Martin Szekely : l’art de s’en tenir aux faits
© Fabrice Gousset

Martin Szekely : l’art de s’en tenir aux faits

Certains le connaissent grâce à son iconique chaise longue PI, d’autres à travers l’une de ses nombreuses collaborations de marques ou encore ses expositions en galerie. Avec l’édition d’un catalogue de deux précédentes expositions attendu pour fin 2024 ainsi que d’autres projets à venir encore tenus secrets, nous avons pu échanger avec Martin Szekely sur son travail et sa vision du design.

Dans votre travail, il semble que ce soit surtout le dessin - et plus particulièrement le fait de ne plus dessiner - qui occupe une place importante dans votre réflexion et processus de création. Quel est votre point de vue sur cet aspect-là en particulier ? 

« Ne plus dessiner » n’a rien d’une fulgurance. Cet énoncé manifeste un cheminement qui prend son sens dans un contexte personnel et historique. C’est la reconnaissance progressive que tout objet a sa définition, sa fonction et ce, bien avant son dessin. Par ailleurs, cette définition est intégralement déterminée par l’usage ; et un usage ne se dessine pas. Ne plus dessiner, c’est se mettre à une distance objective du projet. C’est ne plus s’en remettre à l’imagination individuelle et son corollaire le dessin ou la recherche d’« une ligne », comme ce fut mon cas dans les années 80 et 90. C’est établir une méthode de travail basée sur les données extérieures et partageables par tout un chacun, que je nomme « les pierres dures », c’est-à-dire l’intitulé du projet (une table, une chaise…), sa dimension culturelle (son histoire, son usage…), les modalités de réalisation - qui comprennent bien évidemment le choix du matériau -, sa destination contextuelle (le lieu) et enfin, et surtout les personnes à qui est destiné le projet. Ne plus dessiner, c’est aussi s’en tenir aux faits, à l’instar d’un scientifique, à un moment précis et en un lieu donné. De nouveaux faits interviennent et le projet se modifie en conséquence. Ce qui me fait avancer, c’est de constater les faits et données qui s’imposent à moi et de les conjuguer entre eux jusqu’à ce qu’ils se donnent à voir sous une forme unie et dotée d’une espèce d'efficacité qui momentanément, me comble.

Quelques exemples précis à donner ?

Prenons Des étagères, réalisées en 2005 et construites à partir de feuilles d’aluminium rectangulaires découpées et assemblées. Le matériau dicte sa règle et je l’ai mis en évidence, rien de plus. Tous les composants sont interdépendants. S’il en manque un, l’ensemble perd sa cohérence et sa tenue n’est pas assurée. La construction est dictée par la spécificité fonctionnelle du mode d’assemblage et non par des choix subjectifs d’ordre esthétique ; elles s’auto-déterminent et je ne les dessine pas. La fixation d’une étagère oblige à un décalage vers le haut ou vers le bas de la tablette voisine et ainsi de suite. L’ensemble de ces décalages participe au maintien de la structure et de sa charge. L’espace entre deux tablettes est déterminé par l’usage, dans ce cas ranger des livres et des objets. L’intervalle entre deux montants est aussi déterminé par l’usage : sortir et repositionner un livre sans effort ; ainsi les montants font office de serre-livres…. De fait, « ne plus dessiner » n’a rien à voir avec le fait d’utiliser un stylo pour prendre des notes ou bien même faire un croquis.

