Métiers d’art
Le 12 décembre, le Mobilier National organise une journée autour de l’habitabilité à travers le prisme des nouveaux matériaux et des couleurs. Un moment d’échanges qui s’articulera autour de quatre tables rondes thématiques.
En partenariat avec Fondation Bettencourt-Schueller, le Mobilier national, qui a créer le Laboratoire des pratiques durables, en partenariat avec la Fondation a pour volonté de développer une recherche sur le futur de l’habitabilité. Un laboratoire qui donne lieu à une journée d’échanges, le 12 décembre, pensé comme un rendez-vous et qui sera l’occasion d’aborder 4 thèmes pensés comme des axes de réflexions et d’action, discutés lors de quatre tables rondes.
Au programme
9h30 : « De quelle matière serons-nous fait ? Matériaux et process inspirés par/fondés sur la nature
Intervenants : Tony Jouanneau (designer/couleur), Sandrine Rozier (artisane/ couleur), Guillian Graves (Agence Big Bang Project), Aurélie Mossé (ENSAD Lab PSL Sacre), Annabelle Aish (Museum national d’histoire naturelle)
Animation : Carole Petitjean (RDAI)
11h45 : « Demain, des start-up métiers d'art ? L'innovation d'atelier au service de la production et l'entreprenariat"
Intervenants : Katie Cotellon (Saint-Gobain Research Paris), Arnaud Lebert (EPV), Tristan de Witte (Rivalen – EPV), Bernard Leroy (Président Agglomération Seine-Eure), Thomas Paris (HEC - CNRS)
Animation : Stefano Micelli (Université Ca Foscari, Venise)
14h30 : « Quelles techs pour les métiers d'art et du design ? »
Intervenants : Anne Liberati (designer/couleur), Chloé Bensahel (artisane d’art), Cyrile Deranlot (Daumet), Laurent Gaveau (consultant Culture & Tech), Julien Benayoun (designer, Bold Design)
Animation : Guillian Graves (Agence Big Bang Project)
16h : « Comment mieux habiter le monde ? Pour une prospective imminente des métiers d'art"
Intervenants : Marc Aurel (designer), Aurélien Fouillet (sociologue), Caroline Nowacki (Carbone 4), Ramy Fischler (designer), Élodie Ternaux (designer/ ingénieure)
Animation : Marc Bayard (Mobilier national)
Un premier rendez-vous manifeste comme point de départ de la recherche et de l’innovation dans le domaine créatif et production du design et des métiers d’art sur le thème de l’habitat.
Inscription à l'évènement via ce lien : https://my.weezevent.com/laboratoire-des-pratiques-durables-rencontres-1
La 8e édition de la Biennale Emergences se tiendra du 10 au 13 avril 2025 à Pantin avec une série d’expositions et d’ateliers pour faire valoir le travail « des artisans du beau ». Les candidatures pour participer à l’édition 2025 sont ouvertes jusqu’au 1er décembre.
À nouveau curatée par les designeuses Helena Ichbiah et Véronique Maire - qui s’étaient déjà prêté à l’exercice pour l’édition 2023 - , la Biennale Emergences est de retour au Centre national de la danse [CN D] de Pantin pour sa 8e édition. Organisée par Est Ensemble avec le soutien de la ville de Pantin, cette biennale d’art a pour objectif de faire valoir le dynamiste des métiers d’art et du design. En 2023, se sont plus de 3000 visiteurs curieux ou connaisseurs qui ont fait le déplacement pour découvrir les différentes expositions qui mettaient en avant le travail de différents artistes et designers, tels que Hall.Haus, Marta Bakowski, Goliath Dyèvre ou encore Guillaume Delvigne, pour ne citer qu’eux.
Une édition centrée sur les communes d’Est Ensemble
Intitulée "9 Ter - Destination métiers d’art", l’édition 2025 de la Biennale Emergences est est une invitation à découvrir le talent des créateurs qui font vivre les communes d’Est Ensemble -. « 9 Ter » fait écho aux neuf territoires d’Est Ensemble que sont Bagnolet, Bobigny, Bondy, du Pré-Saint-Gervais, des Lilas, de Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin et Romainville, et fait référence à une destination, un lieu où se retrouvent savoir-faire ancestraux et créations d’aujourd’hui. À travers cette thématique, l’objectif est de mettre en lumière la création et les métiers d’art comme vecteurs de lien social et de dialogue entre les générations.
Candidatures ouvertes jusqu’au 1er décembre
Les candidatures pour participer à la Biennale Émergences sont ouvertes aux créateurs (artisans d’art, designers, artistes...) qui souhaitent exposer leur production et partager leur processus de travail. Ces derniers sont invités à compléter un dossier de candidature accessible sur le site de la Biennale jusqu’au 1er décembre minuit. L’appel est ouvert aux créateurs du territoire d’Est Ensemble et d’ailleurs. Pour valider leur participation, les candidats doivent proposer une production allant d’un objet à une série avec l’idée de traduire son processus de création au travers de dessins, de maquettes, de prototypes, d’échantillons, de vidéos et de réalisations. Il est également possible de constituer des duos ou des équipes pour faire dialoguer les savoir-faire. Enfin, les candidats retenus seront invités à participer à des ateliers pédagogiques et à des rencontres scolaires, en amont et/ou pendant la Biennale, pour permettre à un jeune public de découvrir l’univers de la création et des métiers d’art et de s’initier à leurs pratiques. Le rendez-vous est donné du 10 au 13 avril.
Plus d'informations ici : emergences-biennale.fr
La ville de Paris remettait, mardi 17 septembre, les Grands Prix de la Création 2024. Une récompense imaginée pour valoriser des créations en cohérence avec les enjeux sociétaux.
