà ses lignes architecturales involontairement évocatrices d’une culture méditerranéenne à la croisée de l’art africain et de la culture amérindienne, Juliette Rougier cultive également la passion du trait. Un double bagage qui lui avait permis d’obtenir un contrat avec Cinna en 2022 pour son tapis présenté trois ans plus tôt dans le cadre du concours organisé par la marque, qui avait pour thème « Faire du neuf avec du vieux ». Une proposition stylistique dans laquelle les contours mais aussi les notions initiales d’assemblage et de revalorisation marquaient les prémices de ce qui deviendra en 2024 le Cabinet, sa pièce emblématique présentée à la Villa Noailles. Un meuble qui sera exposé cet été à Arles à l’occasion des Rencontres photographiques. Une autre manière d’illustrer la transversalité des médiums qui nourrissent respectivement les inspirations de chacun.

Photo de miniature : Portrait de Juliette Rougier, par Caroline Feraud, pour Sessun Alma

Photos ci-dessous : Cabinet Alto, Juliette Rougier, Artisans : Pascal Souvet et Christophe Richard

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