Des étagères, design : Martin Szekely © Marc Domage

Je peux également citer le verre Perrier crée en 1996, qui a modifié en profondeur ma façon d’envisager le travail de designer. Ce dernier a été conçu à partir de données objectives extérieures à ma personne et dont je décrivais à l'époque l’objet et son usage de la façon suivante : l'objet et emblème de Perrier était jusqu’alors la petite bouteille Perrier reconnaissable entre tous par sa forme de quille. En charge de réaliser le premier verre pour la marque, j’ai immédiatement eu conscience qu’il s’agissait d’un mariage entre cet objet historique qu'était la petite bouteille, et le verre. Qu’est-ce qu’un mariage si ce n’est le rapprochement de deux entités qui partagent le même état d’esprit sans pour autant se ressembler physiquement ? J’ai alors pris connaissance de l’histoire de la bouteille et analysé sa forme : une base étroite mais suffisante pour tenir debout, un corps rond pour contenir l’eau pétillante et un col étroit pour la verser. Quelque temps après le lancement du verre, j'ai compris que ce verre n’avait pas été "dessiné" mais résolu à partir de données effectives et tangibles. Mon travail avait été de faire la synthèse de ces données objectives.

Verre Perrier, design : Martin Szekely © Alain Beulé


Vous avez collaboré avec de nombreuses galeries tout au long de votre carrière pour y exposer vos œuvres, quelle importance ont eu ces collaborations ? Certaines ont-elles été plus marquantes que d’autres ? 

C’est sans aucun doute la rencontre en 1984 avec Pierre Staudenmeyer et Gérard Dalmon, co-directeurs de la galerie Neotù qui fut la plus déterminante. Ils étaient des érudits férus de mathématiques, de psychanalyse et de cuisine. Ils connaissaient l’Histoire de l’art et avaient un esprit de synthèse rare. Pierre était pour moi celui qui commentait le travail pendant que moi muet, je l’écoutais. J’ai beaucoup appris sur moi-même grâce à lui et sur ce que je faisais alors de façon plus intuitive que réfléchie.

Au-delà de votre large collection de pièces de mobilier, parmi laquelle la collection PI, vous avez également collaboré avec plusieurs institutions/marques très différentes les unes des autres. Comment arriviez-vous à jongler entre ces différents projets et comment les abordez-vous à chaque fois ?

Chaque projet est envisagé selon ses particularités et dans un même état d’esprit. Travailler pour l’industrie c’est, de fait, ne pas connaître précisément les destinataires du projet, contrairement aux projets attentionnés, dédiés à des personnes en particulier. C’est un travail que je mène parallèlement à mon travail de recherche. Cela me permet de vérifier régulièrement ma capacité à ressentir une certaine réalité. La particularité de ce travail est de devoir être accepté et compris dès sa mise à disposition sur le marché, contrairement à la recherche qui dans le meilleur des cas se vendra à un petit nombre de gens initiés, souvent collectionneurs. Une marque est un univers en soi et son propriétaire et concepteurs ponctuels n’en sont que les dépositaires momentanés. L’univers d’une marque a son propre territoire culturel. Mon travail à chaque nouvelle rencontre avec le représentant d’une marque est d’envisager ensemble les limites qui définiront jusqu’où il est possible d’aller en termes de proposition. Aujourd’hui, je me consacre principalement à mon travail de recherche, à quelques exceptions près comme se fut le cas pour le mobilier du Louvre en 2021 ou Tectona avec la collection Soleil en 2022.

Fauteuil de la collection Soleil, design : Martin Szekely pour Tectona ©Philippe Garcia

Un certain nombre de vos pièces font aujourd’hui partie des collections permanentes de musées, quelle signification cela a pour vous ?  

J’envisage l’espace du musée comme un espace protégé pour mes créations, une façon de les mettre à l’abri des aléas du commerce et spéculations dans la durée.

Siège Louvre, design Martin Szekely pour le Musée du Louvre à Paris © Fabrice Gousset

Si vous deviez définir votre vision du design en quelques phrases, quelle serait-elle ? Comment décririez-vous votre travail de manière plus globale ?

Le mot "design" est par lui-même riche de sens : des signes, dessin, projet… À contrario, le sens communément partagé est restrictif et connoté ; il évoque le plus souvent une attitude positiviste pour un monde meilleur. Pour ma part, le travail se résume essentiellement à constater l’état actuel du monde dans un domaine circonscrit : celui des usages, des matériaux et des structures, à l’échelle du mobilier. Faire ce qui est possible à l’endroit où l’on agit.

