Bureau Lacroix : construction d'une success story
Le bar du restaurant le Dandino ©Gaëlle Le Boulicaut

Bureau Lacroix : construction d'une success story

Fondé en 2021, Bureau Lacroix est aujourd'hui à l'origine de plusieurs projets d'architecture intérieure et de conception de mobilier. Une double casquette pour Sophie Lacroix distinguée dès 2017 comme « Nouveau talent du design ».

En sacrant Sophie Lacroix « Nouveau talent du design » à tout juste 21 ans, le jury de la Paris Design Week ne s'était pas trompé. Sept ans et quelques projets plus tard, la créatrice semble en voie de confirmer son expertise tant dans le domaine de l'architecture intérieure que dans celui du mobilier et de l'objet.

À l'origine de cette récompense, un guéridon nommé Iris. Présentée lors de l'exposition des jeunes créateurs, « Now ! Le Off », en 2017, la pièce décrite comme une réflexion sur la fonctionnalité du mobilier et l’économie de la matière, séduit le jury. Une reconnaissance qui entraîne rapidement plusieurs commandes lui permettant – avec l'aide d'une levée de fonds auprès de différents acteurs du monde de l’art et de la finance - de monter une première structure. Diplômé avec les honneurs peu de temps après, en 2019, la conceptrice entame alors une collaboration avec Gilles & Boissier. Une période de deux ans à la suite de laquelle elle lance son agence éponyme : Bureau Lacroix.

Récompensé lors de la Paris Design Week de 2017, le guéridon Iris a été à l'origine d'une collection reconnaissable par son travail du métal ©Sophie Lacroix

Deux projets comme deux pas de côté

Douée d'une double sensibilité tant spatiale que design, Sophie Lacroix renoue rapidement avec l'objet. Laissé de côté pendant quelque temps, la créatrice se recentre sur le projet Iris et fait éclore dès 2021 une collection auto-éditée forte d'une table basse, d'une lampe de table et d'un lampadaire. Réalisé en dentelle d'acier et noyer massif comme le guéridon, ce projet marque le début d'une collaboration sur le long terme avec l'ébéniste Robin Poupard. C’est effectivement en 2022 que se concrétise un autre projet d'envergure : repenser la table du petit-déjeuner du Cinq, le restaurant de l'hôtel Four Seasons George V. Un défi qui donne lieu à un ensemble de présentoirs et de couverts uniques et numérotés, alliant le marbre, le bois et le laiton.

Première collaboration de taille entre l'hôtellerie et Bureau Lacroix, ce service dédié au Four Seasons George V témoigne de la pluridisciplinarité de la créatrice ©Pierre Hajizadeh & Ilya Kagan

L'architecture intérieure, fil rouge d'un parcours

Désormais riche de deux belles collections, Sophie Lacroix se repositionne rapidement sur des projets d’architecture intérieure. Elle qui avait principalement œuvré sur des chantiers résidentiels internationaux, s'offre une année 2023 gastronomique. Deux établissements parisiens ainsi qu'une brasserie à Toulon voient ainsi le jour.

Siena, Dandino, Muguet : un triptyque d'ambiances

Réunis par un souci du détail et une certaine agilité dans le choix de dominantes colorées, chaque projet témoigne d'une expertise dans le domaine du haut de gamme. Les jeux de textures combinés aux cloisonnements et aux choix colorimétriques renforcent une certaine théâtralisation des espaces. Sobre et élégant, chaque établissement parvient néanmoins à trouver sa propre identité. De la Dolce Vitae du lac de Côme évoquée par le Siena, au Dandino rappelant les rives romantiques de la Méditerranée en passant par les grandes heures de match dont peut désormais témoigner le Muguet.

