Le FRENCH DESIGN by VIA expose 20 chaises pour en voir de toutes les couleurs
Le fauteuil ART 77,5 de Charlotte Juillard édité par Noma fait face à la chaise Mirèio édité par Margaux Keller ©Felix Dol Maillot

Le FRENCH DESIGN by VIA expose 20 chaises pour en voir de toutes les couleurs

À l'occasion de l’exposition "Chromo Sapiens" dédiée à la couleur, Le FRENCH DESIGN by VIA expose jusqu'au 15 septembre 20 chaises illustrant tour à tour, la puissance visuelle des teintes dans l'univers du design.

Disparue pendant plusieurs décennies au profit d'une certaine sobriété ou de la forme, la couleur fait depuis quelques années son grand retour dans nos intérieurs. Plutôt appliquée par le biais de pièces pop rappelant les décennies les plus teintées de l'histoire du design, elle semble encore cantonnée à un éventail de marques qui affichent aujourd'hui un contrepied esthétique avec les coloris passe-partout encore largement en vogue.

C'est lors de l’exposition Design x Durable x Désirable que l'idée d'exposer la couleur est apparue, raconte Jean-Paul Bath, directeur du Le FRENCH DESIGN by VIA. « Les coloris tournaient toujours autour des beiges, des marrons et des verts ce qui nous a amené à nous demander si cette nouvelle tendance ne signait pas la fin de la couleur dans le domaine du meuble. » Une préoccupation d'autant plus grande à ses yeux, que la France « est aujourd'hui très reconnue dans ce domaine difficile où de nombreuses connaissances sociologiques comme historiques sont nécessaires. »

De gauche à droite : Mawu Spring édité par Laura Gonzalez, Bubble du designer Sacha Lakic pour Roche Bobois, le siège Week-end dessiné par Studio Brichet-Ziegler pour Petite Friture, le fauteuil ART 77,5 de Charlotte Juillard édité par Noma ©Felix Dol Maillot

Une “french touch” que l'institution a mis en avant par l'intermédiaire de cinq pôles, comme autant de manières d'envisager la couleur et de la différencier. Focalisés sur une seule typologie de mobilier à savoir la chaise, objet emblématique de la création design, Le FRENCH DESIGN by VIA « ne voulait pas que les visiteurs se disent que le vert est beau car il est apposé sur un bureau ou le violet est laid, car il recouvre un canapé. »

Accompagné sur la mise en place de l'exposition par le Comité français de la couleur pour les éléments de langage, et par le studio Uchronia pour la scénographie, Le FRENCH DESIGN by VIA a souhaité mélanger tous les styles, toutes les gammes et toutes les marques. « Qu'il s'agisse de maisons connues et ou de créateurs indépendants, notre but était avant tout de montrer comment la couleur apporte une autre dimension au design ; montrer sa capacité à faire appel à nos sens et à notre imaginaire. » précise Jean-Paul Bath.

A gauche le fauteuil Extra Bold par Big-Game et édité par Moustache. A droite French Garden de Pierre Gonalons pour Moissonnier©Felix Dol Maillot

La couleur, une source d'identité

Situé entre l'opposition et la complémentarité par rapport à une chaise classique, « Nuancer ses collections » regroupe quatre assises alternatives. Plus longue, plus courbe, ou même double, les modèles de cette sélection jouent avec la couleur pour sortir des sentiers battus. Parmi eux, Hemicyle confident trouve une place singulière. Réalisé par Philippe Nigro, en collaboration avec Ligne Roset et le Mobilier National (institution qui gère notamment l'ameublement du Sénat et de l'Assemblée nationale, d'où le nom de la création), « ce fauteuil se prêtait à être habillé. » Imaginée pour une gamme de cinq modules reprenant le principe constructif des dossiers en S, cette création était avant tout « une page blanche destinée à accueillir la couleur » pour Philippe Nigro. Jouant sur les vues entre intérieur et extérieur, son design était particulièrement propice. « Nous avons réalisé plusieurs essais avec différentes teintes et plusieurs matériaux. J'aime jouer sur les nuances et j'ai toujours aimé développer des gammes chromatiques. À ce titre, c'est un fauteuil intéressant pour lequel nous avons fait plusieurs essais, dont un mix jaune et écru lors du salon de Milan. » Un jeu parfois osé que le designer revendique comme « une invitation à s'amuser après une période de morosité. Il y a peu de limites si ce ne sont d'éventuels jeux de trames ou la tenue du tissu, alors autant ne pas être trop sage ! » conclut-il.