A Paris, berceau des métiers d’Art, les savoir-faire d’hier ont été récompensés pour répondre aux enjeux de demain. Mardi, la mairie de Paris récompensait sous les ors de la salle des fêtes de la mairie, huit Grands Prix de la Création destinés aux domaines du design, de la mode et des métiers d'art. Une manière de « soulever des enjeux sociétaux et notamment environnementaux » décrit Nicolas Bonnet-Oulaldj, adjoint de la mairie de Paris en charge du commerce et de l'artisanat. Une ambition portée par des fabrications locales et énergiquement pauvres, mais aussi par des questionnements quant au travail et au sourcing de la matière. Accompagnés par leurs présidents de jury, les lauréats ont reçu une dotation de 18 000€ destinée à pérenniser leurs entreprises naissantes.
Le design qui prend forme
Cette année, le jury design présidé par Constance Guisset – designeuse elle-même récompensée en 2017 – a souhaité « privilégier des personnalités au clair dans leurs avancées, tant dans leur rapport à l'artisanat qu'à l'industrie ». Wendy Andreu a ainsi été récompensée du Prix révélation pour son travail de développement d'un textile ni tricoté ni tissé, mais collé destiné notamment à la 2D comme à la 3D. Marlène Huissoud repart de son côté avec le Prix engagement pour ses créations sculpturales à destination des pollinisateurs. « Un travail de fourmis à destination des insectes, mes premiers clients » s'amuse la créatrice.
La mode qui rhabille les habitudes
Côté mode, le jury présidé par le fondateur de la marque Pigalle, Stéphane Ashpool, a souhaité insuffler « un élan de développement aux structures ni trop récentes, ni trop installées. » Un parti-pris pour lequel Lucille Thièvre, qui a fait ses débuts chez Hermès et Givenchy s'est vu attribuer le Prix révélation pour ses pièces féminines et inclusives. Mossi Traoré, figure confirmée de la scène mode et fondateur des Ateliers d'Alix reçoit quant à lui celui de l'engagement pour ses conceptions textiles à base de matière organique. À noter également le Prix accessoires attribué au jeune créateur de 22 ans, Philéo Landowski, qui explique mêler « la forme identitaire et le confort de chaque chaussure, par une approche structurelle de l'objet », et le Prix accessoires bijoux remis à Kitesy Martin pour sa marque de bijoux confectionnée à partir des stocks dormant de grandes maisons de couture. Une manière de faire naître « des associations inattendues et de nouveaux équilibres. »
Les métiers d’art d’hier repensés pour demain
Enfin, le jury des métiers d'art porté par le regard de Chloé Nègre selon qui « les dossiers sélectionnés ont eu pour point commun de faire un pas de côté pour aborder la création par une approche centrée sur la recherche », a remis deux récompenses. La première dans la catégorie révélation pour Antonin Mongin. Créateur surprenant, le docteur en design s'est penché sur les cheveux et leur valorisation par le biais d'objets quotidiens comme des sacs ou des bijoux. Une pratique courante au XIXe siècle qu'il développe sous un jour nouveau pour remplacer la fourrure animale. Côté engagement, le prix a été décerné à Tony Jouanneau, designer produit tourné vers l'écoconception et le biodesign illustré récemment par la création d'une teinte naturelle à base d'une espèce invasive d'oursins au Japon.
Autant de talents à suivre, qui, au-delà des savoir-faire, participent depuis près de trente éditions, à l'ouverture de nouvelles pistes.
Le 3 octobre, au sein d’une salle Wagram une nouvelle fois comble, le prix pour l’Intelligence de la main annonçait les lauréats de sa 24e édition. En présence de la Ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, la Fondation Bettencourt-Schueller dévoilait les 4 lauréats des prix Talents d’Exception, Dialogues et Parcours 2023.
Depuis sa création en 1999 par la Fondation Bettencourt-Schueller, le prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la main récompense des créateurs avec un savoir-faire, innovant dans le domaine des métiers d’art. Devenu à la fois une référence et un label d’excellence, le prix offre, en plus du titre honorifique, un accompagnement financier et une stratégie pour les lauréats primés afin qu’ils puissent approfondir un projet.
Cette année encore, l’excellence et la minutie des projets présentés étaient à la hauteur des prix décernés. Sous la présidence de Laurence Des Cars, les lauréats de cette promotion 2023 sont : Pascal Oudet, le duo composé par Aurélia Leblanc & Lucile Viaud ainsi que l’association Lainamac. Lors de son discours, Rima Abdul-Malak a rappelé l’importance de « célébrer la richesse et la diversité des métiers d’art ». Elle n’a pas manqué de souligner son engagement en faveur des métiers d’art, dont elle a fait une priorité de mandat, en mettant l’accent sur la stratégie en faveur des métiers d’art, mise en place en collaboration avec Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme. Elle soulignait également que l’année 2024 célèbrera les 25 ans du prix, dont les candidatures sont d’ores et déjà ouvertes aux candidats, jusqu’au 11 mars 2024, via ce lien.
Pascal Oudet, lauréat prix « Talents d’exception »
Avec « Laissez entrer le soleil », le tourneur sur bois Pascal Oudet signe une de ses œuvres des plus abouties, mêlant la démarche artistique à un savoir-faire d’exception. Après huit tentatives et trois finales sans prix, le travail minutieux et sans relâche du tourneur sur bois basé en Bourgogne a fini par payer. Son œuvre a nécessité 12h de travail non-stop pour arriver à un tel résultat « si je m’arrête, le bois continue de travailler sans moi, c’est pourquoi je dois l’accompagner jusqu’au bout » expliquait-il au moment de recevoir son prix. Avec cette œuvre, Paul Oudet souhaitait dévoiler l’histoire intime de ce chêne vieux de 70 ans, en mettant en lumière ses cernes qui révèlent les étapes de sa croissance et ses accidents de vie, la qualité de son environnement et les conditions climatiques qui lui ont permis de s’épanouir.