Parmi tous vos projets, en avez-vous certains qui sortent du lot et qui ont une signification particulière ?

Chaque projet prit séparément est envisagé comme une séquence d’une histoire déjà longue de près de cinquante ans. J’aurais du mal à mettre en exergue un projet plutôt qu’un autre, mais peut-être est-ce celui auquel je me consacre aujourd’hui qui prend le plus d’importance. C’est sous l’intitulé « Objets de Valeur » que je conçois et fabrique par moi-même un projet au long cours que je dévoilerai peut-être un jour… 

Avez-vous des actualités particulières à venir, des projets en cours dont vous pouvez nous dire quelques mots ? 

Des projets sont prévus oui, mais je ne peux pas encore en parler, sauf de l’édition du catalogue en octobre 2024 des expositions Martin Szekely - Début (décembre 2020 - février 2021) et Martin Szekely - Marie France Schneider (octobre - décembre 2022). Le catalogue regroupera photographies et documents issus des deux expositions organisées par la galerie Mercier & Associés et Rémi Gerbeau et consacrées à mes premiers travaux. 

Rédigé par 
Maïa Pois

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15/7/2024
CERSAIE : une édition 2024 focalisée sur l’espace architectural

Le CERSAIE, salon incontournable de la rentrée dédié à la céramique, à l’architecture et à l’ameublement de salle de bains se tiendra à nouveau en Italie, à Bologne, du 23 au 27 septembre 2024.

Après une 40e édition anniversaire réussie, avec près de 100 000 visiteurs recensés - 99 319 pour être exact -, dont 47 000 venus de l’étranger, le salon CERSAIE a su confirmer son ancrage en tant que salon de référence dans le secteur. Avec plus de 600 exposants, l’évènement a offert aux visiteurs un panel de professionnels touchant au secteur de la salle de bain, des matériaux et de l’aménagement des espaces. En 2024, le salon se tiendra à nouveau au BolognaFiere avec l’idée de se focaliser sur l’espace architectural. Après Route 40 l’an dernier, l’idée de cette 41e édition est cette fois-ci de faire le lien entre l’espace architectural, le projet et les interactions sociales. Ainsi, la volonté de l’organisation est de créer une sorte d’écosystème de produits design en mesure de satisfaire les besoins des concepteurs, des entrepreneurs, des architectes d'intérieur et des professionnels du commerce du monde entier.

Le Quadriportique, la clé de voûte du salon


Toujours dans la lignée de proposer différents rendez-vous culturels et d’informations au cours du salon, notamment professionnelles, le nouvel aménagement du Quadriportique, devient ainsi la « clé de voûte » du CERSAIE. Cette dernière accueillera notamment les rencontres du programme culturel « Bâtir, Habiter, Penser ». L’aménagement du Quadriportique, grand de 1 000 m2, a été pensé par l’architecte Dario Curatolo, directement inspiré de l’expérience Route 40 de la précédente édition et qui retrouve le concept de la place de Bologne, comme un lieu de rencontre, de convivialité et d’échanges. Ce dernier comprend notamment une arène de conférences pouvant accueillir jusqu’à 200 personnes, une bibliothèque dédiée au design ainsi qu’une station de l’Association Dessin Industriel, qui fêtera cette année les 10 ans du Prix ADI au salon. À noter que dans un souci de durabilité, toute l’installation est conçue pour être totalement recyclée et réutilisable !

