Pedrali : "l'accent est mis sur le bien-être"
Chaise Lamorisse, CMP Design pour Pedrali, direction artistique : Studio FM © Andrea Garuti, Studio Salaris

Pedrali : "l'accent est mis sur le bien-être"

Au début des années 60, Mario Pedrali crée un atelier avec lequel il produit des meubles de jardin en fer forgé : le mobilier extérieur sera ainsi le fondement de Pedrali, qui s’est depuis bien élargi à l’aménagement résidentiel, le mobilier de bureau, comme celui de l’hospitality. Aujourd’hui à la pointe de la technologie, la grande entreprise italienne fêtera cette année ses 60 ans, sans oublier ses racines.  Sa présidente actuelle, Monica Pedrali, fille du fondateur, et son frère nous partagent leur vision du secteur de l’outdoor.


Retrouvez notre dossier spécial dédié à l’outdoor dans le numéro 215 d’Intramuros.

Quelles évolutions avez-vous constaté sur le secteur de l’outdoor ?

Ces dernières années, nous avons constaté l’émergence d’une nouvelle façon de vivre, d’expérimenter et de partager les espaces, en accordant de plus en plus d’importance à l’ameublement de nos maisons, aux espaces en plein air des restaurants et cafés, ainsi qu’aux espaces communs des lieux de travail. Ils sont de plus en plus conçus pour assurer le bien-être, et l’objectif est d’apporter la même qualité et le même soin à l’extérieur qu’au mobilier intérieur. Pour le marché résidentiel, ces dernières années, nos maisons ont été réaménagées pour nous accueillir plus longtemps. Les espaces extérieurs, tels que les terrasses, les jardins et les vérandas, se sont imposés, contribuant de manière significative à notre sérénité et à notre humeur. Accueillants, intimes, ils possèdent les mêmes qualités que celles que l’on retrouve à l’intérieur. Dans le monde entier, nos collections meublent nombre d’espaces plein air de résidences privées  : la collection Panarea de CMP Design et Reva Twist de Patrick Jouin se trouvent sur la terrasse d’une résidence privée surplombant le lac d’Iseo, les chaises Tribeca de CMP Design définissent les espaces extérieurs de villas privées en Grèce, la collection Remind d’Eugeni Quitllet a été choisie pour la Casa Lo Alto en Espagne…

Chaise de bar Panarea, CMP Design pour Pedrali, direction artistique : Studio FM © Andrea Garuti, Studio Salaris
Chaise Souvenir, Eugeni Quitllet pour Pedrali, direction artistique Studio FM © Andrea Garuti, Studio Salaris

De même, dans le secteur du contract, parmi les projets récemment réalisés avec nos collections d’extérieur, nous pouvons citer le Khufu’s Restaurant à Giza où les fauteuils Panarea de CMP Design meublent la terrasse extérieure à la vue splendide sur les pyramides. La collection Panarea décore également les extérieurs de l’Osteria BBR d’Alain Ducasse à l’hôtel Raffles de Singapour, la terrasse du restaurant DAV Milano by Da Vittorio dans le cœur moderne de Milan, et le restaurant Amandus de l’hôtel cinq étoiles Villa Lario Resort, qui surplombe le lac de Côme.

De nouveaux segments de marché ont-ils émergé ?

Le besoin d’espaces extérieurs se fait de plus en plus sentir dans les espaces de travail, en raison des nombreux avantages que la verdure apporte au bureau : lorsqu’il y a des espaces extérieurs pour se détendre ou lorsque des éléments naturels sont introduits sur le lieu de travail, la satisfaction et la productivité augmentent, ce qui permet de maintenir des niveaux élevés de concentration.

Sofa Nolita, CMP Design pour Pedrali, direction artistique : Studio FM © Andrea Garuti, Studio Salaris

Quels sont les secteurs avec lesquels vous travaillez ?

Nous nous adressons principalement aux architectes et aux décorateurs d’intérieur qui souhaitent inclure des produits avec des finitions qui ennoblissent les matériaux utilisés. L’utilisation de la couleur est aussi très importante pour Pedrali, c’est un élément distinctif de notre marque, nos collections sont présentées dans des tonalités chaudes et vives. Lors de la conception de produits outdoor, l’accent est mis sur le bien-être. Pour ne citer qu’un exemple, le nom de la collection Reva de Patrick Jouin évoque des atmosphères relaxantes et rêveuses.  