Premier restaurant d'une telle importance - 900m²- à avoir été livré, le Siena est un voyage temporel entre l'Italie de la Renaissance et le Paris moderne. En piochant dans les codes esthétiques des palais des XV et XVIe siècle, la créatrice à décidé de mener un projet entre orientalisme et romantisme. Conçu autour d'une grande pièce principale dont la lumière zénithale souligne les murs terre de Sienne et un décor floral patiné, le restaurant compte également deux salles confidentielles et un jardin d'hiver. À l'étage, un cadre plus intimiste et parisien se dessine autour d'éléments en bronze, de moulures et d'une moquette Pavot, clin d'œil revisité au domicile de Serge Gainsbourg. Un périple transalpin à travers les époques.

Dans la salle principale, une envolée d'oiseaux en bronze signés Créalum'in apporte une touche de liberté à la sophistication de l'espace ©Gaëlle Le Boulicaut

Non loin de l'Italie, sur la french Riviera des 60's aurait pu se trouver le Dandino. Petit écrin photogénique paré de bois vernis, il aurait certainement figuré sur quelques clichés de Slim Aarons. Situé en plein cœur de Saint-Germain-des-Prés, le restaurant fait la part belle aux détails d'un autre temps : assises revêtues d'un passepoil mauve, luminaires en toiles et franges oranges ou encore chaises en fer forgé avec coussins rouges. Un décor flamboyant dont la fresque d'un paysage toscan signé Clément Arnaud, fait office de passeport.

Le camaïeu rouge donne au Dandino un air de bistrot méditerranéen en plein cœur de Paris ©Gaëlle Le Boulicaut ©Gaëlle Le Boulicaut

Baignée de lumière, la brasserie Le Muguet inscrit la gastronomie comme synonyme d'échange et de partage. Établi dans le prolongement du nouveau campus du Rugby Club de Toulon, cet espace de 600m² rassemble la communauté de l'Ovalie. Imaginé pour retranscrire à la fois le contexte méditerranéen toulonnais et l'identité du club, Sophie Lacroix a collaboré avec RBC pour l'ameublement. Des grandes banquettes en cuir viennent ainsi dialoguer avec le béton ciré du sol et la moquette rouge. Ouverte sur l'extérieur par de larges baies, la brasserie propose aussi plusieurs alcôves intimistes. De quoi discuter des stratégies à l'abri des oreilles indiscrètes.

Imaginé pour compléter les infrastructures du club de rugby toulonnais, ce restaurant conjugue grandes ouvertures et intimité grâce à un ensemble de banquettes et d'alcôves ©Pierre Hajizadeh

L'international, terre d'inspiration et de réalisation :

Fidèle aux projets développés jusqu'alors, Sophie Lacroix poursuit dans l'univers de la restauration en ouvrant sur les six premiers mois de l'année, un beach club tourné vers la gastronomie péruvienne en Grèce, et deux nouveaux restaurants dans la capitale. Hasard des choses ou volonté artistique, Manko et Tio, respectivement situés sur la côte méditerranéenne et dans le 8e arrondissement de Paris, mettent en avant la culture latine.

Tourné vers l'eau et la détente, le premier conjugue la culture des Andes et l'architecture d'inspiration inca. En résulte un ensemble architectural d'une grande sobriété intelligemment texturé pour rappeler visuellement cette civilisation outre-atlantique. Rehaussée d'une végétation luxuriante et de multiples jeux de trames, le beach club dégage une forme de magie.

Au Manko, le tressage en fibres naturelles et la réflexion autour des matériaux et de leurs textures participent au raffinement visuel du lieu ©Sylvaine Sansone, The V Scope & Manko Athens

Pour Tio en revanche, la créatrice a pris le parti de constituer un lieu ultra figuratif qui ne laisse aucune place au doute. Les coussins réalisés au crochet présentent des motifs inspirés de la faune et la flore mexicaine tandis que les cactus qui cernent la salle de réception immergent le client dans les montagnes d'Amérique centrale. À noter également les détails en forme de soleil présents dans le travail du bois.