Retour du 9e café de la presse 

Dans la lignée de son thème principal, le café de la presse fait son grand retour pour une 9e édition et proposera aux visiteurs de découvrir 18 magazines partenaires présents pour parler d’espace architectural, à savoir AD Architectural Digest, CasaFacile, CasaOggiDomani, Chiesa Oggi, DDN, Domus, Elle Decor Italia, IFDM, Il Bagno Oggi e Domani, Ingenio, IoArch, Interni, La casa in ordine, NiiProgetti, Platform, Suite, The Plan et Wellness Design. Des rendez-vous qui prendront le format de conversation informelle pendant 45 minutes en compagnie des directeurs des magazines et diverses personnalités du secteur du design et de l’architecture, avec un même fil conducteur pour tous : la création d'un espace architectural en Italie et dans le monde. Des rencontres qui auront lieu tous les jours du salon à 10 h, 12 h, 15 h et 16 h au sein du Mall 29-30, et diffusées en direct sur le site du salon.

Un salon promu par Confindustria Ceramica | Organisé par Edi.Cer. spa en collaboration with BolognaFiere. Plus d'informations ici : https://www.cersaie.it/en/index.php

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10/7/2024
À Clichy, l'hôtel Tribe tout en contraste

Le groupe immobilier Galia dévoile l’hôtel Tribe Clichy, un nouvel établissement contrasté imaginé par l'agence d'architecture intérieure et de design ciguë.

Né en Australie, exporté à Clichy. Après La Défense, Saint-Ouen et les Batignolles, la chaîne d'hôtellerie Tribe soutenue par Galia, poursuit sa conquête du nord-ouest parisien en ouvrant une nouvelle adresse. Fort de 120 chambres, l'hôtel quatre étoiles déploie sur ses sept niveaux un aménagement particulièrement contemporain et coloré dessiné par l'agence ciguë, spécialiste des projets contemporains mêlant architecture et design. Implanté sur un ancien terrain vague où se côtoyaient garages et immeubles décrépit, ce nouveau lieu de 3 800m² construit par l'agence Neufville-Gayet, joue sur les contrastes pour offrir aux clients, comme aux simples passants, un moment de vie décomplexé en dehors des standards.

Les grandes ouvertures du rez-de-chaussée participent à alléger la structure massive en pierre de taille ©Neufville-Gayet Architectes + ciguë - Photographie Maris Mezulis



Des espaces « sans coutures »

Est-ce un café, un restaurant ? Un club nocturne peut-être, à moins qu'il ne s'agisse d'un espace de coworking ? À en croire le regard des promeneurs, le dernier-né de la chaîne Tribe interroge. Il faut dire qu'avec sa façade vitrée et son intérieur coloré, l'établissement ne passe pas inaperçu. « Nous voulions créer un lieu qui soit ouvert sur l'extérieur pour que les passants s'arrêtent et prennent le temps de rentrer. Le rez-de-chaussée a été imaginé pour l'hôtel en lui-même, mais également comme un lieu serviciel pour la ville » explique Pauline Oster, vice-présidente de la marque en Europe et en Afrique du Nord. Alors ici, pas question de réaliser un hall d’hôtel classique. La restauration se conjugue au coworking et aux espaces de détente pour un « social hub sans couture », comprenez un vaste espace perméable où gravitent, autour d'un bar central, différentes typologies d'espaces. Pour répondre à cette exigence de la chaîne, Alphonse Sarthout, architecte de l'agence Cigüe, a aménagé la surface de près de 450m² « comme la grande brasserie d'un faubourg où tout est organisé autour d'un grand comptoir. Nous ne voulions pas d'un lobby refermé sur lui-même, car l'absence d'accueil dédié à l'hôtellerie est une des caractéristiques de Tribe. Ce sont les personnes du bar qui s'occupent de cela. » C'est donc à la manière d'un tetris polyvalent et ludique que s'est aménagé le rez-de-chaussée.

