Design : Next Gen – Françoise Seince : « être créateur est une aventure entrepreneuriale »

Design : Next Gen – Françoise Seince : « être créateur est une aventure entrepreneuriale »

Les Ateliers de Paris accompagnent de jeunes créateurs dans le secteur de la mode, des métiers d’art et du design sur une durée de deux ans. Sa directrice, Françoise Seince, revient sur l’évolution des profils des résidents passés entre ses murs depuis quinze ans.


Françoise Seince , Directrice des Ateliers de Paris © Matthieu Gauchet

Comment s’est passée l’ouverture des Ateliers de Paris ?

Les Ateliers de Paris ont ouvert en 2005, et nous avons accueilli le premier incubateur sur le site en septembre 2006, avec cette volonté de la Ville de Paris d’avoir un lieu de convergences, un lieu ressource pour tous les professionnels du territoire comportant un focus sur l’aide et le soutien à la création d’entreprises. Nous avons dès le départ proposé des formations, et des consultants ont reçu les professionnels en rendez-vous individuels. Les formations sont ouvertes à tous, les tarifs sont d’ordre symbolique pour ne pas être un frein pour les apprenants. Nous accompagnons 35 résidents pendant deux ans qui bénéficient de rendez-vous dans leur forfait accompagnement.

Dès l’origine, les Ateliers de Paris ont pensé la création dans un sens large puisque l’incubateur concerne aussi bien les métiers d’art, la mode et le design. C’est ce qui fait votre force aujourd’hui ?

À l’époque, nous avons été critiqués pour cette association, on nous objectait que personne ne serait bien accompagné. Ces trois secteurs ne sont bien sûr pas interchangeables, mais il y a beaucoup de récurrences, en termes d’accompagnement économique, beaucoup de freins sont comparables. La synergie que nous avons essayé d’initier à cette époque-là a été confirmée par le temps. Aujourd’hui, nous ne sommes plus les seuls à avoir ce type de regroupement. Cela m’avait beaucoup frappé en allant à l’étranger de voir la porosité plus grande que l’on trouvait entre ces secteurs alors qu’en France chacun est sur son pré carré. Au London Festival par exemple, beaucoup d’artisans d’art exposent avec des designers, les créateurs de mode sont présents, car il y a beaucoup de propositions autour du design textile, un secteur qui s’est redynamisé au fil des années. Encore une fois, designer et créateur de mode sont deux métiers différents, on est bien d’accord, mais il s’agit de démarches créatives, de processus parfois comparables en termes de digestion des sources d’inspiration et d’adaptation à son produit. Cela nous semblait intéressant de les associer et de créer ces synergies.

Votre accompagnement des résidents porte avant tout sur la définition de leur modèle économique ?

Les Ateliers de Paris, c’est avant tout une grande famille. Quand on passe deux ans avec les gens au quotidien, il y a une grande proximité qui se crée avec eux. On les aide à avoir confiance en eux, à vraiment comprendre leurs atouts, leurs singularités, ce qui va leur permettre de se distinguer, sur un marché qui n’attend personne, car il y a beaucoup de monde sur le marché. On les fait beaucoup travailler sur leur stratégie, prendre conscience de leur valeur, de la nécessité de facturer au juste prix pour ne pas se brader et pouvoir vivre de leur travail, on leur fait mettre en regard leur taux horaire et le temps professionnel dont ils disposent. Tous ces éléments-là les aident à avancer, à se construire, à être plus sûrs d’eux, capables de revendiquer ce qu’ils sont et le prix qu’ils valent. Et c’est un gros travail auquel bien évidemment les écoles ne préparent pas aujourd’hui, parce qu’elles ont déjà beaucoup à leur apprendre et que les porteurs de projets sont beaucoup plus réceptifs quand ils sont confrontés à la question après leur scolarité. C’est un travail plus que nécessaire, et qui permet un taux d’insertion professionnelle très important. Ils ne restent pas nécessairement chef d’entreprise, ils rejoignent parfois des entreprises comme salariés.

