Tokujin Yoshioka, sans lacunes intersticielles
Boutique Issey Miyake, rue François 1er à Paris © ISSEY MIYAKE INC

Tokujin Yoshioka, sans lacunes intersticielles

La Maison Issey Miyake vient de quitter la boutique de la rue Royale à Paris, pour s’installer rue François 1er dans les anciens locaux d’Europe 1. Épure, minimalisme, couleur, se conjuguent dans cet espace de 360 m2 sur deux niveaux, où se retrouve l’optimisme acharné de son fondateur.

Depuis le numéro 100 d’Intramuros, il semblerait que Tokujin Yoshioka n’ait pas trop dérogé à ses règles de vie. Toujours svelte et agile, il parcourt la boutique à la recherche du détail qui mettrait en péril un cahier des charges suivi à la lettre. Selon les derniers souhaits de monsieur Miyake - décédé le 8 août 2022 à Tokyo -, et doté d’un optimisme forcené, il fallait introduire la couleur dans cet espace blanc et vide sans empiéter sur la mise en valeur de la dernière collection. Le choix est radical : un mur orange en aluminium anodisé fait la part belle à cet espace du Triangle d’Or où se pressent les belles parisiennes et les belles étrangères. A l’occasion de la Fashion Week de Paris en février, c’était un passage obligé.

Boutique Issey Miyake, rue François 1er à Paris © ISSEY MIYAKE INC

Le lieu offre une esthétique pure et lumineuse, moderne, loin des standards de la décoration mais transversale comme peut l’être le design. Tokujin Yoshioka joue avec tous ses matériaux favoris : le verre, l’aluminium, la couleur, tous sujets à des transformations expérimentales pour atteindre un niveau de transparence sans égal tout en respectant les règles de sécurité, draconiennes en France. La teinte orange est faite sur mesure, « aussi chaude et éclatante que la lumière du soleil », donnant naissance à un espace futuriste à l’énergie débordante, digne du film 2001, L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick (réalisé en 1968). Savoir-faire et avenir s’y conjugue. « L’Architecture traditionnelle du 19ème siècle français fusionne avec perfection avec l’orange du soleil » explique Tokujin Yoshioka.

Des mentors hors pair

Né en 1967, ses mentors sont d’emblée Shiro Kuramata et Issey Miyake, chez qui il fait ses classes et qui l’encouragent à créer dès l’an 2000 son propre studio Tokujin Yoshioka INC. Avec sept collaborateurs, il y exprime son talent, passant du design à l’architecture intérieure, à l’art et à l’expérimentation. Il a été choisi parmi cent candidats pour dessiner la torche olympique Sakura des Jeux Olympiques à Tokyo en 2020. « On a pris l’aluminium, on l’a plié et équipé - c’est un projet très technique avec d’énormes contraintes de sécurité et de durabilité et on a déposé le brevet de fabrication, très complexe pour ce genre d’objet qui doit courir parmi la foule, sans aucun danger pour les spectateurs. ».

Torche olympique des Jeux Olympiques Tokyo 2020, design : Tokujin Yoshioka ©TOKUJIN YOSHIOKA INC

Son banc en verre massif et transparent Water Block propose depuis 2002, une pause aux visiteurs du Musée d’Orsay dans la galerie des Impressionnistes. Sa chaise en cristal naturelle Venus (2008) a intégré les collections des plus grands musées. Le magazine Newsweek l’a sélectionné comme l’un des japonais les plus influents au monde mais également l’un des plus secret sur ses chantiers en cours.

Banc Waterblock, au musée d'Orsay à Paris, galerie des Impressionnistes ©TOKUJIN YOSHIOKA INC

Émerveillé par le monde

Entre ses mains la matière devient émotion. Et la technologie sert ici un sentiment qui échappe aux schémas culturels ou générationnels. Ses scénographies ont le bon goût de se laisser oublier. « Leur puissance est dans leur légèreté, expliquait-il en mai 2002. J’ai toujours préféré un design que l’on peut expliquer au téléphone. Mon interlocuteur devra pouvoir comprendre en quelques mots, sans même vraiment encore savoir de quoi il s’agit ». Le résultat en appelle aux sens plus qu’à de tortueuses connections synaptiques puisqu’il joue avant tout de phénomènes physiques échappant aux codes. Il cherche à produire une émotion accessible à tous y compris aux enfants qui ne se lassent jamais d’être émerveillés par le monde. Et ses multiples scénographies de stand ont la discrétion du spectaculaire.