Au rez-de-chaussée, le bar central en faïence s'ouvre à 360° sur l'espace ©Neufville-Gayet Architectes + ciguë - Photographie Maris Mezulis

La couleur mise en lumière

Si la chaîne Tribe n'est pas ancienne - elle a été fondée à Perth en 2017 -, ce nouvel établissement marque déjà un certain renouveau, précise Pauline Oster. « Jusqu'à maintenant, les hôtels de la chaîne étaient relativement sombres. Pour cet établissement, nous souhaitions diversifier ce qui avait tendance à devenir notre identité visuelle. Nous sommes donc partis sur quelque chose qui puisse graviter autour d'une carte de restauration aux saveurs californiennes, ensoleillés et festives. » Et pour apporter cette nouvelle dimension et cette granularité bien spécifique au lieu, Cigüe a misé sur l'éclectisme des matériaux et des couleurs. Un élément « que nous manipulons assez peu à l'agence » confie Alphonse Sarthout, mais qui se manifeste « à la fois dans le mobilier et les revêtements. »

Au rez-de-chaussée, les assises jaunes, bleues et vertes côtoient les murs peints et recouverts de faïences ou de briques, « une évocation des bâtiments de la banlieue parisienne, en contraste avec l'extérieur cossu en pierre de taille. » Pour complexifier l'ensemble, des jeux de trames prégnantes complètent le décor avec le traitement ondulé du plafond acoustique en feutre, et le sol en pierre aux lignes très graphiques. Un éclectisme stylistique renforcé enfin par le choix de rideaux aluminés. « Il y avait aussi la volonté que cet intérieur baigné d'une lumière traversante du matin au soir, puisse aussi être source d'un petit peu de folie. Il suffit de tirer les rideaux, allumer les spots et avec le bar à cocktails, tout devient possible. » Ici, le décor se suffit à lui-même et n'attend pas nécessairement de passage pour vivre.

Les matériaux et les couleurs entrent en résonance pour faire vibrer cet espace décomplexé et vivant ©Neufville-Gayet Architectes + ciguë - Photographie Maris Mezulis



Luxe, calme et qualité

Souhaités très présents et fort au rez-de-chaussée, les partis-pris vibrants et relevés s'adoucissent en direction des chambres. Traités dans un dégradé bleu-vert obscure d'une grande profondeur, les couloirs ont été imaginés pour apaiser le visiteur dans son évolution vers les espaces de nuit. Mais c'est également pour « mettre en avant la qualité de la lumière dans les chambres en créant une sorte d'effet de surprise » détaille l'architecte. Plutôt petites pour un hôtel de ce standing, chacune offre une sensation premium grâce « aux choix de matériaux basiques travaillés de manière contrastée. » Le béton brut et le fermacell non enduit joue sur les ressentis intrinsèques, tandis que les panneaux de MDF crénelé, l'entrée de la chambre peinte entièrement en vert bouteille ou les rideaux de velours moutarde, jouent avec la lumière pour dégager des ombres et des contrastes forts. À ces jeux naturels, Alphonse Sarthout précise avoir également « intégré toute une réflexion sur la lumière avec des spots tamisés et orientés spécifiquement de manière à théâtraliser l'ambiance. »

Dans les couloirs, le choix d'un papier peint dont les teintes varient du bleu au vert, donne confère une élégance colorée tout en conservant la volonté d'un espace de transition sombre ©Abaca Press / Cyrille George Jerusalmi

Mobilier design et créations artistiques

Véritable fil conducteur chez Tribe, l'Art et le design sont omniprésents dans chaque espace de l'hôtel. Dans les chambres, les œuvres lumineuses surplombent les lits designés par Tribe. Aux créations murales, répondent de célèbres pièces de design comme la chaise moustache d'un bleu intense, ou des luminaires dorés signés DCW Editions. Au rez-de-chaussée, les nombreuses œuvres exposées et disponibles à la vente ponctuent les étagères. Choisies par la curatrice artistique Thérèse Boon Faller, certaines sont disponibles à la vente, conférant à l'hôtel Tribe Clichy, une dimension de galerie. Une manière d'agrémenter directement l'Art au design et à l'architecture au sein de cette brasserie à la sauce transatlantique !