Ce qui compte aussi pour les designers, c’est de leur faire prendre conscience ce qu’est une entreprise, que c’est une activité économique : ils sont souvent designers et pas entrepreneurs dans la tête. Quel que soit leur statut, il faut qu’ils aient en tête que c’est du business, dans une industrie culturelle et créative certes, mais c’est du business. Ils sont tous artistes et auteurs, mais c’est avant tout une aventure entrepreneuriale, c’est ce pour quoi ils sont chez nous.

Vous êtes en lien avec d’autres réseaux, comme Make ICI ?


Depuis quelque temps, nous avons un groupe de réflexion avec le réseau Make ICI et d’autres acteurs de l’accompagnement. Nous partageons les difficultés auxquelles nous faisons face, la façon dont nous arrivons à les résoudre. Je suis très admirative du travail de Make ICI, ce sont des initiatives pérennes, le réseau est bien pensé, je suis très souvent sollicitée par des villes qui veulent créer des incubateurs, je le cite beaucoup en exemples pour leur modèle économique intéressant, leur ouverture d’esprit.

En créant les Ateliers de Paris, l’idée était aussi de décloisonner les savoir-faire et leurs complémentarités entre designers et artisans ?


Au fil de ces quinze ans, on a commencé à voir un intérêt foudroyant pour les savoir-faire, qui a confirmé cette question de fond. C’était l’ironie du sort. J’ai reçu de nombreuses demandes d’étudiants, de professeurs, qui cherchaient à entrer en contact avec des artisans. On a commencé à voir que cela allait de pair, mais malgré tout on n’a rien inventé, on revient juste aux fondamentaux ! Autre phénomène intéressant : l’enseignement a changé. Aujourd’hui les étudiants ont des profils multiples. Je pense à des gens comme Pierre Favresse qui a un DMA en ébénisterie, puis en marqueterie puis qui a fait les Arts Déco. Ou Elise Fouin, Jean Sébastien Lagrange, Dimitry Hlinka… Nombre de designers ont une formation d’artisan d’art à la base. C’est une porosité qui est de plus en plus fréquente, possible, bien sûr les gens ne sont pas interchangeables ! Mais ces cursus permettent d’enrichir des profils et d’avoir un accès à la formalisation de leurs idées un peu plus facile, ils ne sont pas en permanence dans l’abstraction pure. C’est très intéressant, on est sur la pensée et le faire à un même niveau de compétences. Ce sont des profils qui étaient rares il y a quinze ans, et maintenant se multiplient.

Sur 15 ans, qu’est-ce qui caractérise selon vous l’évolution des profils des créateurs, au sens large ?


Ce qui est incontestablement comparable sur ces 3 secteurs d’activité, c’est l’omniprésence des questions environnementales dans les démarches de ces créateurs, qui ont une conscience aiguë et qui ne peuvent pas concevoir le développement de leur activité, de leur univers créatif, en dehors de ces questions. C’est un prérequis qui va souvent être l’ossature et l’ADN même du travail créatif. Et c’est le même phénomène dans le design et dans la mode. En design, je pense par exemple à des personnes comme Samuel Tomatis, Lucille Viaud : leur volonté de créer et développer des produits autrement est complètement liée à ces questions de durabilité. C’est la même chose dans les métiers de la mode : on n’a plus aujourd’hui une marque qui arrive sans s’être posé cette question. C’est vraiment commun à tous, alors qu’il y a quinze ans, ce n’était pas forcément au cœur des réflexions, loin de là. Ils ont une foi terrible dans leurs capacités à changer le monde, ils méritent qu’on les mette avant !

Est-ce dû aussi à une nouvelle perception des champs d’action du design ?

Sur les 15 dernières années, le design a été quelque peu sous-exploité mais c’est quelque chose qui est totalement revu déjà depuis plusieurs années et notamment dans les jeunes générations. Il y a 15 ans, les jeunes qui sortaient avaient une sorte d’obsession pour une forme de célébrité. La plupart voulaient « faire des pièces uniques, des petites séries pour des galeries » et je me souviens d’avoir eu des conversations avec certains acteurs dont la vison du design était trop limitée. Les premiers que nous avons autour du design de service sont arrivés en 2012.