Hémicycle Confident de Philippe Nigro édité par Ligne Roset ©Felix Dol Maillot



La couleur, parti-pris d'un univers

En design, parler de couleur, peut être parler d'identité. Pour Jean-Paul Bath, directeur de Le FRENCH DESIGN by VIA, « certaines marques ont de suite été évidentes comme Sarah Lavoine et son bleu signature, Fermob pour qui la couleur est inscrite dans le positionnement stratégique, ou encore Jean-Charles de Castelbajac et son utilisation des couleurs primaires. » Autant de créateurs qui utilisent le cercle chromatique comme un vecteur d'émotions. Parmi les pièces les plus visuelles de la section « Pigmenter sa différence », le fauteuil Sunny signé par le studio Uchronia, sort du lot. Inspiré par le lever du soleil autant que par la chaise confidente inventée sous Napoléon, l'assise se pare d'un dégradé d'orange, la couleur signature de la marque. Guidé par l'envie « d'apporter de la joie et de la couleur dans les intérieurs », le studio Uchronia « imagine souvent la couleur avant la forme » raconte Clémentine Bricard. Rappelant les années 70 avec le chêne laqué et le tissu Waving flower de la manufacture de soie Prelle, Sunny est « un mélange organique et graphique né d'une volonté d'expérimentation. »

La fauteuil Sunny de Studio Uchronia ©Felix Dol Maillot



La couleur, symbole de vie et d'interaction

Complice de formes pas si conformes, la couleur attire ou repousse, mais laisse rarement indifférent. C'est généralement de sa capacité à accrocher le regard que pourra découler dans un second temps une analyse plus formelle. Imaginé dans un espace nommé « Attraction carnation », Hexomino disco est au-delà de la chaise. Véritable concept, elle est le fruit d'une collaboration entre le studio Sam Buckley et Zyva studio. Destiné à n'être qu'une NFT à ses débuts, la création a ensuite été matérialisée pour constituer avec quatre autres éléments de mobilier, l'Hexomino Disco collection. Réunis autour du concept des hexominoses selon lequel il n'existe que 35 combinaisons différentes pour assembler six cubes, le fauteuil a été imaginé comme un puzzle géant. « Si nous avons fait en sorte d'obtenir une forme qui ressemble à une assise, le positionnement des couleurs est lui complètement hasardeux » détaille Anthony Authie, directeur et designer de Zyva Studio. Répartie mathématiquement en cinq familles, chaque hexominose a été affublée d'une couleur. « Nous avions choisi un dégradé, du bleu au vert en l'occurrence que nous avons séquencé en cinq de manière à obtenir des teintes très saccadées, mais un enchaînement fluide. » De ce savant mélange entre règle organisée et jeu aléatoire est né « une sorte de paterne de l'ordre du pixel de camouflage » analyse le créateur qui entretient dans ses conceptions un lien très étroit avec la couleur. « J'ai travaillé dans une agence d'architecture pendant des années et j'ai été frappé par la différence de langage entre chaque corps de métier. Le seul langage commun sur un chantier était celui des couleurs hautes densité (fluo) que chacun déposait sur les éléments. » Une signalétique aujourd'hui introduite dans ses projets. « J'aime quand les verticales et les horizontales se fondent et que cela floute les frontières. C'est quelque chose que l'on retrouve chez Hexomino disco et qui permet de s'interroger sur les raisons de définir telle ou telle chose comme cela. C'est l'un des intérêts de la couleur dont la symbolique est à mes yeux celle du vivant. » Et cela tant dans la nature, que dans les intérieurs.