Le projet qui émerge

Comme un héros de Mishima, il parle d’intérêt et de courage, au sens d’idéal pour l’intérêt et au sens de réalisation pour le courage. Car, même avec les pires obstacles, et la période du Covid fut riche en obstacles, tout finit par arriver. Même si certains disent le projet impossible, il finira par aboutir. Alors il ne reste qu’à prendre son mal en patience et attendre que le projet émerge, apparaisse, engloutissant d’émotion le spectateur dans une surprise fertile, exempte d’aridité et toujours dans une dimension de séduction, loin du minimalisme cliché que l’on attribue trop facilement au design japonais. Sa démarche commence toujours par une idée qu’il a envie d’expérimenter, l’envie d’exploiter de nouveaux matériaux ou procédés. Sa particularité tient dans l’envie de s’approprier les techniques et de dialoguer avec les ingénieurs sur les possibles destinations de la matière et non pas de leur simple exploitation. Les matériaux sont présents mais cohabitent en harmonie, laissant l’esprit du visiteur vagabonder dans l’espace sans interruption de droite à gauche et de haut en bas. La liberté, l’imagination ne doivent pas être oppressées par la matière.

Fauteuil Honey Pop, design : Tokujin Yoshioka © TOKUJIN YOSHIOKA INC

Son premier fauteuil Honey Pop en papier nid d’abeille, qui plié ne faisait pas plus d’un centimètre d’épaisseur, a fait la démonstration de la force de ses recherches. Une matière rare, le papier, qui pouvait devenir fauteuil grâce à un pliage savant qui éliminait la structure en bois du fauteuil traditionnel. Ce n’était pas de simple origami dont il s’agissait là, mais du nid d’abeille de l’industrie aéronautique, développée ici dans une version cellulose, une fabrication plus longue et plus complexe. 

Chronologie d’un déménagement

Dès 2019, la Maison Issey Miyake envisageait de changer d’espace et les équipes étaient à la recherche d’un beau volume et de lumière. En 2021, elles trouvent l’espace de la rue François 1er et invite Tokujin à le visiter. Il est tout de suite séduit. En amateur de l’histoire de France et de son architecture, il voulait « quelque chose qui renforce le patrimoine français tout en restant futuriste. Toutes les façades ont été conservées et derrière, tout a été restructuré. J’avais vu par vidéo et en 3D sur les espaces et je me suis rendu sur place pour voir de mes propres yeux. Car les contraintes de construction sont beaucoup plus fortes qu’au Japon. Le retour de marche doit être plus foncé en France, pas au Japon, sur la première et la dernière marche de l’escalier. » 

Boutique Issey Miyake, rue François 1er à Paris © ISSEY MIYAKE INC

Au sol, un Terrazzo en un seul tenant, a été coulé sur place. L’escalier aussi a été coulé sur place, pour une sensation de fluidité sans brisure. Les techniques d’antan ont apporté un résultat hyper moderne. Le mur en aluminium orange a été fait sur mesure également. « J’utilise beaucoup le verre parce que c’est transparent et cela donne l’impression que tout flotte. » Les portants sont en acier inoxydable et les cintres restent suspendus à 90° sans bouger. Un détail, comme seul Tokujin Yoshioka, sait soigner. « Les cintres bougent mais ils restent perpendiculaires pour mieux mettre en valeur les créations de monsieur Miyake et ses multiples marques - Homme Plissé Issey Miyake, Pleats Please Issey Miyake, 132 5. Issey Miyake, A-Poc Able Issey Miyake, Bao Bao Issey Miyake, ainsi que les parfums et les montres. Le portant ne bouge pas. » Tokujin Yoshioka n’intervient jamais sur les créations du maître. Une seule fois, il a fait les chapeaux en plexiglas transparents pour un défilé, mais il ne touche pas les vêtements. 

Boutique Issey Miyake, rue François 1er à Paris © ISSEY MIYAKE INC
Boutique Issey Miyake, rue François 1er à Paris © ISSEY MIYAKE INC

Dans son studio, il y a plein d’idées en projet mais il ne sait pas celle qui va déboucher. Un lancement doit avoir lieu en avril, encore sous embargo. La Maison Issey Miyake sera présente pendant le Salon du meuble de Milan avec une installation dans la boutique de la Via Bagutta mais sans Tokujin. Pour 2025, il prépare une scénographie au 21_21 Design Sight à Tokyo dont le sujet reste secret. À suivre.

Rédigé par 
Bénédicte Duhalde

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28/11/2025
La galerie kreo, bureau d’expérimentation et de design

La galerie kreo présente jusqu’au 31 janvier l’exposition « The Office ». Un regroupement de pièces signées des plus grands noms du design, autour de la thématique du bureau, à la fois comme meuble mais également comme espace.