Dans ce petit restaurant à l'allure sud-américaine, le bois rappelé par la couleur du sol et des passepoils permet d'obtenir un rendu graphique exotique ©Pierre Hajizadeh

Deux projets inscrits en opposition radicale avec le Hollywood Savoy situé le long du Palais Brongniart. Quelque part entre le speakeasy et l'esthétique de l'Orient-Express, le lieu est surtout un hommage à la culture des années 30. Cerné de lourdes tentures en velours couleur tabac, le riche décor ou se fond moquette léopard, bar en bronze et verre martelé, offre un nouveau point du vue sur le travail du studio. Une diversité que celui-ci devrait continuer d'explorer avec la livraison prochaine de deux projets résidentiels en plein cœur du Marais.

Situé juste en face de la Bourse, le Hollywood Savoy est une ode visuelle, toute en reflets, au Paris des années folles ©Gaëlle Le Boulicaut & James McDonald
Rédigé par 
Tom Dufreix

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26/5/2025
Découvrez « In Talks » Saison 2, la série où Silvera donne la parole aux designers

Fort du succès de sa première saison, Silvera revient avec la Saison 2 de 'ln Talks', sa mini-série originale consacrée à l'univers du design, vu de l'intérieur.

Cette nouvelle édition s'ouvre avec quatre figures majeures de la scène contemporaine : Erwan Bouroullec, Sabine Marcelis, Patrick Jouin et Odile Decq. Chacun y partage, avec sincérité et singularité, sa vision de l'idée - ce moment d'émergence où intuition, matière et sens ne forment qu'un.

Retrouvez l'intégralité de la saison 1 dans notre article dédié.

Episode 1 : Erwan Bouroullec

Installé entre Paris et la Bourgogne, Erwan Bouroullec propose un design inspiré d'une certaine simplicité, et empreint d'une forme de poésie humaine. Dans un discours sensible, il évoque la place discrète mais non moins essentielle du geste créatif, comme une solution aux problématiques du quotidien. « Pour moi, il n'y a pas d'idée géniale » affirme le créateur qui partage ici son approche délicate de l'objet.

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23/5/2025
Studio Shoo : le design au cœur de l’aménagement

Créé à Yerevan, en Arménie, Studio Shoo développe depuis quelques années une branche de mobilier design. Un nouvel axe lié aux projets architecturaux de l'agence.

« Je n'aime pas les projets résidentiels. Ce sont trop de contraintes et pas assez de liberté de création » explique Shushana Khachatrian, à l'origine de Studio Shoo. Créée en 2017 à Yerevan, l'agence spécialisée dans l’hôtellerie et la restauration est aujourd'hui implantée dans bon nombre de capitales européennes. Motivée par la création d'espaces avant tout fonctionnels et vecteur de bien-être grâce à ses palettes douces rehaussées çà et là de touches pop, l'architecte signe des projets d'une ordinaire simplicité, empreints de son Arménie natale. « Il y a quelque chose de minimaliste dans beaucoup de nos créations, mais l'essentiel est ailleurs. Il y a, dans les formes et les schémas, des éléments constamment inspirés de ma culture » explique l'architecte. Outre la question d'individualité et de matérialisation de son identité, elle « souhaite surtout que les visiteurs puissent se rattacher à quelque chose. » A l'image du projet hôtelier Mövenpick Yerevan, Shushana Khachatrian détourne les arts et les matériaux de son pays, pour livrer des atmosphères contemporaines et typées, mais loin des stéréotypes.