Le siège Hexomino Disco de Zyva Studio & Studio Sam
Buckley ©Felix Dol Maillot



La couleur, témoignage d'une époque

Existe-t-il réellement une apogée du design ? Difficile de répondre à la question. Il est néanmoins possible de dire que certains design traversent mieux les époques que d'autres. Mais quelle est la place de la couleur dans cette quête d'intemporalité ? Si certaines marques jouent la carte de la sobriété, d'autres valorisent au contraire des design fort évoquant un patrimoine décoratif riche. C'est le cas de Rinck et son fauteuil 73 exposé dans la section « Apogée colorée ». « Pour faire simple, je ne supporte ni le noir, ni le blanc, ni le taupe ou tout ce qui est facile et blème » annonce Valentin Goux, directeur artistique de la marque. « J'aime jouer avec les présupposés du design pour sortir des coloris plus pop. Notre métier est justement de faire envisager tous les possibles aux clients. Donc en poussant les motifs colorés loin, j'espère donner l'envie d'un élément moins sage que ce que l'on voit souvent ! » Inspiré par un fauteuil de la marque présenté en 1973, le créateur explique avoir imaginé le tissu – réalisé par Thévenont - à partir d'un dessin de feuille d'arbre datant de 1938, réinterprété dans une version cubiste. Une inspiration d'hier pour répondre au besoin de demain. « La couleur a disparu sur les dernières décennies, mais elle revient. C'est un balancier de génération qui s'opère et dans lequel la couleur a une véritable carte à jouer. Il y a fort à parier qu'une personne qui a grandi dans un intérieur grège voudra certainement un intérieur plus pop, d'autant que nous sommes aujourd'hui dans une période d'éclectisme. » Une vision qui souligne le pouvoir émancipateur de la couleur, notamment lorsqu'elle est appliquée aux objets du quotidien.

Le Fauteuil 73 de Rinck ©Felix Dol Maillot



La couleur, vecteur d'émotions

Souvent associée à une matière, la couleur est généralement le fruit d'un cheminement industriel. Que la matière induit la couleur ou que ce soit l'inverse, le résultat témoigne parfois d'une recherche mêlant innovation et esthétisme. Par l'espace nommé « Archéologie de la couleur », Le FRENCH DESIGN by VIA propose notamment un aperçu du travail de YuTyng Chiu pour Komut. Combinaison totale entre la matière et la couleur, le procédé de fabrication par impression 3D donne à voir une structure nue aux formes courbes. « Je suis née dans un petit village de la côte taïwanaise nommé Taitung. Ma palette de couleur est donc largement inspirée de la mer, de la forêt et de la montagne » explique cette ancienne designer textile qui revendique s'inspirer des années 70 et des formes féminines. « Ce qui m'intéresse ce n'est pas directement de lier la couleur et la forme, mais la couleur et l'émotion. Exposer cette chaise bleu azur n'est pas un hasard. C'est la couleur de la paix et de l'atmosphère. Donc en travaillant des couleurs douces et des formes courbes, je parviens à donner à des matériaux problématiques destinés au rebut de l'industrie automobile, une apparence douce et agréable. » Consciente de la diversité des marchés, la créatrice diversifie également sa collection à des couleurs plus pop en accord avec leur temps.

La chaise longue 1,7km de YuTyng Chiu pour Komut ©Felix Dol Maillot

Si la couleur est depuis la nuit des temps indissociable de notre monde, elle évolue cependant au gré des modes et des esprits. Que ce soit pour amener de la vie, questionner, s'identifier ou révolutionner, elle est souvent le reflet de son concepteur. Personnelles dans leur interprétation mais globales dans l'intérêt qu'elles suscitent chez les amateurs de design, quelques chaises partiront à Hong-Kong du 5 au 7 décembre pour s'exposer dans le cadre de la Design December. Un voyage qui s'annonce haut en couleurs !

Rédigé par 
Tom Dufreix

Vous aimerez aussi

Temps de lecture
3/11/2025
En Allemagne, une exposition inédite dédiée à Charlotte Perriand

À Krefeld, en Allemagne, l’exposition « Charlotte Perriand, l’art d’habiter », présentée jusqu’au 15 mars 2026 au Kaiser Wilhelm Museum, propose une rétrospective de l’œuvre de la designeuse à travers les différents concepts et structures de pensée sur les espaces domestiques, fruits de 70 ans de création.

« Le meilleur moyen de rendre hommage au travail de Charlotte, c'est de parler d’elle. » Voici les mots prononcés par Pernette Perriand-Barsac lors de l’inauguration de cette exposition inédite. En effet, pour ce qui s’avère être la plus grande rétrospective consacrée à Charlotte Perriand en Allemagne, la fille de la créatrice et son mari Jacques Barsac, tous deux en charge des archives Charlotte Perriand depuis sa disparition en 1999, ont choisi Krefeld comme premier point d’ancrage. « Ce qui est le plus difficile dans une exposition de Charlotte, c’est qu’on se base sur 70 ans de créations, mais que cela concerne aussi bien des projets d’architecture, de design ou de photographie. Les possibilités sont immenses », confiait Jacques Barsac.