Comment traitez-vous les contraintes propres à la conception outdoor ?

Nous accordons une attention particulière à la qualité croissante des matériaux, de plus en plus innovants, à l’excellence des performances techniques et esthétiques. Je pense aux cordes en polypropylène résistant aux intempéries, pour un aspect vraiment naturel, ou le béton, un matériau très résistant qui, grâce à l’ajout d’additifs soigneusement sélectionnés, garantit d’excellentes performances techniques, notamment la facilité de nettoyage, une plus grande résistance aux contraintes mécaniques et aux intempéries, et une faible perméabilité aux liquides et aux taches.

Sofa Arki, Pedrali, direction artistique : Studio FM © Andrea Garuti, Studio Salaris

Quelle est la demande principale qui vous est faite ?

On nous demande surtout des produits polyvalents répondant aux besoins de reconfiguration et d’évolution de l’agencement des espaces. Ceux-ci peuvent changer considérablement en fonction des besoins. En outre, les architectes et les décorateurs d’intérieur recherchent principalement la qualité et la durabilité des matériaux de nos meubles. La fonctionnalité va également de pair avec le design : un meuble est demandé et apprécié lorsqu’il est à la fois fonctionnel et beau. Nous faisons beaucoup de recherches dans le choix des tendances, des couleurs et des lignes, et nous offrons une large gamme de finitions personnalisées. Nous étudions des meubles qui s’adaptent à des environnements de styles différents, où le dialogue entre l’extérieur et l’intérieur est continu et efficace.

Ces attentes ont-elles eu un impact sur le positionnement de votre marché, de votre stratégie, de votre activité commerciale ou même de votre produit?

Notre entreprise peut être définie par les concepts d’esthétique, de tradition et d’innovation. En ce qui concerne ce dernier point, l’innovation est liée à une connaissance approfondie et de longue date des matières premières, des processus et des solutions technologiques, transformant le design en une production industrielle de grande valeur. Pedrali produit « juste à temps », « ce dont vous avez besoin quand vous en avez besoin », et grâce à la production allégée, elle réduit les déchets de matières premières. L’entreprise dispose non seulement de plus d’espace pour stocker les produits, mais elle gagne également en efficacité dans la production de produits « sur mesure ». L’objectif est d’offrir un meilleur service aux clients et de respecter les délais de plus en plus stricts des projets d’ameublement.

Grand Hotel Union, Lubiana (Slovenie) © Janez Marolt

Avez-vous une équipe de conception interne ?

Oui, nous disposons d’un département de recherche et développement qui s’occupe de la conception et de l’industrialisation des produits. Des designers professionnels, au sein d’une équipe dirigée par mon frère Giuseppe, développent leurs concepts de design sur la base d’un mélange d’héritage, de savoir-faire technique et de créativité. Travaillant en étroite collaboration avec les départements de production et de qualité, les produits sont développés à partir d’une recherche rigoureuse. Le résultat est une ligne de produits industriels fonctionnels et polyvalents en métal, plastique, bois et tissus d’ameublement, mais aussi en combinaison les uns avec les autres. Le processus allie tradition et innovation, excellence technique et ingéniosité créative.

Que vous apporte la collaboration avec des studios de design indépendants ? Comment cela s’articule avec vos propres équipes ?

Pedrali est présent sur le marché français depuis de nombreuses années et nous sommes fiers de collaborer avec des designers français tels que Patrick Jouin et Patrick Norguet. En outre, la combinaison de notre savoir-faire et de l’historicité des terrasses et des dehors français, des cafés aux restaurants, donne naissance à des projets prestigieux. Par exemple, notre mobilier a été choisi pour l’espace extérieur du Café Jacques d’Alain Ducasse au Musée du quai Branly, où les fauteuils Tribeca de CMP Design ont été utilisés. Pour la terrasse du restaurant Les Ombres, avec une vue spectaculaire sur la Tour Eiffel, les chaises Nolita, également de CMP Design, ont été utilisées.

Mykonos Luxury Villas & Suites © Pedrali

Les collections Pedrali naissent de la collaboration synergique de l’entreprise avec des designers italiens et internationaux qui adhèrent à sa philosophie et l’enrichissent de leurs précieuses contributions. Les designers  externes travaillent avec notre équipe de techniciens : ingénieurs, prototypistes, dessinateurs, graphistes et concepteurs d’expositions. Le défi consiste non seulement à créer de nouveaux produits, mais aussi à compléter les gammes avec de nouveaux matériaux et technologies, avec le soutien précieux de spécialistes techniques issus du savoir-faire de notre territoire.