CourtYard by Marriott à Yerevan ©Studio Shoo

Le design dans chaque projet

Imaginée selon les codes de l'agence et les influences de l'architecte, chaque architecture intérieure trouve son individualité dans le choix du mobilier qui la compose. « Chez Studio Shoo, nous avons toujours mêlé des produits du marché à nos propres créations. » Une manière de solutionner des problématiques, mais également d'apporter une identité particulière aux espaces. Une double approche qui pousse l'agence à créer un nouveau secteur entièrement dédié à la création de mobilier design. « Régulièrement, nous avions des personnes qui nous demandaient où elles pouvaient acheter nos objets. Mais ce n'était pas possible. Et comme j'ai horreur de refaire deux fois la même chose, nous avons décidé de créer une branche spécifique en interne, pour concevoir des objets disponibles à la vente, que ce soit à des particuliers, ou dans nos projets. » Une diversification du travail de l'agence, mais complémentaire à son activité architecturale poursuit Shushana Khachatrian. « Je pense que ce sont deux domaines très perméables où l'échelle est différente. Les architectes pensent davantage l'expérience client et les formes globales, les plus grosses, tandis que les designers réfléchissent surtout aux détails, aux formes plus petites. » Réunissant une petite dizaine d'objets, principalement des luminaires, Studio Shoo explore également des thématiques connexes telles que le développement durable, avec la réinterprétation de « déchets » pour fabriquer de nouveaux objets, ou l’intelligence artificielle régulièrement utilisée pour donner vie à des esquisses. « A mes yeux, l'essentiel, c'est que les personnes retiennent les espaces qu'elles visitent. Et c'est souvent grâce à un objet inattendu, une nouvelle expérience, d’où l'importance du design » admet l'architecte dont l'agence travaille en ce moment sur un prototype de chaise.

Ibis budget Tbilisi ©Studio Shoo

TUFF Pencil cabinet, premier ambassadeur du Studio Shoo à Milan

Présent pour la première fois à ISOLA dans le cadre de la Milano Design Week 2025, Studio Shoo présentait le TUFF pencil cabinet. Imaginé en deux formats, l'un jaune pâle avec une ouverture sur le haut, et le second rose bonbon agrémenté d'un tiroir coulissant sur la partie basse, ce petit meuble est un véritable condensé de la vision de l'agence. Inspiré de la pierre volcanique rose caractéristique de Yerevan, il rend hommage à l'écriture grâce, outre son utilisation première, au petit tableau à craie intégré à l'intérieur. « En me baladant dans les rues de Yerevan, j'ai remarqué les notes qui ponctuent chaque mur. Les habitants écrivent et dessinent partout. C'est ce qui m'a inspiré pour cette pièce qui reflète l'intersection entre l'héritage matériel et l'expression artistique » résume la créatrice qui explique d'ailleurs avoir vu des gens se mettre à dessiner sur sa pièce lors du salon italien. Fabriqué à partir de feuilles de MDF et de métal recyclé, ce meuble, créé à l'origine pour l'usage personnel de Shushana Khachatrian, est un premier pas pour l'agence dans le secteur du meuble international, où le design arménien est encore trop peu représenté.

TUFF pencil cabinet ©Katie Kutuzova
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11/5/2025
Euroluce 2025 : et la lumière fût !

De retour après deux ans d’absence, Euroluce a mis en lumière de nombreuses nouveautés, au sein d’installations soignées et des stands parfois impressionnants, pour des réalisations de toute envergure et surtout, pour notre plus grand plaisir.

Logé dans les halls 2, 4, 6 et 10 du Rho FieraMilano en périphérie milanaise, Euroluce faisait son retour, après avoir laissé sa place l’an dernier à EuroCucina. Avec plus de 302 500 visiteurs recensés pour cette 63e édition, le Salone del Mobile continue de confirmer sa légitimité et son importance en tant que manifestation majeure du design au niveau international. Sur les 2 103 exposants présents, Euroluce en comptait 306, avec des éditeurs établis et incontournables, mais également de nouvelles marques qui faisaient leurs débuts sur le salon. Zoom sur les marques et réalisations qui ont retenu notre attention.

La plus complète : Flos

C’est au sein d’un stand de plusieurs centaines de mètres carrés, niché dans le hall 10 et scénographié par Formafantasma, que Flos a pris place pour y présenter ses nouveautés. Intitulée « The Light of Mind », l’installation, divisée en plusieurs pièces, plaçait les luminaires au centre de l’espace — et c’est peut-être finalement le seul élément qui compte ?