Pendant des années, on s’est plaint du fait que le design était mal compris, mal considéré, du fait que tout le monde le liait avant tout à une question d’esthétique, mais quelle est l’image qui était véhiculée hormis celle-là ? Entendons-nous, je ne dis pas qu’il ne faut pas faire de beaux objets, mais cela pose une question sur la dimension réelle du design, sur ce que les processus de réflexion en matière de design peuvent apporter à la société également. Et cela a vraiment bougé grâce aussi à l’enseignement, à des professeurs pionniers qui ont apporté des notions d’innovation, de recherche, des gens comme François Azambourg, qui ont toujours essayé de repousser les limites de la technologie pour essayer de faire des choses plus légères, des chaises plus facile à stocker, à transporter, et qui de fait introduisaient d’autres paramètres qui témoignent de toute la richesse du design. On a par exemple des personnes comme Isabelle Daëron. Je me souviens quand on lui a remis une étoile à l’Observeur du design pour ses premières fontaines urbaines, c’était un projet auquel je croyais, je me disais qu’il fallait vraiment que le design aille dans cette direction-là. Je suis heureuse que ce soit un message qui aujourd’hui soit beaucoup mieux compris et fasse davantage d’émules.

On le voit dans la diversité des projets dont les designers peuvent s’emparer. On y est. On est dans une belle démonstration de ce que le design peut apporter à la société aujourd’hui. C’est vraiment quelque chose que j’ai vu émerger ces quinze dernières années. On est sur quelque chose de plus profond, on le voit dans les projets développés, les intitulés de diplômes, dans ce qu’ont pu montrer des événements comme des Biennales de Saint-Étienne, avec des designers en prise avec leur territoire, leur environnement. C’est une belle histoire du design qui s’écrit maintenant en France.

Formel Studio est actuellement l’un des 35 résidents des Ateliers de Paris, et fait partie des quelque 30 jeunes créateurs mis en avant dans le dossier « Design : Next Gen  » d’Intramuros actuellement en kiosques.
Rédigé par 
Nathalie Degardin

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3/7/2025
Intramuros #224 : Sun

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Quand le soleil dicte les formes, les usages et les idées, le design s’adapte, invente, rayonne. Ce nouveau numéro d’« Intramuros » s’ancre dans le Sud, là où l’extérieur devient une pièce à vivre, un terrain d’expérimentation pour les designers, un laboratoire de matière, de lumière et d’énergie. À Marseille, ville-monde, une scène créative s’affirme. Axel Chay, Emmanuelle Roule, Juliette Rougier, Aurel design urbain : tous dessinent un design solaire, sensoriel, entre artisanat, architecture et innovation. Une approche libre, ambitieuse, toujours connectée à la matière, au contexte et même à la mode, à l’image de Marianne Cat qui chine les talents depuis quatre décennies. Ora-ïto, designer touche-à-tout et enfant du pays, nous livre ses adresses marseillaises, entre lieux cultes et concepts audacieux.

Dans ces pages baignées de lumière, le mobilier d’extérieur ne se contente plus d’habiller une terrasse. Il devient mobile, intelligent, durable – parfois même autonome. Comme un miroir de nos modes de vie en mutation, il s’inscrit dans un écosystème plus large, où design, écologie et technologie avancent main dans la main, à l’image des innovations techniques permises par la préhension d’une énergie omniprésente. SUN, c’est donc plus qu’un thème estival. C’est une invitation à penser un design conscient, ancré dans les usages et ouvert sur le monde. Un design qui compose avec le climat pour mieux en révéler la beauté.

Sommaire

Design 360

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Julien Renault, aventurier du design

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Studio 5.5, Designer à dessein

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R100, ou la révolution circulaire d’Hydro

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Sélection outdoor, à ciel ouvert

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Ïto trip

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Aurel design urbain : Marseille-Paris, transferts à succès

Juliette Rougier : Guidée par l’émotion

Emmanuelle Roule, la terre comme manifeste

L’Ingénieur Chevallier : Une oeuvre d’art sur le bout du nez

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Laboratoire des pratiques durables : de sources sûres

Roger Pradier : l’éclairage haut de gamme au service de la transition écologique

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Who’s Next Home : Cinq questions à Frédéric Maus, et Matthieu Pinet

Biennale de Saint-Étienne, une édition tournée vers demain

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Demain, les designers : entre pouvoir et influence ?