Dans les chambres, les grandes portes fenêtres en bois massif amènent un cachet et un prestige supplémentaire à ces pièces ©Neufville-Gayet Architectes + ciguë - Photographie Maris Mezulis
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8/7/2024
Ann Demeulemeester x Serax : l'esthétique au service de l'utile

Pour sa première collection avec Serax, Ann Demeulemeester propose un ensemble développé selon ses propres besoins. Des pièces simples et esthétiques au service de l'usage.

« Je crée quelque chose parce que j’en ai besoin, parce que je le veux et que je ne parviens pas à le trouver. » L'idée est simple, la ligne directrice est libre. De cette doctrine créatrice, Ann Demeulemeester a développé une gamme de mobilier plurielle allant des assises aux tables en passant par les consoles. Une diversité qu'elle et son mari, Patrick Robin, ont dessiné d'abord pour leur usage propre avant de venir enrichir l'hétéroclite catalogue Serax.

La table Kubé 1 accompagnée de deux chaises Elé, un modèle dont le pied associe une section carrée et une section ronde ©Ann-Demeulemeester-Serax



Faire usage de la simplicité

Lorsqu'il a imaginé cette collection, le couple de designers avait en tête de répondre à des besoins, mais n'avait pas la volonté d'imposer un quelconque usage. « L'idée était de suggérer une idée d'utilisation plutôt que de la dicter » précise Anna Winston, ancienne rédactrice en chef de Dezeen. Une notion traduite par les imposants volumes du mobilier. À la fois conformiste dans son allure globale, au risque de toucher sur certains points une forme de classicisme froid, et accueillant dans les courbures et l'ouverture des formes, la collection dialogue avec elle-même. Les profilés bas et robustes des assises comme Beth discutent avec les maigres pieds de la chaise Elé ou de la table Cora, tandis que le volume monolithique de Frou répond à la chaise Boho qui semble découpée dans une feuille de papier. Un ensemble hétéroclite autant qu'étonnant.

La table Kubé 3 entourée (de gauche à droite) des trois assises Malé, Tabu et Stella dont le pied dissimule un éclairage interne ©Ann Demeulemeester-Serax



Les matériaux au centre du jeu

Complémentaires aux formes, les matériaux ont été travaillés avec un intérêt tout particulier. D'une part en raison de la place prégnante qu'occupent les étoffes, mais également en raison de la carrière de la designeuse dans la mode. Une époque dont elle tire une évidente sensibilité pour les textures et les couleurs. Un attrait qui offre à cette collection forte de 11 pièces, une diversité allant du lin à la laine, du velours à la toile, dont le capitonnage est tissé en Belgique. De cette exploration plastique qui joue avec notre perception, le duo s'est également prêté à une recherche colorimétrique surprenante, n'hésitant pas à sauter du vert mousse au rose pâle ou au orange brûlé. Un éventail qui, là encore, vise à offrir à chaque utilisateur, sa propre expérience du mobilier dessiné originellement pour servir des besoins personnels.

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1/7/2024
Nouveautés et « Renew » pour Fritz Hansen

À l’occasion des 3daysofdesign mi-juin, la marque danoise Fritz Hansen dévoilait ses nouveautés ainsi que son nouveau programme "Renew", en faveur de la durabilité de ses produits.

De retour pour une nouvelle édition, les désormais immanquables 3daysofdesign organisés comme chaque année à Copenhague, proposaient une centaine d’événements partout dans la ville pendant 3 jours. L’occasion pour de nombreuses marques natives du Danemark de présenter leurs nouveautés 2024, comme ce fut le cas de Fritz Hansen, présent dans plusieurs espaces de la ville, comme à L’Opera Park, le nouvel espace inspiré de la nature pensé par le studio d’architecture danois Cobe. 

Deux nouvelles collections en collaboration avec Cecilie Manz et Jaime Hayon

Pour sa collection 2024, la marque danoise de 152 ans a fait appel au savoir-faire de deux designers. D’abord, la designeuse industrielle danoise Cecilie Manz, qui présentait en exclusivité son fauteuil Monolit. Un modèle disponible en deux tailles - 40cm et 45 cm -, dont la forme enveloppante fait penser à une coquille protectrice et confortable pour l’utilisateur.