Collection Nocture, design : Konstantin Grcic © Gianluca Bellomo

Parmi les réalisations présentées, Luce Sferica et Luce Cilindrica, imaginées par Ronan Bouroullec, mêlent savoir-faire industriel et élégance. Le designer allemand Konstantin Grcic dévoilait Nocturne, un ensemble d’éclairage modulaire et sculptural, disponible en deux formats, avec des versions à poser, en suspension et en applique. Michael Anastassiades signe quant à lui une réalisation aussi énigmatique que poétique avec Linked, un système de suspension à crochets qui se révèle comme une sorte de chaîne lumineuse suspendue. Enfin, Erwan Bouroullec présente Maap, une « toile lumineuse » qui peut être façonnée à la main, pour offrir toujours plus de créativité et de modularité.

Linked, design : Michael Anastassiades pour Flos © Gianluca Bellomo

La plus célébrée : Martinelli Luce

Pour sa participation à Euroluce, Martinelli Luce présentait ses nouveautés, mais arrivait également avec deux grandes actualités. En parallèle du Salone, la marque inaugurait son premier showroom milanais, en plein cœur du centre-ville. Mais ce n’est pas tout : la marque de luminaires célébrait également les 60 ans de l’iconique Pipistrello de Gae Aulenti. À cette occasion, une version blanc mat a été éditée, avec une gravure spéciale et numérotée sur les 200 premiers exemplaires de chacune des trois versions — classique, moyenne, mini.

Lampe Pipistrello, design : Gae Aulenti déclinée en une version blanche mat pour célébrer les 60 ans de la lampe iconique © Diego Laurino

En parallèle, la marque dévoilait plusieurs nouveautés, comme Grammoluce de Min Dong et Habits Design, qui pose une question : « et si la lumière avait un poids ? » Une réalisation en verre borosilicaté recouvert de tissu Lycra®, qui, une fois déformé par des sphères en verre posées dessus, offre une intensité lumineuse différente. Côté outdoor, on retiendra la collection Brim d’Andrea Steidl, déclinée en version simple ou double à poser, ou en applique. Enfin, Dud de ZPStudio joue sur les formes avec des appliques dynamiques.

Lampe Grammoluce, design : Min Dong et Habits Design © Martinelli Luce

La plus rythmée : Vibia

Sur un stand aux allures de palais de sable, la marque espagnole Vibia s’est démarquée par la diversité et l’ingéniosité de ses produits. Autour de son programme « Shaping Atmospheres », la marque présentait des réalisations réparties selon plusieurs concepts : Lumière dynamique, Conductivité, Expérience intérieure et extérieure, et Matérialité & lumière chaude. Parmi les réalisations marquantes de cette édition, on retient : Duna de Cecilie Manz, Asia d’Antoni Arola Aray Lineal, ou encore Offset de Xuclà. Il est évidemment que le virage créatif pris par la marque, reconnue pour son savoir-faire technique de la lumière, porte clairement ses fruits.

Collection Duna, design : Cecilie Manz © Vibia

La plus inattendue : Marset

La marque catalane Marset s’est offert un stand riche en nouveautés. Parmi elles, la lampe modulable Fragile de Jaume Ramírez, déclinée en version suspension et applique. Autre coup de cœur : la lampe colorée Gambosa de Mathias Hahn, en acier, qui apporte une touche vive et une diffusion homogène de la lumière. Pour l’extérieur, on retiendra la collection Domus de Joan Gaspar, très géométrique, disponible en trois tailles pour jouer sur les effets lumineux.

Gambosa, design : Mathias Hahn pour Vibia © Intramuros

La plus colorée : Foscarini

Présente à la fois dans le off et au sein d’Euroluce, la marque vénitienne Foscarini a proposé son lot de nouvelles réalisations dans un stand aussi coloré que ses créations. Elle présentait quatre nouvelles suspensions : Allumette de Francesca Lanza, Asteria d’Alberto et Francesco Meda, Étoile de Dordoni Studio et Tilia de Francesca Lanzavecchia.

Chandelier Tilia, design : Francesca Lanzavecchia pour Foscarini © Intramuros

Francesco Meda signe une seconde collaboration avec la série de lampes Alicudi, Filicudi et Panarea, équilibrant artisanat et production industrielle. Dordoni Studio propose également l’applique Torche, qui, comme son nom l’indique, prend la forme d’une lampe torche, laissant passer la lumière aux deux extrémités pour une diffusion élargie.