C’est un open-space qui en ferait rêver plus d’un. Et pour cause, rarement les plus grands noms du design (parmi lesquels Hella Jongerius, Edward Barber & Jay Osgerby, Pierre Charpin ou David Dubois pour ne citer qu’eux) n’ont été réunis autour d’un même bureau. Enfin, autour de huit bureaux pour être exact, car c’est précisément cette typologie d’objet qui est mise à l’honneur avec « The Office ». « Nous avions envie d’aborder ce meuble comme un motif en soi : un lieu de travail et de concentration, mais aussi une scène où se jouent des gestes très ordinaires, parfois intimes », raconte Clara Krzentowski, fille des fondateurs de la galerie et directrice de la succursale londonienne. Répartie sous forme de compositions articulées autour d’une table de travail, d’un luminaire et d’une assise auxquels se greffent d’autres pièces décoratives, l’exposition « explore la dualité entre la forme et l’usage ; entre l’objet comme élément architectural et l’espace autour duquel s’organise le quotidien ». Une approche qui, sans prétention sociologique, laisse entrevoir les évolutions de nos quotidiens et notre rapport à ce lieu. « Il n’est plus assigné aujourd’hui, mais libre de se déplacer, se transformer et s’individualiser », analyse Clara Krzentowski, soulignant la dimension intime et presque domestique de certaines mises en scène.

© Alexandra de Cossette Courtesy Galerie kreo

Une large diversité

Si la galerie kreo fait aujourd’hui partie des figures incontournables de la scène design internationale, c’est notamment pour sa volonté de mettre en regard les époques et les styles. Avec « The Office », l’institution parisienne attable ensemble des designers d’aujourd’hui et des grands noms du XXe siècle, dont Pierre Paulin, Ernest Race ou Gino Sarfatti. Une sélection hétéroclite, à l’origine d’un corpus de créations choisies parmi les collaborations entre les artistes et la galerie, ou des fonds d’œuvres vintage. De quoi permettre « un dialogue vivant entre différentes personnalités du design, et offrir l’opportunité au visiteur d’aborder ces environnements avec une lecture très libre ». Une liberté due à une recherche d’ambiance et d’esthétisme plus qu’à une quelconque classification, permettant aux lignes et aux matériaux de se combiner dans toute leur diversité. Si ce n’est pas la première fois que la galerie se livre à l’exploration d’un thème ou d’une famille d’objets, l’exercice présenté jusqu’au 31 janvier propose cette fois-ci une vision pleine de styles de celui qui est bien plus qu’un simple meuble de travail.

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27/11/2025
À la galerie BSL, Jimmy Delatour brouille les lignes du temps

Le designer Jimmy Delatour expose « Pompeii-x » à la galerie BSL jusqu’au 20 décembre. Une collection mêlant pièces de mobilier et œuvres numériquement modifiées, inspirée par l’esprit de la cité italienne.

C’est pendant l’enfance que se construisent les plus vastes imaginaires, ceux bercés par l’histoire, quelle que soit la taille du H. Pour le designer Jimmy Delatour, les plus beaux contes viennent des objets, « ceux qui racontent des histoires par eux-mêmes ». Aujourd’hui davantage entouré d'antiquités que de pièces design, le créateur se rappelle avoir visité Pompéi lorsqu’il était enfant. Un séjour mémorable dans une ville « marquée par la disparition et les instants de vies figées », mais plus généralement dans un cadre architectural fort. Un souvenir revenu comme une évidence lorsqu’à la suite d’un salon, au cours duquel il rencontre les Marbreries de la Seine, celles-ci lui proposent une carte blanche artistique. « C’est une entreprise implantée entre la France et l’Italie, originellement spécialisée dans les projets architecturaux d’envergure. Lorsqu’elle m’a proposé de co-produire une collection, j’ai immédiatement pensé à Pompéi. Quel meilleur matériau que la pierre pour évoquer la civilisation romaine que j’avais découverte enfant ? » Une rencontre entre un médium et un souvenir dont les premières esquisses jouent avec les frontières de l’art et du design. Deux univers représentés par la galerie BSL, devenue partie prenante de cette collaboration.