Ces collaborations nous ont permis d’obtenir d’importantes récompenses comme, en 2011, le Compasso d’Oro adi pour la chaise Frida conçue par Odo Fioravanti, celui-là même qui a conçu le fauteuil Babila Twist, un siège d’extérieur caractérisé par une coque tissée avec une corde plate en polypropylène résistant aux intempéries. Je pense que le design, pour être efficace, doit suivre les besoins du consommateur, être capable de s’adapter et de caractériser les espaces dans lesquels les produits sont placés, dans le but d’assurer le bien-être des individus, leur sérénité, de faciliter leurs activités et leurs opérations, et d’être le promoteur d’un style de vie respectueux de l’environnement et des ressources.

Avec qui collaborez-vous pour les espaces extérieurs ?

Notre entreprise collabore avec des architectes et des décorateurs d’intérieur en Italie et à l’étranger. Mon père Mario, fondateur de l’entreprise, a commencé à collaborer avec des architectes dans les années 1970, en produisant des meubles pour leurs projets d’hôtels et de restaurants. La collaboration avec l’architecte Luigi Vietti remonte à cette époque. Mario a créé le mobilier de certains de ses projets les plus connus sur la Costa Smeralda. De cette époque date également le projet de l’hôtel Santa Tecla à Acireale, pour lequel il a fourni les meubles : des sièges aux tables, des têtes de lit aux cadres des miroirs. Un projet complet. Les architectes sont également sensibles à la question de la durabilité environnementale et nos produits reflètent parfaitement cette philosophie.

Atoles Retreat, Imerovigli (Grèce) © Camille Mia Dorier

Quelles évolutions technologiques majeures caractérisent Pedrali ?

Pedrali est une entreprise de l’industrie 4.0 dont les usines sont équipées de machines interconnectées. Chaque année, une part importante du chiffre d’affaires est investie dans l’innovation, la technologie, ainsi que la production numérisée. Les machines technologiquement avancées et l’automatisation des processus garantissent une production, une manutention interne et une livraison plus rapides, ainsi que le respect des délais de livraison. Il en résulte une plus grande flexibilité pour répondre aux exigences des clients, tout en maintenant l’accent sur la qualité des produits.

Appartement datant de 1936 à Varsovie (Pologne), projet Loft Kolasiński © Joel Hauck

L’innovation est liée à une connaissance approfondie et de longue date des matières premières, des processus et des solutions technologiques, transformant le design en une production industrielle de grande valeur. En outre, en 2020, l’entreprise a fabriqué ses premiers produits « gris recyclés », fabriqués à partir de polypropylène recyclé : 50 % de déchets plastiques de postconsommation et 50 % de déchets plastiques industriels. Les déchets plastiques postconsommation proviennent de produits qui ont été utilisés puis dûment recyclés par les consommateurs, tels que les bouteilles en plastique ou les emballages alimentaires. Les déchets plastiques industriels proviennent des conteneurs et des films en plastique. Tous les produits fabriqués à partir de ce nouveau matériau durable partagent une teinte grise caractéristique, une couleur neutre choisie pour égaliser et dissimuler les imperfections typiques des matériaux recyclés. Sous le nom de « gris recyclé », les produits sont marqués de l’inscription tamponnée « 100 % recyclé », afin de souligner leur caractère écologique.

Comment organisez-vous votre approche de la durabilité ?

Pedrali poursuit son engagement en faveur de la durabilité environnementale en mettant en œuvre de meilleures stratégies. Pour citer quelques exemples concrets d’opérations récentes visant à améliorer son impact environnemental, nous avons installé plus de 3 000 panneaux photovoltaïques sur ses usines, produisant une quantité totale de 1,2 MW d’énergie, capable de couvrir les besoins énergétiques de l’entreprise. Pour réduire la consommation d’énergie, pendant la saison froide, l’eau chaude produite dans les processus de moulage des matières plastiques est récupérée et acheminée vers les autres départements de production pour les chauffer. De même, pendant la saison chaude, un système composé de cinq tours de refroidissement aide les refroidisseurs à abaisser la température de l’eau des moules.  Notre engagement pour la préservation de la planète est démontré par les investissements importants réalisés pour certifier ses produits et ses systèmes, ainsi que par des actions concrètes liées à la qualité des matières premières et des usines de production.