Exposition "Charlotte Perriand. L’Art d’habiter", installation  in-situ au Kaiser Wilhelm Museum à Krefeld en Allemagne. Table en Forme libre, 1938 © FLC, VG Bild-Kunst, Bonn, 2025 © VG Bild Kunst, Bonn, 2025 Photo : Dirk Rose

Sous le commissariat de Katia Baudin, directrice du musée, et Waleria Dorogova et avec le soutien de Pernette Perriand-Barsac, Jacques Barsac ainsi que Cassina, cette exposition offre une nouvelle lecture du travail de la designeuse — d’abord connue pour sa collaboration avec Le Corbusier entre 1927 et la fin des années 1930, mais également pour avoir développé, tout au long de sa carrière, de nombreux projets et concepts répondant à des problématiques sociétales et environnementales, dont le parallèle avec celles que nous rencontrons encore aujourd’hui est presque troublant.

Une relecture à travers le prisme de l’aménagement domestique

Répartie sur 1 200 m², la partie principale de l’exposition présente plusieurs projets marquants : du célèbre Salon d’Automne de 1929 - spécialement reconstitué pour l’occasion -, à ses nombreuses expositions et collaborations au Japon - notamment le projet initié pour le ministère de l’Industrie entre 1940 et 1943 -, en passant par l’aménagement de la station des Arcs entre 1967 et 1988. Des projets qui nous font tous voyager dans le temps avec une certaine nostalgie, au cœur de son univers. « Il était important pour nous de reconstituer ces espaces en faisant vivre les pièces dans différents contextes, pour tenter de comprendre au mieux sa pensée », explique Katia Baudin.

Exposition "Charlotte Perriand. L’Art d’habiter", installation in-situ au Kaiser Wilhelm Museum à Krefeld en Allemagne. Reconstitution du salon d’Automne de 1929 par par Cassina © FLC, VG Bild-Kunst, Bonn, 2025 © VG Bild Kunst, Bonn, 2025 Photo : Dirk Rose

Fascinée par les matériaux et l’industrie, notamment le tube et l’acier, Charlotte Perriand a conçu de nombreuses pièces de mobilier devenues iconiques, à l’image de la chaise longue LC4 créée en 1928, avec Le Corbusier et Pierre Jeanneret, le fauteuil Grand Confort ou encore sa célèbre table en forme libre de 1938, imaginée pour son appartement de Montparnasse à Paris, dont l’originale a été exceptionnellement prêtée par le Centre Pompidou pour l’exposition. Au total, ce sont près de 500 pièces de mobilier, croquis et photographies qui ponctuent les espaces et permettant de mieux saisir sa vision engagée et profondément réfléchie de l’aménagement domestique. « Charlotte Perriand n’était pas seulement designer, elle était aussi une instigatrice d’idées qu’elle publiait régulièrement. Elle ne se limitait pas au mobilier : elle s’intéressait aux humains et à leur manière de vivre, de façon globale », ajoute Katia Baudin.

Exposition "Charlotte Perriand, L’Art d’habiter", installation in-situ au Kaiser Wilhelm Museum à Krefeld en Allemagne. Banquette Méandre et Table basse Sicard, reconstruites par Cassina et la chaise-longue Tokyo prototype par Cassina © FLC, VG Bild-Kunst, Bonn, 2025 © VG Bild Kunst, Bonn, 2025 Photo : Dirk Rose


Aux Villas Haus Esters et Haus Lange, un focus sur son travail au Japon et ailleurs

Et qui dit rétrospective exceptionnelle, dit déploiement exceptionnel. En plus de la présentation au musée, l’exposition s’étend à un second espace, non loin de là, au sein des Villas Haus Esters et Haus Lange, toutes deux imaginées par Ludwig Mies van der Rohe en 1927. À la Haus Lange, la thématique centrale est « La Synthèse des Arts » et met en lumière le travail de Charlotte Perriand lors de ses séjours au Japon, en Indochine et au Brésil. Quant à la Haus Esters, elle accueille une exposition complémentaire, contextualisant la rétrospective du musée et proposant d’autres pièces issues de la collection d’art du Musée de Krefeld, articulées avec l’œuvre de Perriand.