Avec l’accompagnement apporté par la Fondation, Pascal Oudet aspire à travailler sur un arbre en entier, et non plus seulement des troncs coupés. Pour ce prix, Pascal Oudet obtient une dotation de 50 000 € et bénéficie d’un accompagnement allant jusqu’à 100 000 € pour réaliser un projet de développement.
Aurélia Leblanc & Lucile Viaud, lauréats prix « Dialogues »
Respectivement tisserande et designer, Aurélia Leblanc et Lucile Viaud ont été récompensées par le prix Dialogues pour leur œuvre aussi technique que poétique, « Pêche cristalline ». Destinée à décorer la salle de restaurant du chef Nicolas Conraux, cette pièce témoigne du projet artistique et durable du duo qui a choisi de mettre son savoir-faire en commun, en unissant la recherche et l’artisanat pour créer un tissage inédit, composé à 50 % de verre et 50 % de fibres locales. Avec le verre marin Glaz, fabriqué à partir de coquilles d’ormeaux et de micro-algues, les matériaux sont ensuite mis en fusion, puis travaillés à chaud pour former des baguettes de verre. Une à une, chaque baguette est réchauffée jusqu’à obtenir une « goutte », qui sera étirée à la main puis enroulée sur un tambour mécanique. « Ce n’est pas tant le geste qui est compliqué, c’est l’équilibre entre le verre et le tissu » expliquait notamment Aurélia Leblanc. Aussi inédite que spectaculaire, cette œuvre porte une réelle puissance esthétique mais constitue aussi une prouesse technique qui ouvre de nouveaux champs dans la fabrication et l’application du verre.
Avec ce prix, Aurélia Leblanc et Lucile Viaud souhaitent développer des outils de production plus adaptés, notamment un métier dédié exclusivement au tissage de verre. Elles espèrent également pouvoir arriver à un tissage composé à 100 % de verre et se développer sur tout le territoire. Elles obtiennent une dotation de 50 000 € à partager, en plus de l’accompagnement pouvant aller jusqu’à 150 000 € pour le déploiement d’un prototype ou de l’objet afin d’en approfondir l’expérimentation, la recherche et l’innovation.
Association fillière laine française Lainamac, prix « Parcours »
C’est en prenant conscience de la richesse de la laine et de la qualité des sociétés textiles limousines, qu’un groupement d’entreprises et acteurs du territoire décide de fonder l’association Lainamac en 2009. Sa mission : revitaliser la filière, alors en déclin, et lui permettre de retrouver son rayonnement créatif. Aujourd’hui, l’association fédère un réseau de 80 entreprises et dispose, depuis 2012, d’un organisme de formation pour pérenniser et transmettre les savoir-faire de la laine à travers le déploiment d’un cursus très complet (transformation de la laine, teinture naturelle, feutre, maille, filage, tissage, ameublement…), destiné aux entreprises souhaitant développer leur production mais aussi à des personnes en reconversion professionnelle. La structure propose également des ateliers partagés, des moments d’échanges avec des designers et étudiants d’écoles d’art ainsi que des temps de sensibilisation à travers l’organisation de stages pour les jeunes générations et un accueil du grand public.
L’accompagnement de la Fondation permettra à l’association de passer un nouveau cap pour l’ensemble de ses projets, en recrutant notamment un designer pour aider à structurer des offres de services personnalisées à destination des entreprises adhérentes à l’association, en créant une offre de résidence d’artistes au sein de ses ateliers partagés et en continuant de développer le projet « Oh my Laine », lancé lors de la Paris Design Week en 2019, par la multiplication d’événements destinés aux prescripteurs et acteurs clés du marché. Avec ce prix, Lainamac bénéficie de 50 000 € ainsi qu’un accompagnement jusqu’à 100 000 € pour réaliser un projet destiné à faire rayonner l’univers des métiers d’art.
Le Grand Est parisien a le vent en poupe ! Pour preuve, la 7e édition de la biennale Emergences a encore une fois exposé un vivier de talents locaux du 1er au 4 juin derniers au Centre National de la Danse de Pantin.
Les métiers d’art et du design du territoire Est Ensemble étaient représentés par une trentaine de professionnels de la création sélectionnés par Véronique Maire et Helena Ichbiah, co-commissaires de In-Situ. Ensemble, elles ont souhaité montrer le processus de création qui a permis la mise en lumière de lien entre les différentes disciplines.
Imaginée en six tableaux baptisés studios, cette scénographie s’est déployée sur trois niveaux du CND. Les pièces exposées dans les studios couleur, matière, ornement, épure, manifeste et radical-futur ont démontré le bon fonctionnement de cet écosystème intercommunautaire.
Engagés, les designers, artisans d’art et artistes, tous affiliés aux neuf villes du territoire Est Ensemble, ont partagé leur univers par le biais de dessins, prototypes, échantillons, réalisations et autres maquettes.
Les travaux d’ébénisterie de Materra-Matang, le constructivisme de Pierre Lapeyronnie, la transversalité de l’atelier Noue, l’engagement de Hall.Hause, l’harmonie décalée de Hugo Dubray ou encore la dénonciation d’Anaïs Beaulieu font partie des coups de cœur de cette biennale dédiée au savoir-faire et à l’excellence.
Ce panorama très enthousiasmant est un des reflets du dynamisme de ce territoire ascensionnel.
En 2023, la sixième biennale des métiers de l’art et de la création contemporaine a fêté ses dix ans d’existence en célébrant la créativité du Québec, pays à l’honneur.