Vous défendez une stratégie globale d’évaluation de l’impact de votre production ?

Les certifications des systèmes de l’entreprise comprennent UNI EN ISO 9001:2015 pour son système de gestion de la qualité et UNI EN ISO 14001:2015 pour sa gestion environnementale durable, qui s’étend à toutes les phases du processus de production. Nous avons également terminé l’étude de l’empreinte carbone de l’entreprise et obtenu la certification conformément à UNI EN ISO 14064-1:2019. L’évaluation a mesuré le total des émissions de gaz à effet de serre produites, directement et indirectement, par les activités commerciales de l’organisation sur une période donnée.

Chaise Babila Twist, Odo Fioravanti pour Pedrali, direction artistique : Studio FM © Andrea Garuti, Studio Salaris
Chaise Lamorisse, CMP Design pour Pedrali, direction artistique : Studio FM © Andrea Garuti, Studio Salaris

En analysant la quantité de CO₂ que nous produisons, nous pouvons déterminer l’impact de l’ensemble de notre cycle de production sur l’environnement. Avec des données concrètes à portée de main, nous pouvons définir des objectifs d’amélioration continus, contrôlables et donc réalisables. Comme je le disais, en 2020, l’entreprise a lancé ses premières collections fabriquées à partir de polypropylène recyclé. Chaque produit fabriqué à partir de bois est certifié FSC C114358, certifiant l’utilisation de bois provenant de forêts gérées de manière responsable et adéquate, conformément à des normes environnementales, sociales et économiques strictes. De plus, depuis 2018, l’entreprise utilise des revêtements à base d’eau composés principalement de résines d’origine végétale pour ses collections en bois.

Dans les 10 prochaines années, comment imaginez-vous l’avenir du marché du mobilier d’extérieur ?

Le mobilier d’extérieur doit être accueillant pour la maison, mais également pour l’hôtellerie, il doit remplir différentes fonctions, être polyvalent et facile à entretenir et à nettoyer, un mobilier de haute qualité qui peut durer.  À une époque où l’exploitation des ressources et du territoire est monnaie courante, il est important que ces produits soient également valables d’un point de vue éthique, produits de manière responsable et correcte, et conscients de la durabilité. La production de nos collections suit l’optimisation des ressources et la minimisation des déchets.

BBR by Alain Ducasse © Raffles Hotel Singapore

En termes de durabilité, nous sommes une entreprise qui a développé, au fil des ans, une philosophie « verte » avec des choix qui deviennent l’expression de la manière dont le respect de l’environnement est une pratique établie depuis des années. En partant de la conscience que, dans un moment historique caractérisé par une maximisation perturbatrice et excessive des ressources environnementales disponibles, s’engager dans la responsabilité sociale ne consiste pas à faire des choix « verts » concernant la production et l’éthique des produits d’une entreprise, mais il s’agit de faire de la durabilité environnementale un élément central de la culture d’entreprise, et un objectif commercial clé à moyen et long terme. Avec des données objectivement mesurables, l’entreprise peut fixer des objectifs d’amélioration continue indicatifs de sa pleine adhésion à l’Agenda 2030 pour le développement durable promu par les Nations unies.

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18/7/2025
Concours Technogym x Intramuros : les Candidatures sont ouvertes !

En partenariat avec Intramuros, Technogym lance un concours pour imaginer l’avenir du fitness à domicile. Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 29 août.

Sous le titre évocateur « La Home Gym du Futur », Technogym — marque reconnue pour ses équipements de fitness haut de gamme - lance un concours inédit. Cette initiative vise à mettre en valeur les talents émergents tout en encourageant des idées novatrices, durables et inclusives. En s’appuyant sur les besoins actuels en matière de pratique sportive et en anticipant les évolutions à venir, les participants sont invités à imaginer leur vision de l’entraînement à domicile de demain.

Un jury XXL pour cette première édition

Pour juger les différentes propositions des candidats au concours, les équipes d’Intramuros et de Technogym pourront compter sur l’expertise de 4 professionnels du secteur :

  • Le designer Patrick Jouin (studio Patrick Jouin iD)
  • Natacha Froger (agence atome associés)
  • L’architecte d’intérieur Ana Moussinet (Ana Moussinet Interiors)
  • L’architecte et designer Jean-Philippe Nuel (studio Jean-Philippe Nuel)

Après une délibération des membres du jury le 2 septembre prochain pour sélectionner les finalistes, les projets retenus seront mis en avant sur les réseaux sociaux et présentés au sein de la boutique Technogym pendant  Paris Design Week du 4 au 13 septembre.