Exposition « Charlotte Perriand, L’Art d’habiter », installation  in-situ à la villa Haus Lange. Bibliothèque Nuage, reconsitution par Cassina et Tabouret Berger, issues de la collection iMaestri de Cassina © VG Bild Kunst, Bonn, 2025 Photo : Dirk Rose

Une exposition itinérante à l’échelle européenne

Présentée pendant quatre mois et demi, jusqu’au 15 mars 2026 à Krefeld, l’exposition voyagera ensuite vers deux autres institutions européennes, avec l’objectif d’élargir encore la portée internationale du travail de la designeuse. Ainsi, du 1er mai au 13 septembre 2026, elle sera présentée au Musée d’Art Moderne de Salzbourg, en Autriche, avant de s’installer à la Fondation Joan Miró, à Barcelone, du 22 octobre 2026 au 27 février 2027. Une même exposition installée au sein de différents espaces, offrant à chaque fois une nouvelle interprétation et une scénographie repensée, de quoi continuer à faire vivre l’œuvre de Charlotte Perriand encore longtemps.

Exposition « Charlotte Perriand, L’Art d’habiter », installation  in-situ à la villa Haus Lange. Chaises Ombra Tokyo, issues de la collection iMaestri de Cassina © FLC, VG Bild-Kunst, Bonn, 2025 © VG Bild Kunst, Bonn, 2025 Photo : Dirk Rose
Exposition « Charlotte Perriand, L’Art d’habiter », installation in-situ à la villa Haus Lange. Tabourets Berger, issus de la collection iMaestri de Cassina et Table basse Rio, prototypée par Cassina © VG Bild Kunst, Bonn, 2025 Photo : Dirk Rose
Temps de lecture
6/11/2025
Les faits et gestes d’Hugo Besnier exposés le long de la Seine

Fondateur d’Hartis, le designer Hugo Besnier investit jusqu’au 30 novembre un appartement parisien, quai Anatole-France, pour y présenter sa nouvelle collection : Tour de Mains.

« C’est un appartement qui m’a toujours fait rêver. Pouvoir y exposer aujourd’hui est une chance », annonce Hugo Besnier depuis la vaste véranda de cet appartement ouvert sur la Seine. C’est dans cette ancienne propriété du couturier Pierre Cardin, prêtée par l’agence Barnes jusqu’au 30 novembre, que le fondateur d’Hartis présente Tour de Mains, sa nouvelle collection. Composée d’une trentaine de pièces, pour la majorité nouvelles à l’exception de quelques éléments imaginés pour des projets précédents mais redessinées, la collection se découvre de salle en salle. Transcription de l’univers d’Hugo Besnier, celle-ci a été imaginée pour fonctionner comme un tout. « Mon but était de créer un ensemble harmonieux, mais en évitant à tout prix l’effet catalogue, avec le même détail et la même finition partout. C’est quelque chose à la mode, mais je voulais absolument éviter cette facilité », revendique le designer, qui est à l’origine d’un ensemble avant tout usuel, dans lequel « on n’a pas peur de poser un verre ou de s’asseoir ».

©Matthieu Salvaing

Le geste créateur

La chaise Biseau, la table d’appoint Cintrage ou encore la suspension Ciselure. En lisant le catalogue de l’exposition, la philosophie d’Hugo Besnier s’impose rapidement. « Chaque pièce porte le nom d’une technique artisanale ou d’un outil, car Tour de Mains est un hommage à l’écosystème de l’artisanat. » Conçue avec l’appui des Meilleurs Ouvriers de France et des Compagnons, la collection a été imaginée comme un vecteur de mise en valeur du geste : de celui du dessinateur, auquel le designer se prêtait déjà enfant lorsqu’il s’ennuyait à l’école, jusqu’à celui du fabricant. Un principe guidé par la rencontre de deux mondes : celui d’une construction rationnelle, fruit de l’intelligence humaine d’une part, et la notion d’évolution plus aléatoire et organique de la nature d’autre part. Une dualité héritée de son enfance passée entre Fontainebleau et Paris ; « les arbres et les immeubles haussmanniens » mais aussi caractéristique de ses inspirations. « Le mobilier Louis XIV et le repoussement des limites artisanales dans une sorte de perfection, parfois au détriment du fonctionnalisme, me parlent tout autant que son opposé, le style scandinave. Quant au Wabi-Sabi et à l’idée de beauté dans l’imperfection, j’y vois une certaine résonance avec mon approche », assure le designer, dont la collection a été l’occasion de développer de nouvelles techniques, parmi lesquelles le ponçage et le polissage de la croûte de cuir.