Torche, design : Dordoni Studio pour Foscarini © Intramuros

La plus poétique : Lasvit

La marque tchèque Lasvit, spécialisée dans le luminaire en verre, a offert un spectacle visuel et artistique avec son installation « Soaked in Light », explorant le lien entre l’eau, la lumière et le bien-être humain. L’impressionnante Splash de Martin Gallo fascine autant qu’elle surprend, presque comme une stalactite lumineuse. Patrick Jouin, avec Vera, propose une œuvre brute qui traduit la nature à travers deux techniques de verrerie artisanale : le verre technique et le verre fusionné.

Splash, design : Martin Gallo © Lasvit

La plus architecturale : Genuit

Lancée par le designer italien Alessandro Zambelli, Genuit propose des installations lumineuses alliant design, technologie et architecture. À Euroluce, elle présentait entre autres Vertigo, un système de connexion ludique et technologique inspiré des combinés téléphoniques des années 1980. Par la lumière, l’installation symbolise la transmission des émotions et la communication.

Neon Vertigo, design : Alessandro Zambelli © Genuit

La plus industrielle : Davide Groppi

Avec l’installation « Il Bianco, il Nero e lo Specchio » (Le Blanc, le Noir et le Miroir), Davide Groppi explorait ce qu’il appelle les trois âmes de la lumière : la lumière elle-même, l’obscurité et la magie. Les luminaires sont souvent fixes et intimes, comme Mia ou TaO, mais parfois ludiques, à l’image de Race of Lights, qui évoque un circuit automobile où la lumière se déplace librement selon les envies. Enfin, la série Set offre des jeux de lumière intéressants grâce à des spots orientables verticalement.

Lampe à poser Mia © Davide Groppi

Une chose est sûre : cette édition d’Euroluce n’a pas manqué de nous surprendre, révélant des installations ambitieuses à la hauteur des nombreuses nouveautés présentées. Derrière ces réalisations, entre design et innovations lumineuses, se dessine une tendance de fond : celle d’une lumière plus modulable, plus expressive, et surtout plus consciente de son rôle au quotidien. Les marques l’ont bien compris : le futur de l’éclairage devra conjuguer connexion, émotion et durabilité.

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13/5/2025
Des fibres artistiques réunies aux Ateliers de Paris

Les Ateliers de Paris présentent, jusqu'au 28 mai, l'exposition « Fils et filiations ». Un rassemblement d'artistes célébrant à travers leurs œuvres, la pluralité de l'art textile, désormais en pleine renaissance.

S'il est un médium longtemps délaissé qui fait aujourd'hui son grand retour sur la scène artistique, c'est bel et bien le fil. Réhabilité à la Fondation Cartier pour l'Art contemporain avec une vaste exposition dédiée au travail d'Olga de Amaral ou au Grand Palais avec les installations de Chiharu Shiota, l'art textile semble enfin considéré à sa juste valeur, tant pour sa qualité plastique que pour la diversité esthétique qu'il offre. À l'occasion des Journées Européennes des Métiers d'Art, Les Ateliers de Paris présentent « Fils et filiations ». Une exposition imaginée comme une exploration à travers les styles et les techniques de 16 créateurs français recrutés çà et là pour leur diversité et leur approche contemporaine des matériaux.

Issu d'un « travail de détournement de la matière première », ce projet témoigne d'une approche à mi-chemin entre l'artisanat et le design. Portée par le concept de « transfert technologique », l'artiste « réinterprète des gestes ancestraux dans des échelles souvent inattendues. » Un univers souple et néanmoins empreint d'une certaine rigidité visuelle faite de trame et de maillage. En d'autres termes, une approche architecturale semie instinctive.