Le Grand Palais Ephémère vient de refermer ses portes sur le salon Révélations. Très qualitative, cette nouvelle édition a permis au public de découvrir 350 exposants, dont 71 % de nouveaux venus. Dans la scénographie toujours aérée du designer Adrien Gardère, ces créateurs, galeries, manufactures, régions et associations, issus de 29 pays, ont été sélectionnés par le comité d’orientation artistique, composé de onze acteurs de la filière, des arts, du marché et des institutions. Fidèles à ses valeurs, Ateliers d’Art de France, organisateur de l’évènement, a renouvelé son exposition centrale « le Banquet », mis en lumière la création foisonnante d’un pays – cette année, la province du Québec -, ou encore a réalisé un focus appuyé sur les jeunes talents du secteur.
Le Banquet, l’excellence des savoir-faire internationaux
Exposition-signature du salon, le Banquet 2023 a présenté la crème de la création provenant de dix régions du monde. La Chine, l’Egypte, l’Equateur, la France, l’Irlande, le Portugal, les Pays-Bas, mais aussi le Rwanda, la Suède, l’Ukraine et l’Europe ont dialogué autour des matières et des techniques. En dix espaces, 70 artistes et manufactures ont repoussé les formes et les frontières. Parmi les propositions, quelques pièces ont retenu notre attention. Certaines provenaient de l’exposition « les Aliénés » du Mobilier national, réalisée en 2022, présentant des meubles inusités du Mobilier, revus par des plasticiens aussi audacieux que provocateurs. Sur le Banquet, le designer Thierry Betancourt, en collaboration avec la Maison Louis Marie Vincent a posé La Rêveuse, commode en bois de rose de style Louis XV, recouverte d’une épaisse gangue blanche, réalisée en « carton pierre », une technique ancestrale du XVIIème siècle remise au goût du jour. Les formes organiques de cette dernière semblent annihiler le caractère utilitaire du meuble. A l’aide de cuivre gonflé à la flamme, Prisca Razafindrakoto a transformé la chaise d’écolier Mullca 510 du créateur légendaire Gaston Cavaillon. De même, sur le Banquet Europe, la suédoise Léonie Burkhardt a présenté Radiant Pink, sorte de vase textile créé à partir d’un fil rétractable thermoréactif, où aucune couture n’est visible, tandis que Blush, pièce de l’Irlandaise Helen O’Shea sublimait une bouteille plastique grâce aux fils de coton et épingles à coudre. Enfin, le Rwanda brillait notamment à travers Mannequin, une pièce imposante de métal et fils, du jeune plasticien Cedric Mizero.
Le Québec à la fête
Aux côtés de nouveaux pays exposants comme l’Arménie, l’Egypte, le Danemark, le Liban, mais aussi l’île française des petites Antilles Saint-Barthélemy, pour ne citer qu’eux, la nation Québec était l’invitée d’honneur du salon, faisant suite à l’Afrique en 2022. « Ce pays était déjà présent sur le Banquet 2019, explique Stéphane Galerneau, président fraîchement élu à la tête d’Ateliers d’Art de France et du salon. Bénéficiant du plus gros budget culturel jamais alloué aux métiers d’art, nos cousins francophones portent les couleurs d’une création libérée des contraintes patrimoniales, et ont cette volonté d’inclure les peuples autochtones. » Soutenus par le conseil des métiers d’art, la maison des métiers d’art de Québec, le gouvernement québécois et sa délégation parisienne, trente-quatre créateurs dont dix des Premières Nations ont proposé des pièces en verre, textile, métal, pierre, papier, bois, céramique, hybridant les cultures nordaméricaine et européenne. Parmi ces nombreux artistes de la matière, le duo canadien Hélène et son mari – la céramiste Hélène Chouinart et le sculpteur Jean-Robert Drouillard – exposait, non sans humour, J’effeuille les parfums de mon enfance, une installation composée d’une kyrielle de tasses en céramique, accompagnées d’une figure en bois. Une œuvre illustrant les pratiques traditionnelles de cet art du feu, réactualisées par des motifs imprimés par décalcomanie. Exclusivement dédié à quinze artistes québécoises et canadiennes, dans trois lieux parisiens, le programme « Hors les murs » accompagnait également cette foisonnante sélection de la Belle Province, visible sur les deux grands stands in situ.
Sur l’Agora, l’avenir du secteur
L’exposition collective des dix ans du Prix de la Jeune Création Métiers d’Art, accueillait le public, dès son entrée, sur l’Agora. « Cette année, Révélations a souhaité valoriser tous les lauréats dénichés sur le territoire français depuis une décennie », renchérit Stéphane Galerneau. Lauréate 2023 avec l’artiste du verre Tiphaine Germaneau, la céramiste Cécile Fouillade alias Siquou présentait quelques nouveaux Vases Fourrure reproduisant en céramique le pelage animal, inspiré de sa dernière résidence artistique au Groenland. Parmi d‘autres, la brodeuse Clémentine Brandidas, lauréate 2018 exposait Shanshui, marqueterie de plumes sur soie teintée, tandis que l’étonnant collier Kaa, en cuivre et argenture était l’œuvre réalisée et récompensée en 2016, par Marine Dominiczak, artiste du bijou contemporain.
Tremplin pour la jeunesse, acteur économique déterminant pour toute une filière, le salon s’est créé, au fil du temps, un ADN unique. Cette année, cette identité particulière s’est aussi exprimée à travers Columbidae, œuvre délicate de papier de la sculptrice japonaise Kuniko Maeda, associant technologie numérique et artisanat d’art nippon. « Nous souhaitions souligner la diversité de nos métiers, poursuit Stéphane Galerneau, et présenter au public des métiers plus rares. »
Le design en trois coups de coeur
Si le président d’Ateliers d’Art de France et du salon affirmait que « la biennale est cette niche d’excellence qui ne dérive pas vers l’art ou le design », cette nouvelle édition lui donnerait-elle tort ? En témoignent quelques exemples parmi beaucoup d’autres, venant appuyer l’idée de porosité des frontières, de filiation entre créateurs et designers.