©Matthieu Salvaing

Un parcours façonné par la création

Inspiré par les dessins de sa mère et la délicatesse de sa grand-mère, « qui dissimulait les portes et recherchait l’harmonie en accommodant les meubles avec des fleurs de saison », le designer se souvient avoir « toujours voulu être architecte d’intérieur ». Mais c’est lors de ses études en école de commerce que l’idée se concrétise, avec son premier appartement étudiant « entièrement dessiné pour qu’il ne ressemble à aucun autre ». Un projet personnel qui l’amène rapidement à repenser l’intérieur de l’hôtel particulier de son parrain de promotion. Dès lors, la machine est lancée et Hartis naît en 2020. Puis les choses s’enchaînent : d’abord sur le continent américain, avec un premier article dans le AD américain, puis une place dans la Objective Gallery de Soho, d’où naîtront plusieurs projets. Ce n’est qu’avec Tour de Mains que le designer revient sur la scène française. Un projet mené dans la continuité de son parcours, dans lequel la qualité du geste est aujourd’hui le qualificatif premier de son approche.

©Matthieu Salvaing
Temps de lecture
4/11/2025
Fumi, pour un hiver scandinave

Le designer Guillaume Delvigne et la marque Eldvarm se sont associés pour créer Fumi. Une collection hivernale chaleureuse où les esprits scandinaves et japonais se rencontrent.

L’hiver approche et, avec lui, tout son lot d’objets réconfortants et utiles. Principalement connu pour ses pièces de mobilier, le designer Guillaume Delvigne a collaboré avec Louise Varre, fondatrice de la marque Eldvarm. Créée en 2015 à Stockholm et spécialisée dans les accessoires de cheminée, cette dernière marie design scandinave et savoir-faire français. Un mélange porteur de sens pour le créateur formé à l’École de design de Nantes Atlantique puis au Politecnico di Milano, et ancien collaborateur de Marc Newson. Frugale dans sa composition, avec pour seules pièces essentielles un serviteur et un range-bûches, la collection Fumi l’est aussi dans son esthétique. Un parti pris imaginé pour coller aux intérieurs épurés et contemporains dans lesquels les poêles à bois remplacent progressivement les cheminées volumineuses. Un point de départ contextuel qui a poussé le designer à chercher l’inspiration bien au-delà de la Scandinavie.

Faire feu de tout bois pour la sobriété

« Je voulais créer quelque chose que l’on est heureux d’utiliser, mais aussi de montrer », explique Guillaume Delvigne, dont le projet s’inscrit dans l’esthétique sobre caractéristique d’Eldvarm. Et pour cela, quelle meilleure inspiration que le pays du Soleil-Levant ? Inspiré par les balais japonais dont le manche se termine par une forme d’éventail, le designer a fait de la géométrie son axe de recherche principal. « Ce que Louise appréciait dans mes objets, c’était l’aspect sculptural de mon travail », relève le designer. Un constat qui l’amène à penser des objets qui puissent être « scénographiés comme des œuvres d’art » et à travailler l’acier thermolaqué et des essences naturelles comme le bois et le frêne. Une matière inerte et une autre noble, assemblées par des vis volontairement laissées visibles. Une manière pour le créateur de souligner les connexions culturelles et techniques, mais également d’assurer un design « minimal sans être simpliste », conclut Louise Varre.

Temps de lecture
31/10/2025
Le Collectionneur, une plongée Art déco dans l'univers d'Edgar Jayet

Présenté dans l'Hôtel de Maisons à l'occasion de Design Miami Paris, Le Collectionneur est un ensemble dessiné par le designer Edgar Jayet. Fruit d'une collaboration avec la Maison Lelièvre, la composition s'affirme comme un hommage à l'Art déco.

Des œuvres de Jacques Maillol, deux vases romains du IIe siècle après J.-C., des luminaires de la Maison Delisle ou encore des objets signés Puiforcat et Saint-Louis. C'est au milieu de ce qui pourrait ressembler à une reconstitution historique de l’entre-deux-guerres qu'Edgar Jayet a présenté Le Collectionneur. Portée par Paragone à l’occasion de Design Miami Paris, la collection prend place dans un décor imaginé comme un hommage libre au pavillon conçu par le décorateur Jacques-Émile Ruhlmann en 1925. Largement inspirée du mouvement Art déco, qui célèbre cette année ses cent ans et auquel la scénographie fait écho, la collection a été imaginée en collaboration avec la Maison Lelièvre. Une association née d'une rencontre début 2024 entre le designer et Emmanuel Lelièvre, directeur de la marque, mais aussi « de l'idée de tisser un lien avec une manufacture comme le faisaient les ensembliers il y a un siècle ». L'occasion de co-construire ce projet dont les textiles ont façonné les contours.