Un médium sorti de l'ombre

Exposées pour être observées sous toutes leurs coutures, les œuvres trouvent leur place dans une scénographie de Véronique Maire, où les portants en bois évoquent les métiers à tisser. Une évocation sans doute un peu lointaine pour les visiteurs, qui traduit dès lors la volonté d'initier un dialogue entre les époques ; entre celle où le travail du fil n'était pas encore considéré comme un art, et aujourd'hui. « Le fil a longtemps été considéré comme une activité domestique pratiquée par les femmes pour répondre à des besoins. Il n'y avait aucune dimension créative, explique Audrey Demarre, commissaire de l'exposition. Avec Fils et filiations, il y avait donc cet enjeu de mêler un univers amusant, redevenu tendance, et un aspect historique, presque didactique. Car s'il semble simple, le fil demeure relativement inconnu du grand public. » Des tapisseries contemporaines en volumes, en passant par la retranscription filaire d'images, l'exposition interroge les manières dont les fibres, dans leurs diversités, lient les souvenirs et les récits, qu'ils soient personnels ou collectifs.

Née d'une rencontre entre Lucile Viaud et Aurélia Leblanc, cette « matière d'art » est née d'un quatre mains et trois années de développement. Véritable fusion de deux savoir-faire – d'un côté le verre et de l'autre le textile -, les deux designers ont imaginé ce voilage léger et souple aux reflets iridescents. Un défi technique et artistique où « les matériaux aux temporalités et aux comportements très différents » se conjuguent habilement.

Des approches diverses en résonance avec notre époque

Nouées, tressées, cousues, entrelacées ou tissées... Riche d'une grande diversité technique, l'exposition interroge plus largement la fibre. Car si elle est souvent d'origine végétale, elle est aussi bien plus que cela. Artificielle comme dans le travail de Jeanne Goutelle, technique dans l'univers de Lucile Viaud et Aurélia Leblanc ou plus prospective avec Antonin Mongin, chaque longueur est surtout l'occasion d'ouvrir de nouvelles perspectives. Fruit d'une rencontre entre deux créatrices particulièrement douée pour se réinventer, le tissage du verre est un travail « situé à la croisée du design et de l'Art, expliquent Lucile Viaud et Aurélia Leblanc à l'origine du “géoverre”, un textile intégrant de fins filaments de verre. Il est à la fois un repère technique – il structure, oriente les capacités de la matière – mais aussi un vecteur sensible et territorial, car il est fabriqué à partir de matières premières locales. » Un parti-pris partagé par Jeanne Goutelle dont la démarche débute par la récupération de chutes de tissu auprès d’industries notamment stéphanoises. « L'Upcycling est au cœur de ma démarche. Le fil est au cœur de nos vies, car on le retrouve dans nos vêtements, nos habitats, nos doudous, nos linceuls... C'est une histoire de femmes qui mérite le même statut que la pierre ou le bois. »

Fruits d'une collaboration avec le teinturier naturel Clément Bottier, les cinq monochromes présentés à la galerie « rendent hommage à la rencontre du chanvre et du cheveu au XVIe siècle. » Derrière l'anecdote historique, Antonin Mongin dresse le portrait d'une fibre « mésestimée de nos jours », pouvant malgré tout s'illustrer comme une alternative à la fourrure ou à l'ambre selon le traitement appliqué.

Pour Antonin Mongin, s'emparer du cheveu – sa fibre de prédilection – revêt également un intérêt éthique. « On prend souvent pour acquis la plupart des fibres qui constituent nos objets, sous forme de fils tissés ou tricotés sans s'interroger sur leur origine. Nous avons parfois tendance à davantage considérer la valeur attribuée aux résultats plutôt qu'à l'origine des matières premières qui les composent. Cela ne devrait plus être le cas. La matérialité des produits qui nous entourent pourrait compter autant que les formes et les usages, et la qualité du fil, sa provenance sous forme de fibres avant qu'il soit un fil et sa façon de le réaliser pourraient participer à déplacer notre attention. Nous pourrions ainsi identifier quelles fibres - jusqu'à présent peu considérées - pourraient prendre davantage la lumière dans les différents domaines de la création. »

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