Ce concours est l’opportunité pour les jeunes créateurs de faire valoir leur créativité et de gagner en visibilité. En effet, en plus de voir leur projet exposer pendant Paris Design Week, les finalistes pourront profiter de la communication via les canaux de Technogym, Intramuros, NDA et BED et pourront enrichir leur réseau lors de la remise des prix qui aura lieu le 17 septembre prochain. Le lauréat remportera 4 500 € de produits Technogym et vivra une expérience exclusive au Technogym Village à Cesena, en Émilie-Romagne (Italie), aux côtés du jury.

Une démarche d’inscription simple

Pour participer, les candidats devront proposer un brief complet avec un concept design, des planches graphiques et une note descriptive détaillée. Les dossiers devront être envoyés par email à l’adresse suivante : concourstechnogym@intramuros.fr

Tous les documents essentiels relatifs au concours sont disponible vie CE LIEN.

En cas de besoin et demandes spécifique, les candidats peuvent contacter le Technogym Interior Design Service, via Daniela D’Errico à l’adresse : dderrico@technogym.com ainsi que Yanis Aimetti, yaimetti@technogym.com pour le Technogym Marketing support & infos produit.

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9/7/2025
Spinning Around, la collection en mouvement de Sophia Taillet

Présentée en exclusivité dans la nouvelle boutique du Grand Palais, la collection Spinning Around de Sophia Taillet allie une approche artistique à un savoir-faire industriel méconnu : la technique du repoussage. Une série colorée et dynamique, à l’image de la designer qui aime mêler les disciplines.

À l’occasion de la réouverture du Grand Palais et de l’inauguration de sa boutique, Sophia Taillet a imaginé une collection exclusive, intitulée Spinning Around. Un projet qui s’inscrit dans la continuité de son travail amorcé avec le Spinning Mirror présenté lors de la Paris Design Week en 2024 et le travail de recherche Time Erosion, mené suite à l’obtention de la bourse « Monde Nouveau » en 2023. Un projet pour lequel elle a exploré duré un an les liens entre design et danse, en collaboration avec des artisans, un danseur et un ingénieur du son. « J’ai voulu interroger le rapport au corps à travers la manipulation d’objets encore en phase de réflexion. Une fois façonnés par l’artisan, ces objets passaient entre les mains du danseur, qui leur donnait une fonction. Je trouvais intéressant d’intégrer d’autres regards que celui du designer dans le processus et de les présenter par le biais d’une performance. » Une représentation s’était tenue à la Fondation Pernod Ricard, où danse et objets cohabitaient en parfaite synergie.

Collection Spinning Around

Associer matière et mouvement dans l’espace

Partie de ce projet symbolique et du Spining Mirror — remarqué lors de la Paris Design Week 2024 et de la Collective Fair de Bruxelles —, cette collection offre différentes déclinaisons qui mêlent à la fois la matière et mouvement. Les pièces sont faites en verre et en métal, les deux matériaux de prédilection de la créatrice, et réalisés à la commande, dans une dizaine de d’exemplaires pour le moment. Entre jeux de matière, de lumière et de formes évolutives en fonction de la disposition et l’espace dans lequel se trouve l’objet, Spinning Around est une collection qui n’est finalement jamais figée. « J’ai voulu créer une sorte de liberté visuelle au sein de laquelle le mouvement donne vie à l’objet. Le fait que les objets bougent permet de créer des effets visuels qu’on n’aurait pas s'ils étaient immobiles » Et pour cette collection, Sophia Taillet a choisit de se pencher sur la technique du repoussage, un savoir faire dont on parle peu mais qui n’en est pas moins intéressante à explorer. « C’est une technique qui n’est pas forcement médiatisée et je trouvais intéressant de la travailler, d’autant qu’avec mon expérience du verre, je ressens un devoir de transmission des savoir et des techniques. »

Collection Spinning Around

Un rendez-vous donné à la rentrée

En septembre, à l’occasion de la Paris Design Week du 4 au 13 septembre et des Journées du Patrimoine les 20 et 21 septembre, Sophia Taillet investira la cour du musée de la Chasse avec une installation cinétique en plein air, pensée comme une « danse silencieuse ». Neuf pièces de Spinning Mirror seront présentées en dialogue avec l’architecture du lieu. Une performance dansée viendra également accompagner l’installation.