Tiffanie Baso/ Magdeleine, Slacken
Fondatrice, en 2019, originaire d’Occitanie de la marque Magdeleine, Tiffanie Baso est une jeune artisane-designer du bois, pleine de promesses. Créé en 2021, son fauteuil Slacken en frêne et orme a été réalisé grâce à la technique du cintrage. « Le cintrage tord le bois, explique-t-elle. Une accumulation de lames est nécessaire pour fabriquer notre forme finale. Lorsque nous avons sélectionné et organisé minutieusement nos lamelles, nous les plaçons dans une étuve à vapeur, élément-clef pour plier le bois. Elle permet de réchauffer et détendre la fibre du bois, afin de la façonner aisément autour d’un gabarit pour créer une forme spécifique, et obtenir des courbes optimales. »
Seraphyn’, Gracile et Mangrove
Dessinée par la créatrice Seraphyn Luce Danet, la chaise Gracile créée en 2023 a été exécutée par l’atelier de menuiserie Falher. Selon la technique brevetée par le Français Claude Barlier, sans assemblages apparents, elle est décomposée en une série de strates numériques découpées dans des matériaux en plaques, ensuite compilées pour reconstituer la pièce finale. Quant à son guéridon Mangrove, en bronze poli et doré, exécuté par le ciseleur Mapie Belgary et le fondeur Yannec Tomada, sa forme organique et asymétrique s’inspire d’une végétation racinaire qui se développe dans les marais des littoraux tropicaux, lieu de reproduction de la biodiversité.
Mobilier National et la Cité de la céramique – Sèvres & Limoges
Pour la première fois, la Cité de la Céramique-Sèvres & Limoges et le Mobilier national ont partagé un stand. Grâce à la scénographe Mathilde Bretillot, cinq « tableaux » offraient des points de vue sur la création mêlant de nombreuses pièces. Parmi celles-ci, quelques tapisseries de Jean Messager, Geneviève Asse ou Cécile Bart, un fauteuil de Francesco Binfare, une banquette du Studio Mr. & Mr, des guéridons d’Eric Schmitt ou encore plusieurs vases de grandes signatures.
Depuis dix ans, Révélations a su affirmer son positionnement d’excellence en faveur des métiers d’art et de la création. De plus en plus décomplexés en regard des nouvelles technologies, tout en respectant les traditions et l’environnement, ces métiers font de ce salon, un exemple unique en son genre.
Chaque année, l’annonce des lauréats du prix pour l’Intelligence de la main est un temps fort de l’automne. Ce jeudi 6 octobre, dans une salle Wagram comble, au cours d’une cérémonie célébrant avant tout la patience et la passion des artisans et designers, et en présence de Rima Abdul-Malak, Ministre de la Culture, la Fondation Bettencourt-Schueller dévoilait la « promotion 2022 » des prix Talents d’Exception, Dialogues et Parcours.
Depuis son lancement en 1999 par la Fondation Bettencourt Schueller, le prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main récompense les créateurs qui développent un savoir-faire et innovent dans le domaine des métiers d’art. Aujourd’hui devenu à la fois une référence et un label d’excellence, le prix accompagne financièrement et stratégiquement les créateurs primés à approfondir un projet.
Pour cette édition 2022, ont été récompensés : Grégoire Scalabre, le duo Anaïs Jarnoux & Samuel Tomatis et l’union d’associations L’Outil en Main. Des lauréats mis à l’honneur par la présidente de la Fondation, Françoise Bettencourt Meyers, et par le jury à nouveau présidé par Jean de Loisy, commissaire d’exposition et critique d’art. Cette soirée a été lancée sous de bons auspices, avec une prise de paroles engagée en faveur des métiers d’art et du design Mme Rima Abdul-Malak. La Ministre de la Culture a en effet rappelé que son cabinet est le premier à comprendre un conseiller spécialement en charge de ces secteurs, et l’importance du rôle à jouer de ce vivier économique, patrimonial et culturel dans le cadre de France 2030. Par ailleurs, elle a profité de la soirée pour confirmer en direct aux artisans un nouveau report cette année du crédit d’impôts.
Grégoire Scalabre, lauréat dans la catégorie Talents d’exception
Le prix Talents d’exception a pour but de récompenser un artisan d’art pour la réalisation d’une œuvre résultant d’une parfaite maîtrise des techniques et savoir-faire d’un métier d’art. Cette année, c’est le céramiste Grégoire Scalabre qui est récompensé pour son œuvre « l’Ultime métamorphose de Thétis ». Créée en hommage à la nymphe marine de la mythologie, cette pièce célèbre l’objet le plus humble et le plus essentiel de l’humanité. En effet, le vase accompagne l’homme depuis la nuit des temps, et Grégoire Scalabre le sublime en le multipliant, en jouant sur les échelles, les formes. L’œuvre comprend 70 000 amphores miniatures, faites de porcelaine translucide émaillée.
Accompagné par la Fondation Bettencourt Schueller dans ce projet, le céramiste pourra ainsi réaliser une nouvelle sculpture monumentale et équiper son atelier. La transmission étant une valeur essentielle de son parcours – totalement autodidacte comme il l’a rappelé sur scène – il prévoit également de développer ses actions actuelles, notamment par la création d’un programme de Master Class permettant à des apprentis de rencontrer des artisans d’art ayant une approche singulière de la céramique.
Pour ce prix, Grégoire Scalabre se voit récompensé d’une dotation de 50 000 € et bénéficie d’un accompagnement allant jusqu’à 100 000 € pour réaliser un projet de développement.
