Expo

Pour leur soixantième anniversaire, Diptyque nous transporte dans cinq villes (Paris, Venise, Athènes, Tokyo, Byblos) marquantes du parcours de ses fondateurs, à travers le regard poétique et parfumé de neuf artistes, à la Poste du Louvre.
À l’image du « Grand Tour » effectué autrefois par les jeunes aristocrates pour parfaire leur éducation, l’exposition « Voyages immobiles » conçue comme un « cadavre exquis », s’appréhende comme une promenade plurielle, au doux parfum d’exotisme plastique. Dès l’entrée, le Malgache Joël Andrianomearisoa nous plonge dans un Paris littéraire d’un autre temps, grâce, entre autres, à ses poèmes mélancoliques en hommage à la maison, et à sa splendide cascade de papiers de soie, tandis que l’Allemand Gregor Hilsdebrandt évoque une Venise musicale à travers ses peintures de bandes magnétiques. En outre, la plupart des plasticiens ont également créé des éditions limitées avec des parfumeurs de la maison. Notons celle de la jeune Anglaise, Zoë Paul, « The cave of Chiron » évoquant une main comme un fin rideau de perles en céramique, dont la couronne émet un délicat effluve d‘immortelle, de figuier et de cyprès.
« Voyages Immobiles, Le Grand Tour », Espace d’exposition de la Poste du Louvre, 52, rue du Louvre, Paris 1er – du lundi au dimanche de 11h à 19h. Jusqu’au 24 octobre 2021 – www.diptyqueparis.com





En imbriquant dispositifs numériques aux humeurs dystopiques de l’anthropocène et pièces organiques où le design d’objets ouvre des pistes plus poétiques, l’exposition Hyper Nature du festival nantais Scopitone donne un aperçu intrigant du mélange d’hommage et de fantasme que la nature peut susciter chez l’artiste. À voir jusqu’au 19 septembre
Le parcours déambulatoire au sein des différents espaces de Stéréolux – le bâtiment vaisseau-mère de Scopitone – instille en effet un rapport plutôt complexe et intriqué avec une nature interprétée ici sous différentes coutures. Plusieurs pièces alternent ainsi hommage à la nature et questionnement des artistes sur notre relation à celle-ci, à l’ère de l’anthropocène où l’impact humain sur nos écosystèmes devient problématique.



Le glacier artificiel miniature sous cloche de verre du Tipping Point de Barthélemy Antoine-Lœff renvoie donc au temps nécessaire pour qu’un glacier se crée… ou se régénère. Le Soleil Vert de Cécile Beau rejoue dans son aquarium l’hymne à la terre du triptyque minéral / végétal / animal en mettant en scène sphère d’algues, roches immergées et fossiles de crevettes. Les écrans et dispositifs numériques rallient la célébration technologique dont Scopitone est coutumier sous le même prisme, comme dans la collection d’archives virtuelles d’espèces végétales disparues du Floralia de Sabrina Ratté.


Le questionnement se porte en particulier sur les signaux et les indicateurs que la nature peut transmettre à l’homme quant à un état des lieux plutôt inquiétant. Le projet très art / science Spring Odyssey d’Elise Morin – mené en partenariat avec des scientifiques de Paris-Saclay – s’appuie ainsi sur la création d’une plante réactive au stress radioactif, à la fois transposée dans des environnements virtuels de réalité augmentée et dans la réalité de la « Forêt Rouge » de Tchernobyl où elle a d’ailleurs muté. Plus allégorique, la sphère terrestre enfermée dans une boîte baignant dans le liquide fluorescent et trouble du Laboratory Planet II du collectif Hehe rappelle que la pollution est désormais un poison global.
Physique quantique et activité électromagnétique : la nature fantasmée
Pour autant, l’exposition sait aussi brouiller les pistes en mettant en perspective la manière un peu fantasmée dont les artistes s’inspirent de la nature, et notamment de ses phénomènes physiques invisibles ou inexplicables, dans leur travail. Une façon pour eux de créer les scénarios d’un futur spéculatif dans lequel le design d’objet s’octroie une véritable place.


L’impressionnante machine de mécanique des fluides du Soudain Toujours de Guillaume Cousin crée ainsi par ses propulsions de fumée chaotiques un environnement systémique et organique renvoyant à la physique quantique et à ses inconnues. Les expériences atmosphériques du dispositif Zoryas de Claire Williams s’articulent autour d ‘une matière-énergie de plasma combinant gaz d’extraction interstellaire (argon, néon, Krypton, xénon, etc.) et activité électromagnétique solaire, introduite dans des sculptures en verre où elle révèle d’intrigantes chorégraphies de contraction électriques dignes des fameuses bobines Tesla. Des ondulations sonifiées – que Claire Williams décline encore avec son ondoscope, un appareil de captation des variations électromagnétiques naturelles, dans son autre installation, Les Aethers – que l’on peut même entendre tactilement à partir des vibrations émises depuis la table circulaire d’écoute entourant l’œuvre.


Dans ce registre design d’objets et scénographie symbiotique, la vingtaine de sculptures robotisées du Supraorganism de Justine Emard fait sans doute figure de morceau de choix. Inspirée du comportement des essaims d’abeilles, la pièce associe récipients en verre soufflé et petits dispositifs mécaniques et lumineux intrusifs en jouant une partition collective impromptue. Une note d’espoir peut-être pour une narration futuriste moins dystopique que celle d’autres artistes de l’exposition. Laura Colmenares Guerra par exemple, chez qui l’expression plastique prend la forme de sculptures imprimées en 3D donnant une représentation volumétrique des menaces environnementales pesant sur l’Amazonie (déforestation, prospection minière).
Festival Scopitone, Nantes, jusqu’au 19 septembre.

C’est en se questionnant sur les matériaux utilisés pour décorer les espaces domestiques et ceux plus éphémères, comme les installations provisoires des stands de salons ou d’expositions, que ce collectif de quatre designers résidents aux Ateliers de Paris ont trouvé une alternative à l’aménagement intérieur. À découvrir jusqu’au 18 septembre.
L’Atelier Sumbiosis, Cécile Canel, Jacques Averna et Laureline de Leeuw présentent Papier Mycète, un matériau réalisé à base de mycélium, de chanvre et qui revalorise aussi des chutes de papier technique pour des décors plus désirables. « Les murs ont toujours raconté des histoires avec des moulures, des ornements, des rideaux et tentures aussi…ce sont de véritables supports d’expression artistique. »



Au cours de l’exposition, le collectif réinterprète trois typologies d’éléments de décor : des corniches, carreaux et colonnes ont été moulés grâce à ce liant nouvelle génération qu’est le mycélium. Ses qualités intrinsèques en font un matériau résistant, hydrophobe, respirant et il a la capacité de filtrer certains virus et toxines. Naturellement agglomérant, le mycélium offre la possibilité d’être amalgamé au chanvre et aux chutes de papier technique. Le processus de fusion entre matériaux est stoppé par l’intervention de l’homme avant que le champignon ne se développe pas trop. C’est en partenariat avec Procédés Chenel et Grown Bio que le projet a pu voir le jour. Encore une fois, l’ennoblissement associé à l’ingéniosité ouvre le champ des possibles !
Jusqu’au 18 septembre
Ateliers de Paris, 30 rue du faubourg Saint-Antoine 75012 Paris