Osaka 2025, l’hymne à l’amour de la France au Japon

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2/7/2025
Les six projets de Muller van Severen dévoilés à 3daysofdesign

À l'occasion des 3daysofdesign à Copenhague, le duo belge Muller van Severen a présenté six nouvelles collections. Retour sur ces projets en résonance avec l'esthétique du studio.

Fondé au printemps 2011 par les Belges Fien Muller et Hannes van Severen, le studio éponyme était cette année présent dans la capitale danoise à l'occasion des 3daysofdesign. Fort de quatre collaborations avec les marques BD Barcelona, valerie_objects, Hay et Blēo, les deux créateurs ont dévoilé six collections. Un corpus de projets diversifiés destinés majoritairement à l'intérieur, mais unis par le goût du studio pour la couleur et la simplicité des lignes.

BD Barcelona x OFFICE KGDVS : une première collection en bois

Imaginée pour BD Barcelona et réalisée en collaboration avec OFFICE Kersten Geers David Van Severe, Rasters est une collection d'armoires et de paravents modulaires. Initialement imaginé en métal, sur une grille industrielle pouvant servir de base structurelle, le rangement a été décliné par le studio dans une version plus naturelle. Conservant la trame centrale dans l'esthétique du projet, les designers ont travaillé des panneaux de MDF plaqués en hêtre. Une première dans l'histoire du studio qui n'avait jusqu'alors jamais laissé l'aspect naturel du bois sur ses objets. Assortis de panneaux colorés en acier thermolaqué. Les meubles peuvent être assemblés entre eux grâce à la présence de connecteurs en polyamide noir moulés par injection. De quoi créer de vastes ensembles et exploiter la diversité chromatique des étagères et des portes.

Collection Rasters de Muller van Severen et chaises de Sabine Marcelis ©Nacho Alegre

HAY : une énième aventure

Avec déjà douze collaborations à leur actif, le studio belge et la marque danoise se réunissent une nouvelle fois et dévoilent The Perforated Cabinet. Jouant sur la linéarité des modules et la trame resserrée en acier thermolaquée perforé, cette collection joue sur la transparence du rangement. Également semie-transparente sur le dessus, chaque pièce évoque une boite secrète suscitant la curiosité. Disponible en version murale ou sur pied et en plusieurs tailles et coloris, le meuble convoque l'esprit industriel avec l'approche contemporaine et colorée de la marque.

The Perforated Cabinet par Muller van Severen ©HAY

valerie_objects : réinventer l'existant

C'est une sorte de retour aux sources que le duo de designers opère en collaborant avec valerie_objects. Alors que les designers belges ont été parmi les premiers à travailler avec la marque, les voici de retour pour le dixième anniversaire de celle-ci. L'occasion pour eux de rééditer et de réinventer quelques-unes de leurs créations les plus connues. Parmi elles, la réédition des Hanging lamp sorties il y a une quinzaine d'années, et l'arrivée de la Standing lamp marble, un nouveau modèle au design tout aussi filaire posé sur un socle en marbre. Côté assises, le studio réédite également deux modèles existants, Rocking chair et Solo seat, dans deux versions extérieures. Quant à la Alu chair sortie en 2015 pour le pavillon du Bahreïn d’Anne Holtrop à l’Expo mondiale de Milan, elle est cette fois-ci déclinée dans une version tabouret sous le nom d'Alu stool. Un nouveau modèle inscrit dans la lignée de sa grande sœur, et développé en collaboration avec le Bjarke Ingels Group (BIG) pour le lounge bar du siège du studio.

Deux modèles alu chair complétés d'un nouveau alu stool par Muller van Severen ©Elias Derboven

Blēo : une mosaïque de couleurs

Comme un petit pas de côté par rapport à l'univers du meuble, Fien Muller et Hannes Van Severen  ont collaboré avec la marque Blēo, pour l'élaboration d'une gamme de carreaux. Une première approche de la céramique pour la marque habituellement spécialisée dans la peinture. Connus pour leur usage expressif de la couleur, les créateurs belges ont imaginé une palette de 12 couleurs. Réalisé à la main à Fès au Maroc, chaque élément est recouvert d’un émail brillant attirant le regard à l'image des pièces du studio constamment ponctué de couleurs.