©Galerie BSL

Des micro-architectures hors du temps

« Je n’aime pas vraiment le décoratif », contextualise Jimmy Delatour, qui a débuté en tant que directeur artistique dans l’univers de la 2D. « Ce qui m’a attiré vers le volume, c’est l’architecture. Celle de Jean Prouvé, mais aussi la simplicité formelle, les lignes fortes et les jeux d’ombres et de lumière qu’on peut retrouver chez Tadao Ando. » Des codes architecturaux dont « Pompeii-x » est largement imprégnée. Des volumes qui semblent flotter, des masses très visuelles desquelles se dégagent des perspectives, le tout dans des superpositions équilibristes surplombées de discrets demi-cercles. « Un hommage à l’ornement et à l’idée de confort du mobilier romain, ramené ici de manière simplifiée et dépouillée. »  Une réinterprétation contemporaine, certes, mais pas nécessairement faite pour s’inscrire en 2025. C'est du moins ce que suggère le nom de la collection : « Pompeii-x ». « Dans cet ensemble, l'inconnu temporel est noté par le x, ce qui suggère qu’on ne saurait pas la dater. C’est une projection de ce qu’aurait pu être la ville si l'événement n’avait pas eu lieu », relate le designer. « On imagine souvent le futur comme étant très épuré. J’ai donc imaginé cette collection avec ce prisme. » Un univers constitué de huit « micro-architectures » où le marbre italien vert Verde Alpi, le rosé Breccia Pernice et le travertin blond Albastrino font écho aux dernières couleurs pompéiennes. Un clin d'œil aux vestiges, inscrit jusque dans le traitement des pierres, sablées, à l’origine « des couleurs fanées ».

©Galerie BSL

De l’antique au numérique

Mais derrière l’apparente simplicité formelle de la collection, permettant à l’artiste de perdre le spectateur entre les époques, Jimmy Delatour évoque également un second pan. « Il y a d’un côté le design, plutôt collectible, et de l’autre la conceptualisation de la conception, ce qui va au-delà du mobilier classique et utilitaire. » Cette idée, le designer l’a eue lors d’une visite d’exposition dédiée à Louise Bourgeois en Australie. « Ce jour-là, j’ai vu des pièces qui pouvaient faire vibrer tout le monde, et je me suis dit que c’était ce qu’il fallait faire en établissant des liens. » Une réflexion à l’origine de quatre Artéfacts imaginés pour soutenir les pièces de mobilier. Mis en scène dans des cadres différents, tous rendent hommage à Pompéi. Rassemblant des images du lieu, le petit manifeste du futurisme italien, une composition graphique contemporaine représentant l’éruption ou un détournement du célèbre tableau Madame Récamier de Jacques-Louis David intégrant la méridienne de Jimmy Delatour, chaque œuvre est issue d’un « petit twist ». La manipulation, qu’elle soit numérique ou photographique, questionne le spectateur quant au contexte de création. « Je voulais que les pièces interrogent. Je ne voulais pas emprunter le chemin du collectible uniquement décoratif et exceptionnel sur le plan formel. Cette collection est une sorte d’uchronie. On revisite le passé pour changer la direction de l’histoire et créer une réalité alternative dans laquelle ça aurait pu exister. Et en même temps, elle est un hommage à la cité disparue, comme si elle était constituée de fragments simplement réassemblés. » conclut-il.

Ci-dessous à gauche Artifact B, Portal, et Artifact A, Madame Récamier. A droite Artifact D, Excavation treasures, et Artifact C, Views of the future past. ©Galerie BSL

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21/11/2025
Retour sur les talks et les tables rondes Intramuros au salon EspritContract

Pour sa troisième édition, EspritContract organisé en parallèle d’EspritMeuble, était de retour à la Porte de Versailles du 15 au 18 novembre. Un moment de rencontres et d’échanges entre les marques et les professionnels mais également l’occasion pour Intramuros de prendre part à la médiation de plusieurs conférences thématiques.

Hôtels, bureaux, lieux hybrides : la mutation des espaces de vie

Invités :

Pierre-Alexandre Pillet, fondateur et CEO de Sowen
Valentin Moubèche, directeur de programmes chez Galia Groupe
Patrick Jouin, designer et co-fondateur de Jouin Manku


[Vision de marque] Upcycling : le design vertueux

Invitée :

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[Vision de marque] Le sur-mesure : nouvelle excellence

Invité :

Jason BRACKENBURY, Président de FLOS France

[Vision de marque] Réinventer le récit hôtelier

Invité :

Jean-Philippe Nuel, architecte et architecte d'intérieur

Ergonomie - le design au service du bien être

Invités :

Frédéric SOFIA, designer
Karin GINTZ, directrice générale - Vitra France
Jason BRACKENBURY, Président - Flos France

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17/11/2025
EspritContract : le contract nautique, une part majoritaire chez CELIO

Depuis plus de dix ans, le secteur nautique structure l’activité de l’entreprise CELIO. Un domaine à part, dans lequel l’innovation du bureau d’étude joue un rôle primordial. Rencontre avec Thomas Liault, responsable de la branche contract de la marque.