Anaïs Jarnoux & Samuel Tomatis, lauréats de la catégorie Dialogues
Depuis sa création en 2010, le prix Dialogues salue la collaboration d’un artisan d’art et d’un designer, à travers la présentation d’un prototype ou d’une création qui témoigne d’un savoir-faire artisanal d’excellence, l’artisan étant challengé dans sa pratique par l’approche du designer. Le duo composé de la tapissière d’ameublement Anaïs Jarnoux, et du designer Samuel Tomatis a été récompensé pour le prototype du sac MS.86.Ulva, conçu à partir d’un matériau composé à 100 % d’algues, en lieu et place des traditionnelles peaux animales. Un matériau que Samuel Tomatis a développé, testé, puis éprouvé au terme de six années de recherche en collaboration avec des artisans et des scientifiques. Ce dernier est totalement biodégradable et peut très bien remplacer le cuir ou encore le plastique, autant dans le champ industriel qu’artisanal. Une réalisation qui s’inscrit dans une démarche écologique et vertueuse. Et sur ce projet, le processus de création du sac a mobilisé l’expertise et le savoir-faire de maroquinerie et sellerie d’Anaïs Jarnoux, rencontrée aux Ateliers de Paris. Avec le soutien de la Fondation, le duo compte créer de nouvelles pièces, perfectionner ce biomatériau et développer son processus de production en vue d’une application à plus grande échelle.
Pour ce prix, ils obtiennent une dotation de 50 000 € à se partager, en plus de l’accompagnement pouvant aller jusqu’à 150 000 € pour le déploiement d’un prototype ou de l’objet afin d’en approfondir l’expérimentation, la recherche et l’innovation.
L’Outil en Main, lauréat de la catégorie Parcours
Lancé en 2014, le prix Parcours salue une personne morale pour son engagement et sa contribution exemplaire au secteur des métiers d’art français. C’est le seul prix qui ne demande pas de candidatures, les lauréats sont détectés par les experts entourant la Fondation. Cette année, c’est l’union d’association L’Outil en Main ® qui se voit récompensée. Créée en 1994, elle s’est donnée pour ambition de faire appel à des artisans et des artisans d’art à la retraite pour initier les jeunes aux métiers manuels. L’Outil en Main regroupe aujourd’hui 235 associations, réparties dans 68 départements, en métropole, également en Guadeloupe et Guyane. Chaque semaine, 3 500 jeunes de 9 ans et plus sont accueillis par les 5 500 bénévoles. Une occasion pour s’initier durant l’année à trois ou quatre disciplines différentes, de développer sa dextérité en découvrant les gestes et les outils et de réaliser son « chef-d’œuvre »… Une initiative révélatrice de talents, puis que l’expérience suscite de multiples vocations. En effet, 40 % des jeunes passés par L’Outil en Main ® choisissent ensuite un métier autour de l’artisanat.
Accompagnée par la Fondation, L’Outil à la Main ® pourra développer davantage son réseau d’associations, soutenir le recrutement de bénévoles (notamment dans les métiers d’art), et mettre en place des modèles innovants d’ateliers destinés, par exemple, aux jeunes en situation de handicap. Avec ce prix, l’Outil en main bénéficie d’un don de 50 000 € ainsi qu’accompagnement jusqu’à 100 000 € pour réaliser un projet destiné à faire rayonner l’univers des métiers d’art.
Depuis 2015, l’association Matières Libres organise un concours récompensant de jeunes diplômés ou autodidactes en arts appliqués ou métiers d’art. Les lauréats de l’édition 2021 viennent d’être dévoilés.
Lancée en décembre 2015 par le créateur Mathias, l’Association Matières Libres a pour objectif d’aider des jeunes sortant d’écoles des métiers d’art, des arts appliqués ou autodidactes, dans ce passage si difficile d’entrée dans la vie professionnelle. Chaque année, un concours est ouvert à tous les moins de 30 ans sortant d’écoles d’Arts appliqués (Boulle, Duperré, Estienne, Olivier de Serres … ) ou autodidactes. Il récompense des jeunes pour leur originalité, leur savoir- faire et leur liberté créative.
Les lauréats 2021
Pour cette 4e édition, deux lauréates ont été récompensées du Prix Mathias 2021 et ont reçu une dotation financière de 5000 euros.
– Eve George , co-fondatrice de l’Atelier George pour sa création intitulée Vagues
C’est une composition de 63 carreaux de verre coloré fusionné. Chaque élément est façonné manuellement et donc différent du suivant. Eve George a développé cette technique lors de sa formation au CERFAV. Cette création a nécessité 40 heures de travail.
– Nina Fradet, ébéniste, pour son œuvre Awaseru
Fascinée par l’art japonais du tressage de bambou (takezaiku), la créatrice a cherché à transposer cette technique sur du bois massif pour la conception d’une assise stylisée. Ce projet a nécessité 200 heures de travail.
Les lauréates ont été récompensées le 15 novembre dernier à l’Hôtel de l’Industrie à Paris. Au-delà de la remise des prix, Matières Libres assure un certain suivi des lauréats, que ce soit par leur promotion lors d’expositions dans des salons professionnels, une communication sur les réseaux sociaux… ou le conseil dans leurs premières commandes.
De la résidence au MusVerre est née l’exposition « Lettres de verre, une éclipse de l’objet », issue des recherches entre l’artiste Jean-Baptiste Sibertin-Blanc (JBSB) et quatre artisans verriers. Une découverte réjouissante au sein de ce beau musée, trop méconnu, sculpté dans la pierre bleue au cœur de l’Avesnois.
Magique, douce et envoûtante… Tels sont les maître mots de la scénographie de Franck Lecorne et Nell Doutreligne, pour l’exposition « Lettres de verre, une éclipse de l’objet » au MusVerre à Sars-Poteries. Dans un fondu imaginaire, l’écrin de papier japonais blanc immaculé illumine les œuvres en verre, conçues pendant la résidence de l’artiste et designer Jean-Baptiste Sibertin-Blanc. Le propos ? La création d’un alphabet pas comme les autres, entre la typographie Mineral et le jeu de la matière, tantôt étirée, fondue ou compressée, selon la technique utilisée.