Les carreaux couleurs pastels de Muller van Severen ©Blēo
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30/6/2025
Avec TA.TAMU, Patrick Jouin fait plier les contraintes

Le studio de design Patrick Jouin iD présente TA.TAMU, une chaise pliable imprimée en un seul bloc. Un défi rendu possible grâce à la collaboration de Dassault Systèmes.

Monobloc et pliable. Radicalement opposées sur le plan structurel, ces deux notions ont pourtant été réunies par le Studio Patrick Jouin iD. Avec son allure squelettique inspirée du corps humain, et ses 3,9 kg, la chaise TA.TAMU a été développée conjointement avec les équipes design de Dassault Systèmes, dirigées par Anne Asensio. Fruit d'un dialogue prospectif entre la créativité humaine et la technologie, l'assise s'inscrit dans la lignée de la famille de meubles Solid, dévoilée en 2004. Une période au cours de laquelle le designer s'intéresse aux logiciels de CAO permettant de concevoir des pièces nouvelles, en rupture avec les techniques industrielles traditionnelles. Une aventure poursuivie en 2010 avec la création du banc Monolithique pour le Palais de Tokyo et imaginé avec le professeur Jacques Marescaux (spécialiste de la chirurgie mini-invasive). Cette période marque les premiers pas du designer dans l'univers du biomimétisme, rapidement assorti du mouvement avec la création de la lampe Bloom et du tabouret One Shot, deux nouveaux paradigmes marquant une nouvelle piste de réflexion pour le designer. Mais c'est véritablement en 2018 et avec l'aide d'Anne Asensio rencontrée au début des années 2000, que le projet se concrétise. Réunis par la passion commune du design et la quête d'optimisation, les deux concepteurs exposent TAMU - qui signifie pliage en japonais - en 2019 à l'occasion du salon de Milan. Une réalisation alors davantage manifeste que réellement fonctionnelle en raison d'un maillage imprimé trop fin et de fait trop fragile. C'est donc après six nouvelles années d'exploration menées sans trahir l'idée de départ, que la version TA.TAMU, comprenez l'art du pliage, a vu le jour.

La chaise TAMU présentée à Milan en 2019 et son tissage numérique extrèmement fin ©Thomas Duval

Une impression laser au cœur de l'énigme

Forte de sa genèse, TA.TAMU demeure avant tout un meuble guidé par deux grands enjeux. D'une part, le besoin d'une assise légère et mobile mais fonctionnelle et d'autre part, le défi d'une pièce imprimable en une fois, sans assemblage. Pour ce faire, le studio a réalisé la chaise en polyamide selon un procédé de frittage de poudre. Une technologie qui consiste à solidifier uniquement certaines parties d'un bloc de poudre grâce à des lasers, permettant l'assemblage d'articulations en une seule pièce. Un choix qui a imposé au studio la réalisation de nombreux prototypes afin de concevoir 33 articulations à la fois facilement pliables mais également résistantes sous le poids d'un corps.

À la fin du processus d'impression, la pièce est extraite du reste de la poudre non solidifiée, puis nettoyée ©Patrick Jouin iD

C'est donc en 2020 que l'aspect définitif de l'armature monobloc composée de 23 pièces a été définie, permettant aux ingénieurs et aux designers de réaliser les surfaces de contact. D'abord imaginée en tension grâce à des câbles, puis en textile technique, l'assise se rapproche finalement de l’armature biomimétique du banc Monolithique développé une quinzaine d'années auparavant. Un positionnement qui donne naissance à une première chaise en mars 2025. Toujours trop fragile, elle est de nouveau analysée par de nombreux logiciels qui repèrent les manques du module et donnent naissance à une seconde version trois semaines plus tard. Le squelette est alors épaissi et certains segments sont ajoutés offrant une version optimisée (photos ci-dessous) et aujourd’hui disponible, comme un clin d'œil ultra-contemporain aux pliages japonais si connus. Si le modèle n'existe qu'en blanc, le studio explore désormais la piste d'une version entièrement réalisée en métal.

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30/6/2025
Polène Champs-Élysées : un écrin entre mode et design

Officiellement inauguré en mars dernier, le nouveau flagship de la pépite française Polène a pris place au pied de la plus belle avenue du monde, rond-point des Champs-Élysées. Une boutique sur deux niveaux aux lignes minimalistes et graphiques, qui a également bénéficié de la contribution de plusieurs designers pour imaginer ses pièces de mobilier.