Pour sa troisième édition, EspritContract se tiendra du 15 au 18 novembre au Parc des Expositions de la Porte de Versailles.Plus d’informations sur : https://www.espritmeuble.com/le-salon/secteurs/secteur-contract.htm

Comment le contract structure votre activité ?

Aujourd’hui, le contract est un secteur important dans notre entreprise puisqu’il représente entre 15 et 20 % de notre activité totale, avec une croissance constante sur les quatre dernières années. C’est aussi une branche plurielle, qui se divise en quatre segments : le nautisme, par lequel nous avons commencé il y a dix ans et qui représente toujours plus de 80 % de notre activité ; les établissements de santé, comme les cliniques et les EHPAD ; l’hôtellerie, principalement l’aménagement de chambres dans des structures quatre étoiles ; et enfin un segment plus divers, comme le projet d’une école de gendarmerie sur lequel nous travaillons actuellement.

Vous parlez du domaine nautique, comment êtes-vous entré dans ce secteur ?

C’est par là que nous avons commencé le contract. Une entreprise travaillant avec Les Chantiers de l’Atlantique a été liquidée il y a une dizaine d’années, et comme il s’agissait d’amis, mon père, Alain Liault, aujourd’hui directeur de CELIO, a proposé de continuer leur activité au sein de notre société. Nous avons donc recruté la personne à la tête de leur bureau d’étude, le chargé d’affaires et le dirigeant de l’entreprise. C’est ainsi que nous avons mis le pied à l’étrier en 2014. Ce secteur reste extrêmement porteur pour nous : nous venons de signer un accord pour la réalisation de six navires de 2 000 chambres chacun, qui devraient être livrés au cours des trois prochaines années.

Quelles sont les différences entre ce domaine et l’hôtellerie classique ?

Pour les navires, nous travaillons uniquement sur les chambres de l’équipage et des passagers, tandis que dans l’hôtellerie, nous pouvons intervenir sur l’ensemble des espaces. La principale différence entre les chambres pour navires et celles pour hôtels réside dans le gain de place et la fonctionnalité : les modules doivent être légers. La culture du poids est particulièrement importante aux Chantiers de l’Atlantique, car elle implique moins de consommation d’énergie. Par ailleurs, la volonté de diversifier les intervenants et les entreprises sur des projets d’une telle envergure reste forte : il n’est pas possible de tout réaliser seul.

CDA Celebrity-edge ©CELIO

Comment votre bureau d’étude accompagne-t-il cette activité ?

Notre bureau d’étude compte six personnes sur les 180 présentes sur le site de La Chapelle Saint-Laurent. Nous avons choisi de ne pas le spécialiser afin de conserver une diversité d’approches. C’est souvent cette vision élargie et l’expérience acquise sur différents projets qui nous permet de trouver des solutions à des problèmes complexes. Notre bureau d’étude joue également un rôle important en termes de créativité, en étant force de proposition vis-à-vis des architectes avec lesquels nous travaillons.

Finalement, comment l’entreprise a-t-elle évolué depuis sa création ?

Quand mon grand-père a créé la société, elle fabriquait des lits de coin, des cercueils et de nombreux autres objets. Progressivement, elle s’est transformée et industrialisée. Lorsque mon père est arrivé, nous nous sommes spécialisés dans les armoires et les dressings, puis dans l’univers de la chambre. Nous sommes restés dans ce domaine jusqu’au milieu des années 2000, lorsque l’univers du salon a fait son apparition, suivi du contract une dizaine d’années plus tard. Cela nous a permis de nous diversifier.

Par opportunité, nous avions déjà réalisé ponctuellement des établissements de santé, mais nous avons décidé de miser sérieusement sur ce segment, à la fois en interne et en participant à des salons comme EspritContract. Il y a quatre ans, nous avons lancé un important projet d’investissement de dix millions d’euros : nous avons agrandi l’usine de 3 000 mètres carrés supplémentaires et mis en place un équipement industriel automatisé. Ce renouveau nous a permis d’entrer sur un nouveau type de marché, avec une capacité de production de petites séries rentables à partir de 15 ou 20 modules. Un nouveau champ des possibles s’est ainsi ouvert à nous !

Okko hôtel ©CELIO
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