Collection Monolith, design : Cecilie Manz © Fritz Hansen

Quant à Jaime Hayon, il présente avec la marque deux nouveautés. D’abord, les tables basses Analog, en continuité de la table créée en 2014. Celles-ci sont disponibles en deux configurations, avec un plateau en noyer laqué ou frêne clair. Le designer espagnol dévoile également le canapé Fri, lui aussi en complément de la gamme déjà composée du fauteuil du même nom. Un canapé de 2,5 places, disponible dans tous les tissus proposés pour le fauteuil Fri. 

Sofa Fri, Tables Basses Analog, design : Jaime Hayon © Fritz Hansen

Renew : un programme, trois initiatives 

« La problématique autour de la durabilité du mobilier est qu’il dure au maximum dans le temps » expliquait le directeur créatif Christian Andresen. Dans cette optique, les équipes de Fritz Hansen, les équipes de la marque se sont penchées sur la question : « Nous cherchions un moyen de faire durer nos produits et de les faire vivre encore plus longtemps » déclarait notamment Lars Galsgaard, vice-président des ventes et de la gestion, à propos de Renew, qui était présenté pour la première fois lors des 3daysofdesign. 

Chaise Series 7, design : Arne Jacobsen © Fritz Hansen

Une offre de services, pensée pour faire durer les produits Fritz Hansen plus longtemps, et ainsi permettre, à moyen et long terme, de réduit l’impact carbone de ces derniers. De ce fait, le programme est divisé en trois initiatives. D’abord, « Repair » - littéralement Réparer -, qui n’est pas nouveau chez Fritz Hansen puisqu’il existe depuis des années. Cette voie promet au client d’avoir la garantie que le produit puisse durer dans le temps, et ce même si une partie se casse. Le client a la possibilité de remplacer certaines pièces de lui-même ou il lui est possible de faire appel à un revendeur si nécessaire. Ensuite, le second volet du programme s’intitule « Refurbish », - remettre à neuf en français - été intégré en 2023. Pour le moment à destination des chaises Series 7, Ant, Grand Prix et Lily, le service Refurbish propose aux clients de redonner un coup de neuf à leur chaise sur différents aspects tels que par la peinture, la laque ou le remplacement des pieds par exemple. Il s’agit ici d’un défaut esthétique et non de qualité de la chaise qui est encore utilisable. Une offre intéressante, qui a permis de rénover entre 2 000 et 3 000 en 1 an. Enfin, le dernier volet de Renew est « Recraft », pour recréer, remettre à neuf par l’artisanat. Il s’agit non là d’un service d’esthétique du produit, mais d’un système d’upcycling des chaises. Les équipes récupèrent des anciennes chaises et les remettre à neuve pour les revendre ensuite à moins prix. 

Chaise Series 7, design : Arne Jacobsen © Fritz Hansen

Un programme ambitieux donc, qui permet, pour les chaises rénovées, de réduire leur impact carbone par 3, en passant de 21 kg de CO2 pour une chaise neuve, à 7 kg. « On peut rénover sa chaise 3 fois avant d’arriver à l’impact carbone d’une chaise neuve. En sachant que chaque chaise est garantie 10 ans et que dès qu’elle est remise à neuf, elle gagne à nouveau sa garantie de 10 ans et elle obtient même un nouveau numéro de série » continue Lars Galsgaard. Si pour le moment ces services ne sont disponibles que pour les quatre chaises citées plus haut, les équipes espère évidemment pouvoir le développer encore plus à l’avenir, mais il est encore trop tôt pour se projeter. « C’est une nouvelle ère pour tout le monde donc il faut y aller étape par étape, apprendre tous les jours pour être de plus en plus efficaces afin de le développer à tous nos projets » avait finalement conclu Lars Galsgaard.

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