La main de l’artisan est activement présente, et « le syndrome de la casse », une réalité prégnante bien connue des maîtres du feu. Grâce la collaboration étroite des quatre verriers qui ont évolué pas à pas avec l’artiste, le langage de la matière, de la couleur de la transparence, a atteint son apogée dans l’exposition « Lettres de verre, une éclipse de l’objet ». Un dialogue fertile s’est engagé entre JBSB et les verriers qui ont apporté leur savoir-faire unique : Hugues Desserme, le bombage du verre, Stéphane Rivoal, le verre à la flamme, Simon Muller, le soufflage à la canne et Didier Richard, la pâte de verre.
Dans l’atelier de 2000 m2 intégré au MusVerre, on passe du chaud au froid, selon les approches du travail qui forment et déforment l’objet, tissant un lien fort entre la main de l’artisan et le dessin. « Dans ce projet, je souhaitais me libérer de la contrainte des objets de commande pour une marque, si prestigieuse soit-elle, » raconte Jean-Baptiste Sibertin-Blanc. La liste de mots à la Pérec, le choix de la typo et le non message ont eu raison de cet alphabet dont les formats et les teintes opaques ou translucides, suivent les hasards des savoir-faire. « Il n’y a pas de sens de lecture de la lettre qui peut se brouiller rapidement et tendre vers l’abstraction ». Matière à réflexion, le verre exerce une puissance de captation de la lumière, mais aussi un ensemble de procédés qui a la capacité d’agir sur notre imaginaire. Et si les œuvres posent la question de la technicité comme une évidence, le verre n’en exerce pas moins son pouvoir de séduction et de fascination.
Exposition « Lettres de verre, une éclipse de l’objet », au MusVerre jusqu’au 9 janvier 2022.
Plus d’informations sur musverre.lenord.fr
Qu’il passe par une « réflexion » sur la lumière, et son goût pour le verre en tant que matériau de prédilection, ou par son attirance par les défis d’équilibre techniques, l’entraînant à collaborer pour ses pièces avec de nombreux artisans, le travail de la designer Émilie Lemardeley questionne autant la maîtrise de la forme que la nuance des couleurs.
Zeus, Helios, Dionysos, Narcisse, les pièces de la designer Émilie Lemardeley, qu’il s’agisse de mobiliers (sofa, fauteuil, banc), de miroirs ou encore de luminaires (sur pied, en applique ou en suspension), tirent leur nom d’une attirance pour la mythologie grecque induisant autant son regard sur la forme que sur le monde. « J’aime la mythologie grecque pour l’avoir longtemps étudiée », avance-t-elle. « Elle m’a ouvert à un autre monde, qui n’est pas le monde rationnel dans lequel nous vivons aujourd’hui. À travers ses pièces, Émilie Lemardeley cherche surtout à ouvrir la porte sur son monde. Un monde tourné sur le singulier, la courbe et l’intuition, qui semble bien coller avec son parcours atypique, l’ayant vu aller de Sciences-Po à l’Ecole du Louvre, passer de l’Ecole Sotheby’s de Londres au département Mobilier du 20ème siècle de Christie’s, avant qu’elle n’achève sa formation à l’Ensaama olivier de Serres, puis ouvre son propre studio en 2012.
La clef de ses créations se situe pour beaucoup dans sa grande recherche d’équilibre et de précision. « Le défi du lustre ruban Parques a été de trouver un bon équilibre des points de suspension afin que le ruban se développe avec la forme souhaitée, sans multiplier les points d’accroche », admet-elle ainsi.
« Idem pour les lustres Dionysos. On peut décliner les formes à l’infini tant que l’on fait attention au poids des verreries et à la longueur des ʺbranchesʺ en métal. »
Son choix des matériaux est aussi essentiel, et son travail révèle notamment son goût pour le verre, que l’on retrouve dans ses miroirs et luminaires. « J’utilise le verre car il est vecteur et récepteur de lumière, ce qui est à la base de mon travail. La dimension philosophique de la lumière me permet d’ouvrir sur la ʺréflexionʺ, qui est à la fois la réverbération d’ondes lumineuses sur une surface, le reflet, mais aussi l’activité cérébrale. Le verre qui permet de jouer avec les ʺréflexions lumineusesʺ est donc mon matériau de prédilection. » De fait, Émilie Lemardeley commence toujours par détailler la lumière du lieu lorsqu’elle réalise des installations lumineuses. « Cela me permet de savoir si le verre sera mieux transparent ou opalescent, coloré ou sablé blanc. Le verre est un matériau captivant qui peut se travailler de différentes façons (soufflé, coulé, moulé, taillé). Il devient presque matière vivante, quand on y ajoute la lumière. »
Outre la lumière, son travail du verre fait aussi la part belle à la couleur. Elle y décline ainsi son attirance pour la « chaleur » que doit dégager un objet. « Selon moi, un intérieur minimaliste, trop épuré en couleurs, manque de souffle », souligne-t-elle. « Il faut que les couleurs se mêlent et se répondent, que les objets s’appellent et s’interpellent pour donner du sens, donner du cœur à l’espace. Un objet n’est pas seulement une fonction, c’est un petit réceptacle d’âme. »
Savoir-faire français et projets d’ampleur sur mesure
Pour perfectionner les formes de ses créations, Émilie Lemardeley aime travailler avec des artisans, souffleurs de verre ou ferronniers d’art. Cela a notamment été le cas pour l’une de ses plus récentes créations, le grand sofa Zeus.
« Le grand sofa Zeus est une aile d’oiseau qui nous a demandé beaucoup de prototypes et de minutie entre les différentes couches de mousse afin d’allier dessin et confort d’assise », explique-t-elle.