Spinning Mirror
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10/7/2025
Drift chair ou la justesse des lignes

Le studio BrichetZiegler et Théorème Éditions se sont associés pour créer la Drift chair. Une chaise très graphique portée par des lignes fines au service de l'équilibre.

Comme pour chacune de leurs collaborations, David et Jérôme, les fondateurs de Théorème Éditions, dont la galerie eponyme est située sous les arcades du Palais Royal, se sont tournés vers un studio avec une demande : créer un objet sculptural, architectural et monolithique. Un triptyque dans l'air du temps que le studio BrichetZiegler, convié pour l'occasion, a naturellement retranscrit sur une chaise. Une pièce que le duo de créateurs affectionne particulièrement en raison de son échelle. « Une chaise est une surface parfaite car sa dimension permet de s’exprimer de façon sculpturale et plastique tout en abordant les aspects techniques d’un objet qui soutient le corps. » Un terrain de jeu idéal donc, autour duquel les designers ont imaginé une pièce « fonctionnelle et confortable pour dîner, portée par un dessin et une présence visuelle forte. »

Drift chair by Brichet Ziegler for Theoreme Éditions @Stéphane Ruchaud

Un jeu d'équilibre

Développée en à peine un an et demi avec le savoir-faire d'un menuisier installé à Pantin, la Drift chair – que nous pourrions interpréter par « chaise qui plane » - tire son nom de son assise en porte-à-faux. Supportée par deux planches latérales en guise de pieds, l'assise joue sur l'alternance des pleins et des vides pour offrir, de côté, tout le poids visuel de sa structure, et de face une certaine frugalité structurelle. Deux sensations renforcées par l'utilisation de courbes au niveau des zones de contact pour des questions de confort, mais aussi dans les angles. Une manière d'apporter de la fluidité à cet assemblage égayé par une galette aimantée en cuir lisse ou en tissu Kvadrat choisi par la galerie. En dessous, la surface à bois a été ajourée de manière à diminuer le poids de la chaise – déjà de 7,5kg – et solidifier la structure pour éviter qu'elle ne vrille.

Drift chair by Brichet Ziegler for Theoreme Éditions @Stéphane Ruchaud

Proposée en chêne et en noyer, la Drift chair est disponible dans une version cérusée où le veinage naturel du bois devient porteur d'un monochrome très graphique. Une alternative utilisée par Joseph Hoffmann dès les années 30 et désormais réinterprétée avec goût par le studio BrichetZiegler.

Drift chair by Brichet Ziegler for Theoreme Éditions @Stéphane Ruchaud
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9/7/2025
À la CFOC, six décennies d'exploration

Créée par François Dautresme en 1965, la Compagnie Française de l'Orient et de la Chine (CFOC) fête ses 60 ans. À cette occasion, Valérie Mayéko Le Héno, architecte DPLG et directrice artistique depuis 2016, évoque les évolutions de cette société indissociable des savoir-faire asiatiques.

Voyageur passionné et aventurier en quête de nouveautés, François Dautresme a fondé la CFOC en 1965. Quelle place occupe aujourd'hui son héritage dans l'identité de la marque ?

En tant que directrice artistique de la marque depuis 2016, je crois pouvoir dire que la manière dont nous travaillons est assez proche du concept de départ puisque nous continuons de voyager beaucoup à travers l'Asie. C'est important de garder un pied dans cette zone, où se trouve une douzaine de pays avec lesquels nous collaborons, mais aussi au-delà – en Italie pour l'édition textile, au Maroc pour les éponges et la broderie, au Portugal pour le travail de l'acier et des couverts, et au Mexique pour la fibre de palme -, car ce que nous cherchons, c'est avant tout un savoir-faire particulier ou de nouvelles techniques. Nous partageons de fait la passion de l'artisanat, mais aussi le plaisir de trouver des ateliers familiaux, des petites structures. Cette notion est très importante pour nous, car depuis 1965, l'idée est de valoriser des produits manufacturés. À travers ça, l'héritage principal est sans doute celui d'être du contact.

Tapis Ombrelle Sépia ©CFOC

La place du geste est donc véritablement importante au sein de la CFOC, mais comment concilier les savoir-faire anciens et asiatiques avec les besoins des consommateurs européens ?