©Oskar Proctor

Un centenaire inspirant

Connu pour son approche « dix-neuviémiste » liée à la compréhension des systèmes constructifs (comme en témoigne la collection Unheimlichkeit présentée fin 2024), Edgar Jayet s'est cette fois-ci attaqué, plus qu’à une technique, à un style. « Je ne crois pas à la création ex nihilo et je ne pense pas que l'on réinvente les choses. Le Collectionneur est davantage un regard de notre époque porté sur un mouvement. Les assemblages ont été réalisés à la main comme en 1925, mais c'est surtout le choix des matérialités, comme le sycomore ou le nickel argenté, et des codes esthétiques propres à l'Art déco, qui connectent mes objets à ce style. » Pour cette nouvelle collection, le designer a imaginé trois typologies d'objets inspirés de l'univers du voyage : une armoire, une méridienne de 1925 millimètres et des malles auxquelles vient s’ajouter un tapis. « L'Art déco s'est exporté dans le monde entier. C'est d'ailleurs ce que l'on a appelé le style paquebot, puisqu'il était associé aux grands transatlantiques pour lesquels Ruhlmann a beaucoup travaillé. C'est d’ailleurs lui qui a créé en 1925 l'Hôtel du Collectionneur. C’était un véritable lieu manifeste de l’Art déco dans lequel tout était sur mesure et très personnalisé. On voulait retrouver ça, mais avec une typologie plus inhabituelle. » Un cheminement qui amène le designer vers « le salon de bain », un espace plus intimiste à la croisée « du boudoir et de la dressing-room », qui donnera son nom à la scénographie de l’exposition : Le Bain du Collectionneur.

©Oskar Proctor

Au bout du fil, le savoir-faire Lelièvre

« Le modus operandi de cette collection ? Le même que Jacques-Émile Ruhlmann à l'époque. Travailler ensemble, avec les meilleurs artisans, pour créer un ensemble qui ait du sens », résume Edgar Jayet. Si la collection a vu le jour en une quinzaine de mois grâce à l’investissement de six partenaires (Les Ateliers de la Chapelle, Jouffre, les Ateliers Fey, Maison Fontaine, Atelier Yszé), spécialisés dans la serrurerie d'art, la gainerie ou encore le travail du laiton, c'est avec la Maison Lelièvre que les contours de la collection ont été tissés. « Tout s'est fait lors d'une rencontre dans le showroom, explique Emmanuel Lelièvre. Je lui ai montré un certain nombre de créations récentes, mais également d'archives Art déco que nous présentions dans le cadre d’une rétrospective en janvier. » Une immersion à l’origine d’un corpus d’étoffes très différentes choisi par Edgar Jayet. Parmi elles, une moire noire synthétique à l'aspect ancien. « C'est un tissu très technique adapté au yachting ou à la restauration, mais qui rappelle très bien les textiles Art déco et c’est ce qui m’a plu », explique le créateur. Un choix sobre, combiné à Rêverie, une réédition ornementale d'une des archives de la marque, et réinterprétée par le designer sur le dos de la malle. « Comme nous n'avions pas le temps de modifier les tissus existants, le petit twist a été d'utiliser Rêverie à l'envers. » Une manière pour le créateur de flouter légèrement le visuel en lui apportant une touche plus contemporaine. Un petit pas de côté dans l'utilisation classique des textiles d'ameublement, dont une gamme en fibres naturelles a également été utilisée. Trois sortes très différentes sur le plan stylistique, mais également technique, « venues conforter l'idée d'un mobilier de voyage ». Le Collectionneur, « ce n'était pas simplement l'idée de faire des pièces historiques visibles dans une galerie, mais de repenser certains codes pour faire de l'usuel », résume Emmanuel Lelièvre. Plus qu'un hommage aux ensembliers de l'Art déco, c'est donc surtout un hommage à l'union des savoir-faire que Le Bain du Collectionneur semble abreuver.

Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir chaque semaine l’actualité du design.