« Il y a des défis techniques dans chaque objet et pour les réussir, il faut que je puisse être proche des ateliers. C’est pourquoi tout est fabriqué en France. Les artisans français ont un savoir-faire et une maîtrise de leur art très aboutie. »
Pour la majeure partie de son travail contenant du métal, elle collabore avec le même atelier depuis neuf ans. Ce dernier l’a beaucoup aidé pour la réalisation de sa sculpture Proue, créée pour le nouveau quartier du Panorama dans la ville de Clamart. « C’était un vrai challenge par son ampleur (huit mètres de long par six mètres de haut) et par son poids, six tonnes », se félicite-t-elle. « En plus, je voulais que la pièce soit suspendue au-dessus d’un bassin d’eau. Je me suis donc entourée d’un bureau d’études techniques pour la réalisation. Les 1500 pièces ont été dessinées au millimètre avant d’être assemblées sur une matrice géante. »
Représentée en France par la galerie Avant-Scène, et par les galeries Gardeshop à Los Angeles et Cuturi Galerie à Singapour, Émilie Lemardeley dessine et réalise beaucoup de pièces pour l’étranger, en particulier pour des décorateurs et architectes. Des décorateurs d’intérieurs et architectes qui sont en général ses premiers clients, venant la voir pour réaliser un objet unique pour leur projet. « On peut aussi partir d’un objet de mes collections qu’ils ont apprécié pour l’adapter à leur projet. Mais c’est toujours une création unique, adaptée pour le lieu où elle prend place », précise-t-elle.
« Je travaille avec une quarantaine de couleurs de verre, et au sein de ces couleurs, on peut également jouer sur la densité et donc créer à nouveau des nuances pour faire des camaïeux. De même pour le métal, j’aime jouer avec les patines ou les feuilles d’or dont il existe une vingtaine de teintes différentes. Cette vaste palette me permet de réaliser des installations lumineuses sur mesure pour de grands espaces, comme des salles de restaurant, des halls d’entrée d’hôtels, des cages d’escaliers. Ma dernière réalisation pour le groupe Eiffage Immobilier habillait un hall d’immeuble et atteignait huit mètres de hauteur. »
À l’occasion de la réouverture des lieux culturels, l’exposition « Matières à l’œuvre- matière à penser, manière de faire » est prolongée jusqu’au 9 juin à la Galerie des Gobelins. Une occasion de voir une cinquantaine de pièces d’exception.
Initialement prévue pour les Journées européennes des métiers d’art en avril, l’exposition « Matières à l’œuvre – matière à penser, manière de faire » rassemble à la Galerie des Gobelins une cinquantaine de pièces extrêmement variées réparties autour de trois thématiques : « Matières, sources et ressources », « Matières hybrides, augmentées, transformées, recyclées » et « Matières à rêver ».
Toutes les œuvres présentées ont été réalisées par des créateurs français et mettent en avant un savoir-faire d’excellence. Au fil du parcours, on retrouve avec plaisir des pièces d’exception d’éditeurs comme Atelier SB26 — avec une superbe table et lampe à poser – ou d’artisans comme Creanog, qui expose un sublime coffret réalisé pour la Villa Cavrois. Parmi les exposants labellisés EPV, on notera aussi la présence pour le verre de Bernard Pictet et pour le métal d’Atelier Pouenat.
L’exposition offre bien entendu son lot de découvertes, avec notamment le très étonnant bahut d’ARCA Ebénisterie, conçu par Steven Leprizé et réalisé en WooWood , une technologie qui associe de la marqueterie à un revêtement textile qui lui donne une souplesse très intrigante. Pour le travail de la matière, on retient aussi les recherches de Jeanne Guyon et sa suspension Pinto composées de lièges et de faïence de terre local, les suspensions en verre marin de Lucile Viaud, et les transformations surprenantes de William Amor.
Jusqu’au 9 juin.
Ouverture du mardi au dimanche de 11h à 18h,
Réservation obligatoire sur le site www.journeesdesmetiersdart.fr,
42 avenue des Gobelins 75013 Paris
Lucile Viaud a une signature bien spécifique : elle a inventé un verre marin qu’elle met au point à partir d’algues et de coquilles, et conçoit des accessoires et des collections d’art de la table qu’elle autoédite. Retrouvez ses créations au Concept Store d’Intramuros.
Diplômée de l’École Boulle, Lucile Viaud s’est progressivement spécialisée dans la mise au point de matériaux bio-sourcés et explore les liens entre recherche, design et artisanat dans sa démarche. Dans le prolongement de son projet de diplôme, cette jeune femme décidée travaille dans un principe d’économie circulaire la transformation de ressources locales en matériaux d’exception afin de fabriquer des produits sur un territoire donné, grâce aux savoir-faire locaux.
Résidente aux Ateliers de Paris en 2016, elle fonde l’Atelier Lucile Viaud et crée sa marque, Ostraco, labellisée Observeur du design 2018 : en valorisant des ressources marines bretonnes (coquillages, algues, arêtes…), elle conçoit un plâtre de mer et dépose le verre marin Glaz. L’atelier est distingué dans la catégorie développement durable du concours Cré’Acc 2018 et est aujourd’hui soutenu par le dispositif Emergys Bretagne. L’objectif est de dupliquer cette démarche dans d’autres territoires.
Depuis, elle a lancé sa propre marque, et a créé des éditions limitées à la demande de grands chefs.
Aujourd’hui, elle affine son dispositif autour de ses créations en signant chaque pièce, de façon retrouver le lieu , la date de fusion et la spécificité du verre de chacune : l’invention d’une ”géo-verrerie” qui retracent l’histoire totale de chaque élément de ses collections.
www.atelierlucileviaud.com
Du 3 au 8 septembre, 5 rue Saint Merri, 75004 Paris (Métros Beaubourg / Hôtel de ville) 11h-19h / Entrée libre