Il y a longtemps eu un gap entre nos deux régions. Il y a encore une quinzaine d'années, les arts de la table en Chine se limitaient majoritairement à des bols et à des baguettes tandis qu'il était coutume de s'asseoir proche du sol en Asie alors nous avions tendance à nous asseoir de plus en plus haut en Europe. Il a donc fallu adapter tout cela à nos usages. Dès les années 90, à l'époque où la CFOC proposait principalement du mobilier chiné, souvent aux Puces de Pékin, François Dautresme a commencé à dessiner des éléments destinés au marché français. Un premier pas que nous avons complètement généralisé en 2011-2012, en insufflant à la compagnie alors en perte de vitesse, une nouvelle vision davantage adaptée à nos modes de vie, aux usages.

Collection Lotus ©CFOC

Et comment cela se traduit-il en termes de création ?

Nous avons voulu faciliter l'échange de regard entre l'Europe et l'Asie. Un bureau de style est ainsi né à Paris. Nous y travaillons à deux pour ce qui est de la conception design, plus une troisième personne chargée de la production. Celle-ci est principalement basée en Asie, car nous n'avons pas d'intermédiaire, et c'est elle qui nous permet de développer des produits sur le long terme – généralement entre 4 et 10 mois – et d'entretenir des relations pérennes avec les ateliers pour ne pas être sur du one-shot. Pour la majorité d'entre eux, notre collaboration oscille entre 8 et 10 ans, et c'est ce qui nous permet de pousser les savoir-faire et développer de nouveaux produits.

Table basse ultra noir en chêne teinté ©CFOC

L'une des richesses de la CFOC, c'est également l'étendue des matériaux travaillés. Comment les réinvente-t-on pour ne pas tourner en rond au bout de 60 ans ?

En fait, la question est surtout technique. Ce sont généralement des déclinaisons. Par exemple pour la laque, dans les années 50 à 70, on ne trouvait que des couleurs naturelles. Progressivement, on a évolué vers des colorants alimentaires pour diversifier les teintes, sans pour autant perdre le savoir-faire ancestral à base de sève de laquier. Cette année, nous proposons par exemple deux nouvelles couleurs, le bleu jun et l'ambre jun que nous avons travaillé avec notre coloriste basé dans un village près de Hanoï, au Vietnam. Pour ce qui est du tissu, la CFOC évolue notamment en passant de fibres naturelles à des fibres textiles pour répondre à des besoins spécifiques. C'est le cas de notre tapis tressé Kilim (une technique indienne) où le jute est remplacé par de la laine.

Lampe de chevet Naméko en porcelaine et laiton et courtepointe Samarcande en velours de soie et lin ©CFOC

De manière plus précise, comment avez-vous pensé la collection anniversaire ?

Elle a été guidée par une démarche en quelque sorte historique. J'ai réuni les origines de la CFOC en me replongeant dans de vieux articles de presse, des archives photographiques des anciennes boutiques et leurs vitrines aux scénographies imaginées par François Dautresme, mais aussi des produits dans les catalogues de vente. Bref, je me suis immergé dans la riche histoire de la société et j'ai confronté le passé et le présent. C'est ça qui m'a amené à développer la forme des ombrelles pour nos tapis, le concept de naturalité, le travail du pojagi – une méthode de couture que l'on peut rapprocher du patchwork -, le velours de soie que l'on retrouve sur les contrepointes Samarcande travaillées avec du lin par des artisanes brodeuses, sans oublier la réédition d'objets dans le rouge CFOC. Tous ces axes nous ont permis de créer des pièces en série limitées ou numérotées.

Tabourets signature en coloris bleu jun, verveine et blanc ©CFOC

Sur le plan commercial, la CFOC s'est progressivement ouverte au B2B. Qu'est-ce que cela a changé dans votre approche et quels sont les prochains défis à venir ?

Effectivement ! Depuis plusieurs années, nous développons le B2B pour proposer nos services des chefs ou des établissements hôteliers. C'est une autre manière de voir les choses. L'un de nos projets significatif est certainement la réalisation de pièces sur mesure pour l'hôtel SO/ Paris réalisé par le cabinet RDAI et livré en 2022. Parallèlement à ces nouveaux marchés, nous souhaitons également développer notre notoriété et étendre notre réseau aujourd’hui composé de trois boutiques sur Paris et de revendeurs en région. Nous réfléchissons donc à ouvrir un nouveau showroom ou des pop-ups store dans des zones balnéaires.

Plateau haut Étamine ©CFOC
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