On pouvait difficilement rêver meilleur emplacement. Non loin des luxueuses boutiques Gucci et Jacquemus, cet espace de 450 m² est la seconde adresse parisienne de la marque, après celle située rue de Richelieu. Fondée en 2016, la maison spécialisée dans le travail du cuir développe depuis près de dix ans des modèles de maroquinerie devenus iconiques, à l’image du Numéro Dix ou du Cyme. Pour ce nouvel écrin, l’agencement intérieur a été confié au cabinet coréen WGNB, déjà à l’origine des boutiques de Londres et de Séoul. L’objectif : créer une singularité propre à chaque espace tout en conservant une ligne directrice cohérente avec l’image de Polène.

Boutique Polène Champs-Elysées

Mêler artisanat et design

Avec une hauteur sous plafond de plus de cinq mètres, la boutique impressionne dès l’entrée grâce à son escalier en colimaçon en noyer américain. Au rez-de-chaussée, les sacs sont exposés sur des murs ou des étagères en travertin sourcé en Italie, ainsi que sur des présentoirs conçus à partir de chutes de cuir. Deux tables rondes en bois, confectionnées par l’ébéniste français Robin Poupard, sont recouvertes d’un plateau également réalisé à partir de cuir recyclé. Les comptoirs d’accueil, qui servent aussi d’espace de caisse, ont été conçus par le studio Hors-Studio. Pensé spécifiquement pour Polène, le duo formé par Élodie Michaud et Rebecca Fezard y déploie tout son savoir-faire à travers un nouveau matériau innovant, le Leatherstone©, qui transforme le cuir en une sorte de pierre. Polis et lissés à partir de granulats de cuir, ces déchets deviennent matière noble, pour un résultat aussi intriguant qu’impressionnant.

Boutique Polène Champs-Elysées

À l’étage, l’espace s’ouvre sur un canapé circulaire réalisé par Marianna Ladreyt — plus habituée à travailler la bouée — qui a ici transformé des chutes de cuir en une pièce singulière. Si la marque s’est d’abord imposée dans la maroquinerie, elle a également lancé une ligne de bijoux en 2023, confectionnés en Italie dans la région de Florence. Pour cette boutique parisienne, la collection est présentée sur une table imaginée par la céramiste Clémentine Debaere-Lewandowski. Composée de 500 pièces en grès blanc, elle résulte d’empreintes de roches réalisées près des ateliers de confection à Ubrique, en Espagne. « Dans chaque boutique, nous cherchons des artistes avec une identité propre, mais avec lesquels on peut créer des synergies », explique Émilie Massé, responsable de la communication et de l’influence.

Boutique Polène Champs-Elysées

L’importance de l’upcycling

Fabriqués par quelque 2 200 artisans dans les ateliers espagnols de la marque, les modèles Polène ne sont pas de simples sacs en cuir. Pour valoriser pleinement la matière, les équipes s’efforcent de réutiliser au maximum les chutes de cuir. Plusieurs modèles sont ainsi réalisés à partir de cuir 100 % upcyclé, comme les sacs Solé et Wilo. Côté accessoires, Polène a également développé une gamme de fleurs, de miroirs et de petite maroquinerie (étuis AirPods, porte-clés, porte-cartes, portefeuilles), tous conçus à partir de cuir recyclé.

Boutique Polène Champs-Elysées

Une boutique éphémère inaugurée à Paris

Jusqu’au 26 juillet, la marque investit le 67 rue Montmartre avec un pop-up inédit pour promouvoir son savoir-faire artisanal. Intitulé « Le Fleuriste Maroquinier », cet espace réinvente l’expérience du fleuriste en la mêlant au travail du cuir, avec la possibilité pour les clients de composer des bouquets mêlant fleurs en cuir et végétaux séchés. Pour cette installation, Polène a fait appel au designer floral Rym Boughatene. Un espace qui célèbre à la fois l’artisanat et la poésie, pour des compositions aussi jolies que durables.

Pop-up store Le Fleuriste Maroquinier, Paris © Benoit Florencon
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